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Je m'appelle…
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Livre électronique252 pages3 heures

Je m'appelle…

Par RHH

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À propos de ce livre électronique

C’est ici l’histoire d’un itinéraire long et douloureux, osé : une recherche identitaire, une diagonale sur l’hexagone... des Hautes Falaises à l’Île de Beauté. Rosaglia est une enfant dans laquelle une révolte sourde gronde. Elle vit une enfance cachée et s’abandonne au lourd secret qui s’impose à elle : qui est-elle ? D’où vient-elle ? Sa quête de reconnaissance la place en esclavage. Un joug élève et nourrit à son apogée le sentiment de rejet qui l’habite. Son entourage va tout mettre en œuvre pour entretenir l’interdit, l’inconnu, le mystère jusqu’à ce que...
LangueFrançais
Date de sortie4 déc. 2012
ISBN9782312005942
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    Je m'appelle… - RHH

    978-2-312-00594-2

    Introduction

    Dans ce roman, toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé… serait,

    (Bah alors la suite…)

    (Chut taisez-vous)

    (D’accord ! c’est quoi la formule déjà)

    (Eh ! tu nous gonfles)

    (Ça y’est je m’en souviens, c’est comme ça à la fin des films)

    … fortuite et inconsidérée.

    (J’oubliai…)

    (Eh ! tu vas y arriver oui !)

    (Chuuuuuuut enfin un peu de silence s’il vous plait !)

    Ah non hein ! Marre du silence !

    « J’ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisis donc la vie pour que tu vives, toi et ta descendance… »

    (Deutéronome 30.19)

    Chapitre N° 1

    Echouement

    Nous sommes en France, douze mois et 6 jours que la seconde guerre mondiale est achevée. Ce 2 avril 1946 voit arriver la troisième naissance Joséphine…Elle a d’abord donné le jour à un garçon, Roland, une fille, Andrée puis encore une fille cette fois. Celle qui vient, c’est… Suzanne. Elle sort du ventre rond de sa mère pour arriver entre les murs élevés et étroits de la Maison d’Etretat.

    À cette époque les enfants naissent auprès des leurs, ancrés là, dans la maison familiale. Celle-ci est située dans une impasse. Etretat est faite d’impasses, de tours et de détours à contourner. Pour surprendre cet endroit et leurs gens, il faut vouloir les trouver.

    C’est bien dans une impasse qu’elle est née, la petite Suzanne. Rue Isabey, précisément, dans la cour cordier, un petit cœur de pêcheurs, secrète membrane, cernée de romantiques et fatales falaises.

    Les falaises d’Etretat sont visibles depuis son centre. C’est une petite ville de pêcheurs qui donne un ton particulier à la vie. Lorsque l’on regarde ses contours à partir de la plage, on peut y remarquer que le sac et le ressac des vagues ont dressé des pointes à peine érodées vers le ciel, tantôt limées et acérées, tantôt douces et tendres de verdure c’est la force de la nature, ce paysage tracé par l’unique action conjuguée de la mer et des vents. La force des éléments a creusé des grottes et des labyrinthes, formé des petits galets ronds et doux, frayé des chemins dans lesquels on s’engage à marée basse sur du goémon glissant. L’eau y est claire et profonde, souvent froide même l’été car le dénivelé de galets est impressionnant, lorsque la mer est haute. Attention ! La pêche à pied est aussi exaltante que le risque de n’avoir « plus pieds » comme l’on dit ici.

    Etretat, est également l’ancien repère d’Arsène Lupin. La légende incite à entrer dans la ville qui abrite quelques dédales de rues et de sentes, des maisons de bois et de torchis, collées, serrées, si proches que l’on peut se tendre la main, se faire la gueule ou se la taper. Tout peut être vu et rien ne se dit. C’est comme l’on veut. C’est brut mais pas brutal, c’est froid mais pas glacial. La ville et ses habitants sont ainsi, étreints dans cet écrin.

    Etretat c’est aussi la solitude de l’hiver en hiver. Comment aimer l’hiver en Normandie ? Il faut une bonne dose de rudesse et de tendresse couplée à quelques granules de romantisme, de l’audace, du courage et un rien de fatalité.

    Mais le printemps est là depuis peu et grâce aux congés payés, cette petite ville côtière deviendra sous peu une bien agréable station balnéaire. Même à une douzaine de mois de la fin de guerre. Etretat va voir fleurir ses balcons, s’affoler ses pavés et s’enrichir les trottoirs de badauds et de vacanciers ; La « Halle », un beau marché couvert domine ce lieu pittoresque. Il s’agit de l’ancien hôpital militaire, remis à neuf par les Compagnons du Devoir. Etretat peut dès à présent laisser trotter les pas et les bas rétablis, les jours de bal populaire, les jours de jeu au casino et s’enrichir ainsi d’un peu de frivolité en dépit de la misère environnante.

    Suzanne voit le jour ici et dans ces circonstances. Sa mère est une petite boiteuse. Elle a pourtant les deux pieds sur terre, Joséphine. C’est le père, son homme Aimé, qui tangue, uniquement lorsqu’il n’est plus en mer, parce que lui, il boit, vraiment.

    À la douleur de l’enfantement s’ajoute l’absence du géniteur. Il n’est pas souvent auprès de la mère, parce qu’il est en mer. Aimé est un marin. Les hommes, ils le sont tous ou presque à Etretat. Aimé, Gaston, Auguste et les autres.

    Aimé, il aime ses lardons, c’est selon les marées qu’il peut se manifester. C’est selon les campagnes de pêche. Pourtant, il ne les voit pas souvent ses mioches et ce n’est pas marrant d’être un père absent … mais il ne peut pas faire autrement. Aimé ne sait pas faire autrement. Il travaille depuis qu’il a 11 ans !

    Enrôlé sur un trois mât à Fécamp, le Marité ou peut-être un autre ! Un morutier ? En tout cas il fait les campagnes de pêche de Terre Neuve. Les long cours, sur des trois mâts disparus aujourd’hui. Il est parti, puis il est revenu, puis il est reparti puis il est re-revenu, toujours avec des cadeaux exotiques pleins les bras pour sa jolie boiteuse et ses petits… ses amours.

    Joséphine est la femme qui souffre les naissances. Ni le père, ni l’enfant ne se sont attendus cette fois encore. La petite, la dernière arrivée, Suzanne, celle-là, elle n’est pas bien venue. Pourquoi ? Qu’en dire ? Que dire des deux « fournées » précédentes ? Les ainées Roland et Andrée.

    Suzanne, Aimée, Suzanne porte le prénom de son père, là, au milieu de ses autres prénoms. Il suffit d’y ajouter Bonneau et voilà de quoi se rappeler sa filiation. Elle est bien la fille de son père. Du moins c’est ce que tous et chacun s’accorde à dire.

    Tous les enfants Bonneau sont le fruit d’escales paternelles. Ils seront cinq Bonneau à la fin de cette union.

    Aimé et Suzanne sont proches. Joséphine n’apprécie guère sa dernière-née de 46… Est-ce pour cela ? La date ? La dévotion au père ? Nul ne le saura jamais. Pourtant, elle n’y est pour rien la p’tiote ! Joséphine a-t ‘elle vraiment l’âme d’une mère ? Seule l’histoire peut le dire. Elle ne fait que débuter, sur fond mi- galet, mi- sable.

    Suzanne réussit à se construire une atmosphère de rêve et de douceur si chère au cœur des petites filles dans cette ville Normande où tout est gris, abimé, endolori. Le soleil dans son cœur resplendit quelquefois à l’aide de secrets qu’elle s’en va puiser loin, au-dedans d’elle. Elle se les projette, en cinémascope, au fond des yeux qu’elle a très bleus. C’est une lecture d’images construites à la force d’un imaginaire que l’on pourrait envier, et enseigner aux les générations à venir. Candeur de l’enfance, petites folies de douceurs, de la magie romanesque empesée de senteurs, des visions d’espérances et le tout au pluriel. Elle est jolie cette enfant grâce à cela. Elle est jolie, comme son pays gris-bleu.

    Par ici c’est le Pays des Hautes Falaises, un arrière-pays cauchois avec des clos masure et toute une histoire entre terre et mer. C’est d’ailleurs précisément là, que s’échouera le 25 juillet 1946, l’année de sa naissance, un Trois Mâts « le Compiègne » oublié, désarmé par la Manche, affecté en son temps à la ligne d’Indochine jusqu’à la deuxième guerre mondiale. C’est durant cette période que la flotte des morutiers, a été réduite de près de soixante-dix pour cents, jusqu’à s’éteindre pour permettre l’évolution des vapeurs, des chalutiers modernisés seule réponse au développement économique local.

    Il n’en reste pas moins dur, solitaire, solidaire aussi quelquefois, le Pays des Hautes Falaises. On s’y terre, on sait aussi s’y taire. Les secrets de famille ? Tout le monde les connait mais on n’en parle pas… dans les familles concernée du moins.

    Côté travail, après la guerre on embarque moins souvent à Fécamp. C’est le port d’enrôlement d’Aimé. Le Havre, à quelques brasses semblerait plus propice à l’épanouissement pécuniaire et donc de la famille. Joséphine est d’accord. Par quel tournant de l’histoire, la famille Bonneau se voit-elle poser ses bagages dans cette ville du Havre ?

    Le Havre ? Tout a été détruit après les bombardements de 44 ; Huit cent bombardiers lourds, quatre-vingt mille tonnes de bombes… Le souvenir que la ville a existé semble être la part qu’il en reste. En deux heures de bombardement sans répits, de pilonnages inconsidérés le 5 septembre 1944, cette ville porte la douloureuse marque de : 5123 morts. Ce qu’il en reste à l’heure de l’exil ? Du pain sur la planche, du taf, du boulot, du gratin et cela, c’est bon pour les hommes vaillants, valides. Aimé en fait partie, et Joséphine est prête à partir… de leur écrin des Hautes falaises vers la Pointe de Caux.

    C’est là, dans le quartier du Perret, au Havre que ce se sont échoués, Aimé, Joséphine, et leurs quatre enfants Léon, Andrée, Suzanne, Gérard. C’est là qu’ils se sont rencontrés, Joséphine et Monsieur Noison. Il n’était pas là, Aimé, cette fois encore ! Et malheureusement, dans ce dernier mot toute la tragédie d’une vie.

    Certes, ils n’étaient plus nombreux les hommes vaillants. Ceux qui restaient n’auraient pas dû, ou n’étaient normalement pas disponibles, à la conquête du moins. Alors ! C’est au nom de quoi, que Joséphine, acquiesce à la première demande ? Au nom de quoi franchit-elle la porte de son prétendant ? Point de solidarité dans cette démarche… le service s’effectue conjointement, coquinement, sans monnaie sonnante, il n’y en a que peu, mais opportunément trébuchante. C’est un coup de tendresse qui se troque ici-bas, pour ou contre un mari absent. Mais non ! Là, tu n’as pas voie au chapitre cher Aimé, être marin, pauvr’diab, n’est pas une excuse ! Bien oui… Mais se dit Aimé, c’est qu’ils avaient choisi tous les deux… C’est-à-dire… Joséphine et lui… ils s’aimaient jusqu’à franchir leur pays des Hautes falaises pour la Pointe de Caux. Ce n’était pas là une affaire de goûts ou de couleurs de paysage, y’en avait d’l’amour. Et v’là que bon sang d’bois, c’était bien plus matérialiste, c’était pour du gratin, du taf, du boulot, les épinards, qu’ils avaient fait toute cette route avec les gosses. Joséphine et Aimé avaient ils oublié leur envie de goûter le beurre ensembles ?

    Ce qu’il s’est dit à propos des deux amants, c’est qu’ils s’étaient construit un autre pays pour une autre cause à défendre. Un pays dont le climat n’a réussi qu’à quelques-uns. À l’évidence, pas aux enfants Bonneau. Il fallait d’ailleurs l’oser : le ménage à trois à cette époque. Les circonstances, la conjoncture, appelons-la comme bon nous semble d’ailleurs ne permet pas de construire plus de murs que nécessaire. Ici, se trouvent des recoins étroits, points de falaises, point d’écrin, c’est le temps et le lieu de la promiscuité, la compromission. Un bien curieux trium vira.

    Lorsqu’Aimé revient d’une énième campagne, il sait qu’il les a perdus les bras de son Joséphine. Il ne l’a pas encore consigné dans le coffre de son cœur, pas encore, pas officiellement du moins, mais son esprit a tout compris, il les a perdus aussi les petits bradillons de ses chers enfants. Aussi perdue la maison de la cour Isabey. Aimé se rappelle que c’est sans détour qu’il a choisi d’y aller au Havre, pour Elle, pour Eux, dans le quartier du Perret. Il se souvient : c’était que c’était pour sa jolie boiteuse avec toutes ses envies à ne pas contrarier qu’il avait quitté Son Pays, des Hautes Falaises, des générations de pêcheurs, abandonné son frère Auguste puis Gaston, pour le travail et la conscience de la famille. C’est un travailleur le Aimé. C’est un consciencieux. La conscience il ne sait pas ce que c’est. Il ressent cet indicible sentiment fixé là en plein centre de son ventre qui le lie : l’Esprit de la famille. Il consent à ce départ : quitte à en souffrir.

    Au début, il a fait comme s’il ne savait pas qu’il y avait anguille sous la roche. Il n’y a pas toujours une femme dans chaque port quand on est marin. Certains comme Aimé avaient une amarre. Sa chute d’homme est d’avoir pensé amarre alors qu’il ne tenait qu’une barre pour un bien frêle esquif. Ce qui, chacun le sait n’est pas un lien suffisant, dans une telle alliance. Il en pleurera, des regrets, de ne pas avoir largué son ancre une fois, pour toutes dans le cœur du pays. Mais il n’a pas pu car… Etretat, est une ville de marin sans anneau, sans digue. D’ailleurs, tout le monde sait que ce n’est pas un port… Il n’y a que les pêcheurs, les peintres et les rêveurs qui le pensent.

    Alors qu’il est revenait de cette dernière campagne il été mis en quarantaine, en rade du Perret. Comprenons par-là, que Joséphine lui avait laissé une place, au fond de la cour. Une sorte de resserre aménagée avec un lit et un rien de trop. Il avait l’habitude l’Aimé de vivre dans les quartiers en marin qui se respecte. Alors il n’a rien dit, il a fait comme si… le divorce ? Ce serait pour plus tard ; il devrait, sans doute… il faudrait, sans doute, s’y résigner.

    Bien après, le quartier du Perret au Havre, Joséphine a fait partie des heureux bénéficiaires d’un logement aux camps Philip Morris, dit les « Camps Cigarettes ». Alors ils sont tous allés s’installer dans les camps cigarettes, un certain Noison aussi. À la cité Arthur Fleury précisément, au 231 de l’ilot 3 situé sur la commune de Gonfreville-l’Orcher, à une dizaine de kilomètres du Havre. Ils étaient voisins et amants la Joséphine et le Noison.

    Il n’y a pas résisté Aimé. Quand la douleur s’est faite trop vive dans ses entrailles, quand il a été bel et bien planté par sa jolie boiteuse il s’en est allé voguer sur les Abeilles 15, 18 et 21, du Port Autonome du Havre. À présent il remorquait des navires à la demande des Capitaines et cela lui a semblé très honorable lorsqu’il a obtenu cet emploi. Désormais Quand il accoste, c’est en homme libre, ou presque car sous le joug de la responsabilité il vient donner sa paie. En, homme, en père il se doit à cette offrande de vie. C’est ce qu’il pense Aimé : servir et nourrir les 5 enfants qui sont nés de l’union avec son Joséphine. Il y tient, c’est comme cela, cela lui permet de continuer à exister, parce que, lui, il peut vivre d’un rien, mais pas ses enfants, pas ses chers enfants.

    Sont-il heureux ceux-là ? Le silence pèse sur leur vie. Il y a bien Léon l’ainé qui a essayé de s’échapper pour vivre avec lui. Le pauvre ! Après avoir chipé le porte-monnaie de sa mère, en brave qu’il est…, il a pris la route…Oh ! Il n’est pas allé bien loin. Quand les gendarmes l’ont repris c’est une vraie rouste qui l’attendait douloureusement accordée par le désormais remplaçant du père. Joséphine s’était remariée, elle s’appelait Madame Noison… C’est dur un divorce à cette époque. Après la guerre, comment expliquer que sans défunt figure deux identités sur les boites aux lettres ainsi les noms de Bonneau et Noison curieusement accolés, par la grâce où la honte de 5 enfants gage d’un précédent pécuniaire…

    Les cités, Arthur Fleury et Marcel Gondouin, sont constituées de baraquements laissés vacants et légués à la ville de Gonfreville-l’Orcher en 1947 par les troupes américaines. La commune a fait le choix excellemment intentionné d’en former des mini villages, des ilots où l’on trouve commerces, laverie, écoles, cinéma, dancing…. Les camps cigarettes accueillent ainsi les sinistrés havrais et les rapatriés d’Algérie. C’est un mélange que l’on pourrait qualifier d’audacieux, voire téméraire ; c’est bien en comptant sur la richesse de la nature humaine, et la période difficile d’après-guerre que les artisan-scénaristes de cette période de l’histoire ont compté. L’alchimie s’est faite.

    Suzanne a deux ans.

    Si l’on en croit les témoins d’aujourd’hui, la période dite des « camps cigarette » fut difficile. La mémoire aimerait s’en défaire mais les valeurs de solidarité et d’entraide qui s’y sont manifestées restent précieuses à tous les cœurs et si quelques-uns ont souhaité gommer définitivement cette page historique, nombreux sont ceux qui en pleurent affectueusement les souvenirs heureux.

    Alors que chaque cité possède un fonctionnement rationalisé et similaire, les baraquements sont eux faits de matériaux différents. Bien que les habitats soient plus que chiches ils possèdent toutefois une large capacité d’accueil. La reconstruction est en marche…

    Chaque baraquement héberge au moins deux familles. Des binômes, étrangeté de la vie, un trait d’union locatif qui va sceller quelques destins heureux ou malheureux.

    La cité Arthur Fleury semble de meilleure renommée. C’est l’habitant qui fait la différence. Toutefois les baraquements sont construits de mâchefer et comportent des cloisons isolantes avec des toitures en papier goudronné. Le 231, en fait partie. La famille Bonneau y reste peu de temps... . Elle est relogée au 83 et c’est là que s’inscrit le destin de la famille Bonneau/Noison : les enfants du nouveau couple ne porteront pas le même nom, la lignée Bonneau et la lignée Noison, c’est à dire de quoi attiser le lien de la discorde à la seule évocation de l’obligation de recensement. Eh bien oui, les uns font partie de la déception, les autres semblent attachés à un présent bien indélicat. Voilà de quoi créer malgré tous des liens par dissociation… Noison n’est pas si gentil qu’il aurait pu en donner l’air si tant est qu’il ait un jour pu mélodiser. Il cogne, il picole et dégage un rien de perversion. Mais la mère est amoureuse, plus femme que mère, elle n’a semble-t’ il pas perçu ou voulu percevoir le danger des nombreuses attractions féminines qui s’offrent à l’esprit désinhibé de son homme. Qu’en dire ? Rien. Le vivre, sans doute possible…

    Dans les cités, la solidarité semble être le seul mot d’ordre. Même lorsque l’on tente d’y tenir une snob attitude, on en fait partie, parce qu’on y habite, imprégné de la vie qui s’y déroule. Il n’y a que « ceux du dehors », qui observent, reniflent ou renâcle la misère qu’ils pensent y trouver… ces « gens du dehors » ce sont « ceux de la ville », ils montrent une distance ostentatoire, leur méfiance de la misère, la peur qu’elle leur inspire provient de la crainte à ce qu’elle s’accole à leur peau ce malgré eux. C’est comme une superstition, un endroit, des gens maudits. Eh vous là ! La misère n’est pas un lieu, la misère n’est pas un peuple, la misère elle appartient aux miséreux, c’est tout ce qu’ils ont, il ne faudrait pas cracher dessus. Eh vous là ! Quelle leçon de vie seriez-vous à même de recevoir dans cet ilot d’humiliation et d’humilité, et l’humilité c’est le fruit des âmes récupérées, celles qui savent d’où elles reviennent, quelquefois avilies par les manques mais elles ont su en réchapper. Paix sur terre aux hommes de bonne volonté. Eh vous là, il en a fallu du bon pour faire émerger le saint du mauvais. La mémoire doit encore aujourd’hui se faire violence pour savoir de qui de quoi y a vécu ou survécu. Eh vous là ! C’est pour cela que le silence s’est construit doucement autour et à l’intérieur des cités. Quelques 500 familles peuvent aujourd’hui en témoigner

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