L'Ange, Commissaire Germain B.: 1967
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Aperçu du livre
L'Ange, Commissaire Germain B. - Jacques Donatien Moreau
L’Ange, Commissaire Germain B.
Jacques Donatien Moreau
L’Ange, Commissaire Germain B.
1967
LES ÉDITIONS DU NET
126, rue du Landy 93400 St Ouen
Du même auteur
Trois+six = deux Commissaire Germain B. 1973
Les éditions du net
La gloire au fusil (théâtre)
Les éditions du net
Le Sorcier de Terre Infinie
tome 1 Le Clan
tome 2 Gremnaa
chez edilivre. com
La Maison de Bambou
chez monpetitediteur. com
© Les Éditions du Net, 2018
ISBN : 978-2-312-06300-3
Avant-propos
« Mon maître pèse bien dans les cent kilos. Kilos assez bien répartis sur un mètre quatre-vingt-douze de chair ferme partiellement musclée. C’est son ventre qui, à mon sens, laisse un peu à désirer car il retombe, délicatement dois-je avouer, sous sa ceinture pelvienne telle une poire mûre, protégeant un entrejambe qu’il était, jusqu’à il y a peu, le seul à connaître intimement depuis de nombreuses années. En cinquante-cinq ans d’existence, seules trois femmes avait été invitées à découvrir son intimité. Sa mère quand il était poupon. Une amie le soir de ses quinze ans. Karine, quand il eut vingt ans. Mais cette union ne dura qu’une année. Jour pour jour.
Puis Germain a retrouvé sa vie de célibataire, jusqu’à ce qu’il rencontre Prétigna de Ségonzague (et qu’il perde quelques kilos) il y a de cela six mois.
Il est devenu Commissaire de police à quarante-deux ans, dans la ville de Bréganier, à trente kilomètres de Prémasson où il habite. Au sud de la France.
Il a pris sa retraite à cinquante ans.
Depuis, l’ex-commissaire Bardier se consacre à ses passions : l’art culinaire, Maryanne Canosier et son potager, les expositions de Mikael Demaure, les enquêtes de son remplaçant et ami Fredon Mérigny, moi bien sûr et, surtout, depuis décembre dernier, Prétigna sa tendre compagne.
Moi, je suis une magnifique siamoise Seal Point me prénommant Délicate s-m. Pour en savoir plus sur mon nom et sur mon existence, je vous conseille de lire le premier tome de nos aventures, intitulé Trois plus six égale deux
aux mêmes éditions. Tout un programme. »
Les noms et prénoms des personnages, ainsi que les noms des localités, ont, à part quelques rares exceptions, été inventés afin de préserver l’anonymat des protagonistes et de ne pas confondre fiction et réalité. Car cette histoire est peut-être véridique.
Chapitre 1
Dimanche 5 mai 1974
Ste Judith
Prémasson 15 h 20
Délicate s-m se prélassait dans l’herbe, indifférente à ce qui se passait autour d’elle. Le soleil était agréable et le vent avait cessé toute activité délirante, comme il aimait le faire par moment. Cela convenait parfaitement à la chatte. Elle redressa la tête, sortit sa langue râpeuse et se lécha le poil avec application, tandis que Germain, Prétigna et leurs invités discouraient tranquillement autour de la table de jardin.
Sabine et Fredon Mérigny étaient arrivés dès onze heures, les bras chargés, ayant tenu à apporter les apéritifs, le dessert et de quoi faire le café. Prétigna et Germain s’étaient occupés de l’entrée, du plat principal et du vin. Ils avaient invité les Mérigny, pour le plaisir de partager un moment d’amitié.
C’était Fredon qui avait remplacé Germain à la tête du commissariat central de Bréganier, au 18 de la rue Léonard de Vinci voilà déjà six ans. Sabine, quant à elle, était directrice du collège Saint-Exupéry de la même ville. Tous deux habitaient un agréable appartement donnant sur le jardin public du quartier. Ce qui ne les empêchait pas d’aimer venir passer un moment chez Germain et Prétigna. Le jardin était au calme et se révélait être, à cette époque de l’année, baigné de couleurs et de parfums variés.
Tous quatre avaient déjeuné tranquillement en discutant de tout et de rien, heureux d’être ensemble. Les cigales chantaient et le grand tilleul apportait l’ombre nécessaire à ce jour ensoleillé. Au fond du jardin la maison de Maryanne paraissait endormie. Prétigna l’avait également invitée, cependant leur voisine, centenaire, avait gentiment décliné l’invitation quand bien même sa sympathie pour Sabine et Fredon.
– Je viendrai au goûter, vers seize heures, avait-elle confié. Je n’ai guère faim par ce temps et j’ai envie de me reposer aujourd’hui.
Maryanne ne savait pas ce qu’elle perdait. Un plat de fraise, aux trois quarts vide maintenant, trônait au centre de la table. Chacun avait déjà abondamment pioché dedans, se rassasiant de ce tendre fruit, avant de prendre le café.
Comme à l’accoutumé, Germain y alla de son speech.
– Je reste convaincu que Sabine devrait être décoré de l’ordre du café, déclara-t-il en remplissant les tasses. Vraiment chère amie, vous avez la main noire, si je puis dire.
– Vous me le dites à chaque fois, Germain. Je vais finir par le croire, s’exclama Sabine en rosissant.
– C’est, simplement, que vous tenez la barre haute. Votre café est mémorable, remarquable, divin.
– Vous savez bien que cela vient de la qualité des grains achetés, répliqua-t-elle amusée.
– Et de votre art de le moudre, insista Germain.
Ils éclatèrent tous les quatre de rire. Ce petit rituel accompagnait chaque café préparé par Sabine.
Germain disait vrai. La femme de Fredon Mérigny avait réellement un don. Même si elle le niait du bout des lèvres, l’ex-commissaire Bardier savait qu’au fond d’elle, Sabine était fière et heureuse de ses commentaires. Car, quel que soit le nombre de personne à déguster ce café, Germain y allait de son laïus.
– Personnellement, précisa Fredon, j’ai aimé ton mille-feuilles aux aubergines accompagné des petits légumes rissolés dans l’huile d’olive. C’est toi qui a fait la pâte feuilletée ? Il paraît que c’est difficile.
– Difficile ? Je ne sais pas… J’ai une recette rapide qui fonctionne bien. Deux cent cinquante grammes de farine pour deux cent grammes de beurre, un verre d’eau, du sel. Cela me prend un trentaine de minutes, repos de la pâte compris, répondit Germain. J’avoue que je prends plaisir à la faire.
– Moi, s’exclama Sabine, j’ai adoré la salade verte avec les radis, les raisins secs et les germes de soja.
– C’est l’œuvre de Prétigna, fit remarquer Germain en caressant la main de sa compagne.
– Soyons modeste, cette salade était tout de même simple à réaliser, répondit celle-ci. Ce qui compte, chers amis, c’est le dessert. Ce repas se termine en beauté. Les fraises sont excellentes. Quel parfum et quel goût, ajouta-t-elle en plongeant de nouveau sa main dans le plat.
Elle en mis quelques-unes dans son assiette à dessert et invita ses amis à en faire autant. Personne ne se fit prier. Il y eut un long silence lié à l’intérêt gustatif qu’ils éprouvaient pour ce fruit si délicat. Un bonheur !
C’est Fredon qui rompit cette paisible ambiance.
– Dis-moi, Germain, déclara-t-il, je suis tombé, l’autre jour, au commissariat, sur un dossier datant de 1967. Une histoire se passant pas loin d’ici, entre Bréganier et Prémasson, au mois de mai si je ne me trompe.
– Oui, une histoire triste, sur une petite route que j’aime tout particulièrement, confirma Germain. Je me souviens très bien de cette enquête. Rondement menée par notre équipe, d’ailleurs.
– Dites-nous en plus, implora Sabine.
– Je ne sais si je dois, rétorqua Germain, car c’est une enquête douloureuse pour les protagonistes de cette histoire.
– J’avoue être aussi curieuse que Sabine, déclara Prétigna. Nous avons le temps devant nous, Mon chéri, allez-y. Racontez-nous.
– Qu’en penses-tu, Fredon ? C’est toi qui gouvernes le commissariat maintenant. C’est donc à toi de décider. Je raconte ou non ?
– J’ai feuilleté le dossier, répondit le commissaire, mais je suis aussi curieux que nos dames.
– Bon, si vous y tenez, concéda Germain, mais pas à table. Venez donc au salon d’été, comme dit Maryanne en parlant des fauteuils que nous avons installé sous la tonnelle. Je vous raconte cette enquête avec un digestif. Prétigna, mon amour, pouvez-vous aller chercher cognac, armagnac et autres alcools, que nous choisissions chacun notre digestif préféré.
– J’y cours mon tendre aimé. Mais surtout, vous attendez mon retour pour commencer votre histoire. J’y tiens !
– Bien sûr, ma douce.
Fredon contemplait ses amis avec grand plaisir.
Ces deux là avait mis du temps à se rencontrer, mais il ne doutait pas un instant qu’ils étaient vraiment faits pour s’entendre. C’était tout bonheur de les voir ainsi.
Chapitre 2
Lundi 8 mai 1967
Fête de la Victoire 1945
7 h 20
La départementale D 12 reliant Bréganier à Prémasson était la route préférée de Germain. Le commissaire passait par là, quand il n’était pas trop pressé. Cela prenait un bon quart d’heure de plus, car la route était sinueuse et traversait Vréménisse, petit village aux rues étroites. Cependant la départementale longeait la Voudrèze sur plusieurs kilomètres. Et c’était là tout le plaisir du promeneur. La rivière coulait à quelque cinquante mètres de la voie routière, en contrebas, longeant une étendue de prairies humides parsemées de bouquets de roseaux dominés, de-ci de-là, de magnifiques platanes.
Sur la berge opposée poussait une forêt peuplée surtout de chênes, d’aulnes et de frênes, formant un écran d’un vert sombre sur l’horizon.
De l’autre côté de la route le passant pouvait admirer un relief, très différent, de roches bleutées et de terre d’ocre rouge et jaune, évoquant de paisibles vagues inertes. Y poussaient, de-ci de-là, de rares arbustes accompagnés de fourrés de faibles hauteurs. En approchant de Vréménisse le relief prenait soudain de la hauteur, jusqu’à se transformer en une falaise abrupte qui surplombait la Voudrèze et la route sur cinq, six kilomètres.
C’est là, au pied de cette falaise haute d’une trentaine de mètres, que Germain découvrit une forme humaine bizarrement allongée sur le bord de la route. Il se gara aussitôt, descendit de voiture et traversa la départementale, accompagné de Délicate s-m. Avant même de s’accroupir le commissaire Bardier comprit ce qu’il allait découvrir. Le cadavre, aux longs cheveux blonds cachant son visage, devait être là depuis peu. Son corps était désarticulé. Germain leva les yeux en direction du sommet rocheux. La mort ne pouvait être due qu’à une chute du haut de la falaise.
Le commissaire souleva l’épaisse chevelure, délicatement. Un visage juvénile apparut. Un léger duvet ombrait la lèvre supérieure. Quel âge pouvait avoir ce garçon ? Dix-sept, dix-huit ans ? Guère plus.
La chatte, quant à elle, tournait autour du cadavre, plissant les yeux, humant l’air, s’imprégnant d’odeurs et de vibrations méconnues de son maître.
Ils en étaient là de leurs réflexions, quand ils entendirent le bruit caractéristique d’un moteur de 2 CV. Germain se redressa aussitôt et se mit en travers de la route pour arrêter l’automobiliste.
La voiture stoppa à quelques mètres de lui. La porte s’ouvrit et une femme d’une cinquantaine d’année bondit du véhicule en criant.
– Vous êtes complètement dingue. J’aurais pu vous tuer.
– Je ne le pense pas, déclara Germain en la saluant d’un geste large, mais je sais que vous allez m’aider. Je me présente, Commissaire Bardier.
– Commissaire ! Vous aider ! reprit la dame perplexe. Qui me dit que vous êtes vraiment commissaire ?
Germain lui tendit ses papiers, en lui expliquant les raisons de son intervention. La dame pâlit.
– Une chute ! Mon dieu, mais il est mort, alors…
– Oui ! Et voici le numéro de téléphone où il vous faut impérativement appeler sitôt arrivé à Vréménisse. Expliquez-leur ce que je vous ai dit. Précisez bien que c’est le commissaire Bardier qui vous a demandé de téléphoner. J’attends ici. Qu’ils viennent sans tarder. Faites vite madame…
– Madame Vergedier. J’habite au village. Il y a une cabine téléphonique sur la place. Je vais tout de suite téléphoner. Comptez sur moi, ajouta-t-elle en remontant dans sa 2 CV.
Le moteur toussota deux fois et se mit à tourner. Madame Vergedier releva la vitre de sa portière et salua Germain avant de démarrer. Le commissaire la regarda filer sur la petite route, puis disparaître après le tournant qui précédait l’entrée du village. S’il avait eu la voiture de service, il aurait gagné du temps en appelant directement du véhicule, par radio, mais sa DS personnelle n’en possédait pas. Il était à vingt minutes de Bréganier. Le temps que la brave dame téléphone au commissariat et que les gars réagissent, il en avait bien pour trente-cinq à quarante minutes de patience.
Germain se tourna vers le garçon. Son corps cassé ne risquait rien, là où il se trouvait, en retrait de la départementale. Il hésita une minute puis traversa la route, ouvrit la porte conducteur de sa voiture et s’assit à l’intérieur, Délicate s-m venant s’allonger sur ses genoux. Il mit la radio. La trompette de Louis Armstrong envahit l’espace. Germain laissa son esprit dériver un moment dans le monde de ce musicien de jazz. Puis il se reconnecta à la réalité. La chute de ce garçon était-elle accidentelle ou provoquée ? Par qui ? Pourquoi ?
Le commissaire Bardier décida qu’il s’occuperait lui-même de cet adolescent qui gisait là, sur le bord de la route. L’inspecteur Mornet était en vacances pour trois semaines et une partie de son équipe travaillait sur les effractions et les vols à répétitions, chez le disquaire de Prémasson. Bardier suspectait le fils du vendeur de disque d’être mêlé à ces actes de vandalisme. Cependant