Benjamin Chaumartin était assis dans la boutique de son oncle Jean-Marie. Il venait souvent le voir, heureux de passer une semaine de congé avec lui, près de Riom, dans le Puyde-Dôme. Journaliste dans un grand quotidien à Lyon, Benjamin en profiterait pour engranger quelques idées pour sa chronique, il écrirait peut-être un peu aussi. Mais surtout, il prendrait son temps pour se balader, visiter quelques musées et lire, ce que le tourbillon de ses activités l’empêchait souvent de faire.
Jean-Marie avait refusé son aide.
– Repose-toi, lui avait ordonné son oncle, laisse ton esprit en paix, sinon tu vas droit au surmenage.
La chaleur l’engourdissait, mais lui qui ne restait jamais plus de cinq minutes à la même place trouvait plaisir à ce farniente.
– Oncle Jean-Marie, ça va ? Je ne t’entends plus…
– Tu sais bien que je ne suis pas très bavard. J’espère que tu ne t’ennuies pas, tu ne dis pas grand-chose toi non plus.
– Oh, ne t’inquiète pas. Ça fait du bien. Tout est calme ici ! Ça change de Lyon.
Benjamin rejeta en arrière ses longs cheveux indociles qu’il attachait souvent en catogan, une sorte de queue-de-cheval basse qui n’était plus la mode, mais il se fichait bien des modes. Dans sa jeunesse, l’oncle Jean-Marie avait porté les cheveux longs lui aussi. Il avait fait la révolution sur les barricades à Paris, en mai soixante-huit.
Aujourd’hui, l’oncle de Benjamin avait soixante-dix ans. Comme le temps filait vite ! Il avait dépassé l’âge de la retraite, mais qui s’en souciait ? Lui-même n’attachait pas d’importance aux années qui passaient. Il était toujours jeune dans sa tête. Et, pour tout dire, s’il avait dû arrêter son métier d’encadreur, il serait tombé malade d’ennui et de chagrin.
« Pour un homme de son âge, il semble plutôt en forme », se dit Benjamin. Bien sûr, sa toison s’était clairsemée, le gris remplaçait les mèches dorées d’antan,