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MEURTRE À LA TURBALLE
MEURTRE À LA TURBALLE
MEURTRE À LA TURBALLE
Livre électronique113 pages1 heure

MEURTRE À LA TURBALLE

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À propos de ce livre électronique

Lucas, marin pêcheur dans le petit port sardinier de la Turballe, disparaît mystérieusement en mer. Yan son fils, alors âgé d’une dizaine d’années, et Jeanne sa mère quittent la côte pour s’installer à Nantes et oublier.
Dix ans plus tard, en dernière année d’études à l’École de la Marine Marchande, se retrouvant seul, Yan décide de revenir à la Turballe pour passer quelques vacances d’été. Pourquoi tant d’hostilité et de haine pour l’accueillir. La disparition de son père ne serait-elle pas accidentelle ? Quel mystère l’entoure ? Aidé par son ami Erwan, il se lance dans la recherche d’une vérité aussi cruelle qu’elle fut…


À PROPOS DE L'AUTEUR


Chef d’entreprise et enseignant durant plus de vingt-cinq ans à Brest et Paris, Jean-Pierre Santini est depuis l’an 2000 Consultant. C’est dans l’éloignement et la solitude de Missions, plus ou moins longues à l’étranger, qu’il découvre le plaisir d’écrire. Déjà auteur de trois romans, il trouve son inspiration en Italie, en Chine, en Égypte… Passionné de navigation au large, c’est sur la côte d’Amour qu’il jette l’ancre et trouve une nouvelle inspiration. Il vit à Guérande (44).
LangueFrançais
Date de sortie17 mai 2023
ISBN9791035321727
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    Aperçu du livre

    MEURTRE À LA TURBALLE - SANTINI JEAN-PIERRE

    Retour de pêche

    Au pied du promontoire du phare du Tourlandroux, assis sur la jetée, les jambes ballantes dans le vide, les bras enroulés sur le premier étage de la rambarde je scrute un horizon bleu diffus entre ciel et mer.

    Derrière moi, le terre-plein de « Pleine Main » désert, attend que les bateaux viennent débarquer leur pêche.

    Maintenant, je regarde sur une mer d’huile les embarcations rentrant au port. Dans un ultime virement de bord, elles empruntent l’entrée du port laissant le phare de Garlahy à bâbord puis celui du Tourlandroux à tribord.

    Face à l’Océan, je cherche dans de très lointains souvenirs la silhouette massive d’un père que j’ai peu connu, disparu en mer alors que je n’avais qu’une dizaine d’années. Je revois les gestes de la manœuvre qu’il a, inlassablement, faits et refaits tant de fois. Les mêmes gestes que ceux des pêcheurs qui passent ce soir sous mes yeux.

    La mer est si calme que l’on peut voir dans le couchant scintiller les vaguelettes qui s’échappent en « V » derrière les bateaux franchissant la passe entre la rouge puis la verte.

    La pêche aura été bonne, des nuées de goélands suivent en criant les bateaux depuis le large, pendant que les hommes nettoient les filets, rejetant à la mer poissons et crustacés trop abîmés pour être vendus.

    Des images traversent mon esprit : nous sommes tous deux, ma mère et moi, assis à ce même endroit, j’ai enfoui ma main droite dans la sienne. Nous scrutons l’horizon jouant à qui d’elle ou de moi reconnaîtra le premier la « Jeannette », le jaune vif et le bleu azur de ses bordés, le bleu plus clair de son roof, le son enroué de sa corne de brume actionnée pour nous saluer.

    Parfois la mer peut être aussi calme qu’aujourd’hui, parfois les embruns chargés de sel viennent fouetter nos visages, alors, à l’unisson nous éclations de rire.

    J’aime me souvenir avec émotion de ces moments de grande complicité et de fusion avec le frais qui nous obligeait à nous serrer l’un contre l’autre. Je sens encore dans les embruns son odeur de sel iodé et d’eau de Cologne mélangés.

    Quand nous avions reconnu le père, nous nous mettions à courir sur la jetée pour venir au plus près de l’accostage de la Jeannette pressée de débarquer sa pêche. Nous n’étions pas les seuls à attendre les pêcheurs, femmes, enfants, amis, nous les connaissions presque tous. Puis nous cherchions à nous frayer un passage sur le quai encombré de vieux filets usagés, de caisses de polystyrène expansé souillées de sang brun et de flotteurs de couleur bleue, blanche ou orange.

    Des effluves âcres, mélange d’odeur de poissons séchés et de gasoil envahissent soudain nos narines.

    Alors, nous faisons fête au père, il me soulève du sol et me hisse sur ses épaules. Ma mère s’empare du « panier du pêcheur ». La promesse de pouvoir manger le soir une bonne cotriade. Les grosses pommes de terre noyées dans le saindoux attendant, dans la grande amphore de terre cuite, les poissons pour les accompagner et épaissir la soupe.

    Grimpés dans la petite camionnette beige, ma mère au volant, et moi assis sur les genoux du Père, nous rentrions à la maison. Avec lui, les odeurs du port, de la marée, envahissaient le petit pavillon. Je n’y prêtais plus attention, pourtant mes vêtements, ma peau, en étaient imprégnés. Elle me précédait et me suivait jusqu’à l’école. Gentiment les petits camarades se moquaient de nous, ceux dont les pères employés, commerçants ou encore fonctionnaires sentaient bon « l’aftershave ». Heureusement ces moqueries n’étaient jamais agressives dans ce petit port de La Turballe, où nous jouissions d’une certaine considération voire d’admiration. Nous avions tant d’histoires à raconter, tant de mystères à partager…Nous étions les fils ou les filles de héros modernes bravant tous les temps au péril de leur vie pour nourrir les familles.

    Chacun de ses repas de retour de mer était une fête. À table, le père parlait fort, heureux de nous faire rire, en nous racontant les aventures de sa journée, le vin blanc aidant, il lui arrivait même de chanter ses chansons de mer, ma mère et moi reprenions ensemble les refrains que nous connaissions par cœur.

    Ici : tout est mer, tout est pêche

    Ici, tout est mer, tout est pêche, le nom des magasins, des bistrots, des rues sont une évocation à l’objet des lieux. Même les vêtements portés par les vacanciers ressemblent à ceux revêtus par les pêcheurs : vareuses délavées, cirés jaune ou vert, pantalons rouille devenus presque roses sous l’effet du soleil et des embruns. Certains d’entre eux arborent même la casquette bleue marine à courte visière, bordée d’un galon en forme de tresse que portent les capitaines de l’Intrépide, du Redoutable, de l’Écume De Mer, du Fend la vague, que sais-je encore.

    Le soir, les bistrots du port s’animent. Les verres ballon de muscadet se remplissent et se vident en attendant l’heure de la soupe. Pour s’imprégner plus encore de cet environnement les juillettistes ou aoûtiens ont troqué beaujolais ou bordeaux rouge contre ce vin, de Loire-Atlantique, du Maine-et-Loire et de Vendée, de couleur paille blonde, bien souvent trop acide.

    J’aime vivre au rythme des marées, celles des bonnes pêches, celles des déceptions ou des joies, même celles qui poussent à la côte de gros nuages sombres et épais, de gros cumulonimbus en forme d’enclume, venus du large pour enfler la mer. Mais je redoute ces tempêtes, celles qui précipitent les embarcations sur les roches, les marées de larmes au goût salé quand l’un des bateaux ne repassera plus jamais entre la verte et la rouge, signaux qui, ensemble, délimitent l’entrée du petit port de la Turballe de jour comme de nuit.

    Le soleil énorme, rond et rouge s’apprête à plonger dans les eaux calmes. Très haut dans le ciel des cirrus cotonneux s’étirent en s’effilochant. Il y aura du vent demain.

    Je me souviens de ce soir de juin. Oui, de ce soir pareil à celui-ci, pourtant tout aussi calme, où, ma mère et moi avons attendu tard jusqu’à la nuit. Nous avons compté un à un les bateaux de pêche qui rentraient sans voir « La Jeannette ».

    Nous avons vu deux pêcheurs se diriger au pas de course vers nous. Grimpés sur la rambarde de la jetée, espérant ainsi voir plus loin au large, nous les avons attendus, ma mère savait qu’ils venaient pour nous. Ils ont parlé avec une voix si basse que je n’ai pu entendre. L’un des pêcheurs m’a pris sur ses épaules, l’autre a pris ma mère par le bras tant elle avait du mal à marcher. Nous sommes montés dans le fourgon du plus grand des deux, de celui qui m’avait pris sur ses épaules, le plus petit, quant à lui, a conduit notre camionnette pour la stationner devant notre garage.

    Ma mère a ouvert une bouteille de muscadet qu’ils ont bu à trois. Je voyais des larmes troubler le vin dans le verre de ma mère secouée de sanglots.

    Seul, j’ai mangé le repas préparé pour le père, puis je me suis couché dans le lit des parents, ma mère me serrait dans ses bras. Je crois qu’elle a pleuré toute la nuit.

    Quel beau et doux prénom que celui de ma mère : « Jeanne ». J’ai souvent rêvé de l’appeler « Ma-Jeanne » tant la musique de ces deux mots chantait dans mes oreilles et surtout dans mon cœur. Le lendemain, elle s’est assise sur le bord du grand lit et m’a dit : « c’est toi l’homme maintenant ». J’avais peur, je croyais que cela signifiait que je n’irais plus à l’école, que je devrais remplacer mon père à la pêche.

    Deux ou trois jours plus tard, je ne m’en souviens plus précisément, une voisine est venue me garder à la maison toute une journée. Elle m’a fait à manger et m’a lu un livre de la comtesse de Ségur, une histoire que je pensais réservée aux filles. Je n’écoutais pas, comment allions-nous faire sans le Père, pourquoi n’était-il pas rentré, pourquoi nous laissait-il seul, c’est plus tard, beaucoup plus tard que j’ai compris pourquoi il n’était pas revenu. Depuis cette date et pendant de nombreuses années j’ai souffert

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