La balade des gens heureux

Damien et Sébastien se connaissaient depuis leur enfance. Le premier avait la tête dans les nuages, le second les pieds sur terre. Le binôme fonctionnait plutôt bien, surtout lorsqu’il s’était fixé un objectif. Les occasions de relever un défi n’avaient pas manqué tout au long de leur adolescence.

Dans le lycée de campagne qu’ils fréquentaient, ils étaient ainsi arrivés tous deux en faisant pétarader leur scooter. L’idée était de Sébastien, le plus aventureux des deux. Il avait réussi à convaincre ses parents d’échanger le transport biquotidien en car scolaire contre un deux-roues :

– Je vais gagner du temps ! leur avait-il dit avec son sourire charmeur.

Damien avait eu plus de difficultés pour persuader sa mère du bien-fondé du scooter.

– Tu es tellement tête en l’air ! lui avait-elle rétorqué avant d’accepter, à contrecœur, de le voir s’élancer sur les routes, équipé d’un casque, de gants et d’une tenue complète de protection de motard.

Consciente de l’étourderie de son fils, elle avait la hantise de l’accident. Mais les deux amis n’eurent qu’à se plaindre d’une crevaison par-ci par-là ou encore d’un réservoir d’essence parfois vide.

C’est en chevauchant leurs scooters que le goût de l’aventure les cueillit à l’aube de leur majorité, comme l’aurait fait un avion ou un voilier. Ils venaient d’avoir dix-huit ans, le bac en poche et des projets plein la tête. Pour la rentrée universitaire, Damien s’était inscrit à la fac d’histoire, Sébastien avait été accepté dans une école d’ingénieurs. Le monde leur appartenait.

Au début de l’été, ils se retrouvèrent régulièrement, le soir, dans la grotte où ils s’étaient initiés au camping sauvage des années durant. L’habitude du sac à dos et du duvet était restée, comme celle du feu de camp qu’ils ne manquaient pas d’allumer pour observer tout à loisir la course des étoiles dans le ciel. Un soir, Damien surprit Sébastien avec une proposition.

– Je viens d’achever la lecture d’un récit de voyage tout à fait particulier ! lui