Coup de foudre dans les Rocheuses
Si le paysage défilait derrière la vitre du bus Greyhound sur laquelle David reposait la tête, le soleil, lui, prenait tout son temps pour se coucher derrière l’horizon, comme si la vitesse humaine, ridicule à son échelle, lui était un concept tout à fait étranger.
Les cinquante-quatre années de vie que remontait ainsi le voyageur aux tempes grisonnantes jusqu’à son origine étaient juste insignifiantes pour l’astre rougeoyant, un soupir, un battement de paupières sur l’univers.
Il ne se rappelait rien de ses premiers moments, même si parfois, souvent dans un demi-sommeil, il lui semblait entendre une voix lui susurrant une berceuse, sentir une main, un souffle chaud. Mais non, ce devait être là le fruit d’une autosuggestion née de la frustration, celle d’avoir été si longtemps privé de ses racines.
David avait été adopté plus de cinquante ans auparavant.
Jusqu’à ces derniers mois, il n’avait jamais rien su ni de l’endroit d’où il venait ni de l’homme et de la femme qui l’avaient engendré. Par pudeur, d’abord, parce que ses parents adoptifs n’avaient jamais vraiment abordé le sujet, même s’ils avaient choisi de lui dire la vérité juste avant sa majorité. Par crainte, ensuite, celle de découvrir une vérité qu’il aurait regretté d’avoir déterrée. Alors, il avait fait semblant de s’en moquer, jusqu’à la mort de son père puis de sa mère, qui n’avaient d’adoptifs que le nom.
Il avait alors senti le besoin de savoir qui il était vraiment. Il ne s’était jamais marié, malgré un physique plutôt avantageux et une bonne situation. La vie à deux lui faisait peur, sans qu’il en connaisse vraiment la raison. Pour la seconde fois de sa vie, il se retrouvait orphelin et seul. Il y avait là un vide à remplir sans doute. L’occasion d’un nouveau départ, pourquoi pas ? C’est pourquoi il avait fait des recherches, rempli des formulaires et mis enfin des noms dans les cases jusqu’alors vides.
Après Denver, dernière étape du monde moderne et civilisé, la route vers les Rocheuses s’était faite plus tortueuse, plus âpre, à l’image de la végétation qui en constituait le paysage. Dans ses régions sculptées au couteau
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