Cher Rob...
Pour Wendy Janney, vivre depuis toujours à Wichita Falls, petite ville texane, ne tenait ni de la bénédiction ni de la malédiction. Il fallait bien naître quelque part. Et elle aurait pu tomber plus mal. Dans un pays ravagé par les moussons ou les tremblements de terre, par exemple. Ou en proie à de constantes guerres civiles.
Mais non, Wichita Falls, ce n’était rien de tout ça. C’était une ville tranquille, qui essayait, mais ne réussissait pas toujours. Ainsi, si on avait aménagé autour du lac un complexe touristique à la fin du xixe siècle, avec hôtel, manèges et plages, un incendie avait réduit de manière drastique les ambitions de la ville. Quelques années plus tard, les chutes d’eau qui donnaient leur nom à la localité disparurent après une inondation. Pour justifier son appellation, et conserver un quota de touristes, la ville s’était résolue à en construire de nouvelles, artificielles. Malheureusement, à sec en été… Plus caractéristique encore de cette petite malédiction du presqueétait le Newby-McMahon Building, surnommé ironiquement « le plus petit gratte-ciel du monde ». Haut d’à peine une douzaine de mètres, sa croissance espérée avait été stoppée net par des investissements frauduleux, devenant ainsi la risée de la région. Tout un symbole. Bref, Wichita Falls ne menacerait jamais l’hégémonie impitoyable de Dallas, mais avait pour elle, entre sa petite université et ses parcs verdoyants, de privilégier le temps de vivre à l’ambition forcenée. Et cela convenait parfaitement à Wendy. Parce qu’elle aussi était presque heureuse et qu’elle voulait voir dans ce petit déficit, non pas un manque, mais l’opportunité de viser quelque chose d’encore meilleur. Par exemple, qu’elle n’ait pas à vivre sous le même toit que la «maîtresse» de son compagnon. Oh, bien sûr, ce n’était pas une maîtresse de chair et de sang, avec des seins comme des obus. Non, Wendy avait aussi ses limites. Mais Dennis, la quarantaine se profilant, entretenait une relation rapprochée avec un musicien, Rob Greenwood, qu’il n’avait jamais rencontré ni même vu de loin, mais dont il connaissait la production discographique par cœur depuis l’adolescence.
