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Partie truquée à Descartes: Emma Choomak, en quête d’identité - Tome 6
Partie truquée à Descartes: Emma Choomak, en quête d’identité - Tome 6
Partie truquée à Descartes: Emma Choomak, en quête d’identité - Tome 6
Livre électronique273 pages3 heures

Partie truquée à Descartes: Emma Choomak, en quête d’identité - Tome 6

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À propos de ce livre électronique

Destins croisés à Descartes…

La vie paisible de Charles Wenz pourrait bien en être perturbée et, pourtant, il s'agit d'une bonne nouvelle : après six ans d'absence, sa fille Suzanne revient d'Australie. Avec quelques surprises dans ses bagages...
Le capitaine Guillaume est parti en voyage, loin sous le soleil de Majorque. Il y a rendez-vous avec sa jolie cousine qui lui fera faux bond, mais elle a une excuse... Thierry Guillaume revient donc à Tours où le jeu trouble des cartes lui sera fatal et sans excuse...
Emma Choomak rentre de Ré. Elle se cherche encore des excuses... Roger est un tueur. Sa signature ? Une carte de tarot : l'Excuse. Depuis Descartes, un joueur inconnu met en place les pièces d'un sinistre échiquier, provoquant des retrouvailles policières. La voie est lumineuse, mais les personnages se croisent sans savoir qu'ils sont les acteurs de cette sombre partie où ils ont tout à perdre. La partie est truquée ; tout est donc joué ? A moins que la reine noire... Mais elle, n'admettra aucune excuse !

Qui cherche à mettre les personnages en échec ? Un thriller qui joue du suspense, avec ce 6e tome d'Emma Choomak, En quête d’identité !

EXTRAIT

Thierry se leva. Un représentant de la Guardia Civil, dans un uniforme vert impeccable, le regardait, impénétrable… L’oncle, prévenu, arriva sourcils froncés. Thierry ne perçut que peu de chose de la conversation qui eut lieu en catalan mais Don Felipe suivit le représentant de l’ordre… Il y avait foule sur le parvis de l’église San Bartomeu. Thierry comprit des bribes de la discussion : apparemment, le couteau que tenait habituellement le saint avait disparu…
— Et c’est pour une simple histoire de vol que vous êtes venus me chercher, Messieurs ?
Les gardes hésitèrent. Le caporal-chef reprit la parole :
—Vous pensez bien que nous ne vous aurions pas dérangé pour si peu, Excellence, mais peut-être est-il préférable que vous nous suiviez dans l’église…
Le grand bâtiment était sombre. Tout au fond, luisaient faiblement les colonnades soutenant des chapiteaux recouverts d’or. Un autel assez torturé, du plus pur style Gaudí étageait ses fioritures et ses torsades presque jusqu’en haut de la nef. Le grand édifice était en réfection ; des échafaudages grimpaient aux murs et des filets de protection avaient été installés sous la voûte. De part et d’autre de la nef s’ouvraient sept chapelles. Ils empruntèrent l’allée de gauche s’arrêtant devant la quatrième…
— Eh bien ? C’est la chapelle de Santa Maria…
La parole lui manqua…Dans l’autel de verre habituellement réservé à la statue de la sainte, dormait Maria-Esperanza, le couteau de saint Barthélemy plongé jusqu’au manche dans sa poitrine…

CE QU’EN PENSE LA CRITIQUE

Editions Bargain, le succès du polar breton. – Ouest France

À PROPOS DE L’AUTEUR

Né en 1952 à Roubaix (Nord), Philippe-Michel Dillies s'est épris de la Touraine où il vit depuis plus de vingt-cinq ans. Il signe ici son sixième opus qui a pour cadre Tours et la ville de Descartes qui vit naître le célèbre philosophe. Descartes, ancienne capitale du papier au riche passé historique, méritait bien qu'au-delà de l'intrigue policière, on lui consacre un livre.

À PROPOS DE L'ÉDITEUR

"Depuis sa création en 1996, pas moins de 3 millions d'exemplaires des 420 titres de la collection « Enquêtes et suspense » ont été vendus. [...] À chaque fois, la géographie est détaillée à l'extrême, et les lecteurs, qu'ils soient résidents ou de passage, peuvent voir évoluer les personnages dans les criques qu'ils fréquentent." - Clémentine Goldszal, M le Mag, août 2023
LangueFrançais
Date de sortie26 juil. 2017
ISBN9782355503993
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    Aperçu du livre

    Partie truquée à Descartes - Philippe-Michel Dillies

    Prologue

    — Reprenez donc un peu de cette citronnade, Thierry… Par cette chaleur, c’est encore ce qui désaltère le mieux !

    — Merci, Don Felipe ; même s’il ne faisait pas chaud, je crois que je suivrais votre conseil, par pure gourmandise. Cette citronnade est merveilleuse !

    — Restez à l’ombre, Thierry, d’ici peu nous devrons accueillir nos invités mais il faudra encore attendre la fraîcheur de la nuit pour continuer la fête… Je vous abandonne, le temps d’aller m’assurer du confort des chevaux…

    Thierry Guillaume but une gorgée de la boisson, fraîche à souhait, avant de sombrer dans une benoîte torpeur à l’abri d’une haie de lauriers roses… « Les chevaux ! » Il regrettait de n’avoir rien filmé ! Oui, il aurait dû se munir d’une caméra avant de rejoindre Majorque. Les festivités données par son oncle Felipe Ostanza y Radal à l’occasion de ses trente ans de mariage avec Maria-Luisa étaient merveilleuses. La fiesta avait débuté par trois jours à bord du "Semper fidelis", le navire de Don Felipe. Toute la côte avait été visitée ; même le port de Fornalutz, dans une embarcation beaucoup plus modeste, et Thierry avait pu imaginer les affres des contrebandiers passant leurs marchandises de nuit, principalement du sucre et du tabac, par cet étroit goulet tortueux où la coque risquait à chaque instant de se rompre sur les parois rocheuses. Trois jours de mer à plonger dans les lagons aux eaux limpides, à pêcher des poulpes ou, tout simplement, à nager au milieu de la faune multicolore des poissons vivant sous ces latitudes.

    Ils étaient rentrés la veille à Söller pour le point culminant de la fête : la messe en l’église San Bartomeu¹, celle-là même où ils s’étaient dit « oui » il y avait trente ans. Don Felipe, Grand d’Espagne, y était entré à cheval, comme depuis toujours pour ses pairs. Ce privilège avait été accordé à sa famille par le roi Philippe II, en 1560 et Don Felipe, humble devant Dieu mais conscient de son rang parmi des hommes, en usait sans vergogne…

    Thierry reprit de la citronnade apportée par une servante. La propriété était magnifique ; une succession de patios, de fontaines ombragées et de recoins frais au milieu d’une énorme demeure du plus pur style majorquin. Entourant ce nid de verdure, des arpents d’une terre sèche où alternaient orangers, citronniers et oliviers… Sur ce petit morceau de paradis régnait sans partage le Séquier qui, de mai à septembre, gérait la distribution de l’eau des fontaines en respectant scrupuleusement les temps d’arrosage correspondant aux propriétés. L’homme ayant droit de passage sur tous les domaines était connu et respecté de tous. Le Séquier salua Thierry en traversant le patio… « Drôle de bonhomme… Drôle de coutume… Drôle de pays… Mais si attachant au fond… » Une nouvelle gorgée rafraîchit Thierry qui reprit le cours de ses pensées… « Maria-Esperanza… Si vous n’étiez pas ma cousine… Au fait, où était-elle passée ? » À y réfléchir, il lui semblait ne pas l’avoir rencontrée depuis leur escapade maritime…

    — Don Felipe ? Por favor

    Thierry se leva. Un représentant de la Guardia Civil, dans un uniforme vert impeccable, le regardait, impénétrable… L’oncle, prévenu, arriva sourcils froncés. Thierry ne perçut que peu de chose de la conversation qui eut lieu en catalan mais Don Felipe suivit le représentant de l’ordre… Il y avait foule sur le parvis de l’église San Bartomeu. Thierry comprit des bribes de la discussion : apparemment, le couteau que tenait habituellement le saint avait disparu…

    — Et c’est pour une simple histoire de vol que vous êtes venus me chercher, Messieurs ?

    Les gardes hésitèrent. Le caporal-chef reprit la parole :

    — Vous pensez bien que nous ne vous aurions pas dérangé pour si peu, Excellence, mais peut-être est-il préférable que vous nous suiviez dans l’église…

    Le grand bâtiment était sombre. Tout au fond, luisaient faiblement les colonnades soutenant des chapiteaux recouverts d’or. Un autel assez torturé, du plus pur style Gaudí² étageait ses fioritures et ses torsades presque jusqu’en haut de la nef. Le grand édifice était en réfection ; des échafaudages grimpaient aux murs et des filets de protection avaient été installés sous la voûte. De part et d’autre de la nef s’ouvraient sept chapelles. Ils empruntèrent l’allée de gauche s’arrêtant devant la quatrième…

    — Eh bien ? C’est la chapelle de Santa Maria… La parole lui manqua… Dans l’autel de verre habituellement réservé à la statue de la sainte, dormait Maria-Esperanza, le couteau de saint Barthélemy plongé jusqu’au manche dans sa poitrine…


    1 San Bartomeu : Saint-Barthélemy Église construite par Joan Rubió i Bellver (1870-1952) élève de Gaudí.

    2 Antonio Gaudí architecte Catalan (1852-1926).

    I

    La Blondellerie faisait grise mine sous un temps maussade. « Quel été pourri ! » Juillet et août avaient noyé ce que juin avait cuit ! Au fil des ans, le climat changeait de manière significative, on ne pouvait plus se fier à rien ! S’il n’y avait plus guère d’hiver, il n’y avait plus d’été non plus ! « Et d’aucuns prétendent que seules les pluies d’hiver remplissent les nappes phréatiques ! Perdu ! Il a à peine plu cet hiver… Nous allons entrer dans le paradoxe de manquer d’eau sous une pluie perpétuelle ! » Charles Wenz s’était résigné à enfiler son sempiternel sweat-shirt sur sa chemise. Le temps était pluvieux depuis dix jours. Même dans son appartement, on commençait à ressentir l’offensive de l’humidité, encore timide mais… Charles observa la propriété à travers les vitres sur lesquelles se dessinaient des arabesques liquides… La pelouse avait disparu, sous une sorte d’étang où, l’homme n’en doutait pas, nageraient bientôt des grenouilles… Sylvestre sortit prudemment la tête de la chatière et risqua une patte inquisitrice qui rentra trempée ; l’animal rebroussa chemin, optant sans doute pour une sieste au sec. « Veinard ! » pensa Charles en s’écroulant dans l’un de ses fauteuils club dont le cuir épousa instantanément la forme de son corps. Il étendit les jambes sur un pouf, s’empara d’un livre et le temps s’arrêta comme pour respecter l’infime bruissement des pages tournées dans un profond silence, à peine troublé par les larmes du ciel qui s’écrasaient mollement sur les vitres… Doté soudain d’une vie propre, le livre s’échappa des mains du lecteur qui venait de rejoindre le pays des songes…

    La sonnerie du téléphone ramena brutalement le dormeur aux réalités de la vie…

    « Pas moyen de s’octroyer tranquillement une petite sieste », bougonna-t-il en se penchant pour récupérer le livre vagabond. Le téléphone vibrait toujours sur son socle, impatient…

    — Voilà ! Allô ?

    Il y eut un blanc et quelques cliquetis bizarres avant qu’une voix lointaine lui parvienne…

    — Allô ?

    — ’llô ? Dad ? It’s me ! C’est moi ! Suzanne ! Allô ?

    — Suzanne ? Mais… Où es-tu ? Ça va bien ? Ça fait…

    — Oui, bien, je suis en route pour le continent européen ; je serai là-bas dans quelques jours… Nous faisons halte à Toronto, mais je te contacterai dès notre arrivée en France…

    — Mais… Comment ça « nous » ? Tu n’es pas…

    — Ciao ! Bisous, mon Dadounet ! I love you !

    — Allô… Zut ! Coupé !

    Il demeura un instant muet de surprise ! « Suzanne arrivait ! Suzanne ! J’ai dû entendre quatre fois le son de sa voix en six ans et la voilà qui débarque ! Bran-le-bas de combat ! Elle arrive et rien n’est prêt pour la recevoir ! » Il projeta le livre qui s’aplatit sur la table basse dans un bruit sonore… Il fallait se ressaisir, ne pas se laisser impressionner par l’ampleur de la tâche, même si bousculer ses habitudes de célibataire n’était pas si évident… ce n’était qu’une question d’organisation ! D’abord la chambre d’amis, ensuite les courses ! Il se précipita dans la salle de bains… les faïences lui parurent défraîchies ; or il allait falloir la partager… Elle avait dit « nous », c’était quoi ce « nous » ? De plus, il n’avait guère de temps devant lui. Il ajouta « produits d’entretien » sur sa liste de courses…

    * * *

    Le soleil chauffait à blanc les pierres autour des aloès. La villa était silencieuse et les grandes tables désespérément vides encore couvertes de leurs nappes immaculées qui faisaient penser à des linceuls. Dans la chambre aux volets clos, Thierry se recueillait une dernière fois devant la dépouille de sa cousine… « Adieu, Esperanza, puisses-tu connaître maintenant un monde meilleur… Peut-être y as-tu rencontré ceux qui nous y ont précédés. Si tel est le cas, embrasse nos ancêtres. Ma mission s’arrête ici, je ne te ramènerai pas en France. Adieu cousine, puissent les hommes retrouver ton assassin malgré la minceur des indices : un oudler du jeu de tarot, l’Excuse… aucune empreinte… En tout cas, la brigade anti-secte de Tours n’aura pas son renfort… Est-ce pour cela qu’on t’a éliminée ? » Don Felipe et sa femme entrèrent, suivis de tous les gens de maison pour un dernier hommage. Les cierges furent éteints les uns après les autres et l’on procéda à la mise en bière. Les femmes pleuraient et Don Felipe, le visage blafard, le regard vide et l’œil sec, regardait disparaître sa progéniture sous le couvercle de chêne. Bientôt, le char tiré par les chevaux de la maison s’ébranla. Tous suivirent à pied, chapeau à la main, le convoi qui traversa la ville sous un soleil de plomb.

    * * *

    Charles jeta l’éponge au fond du bac à douche ! « Crevé ! Je suis littéralement crevé ! Quand on pense au petit salaire perçu par une femme de ménage pour un travail aussi éreintant… » Le soir tombait, Charles avait enfin terminé le nettoyage de son appartement. Il rangea son matériel, accorda un regard de satisfaction à ses faïences récurées avant d’éteindre la lumière de la salle de bains, bien décidé à s’offrir un peu de réconfort. Il noyait quelques glaçons dans un vieux whisky lorsqu’on frappa à la porte d’entrée.

    — Bonsoir Charles.

    — Maud ! Entrez ! Je vous offre un verre ?

    — Volontiers ! Scotch pour moi aussi.

    Elle parcourut du regard l’ensemble de la pièce…

    — Mais… c’est une révolution ! Auriez-vous décidé de changer vos habitudes de célibataire ? Tout est rangé !

    — Il m’arrive une drôle d’histoire… Suzanne, ma fille… Elle revient d’Australie… enfin d’ici quelques jours… Il fallait donc que j’entreprenne quelques travaux de nettoyage…

    — Votre fille ? Ici ? Je me fais une joie de la rencontrer ! C’est vrai, depuis tout ce temps… Certes, l’Australie… je conçois qu’elle n’ait pas fait le voyage tous les semestres…

    — Après le décès de sa mère, elle a voulu quitter la France. C’est le continent australien qui lui est apparu comme le plus propice à l’exil.

    — L’exil ?

    — C’est le mot, oui… Suzanne n’a pas supporté que sa mère perde son combat contre la maladie… La dernière pelletée de terre jetée sur la tombe, Suzanne s’est envolée pour ne jamais revenir…

    — Elle fuyait quelque chose ?

    — Sans doute… J’ai toujours cru que c’était la maladie, comme si le cancer s’arrêtait aux frontières… À votre santé !

    — Mais vous-même, Charles, depuis que nous nous connaissons, n’avez jamais manifesté l’envie ni l’intention d’aller lui rendre visite…

    — L’envie ? Bien sûr, l’envie… Comme s’il était possible qu’un père demeure indifférent à la vie de sa fille… Quant à l’intention… Que pouvais-je faire d’autre que respecter son choix ? Manifestement, elle ne souhaitait pas que j’aille la rejoindre…

    — Sa visite aura provoqué un changement significatif dans votre maison… Bon, je vous laisse terminer votre tâche, j’ai moi-même un rapport à rédiger avant le dîner…

    — À propos de dîner… Que penseriez-vous d’une escapade au restaurant ?

    — Ma foi, pourquoi pas… Italien ?

    — Italien ! Je réserve dans l’instant.

    * * *

    Le bureau directorial sentait l’humidité et le patron du SRPJ tançait sa secrétaire…

    — Fibbs ! Combien de temps vais-je attendre ? Voici trois jours que je vous ai demandé de faire installer un chauffage d’appoint ! Vous avez décidé de me faire mourir lentement ou quoi ?

    — Monsieur le directeur, dois-je vous rappeler que l’usage de ce genre d’ustensile est totalement prohibé par la Direction de l’administration. Je vous ferai respectueusement remarquer que vous avez signé la note de service consécutive aux directives ministérielles…

    — Certes !

    Le directeur se renfrogna au fond de son grand fauteuil… « Quand même, il fait un froid de canard… »

    — Fibbs ? Vous ne pensez pas qu’un tout petit appareil discret…

    Il se tut : sa secrétaire venait de lui lancer un de ces regards noirs dont elle avait le secret…

    — Allons, Monsieur le directeur, que penseraient vos subordonnés transis s’ils constataient le moindre réchauffement climatique dans votre bureau ?

    — Mais je suis quand même le chef et…

    — L’exemple, Monsieur le directeur ! L’exemple vient toujours d’en haut !

    Mieux valait abandonner l’idée, elle aurait été capable d’ameuter tout le service. Il soupira en écrasant un bouton de l’interphone…

    — Pivert, j’écoute…

    — Où en êtes-vous de l’affaire de La voie lumineuse ?

    — Désolé, Monsieur le directeur, mais le capitaine Guillaume n’est pas encore rentré d’Espagne ; son retour est prévu pour demain, après-demain au plus tard…

    — Bon ! J’ai hâte de rencontrer votre nouvelle alliée…

    — J’ai bien peur qu’il rentre seul, Monsieur ; notre alliée, sa cousine en l’occurrence, venant d’être victime d’un meurtre aux Baléares… Je pense également…

    — Lieutenant ! Vos états d’âme ou ce que vous pensez m’indiffèrent ! Si ce n’est plus la cousine, que l’Espagne nous envoie quelqu’un d’autre ! C’est clair ?

    — Très clair, Monsieur… Cependant, ce n’est certainement pas à un modeste lieutenant de police que pourrait échoir la mission d’entamer des négociations avec le royaume d’Espagne pour obtenir le remplacement de… Enfin, ce n’est que mon point de vue…

    — Oui, bien sûr… Quand même, c’est fichtrement contrariant…

    Il lâcha le bouton de l’interphone, coupant ainsi la conversation.

    — FIBBS !

    Le visage impassible de la secrétaire apparut dans l’encadrement de la porte.

    — Appelez-moi l’Intérieur !

    Pivert demeura coi, planté devant l’interphone qui jurait effroyablement à côté du bureau en bois précieux de son chef. Il s’installa dans le fauteuil du capitaine, l’air songeur…

    — Que voulait Dieu ? lança Barconi depuis le bureau adjacent…

    — Des nouvelles de l’opération hispanique…

    — À mon avis, pour être au plus près de la réalité du premier étage, m’est avis que tu peux enlever les trois premières lettres du qualificatif de l’opération…

    — Te mettrais-tu à faire de l’esprit ? Ce n’est pas très bon, mais pour un essai…

    Le Castor s’encastra dans l’encadrement de la porte…

    — Qu’est-ce qu’il y a, Le Piaf, t’as perdu ton sens de l’humour ?

    — Justement non, mais je suis surpris que tu te mettes aux calembours. Ce n’est pas vraiment dans tes habitudes ; quelque chose ne va pas ? Loin de moi, la pensée de t’alarmer, mais tu n’as pas très bonne mine…

    — Tu… Tu plaisantes ?

    — Mais oui, je plaisante ! Allez, je t’offre un café.

    Le distributeur flambant neuf semblait les attendre.

    Barconi laissa errer comme amoureusement une main connaisseuse sur le rebord de la machine…

    — Dis donc, ils se sont surpassés cette fois-ci ! Regarde-moi ce châssis !

    Pivert laissa disparaître une pièce dans la machine, un gobelet fut lâché sur un socle qui se souleva en douceur, puis le liquide se déversa lentement, nappé d’une mousse onctueuse. Le socle ayant repris sa place initiale, un bâtonnet transparent plongea dans le café.

    Barconi assistait à la scène comme à une messe.

    — Dis donc ! Ils ont même changé les gobelets, ceux-ci sont bien plus beaux qu’avant ! Le Taciturne ne pourra plus m’opposer sa théorie du service en porcelaine ! Regarde-moi ça ! Quelle classe !

    Le Castor huma le breuvage comme s’il s’était agi d’un grand cru, puis trempa ses lèvres en fermant les yeux.

    — C’est tout de même du plastique ! D’une autre couleur, je te l’accorde, mais la matière reste la même. Aucune comparaison possible avec de la porcelaine. Avant que les distributeurs de boissons chaudes crachent des tasses en Limoges, je serai nonce apostolique…

    — Môssieur Pivert trouve toujours quelque chose à dire ! En plus, Môssieur fayote en prenant le parti de son chef !

    — Pas du tout ! Je ne faisais que recadrer le débat en son absence, compte tenu que le vrai débat portait non sur la couleur des récipients mais uniquement sur leur matière et, pour ce qui est du chef, je te rappelle que c’est aussi le tien !

    — Taratata ! Je trouve cette nouvelle machine merveilleuse et ses gobelets admirables. Dommage qu’il n’y ait pas de fauteuils…

    — Le capitaine te rétorquerait que nous sommes tout de même dans un commissariat de police et non dans les salons du restaurant La Touraine…

    — Le capitaine n’est pas là ! Je trouve d’ailleurs qu’il met un peu de temps à rentrer…

    — Il nous a prévenus de son départ ce matin et tu sais bien qu’il n’aime pas les longues routes. De Majorque à Barcelone, il y a quand même quatre heures de bateau, s’il a pris le plus rapide ; ensuite, il lui reste quand même une sacrée distance à parcourir… M’est avis qu’il aura scindé son parcours en deux parties…

    — Quand même, il ne se gêne pas !

    — Il aurait bien tort ! Épicurien, le bonhomme n’aura pas résisté à s’arrêter du côté de Castelnaudary, histoire de tâter d’un divin cassoulet…

    — Encore ? Mais déjà à l’aller…

    — Non, Môssieur ! À l’aller, il s’est arrêté à Toulouse.

    — Toulouse ! Vraiment…

    — Il y avait rendez-vous Place du Capitole avec un tournedos Rossini.

    — Rossini ou Wellington, moi tu sais, du moment qu’il y a des frites…

    — Castor, vraiment, il y a des moments où tu m’effraies !

    — Ben pourquoi ?

    — Dans un premier temps, je te demanderai de ne plus associer les Anglais au fleuron de notre culture française qu’est la cuisine. Ils y sont complètement étrangers ! Ensuite, tu apprendras qu’en accompagnement d’un tournedos Rossini, on ne sert pas de frites mais plutôt un gratin dauphinois et une poêlée de cèpes, cela s’accorde mieux avec le foie gras…

    — Rossini, c’est bien italien ?

    — Oui, pourquoi ?

    — Rien, je me demandais seulement ce que venait faire le foie gras dans un plat italien…

    Le Castor ficha un nouveau bâton de réglisse à la commissure de ses lèvres…

    — Mais, triple buse, ce plat n’a rien d’italien ! Même si c’est bien Rossini, le grand compositeur, qui l’a mis au goût du jour. Il s’agit simplement d’un tournedos taillé dans une pièce de filet de bœuf que l’on fait griller avant d’y déposer une tranche de foie gras poêlée. On y ajoute une sauce crème et cèpes et, bien entendu, un peu de ces magnifiques champignons.

    — Et d’après toi, Le Taciturne se serait arrêté dans la ville rose uniquement pour qu’on lui serve du bœuf grillé et du foie gras chaud ? Alors là !

    — Mais c’est excellent, figure-toi ! Un mets de choix ! Naturellement, il faut être un tantinet connaisseur, les palais habitués aux kébab-frites-ketchup-mayo auraient certes un peu de mal à s’y retrouver, mais que veux-tu, mon vieux, personne n’est parfait !

    Le Castor fronça les sourcils, ce qui n’était jamais bon signe.

    — Gastronomie ou pas, le chef prend son temps !

    — Et tant qu’à faire, autant que ce soit du bon ! Il sera là demain. De toute manière, cela ne changera pas grand-chose à l’affaire, il nous faudra bien attendre l’arrivée d’un autre spécialiste pour agir…

    — La voie lumineuse ! Quel nom ! Et dire qu’il y a des gens assez naïfs pour…

    — Les dirigeants de ces sectes savent parfaitement s’y prendre. La plupart des gens y rentrent tout à fait volontairement. Ces gourous s’adressent généralement à des proies en situation difficile psychologiquement, c’est ça qu’ils exploitent ! Ils plongent leurs victimes dans un engrenage insidieux et machiavélique ; l’adepte ne peut plus s’en sortir, du moins sans casse ! Nous ne sommes

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