Les temps maudits: Histoires fantastiques
Par Danny Mienski
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À propos de ce livre électronique
Dans différents lieux et à différentes époques, sur un navire négrier au large du Sénégal, dans une maison de plaisir à l’époque Edo, sur les quais de Nantes au siècle dernier, jusqu’à aujourd’hui dans les montagnes afghanes, un homme et une femme sont inexplicablement attirés l'un par l'autre. S’ils arrivent à se retrouver, ils sont à chaque fois séparés par des événements violents où les caprices de l’Histoire se mêlent au fantastique et à l’horreur. Pourquoi ces deux amants ont-ils l’impression de se connaître déjà, dès le premier regard ? Pourquoi le destin semble-t-il s’acharner sur eux ? Arriveront-ils à se retrouver malgré les démons – réels ou imaginaires - qui les poursuivent ?
Découvrez un récit fantastique où se mêlent Histoire, fantasy et horreur.
EXTRAIT
De ce côté-ci des quais, les grosses usines de conserves, d’huile et de pâtes à papier côtoient de petits ateliers où l’on fabrique des ustensiles en fer-blanc, du savon, de la bière et des produits chimiques. Il y a aussi des habitations pour les ouvriers, logés sur place. Des portes vont s’ouvrir, il y aura des cris, des appels à l’aide et rapidement la police sera sur les lieux. Il ne peut pas rester là.
En face des hauteurs de Chantenay, il voit le pont transbordeur. Ce gigantesque ouvrage de métal enjambe la Loire pour permettre aux navires de passer. La nacelle stationne sur l’autre quai, mais un escalier aménagé dans le pilier permet de rejoindre le tablier, cinquante mètres au-dessus du fleuve.
Ce sera parfait. Pas de témoin. Personne.
Joseph ramasse son couteau tombé au sol, passe devant la statue de Sainte Anne, et entreprend de descendre la butte qui porte son nom.
Drrring !
Joseph s’arrête au milieu des marches. Il vient d’entendre la sonnette d’une bicyclette.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Danny Mienski a 40 ans et habite Nantes. Après des études en Lettres modernes, il a travaillé pour divers organismes de formation comme formateur et conseiller en insertion professionnelle.
Président de l’association Le Cercle des écritures de Nantes, il anime des ateliers d’écriture en Pays de la Loire. Une douzaine de ses nouvelles, lauréates de concours, ont été publiées chez divers éditeurs. Les Temps Maudits est son premier recueil.
Les illustrations de couverture et des pages intérieures ont été réalisées dans le cadre d'un projet pédagogique avec les élèves de l’atelier Mangabulle du Lycée La Herdrie à Basse-Goulaine.
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Aperçu du livre
Les temps maudits - Danny Mienski
Table des matières
Résumé
Les illustrateurs
Les Lions bleus
Drapeau blanc
Le chemin rouge
Liste des élèves
Dans la même collection
Résumé
Dans différents lieux et à différentes époques, sur un navire négrier au large du Sénégal, dans une maison de plaisir à l’époque Edo, sur les quais de Nantes au siècle dernier, jusqu’à aujourd’hui dans les montagnes afghanes, un homme et une femme sont inexplicablement attirés l'un par l'autre. S’ils arrivent à se retrouver, ils sont à chaque fois séparés par des événements violents où les caprices de l’Histoire se mêlent au fantastique et à l’horreur. Pourquoi ces deux amants ont-ils l’impression de se connaître déjà, dès le premier regard ? Pourquoi le destin semble-t-il s’acharner sur eux ? Arriveront-ils à se retrouver malgré les démons – réels ou imaginaires - qui les poursuivent ?
Danny Mienski a 40 ans et habite Nantes. Après des études en Lettres modernes, il a travaillé pour divers organismes de formation comme formateur et conseiller en insertion professionnelle.
Président de l’association Le Cercle des écritures de Nantes, il anime des ateliers d’écriture en Pays de la Loire. Une douzaine de ses nouvelles, lauréates de concours, ont été publiées chez divers éditeurs. Les Temps Maudits est son premier recueil.
Les illustrations de couverture et des pages intérieures ont été réalisées dans le cadre d'un projet pédagogique avec les élèves de l’atelier Mangabulle du Lycée La Herdrie à Basse-Goulaine.
Danny Mienski
Les temps maudits
Récits fantastiques
ISBN : 978-2-35962-938-5
Collection Atlantéïs
ISSN : 2265-2728
Dépôt légal avril 2017
©2017 Couverture Ex Aequo
©2017 Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction intégrale ou partielle, réservés pour tous pays.
Toute modification interdite.
Éditions Ex Aequo
6 rue des Sybilles
88370 Plombières les bains
www.editions-exaequo.fr
À ma « team » de relecteurs :
Élodie, David, Émilie, Barbara, Boris et les deux Olivier
(ils se reconnaîtront).
Mes remerciements à Laurence Schwalm, pour son rôle d’éditeur,
sa disponibilité et sa connaissance des geishas.
Une dédicace spéciale aux élèves de l’atelier Mangabulle du Lycée La Herdrie à Basse-Goulaine qui ont travaillé sur la couverture du livre et les illustrations intérieures, à leur professeur d’art Hélène Quéré, ainsi qu’à Anne Villard, Sylvaine Aveline et Denis Agathe pour leur enthousiasme sur ce projet.
Les illustrateurs
de cet ouvrage sont :
Pour la couverture : Éloïse CANIZARES
(un peu retravaillé par l'éditrice sur ordinateur)
Pour les Lions bleu : Gaëlle PERROCHEAU
Pour Drapeau blanc : Thomas ANOUK
Pour Chemin rouge : Leslie LEREGAZA
Retrouvez la liste de tous les participants au projet d’illustration en fin de volume.
Les Lions bleus
img1.jpgPartir aux Amériques ! Un rêve pour un gamin de seize ans. Théo était prêt à monter au gréement, à nettoyer les ponts, à éplucher les pommes de terre dans les cales du navire, cela fût-il sur un navire négrier.
L’occasion ne se fit pas attendre. Le 12 mai 1772, L’Albertine quittait le port de Nantes pour les côtes de l’Afrique occidentale, transportant avec elle son magasin de pacotilles : des pipes et des bourre-pipes, du tabac de Virginie, des couteaux à pain, à beurre, à huître, à fromage, à dessert, présentés en coffret comme pour un mariage, des chapeaux amidonnés, des tenues « indiennes », des dizaines de rouleaux de tissu, des centaines de mètres de corde, des milliers de clous, le tout entassé dans des caisses en soute à côté de petits tonneaux qui ressemblaient à des cochons de bois.
Théo avait eu l’autorisation de prendre un briquet en acier marqué du blason de Nantes : trois navires équipés d’or voguaient sous le drapeau d’hermine, symbole de la Bretagne. Un rempart et quatre tours surplombaient l’ensemble. On y lisait aussi une devise, écrite en lettres gothiques : Favet Neptunus Eunti.
Théo aimait à se répéter cette formule latine qu’il ne comprenait pas. Favet Neptunis Funit, Favet Neptunis Funit… Il chuchotait cette phrase le jour quand personne ne pouvait l’entendre, et la nuit dans son hamac. Il ne demanda à personne de la lui traduire. De toute façon, seul Hippolyte, la vigie, avait appris à lire. Il disait avoir étudié chez les prêtres avant de devenir matelot. Chaque fois que quelqu’un voulait savoir pourquoi il s’était engagé, il baissait son froc et leur montrait ses fesses. Ça faisait rire tout le monde sauf le capitaine Janssens. Un capitaine hollandais sur un galion français ! Heureusement que Janssens était assisté par Victor Belfond, son second. Tandis que le capitaine lisait les cartes maritimes et les indications du sextant, Monsieur Belfond donnait les ordres, faisait respecter la discipline et distribuait les vivres. Il portait un sabre à la ceinture, comme les pirates. Au milieu d’un visage rocailleux, deux billes noires remuaient à peine, toujours fixées sur la grande bleue. Étrangement, cela ne l’empêchait pas de voir et d’entendre tout ce qui se passait à bord. Quand son regard croisait celui d’un marin, ce n’était jamais bon signe. Favet Neptunis Funit.
Les côtes de l’Afrique-Occidentale française étaient plus vertes que celles du Maroc et du Rio de Oro, une possession espagnole située sur la côte du Sahara. Les mangroves et les forêts marécageuses succédaient aux savanes et aux sols sablonneux. Pour Théo, le paysage se déroulait le long d’une corde lisse. Le jeune homme était déçu. Il rêvait du Grand Canyon, des Grandes Rocheuses et du Rio Grande, autant de noms qui soulignaient la petitesse du monde qu’il avait quitté, comme si l’Amérique était un monde de géants. Théo voulait faire le voyage de Gulliver à l’envers, fumer le calumet de la paix avec les Indiens et canoter sur le Mississippi.
― Pourquoi on ralentit ?
― On arrive à Saint-Louis, petit, répondit Charles, le tonnelier, en posant sa grosse main sur l’épaule de Théo.
― On fait escale ?
Le tonnelier partit d’un rire gras.
― Oui, on fait escale. On prend notre provision de nègres et on s’en va !
Yvon, le charpentier, œuvra pendant dix-huit heures pour construire le pont de bois qui permettrait à l’Albertine de décharger sans peine les marchandises embarquées. Le bateau resta plusieurs semaines à quai, le temps d’installer son comptoir et de commercer avec les Peuls, des mahométans qui pratiquaient l’esclavage.
Théo se levait avant l’aube, était de corvée jusqu’aux environs de 15 heures puis avait quartier libre le reste de l’après-midi. Il aurait pu rejoindre l’expédition formée par Hippolyte et quelques volontaires, mais ça ne l’intéressait pas. Non, il était sûr, il ne voulait pas voir les corps noirs et les terres brûlées du continent. Il préférait partir à cheval dans les Grandes Plaines de l’Ouest, rencontrer des sauvages à la peau rouge. Il s’imaginait déjà là-bas, observant le vol des aigles au-dessus des canyons, se rafraîchissant à la nuit tombée avec de l’alcool de cactus. L’Afrique, par comparaison, ne lui apportait que des boutons de fièvre et des piqûres de moustique.
Un jour, une tribu de Peuls était arrivée au comptoir français avec le produit de sa chasse : une longue colonne de nègres, de la même couleur de peau que leurs gardiens, mais tout à fait nus, puisqu’ils n’avaient plus ni vêtements ni bijoux, au contraire des autres Noirs qui rutilaient des pieds à la tête, jusqu’à leur chef, qui arborait avec fierté un parapluie européen au-dessus de son collier de dents.
Louis-Philippe Flastel, c’était le nom du chirurgien, ordonna que les nègres défilent devant lui. Théo lui tendit une serviette humide pour se laver les mains. Il devait examiner la dentition des femmes et soupeser les testicules des hommes. Il fallait qu’ils soient forts, qu’ils soient propres (autant que possible) et que leur regard soit clair, c’est comme ça que parlait le chirurgien quand il ne mangeait pas avec le capitaine. De temps à autre, il donnait un coup de fouet pour faire avancer les nègres, il voulait les voir « trotter », disait-il. Il en refusa une dizaine, trop maigres ou trop vieux pour affronter la traversée. Théo se demanda ce que les Peuls faisaient des prisonniers qu’ils ne pouvaient pas vendre.
Les couples étaient séparés, de force si nécessaire. Les coups de bâton parvenaient à réprimer les cris de protestation et les pleurs, jusqu’à obtenir un silence pesant, chargé d’obscures menaces. Les claquements de fouet poussaient les esclaves le long du pont. Les hommes seraient rangés dans le gaillard d’avant, les femmes et les enfants dans le gaillard d’arrière.
Théo assista à un incident lors des négociations. C’était le tour d’une négresse aux cheveux tressés. Théo la distinguait avec difficulté, car elle était plutôt petite et entourée de beaucoup d’hommes. Quand Flestel voulut la toucher, un prisonnier s’interposa. Un Noir d’au moins six pieds de haut, le corps meurtri de cicatrices. Le chef des Peuls se plaça en face de lui et l’insulta, brandissant très haut son parapluie comme s’il allait le frapper avec.
Mais le coup ne venait pas.
Le soleil avait brûlé toute la journée. La ligne d’horizon ondulait au-dessus des têtes crépues et des chapeaux de paille. L’air chaud prenait à la gorge, étouffait presque quand le vent du large ne soufflait pas. Les chemises et les pantalons des Européens, trempés de sueur, collaient à leur peau. La place résonnait du piétinement de centaines de nègres.
Et ce coup qui ne venait pas.
Un mot — ou un nom — fut répété dans la foule. Autour des deux hommes, les prisonniers tiraient sur leurs liens pour s’éloigner, ce qui permit à Théo de se rapprocher.
Le chef des Peuls recommençait son geste, levait son bras plus haut, mais ne l’abattait jamais, comme retenu par un mur invisible. Il agitait son collier de dents, ouvrait et fermait son parapluie, mais le grand Noir ne cillait pas, le défiant du regard.
Théo se demanda ce qui empêchait leur chef, dont les bracelets de cuivre soulignaient la position sociale, de toucher cet homme, seul et dénudé, dont les poignets étaient attachés aux chevilles.
Les marins s’écartèrent pour laisser passer Victor Belfond. Celui-ci dégaina son sabre et asséna au nègre un coup sur la tête avec le plat de la lame. L’esclave tomba dans le sable, il fut immédiatement relevé par deux gaillards et emmené à bord. Le reste de l’équipage demanda qu’on abandonne aux Peuls la négresse, « cette femme qui porte malheur », mais le second exigea qu’on amène la captive dans sa cabine. Il semblait particulièrement nerveux et s’empressa de terminer les négociations.
Quand il vit les fusils dans les mains des Peuls, Théo s’était tourné vers le docteur Flastel.
— Pourquoi leur vend-on des armes ? Il faut qu’ils gardent l’avantage sur les autres tribus, les Peuls pourront aussi nous aider en cas de conflit avec les Anglais.
— Une guerre est toujours possible avec eux, avait répondu le second avant de cracher par-dessus le bastingage.
Son crachat se perdit dans les vagues de l’océan.
Il faisait encore jour malgré l’heure. La nuit se couche plus tard en Afrique. Il fait chaud et il y a des moustiques. Théo se demanda quel était le climat des États-Unis, là-bas, de l’autre côté du monde.
* * *
Le 18 septembre 1772, vers dix heures, le navire répartit avec son chargement humain, ses réserves d’eau, de viande salée, de manioc, de fèves, de riz, de maïs et de bananes séchées. On avait réaménagé l’entrepont pour recevoir les captifs, vérifié le fonctionnement de la chaudière à gruau qui permettrait de les nourrir. Le capitaine Janssens avait demandé à Théo de recompter les deux cent quatre-vingt-cinq nègres et les cinquante-deux négresses qu’ils avaient achetés. Cela lui posait question. La femme noire que Monsieur Belfond avait montée dans sa cabine s’y trouvait-elle toujours ? Et surtout : devait-il la compter parmi les biens du navire ?
― Tu rêves, Théo ? La passerelle !
Le second lui fit réviser tous les noms d’animaux qui vivaient en Europe. C’est avec nostalgie que Théo écouta le « cerveau de puceron »