Bernadette aimait le travail bien fait. Elle y puisait l’énergie pour traverser le village et rejoindre Belle Vue, une demeure juchée sur un promontoire qui dominait l’estran. Elle était matinale et adorait découvrir le soleil se lever par-delà les dunes qui protégeaient le littoral des assauts de la Manche. Peu à peu, la côte s’érodait. Les marées s’étaient faites invasives au fil du temps. La mer grignotait irrémédiablement le cordon de sable qui bordait l’intérieur des terres.
La villa Belle Vue portait bien son nom. De ses balcons, on pouvait apercevoir l’horizon bleu clair qui, au loin, se perdait dans les flots aux teintes plus foncées. Quand l’air n’était pas chargé des vapeurs de la chaleur estivale, la luminosité semblait absorber les bateaux de pêcheurs qui croisaient au large avec, dans leur sillage, des nuées de mouettes et de goélands. Mais lorsqu’elle travaillait, Bernadette avait rarement le loisir de s’immerger dans ce décor idyllique.
La veille, elle avait reçu l’appel prévisible de madame Duriel qui préparait son arrivée pour les prochaines vacances :
– Bernadette, je compte sur vous pour que tout soit prêt à notre arrivée ! Bonne soirée…
Pas un mot plus haut que l’autre. C’était le style de son employeur dont le ton autoritaire ne permettait aucune objection. Claudine donnait des ordres. Il fallait qu’ils soient suivis.
Au service de la famille Duriel depuis une dizaine d’années, Bernadette s’était familiarisée avec la personnalité de la Parisienne qui avait jeté son dévolu sur la villa luxueuse de plus de trois cents mètres carrés. Au fond d’elle-même, une petite voix montait régulièrement pour qu’elle tente de s’élever contre l’autoritarisme du chef de clan. Jusqu’à présent, Bernadette n’avait pas obéi à cet appel à la révolte.
Elle avait fait la connaissance des propriétaires par l’intermédiaire de Robert, le cousin de son mari. Dans le village, elle était connue pour prendre soin de villas occupées pendant les périodes de vacances et vides le reste du temps. Elle