L’imposante bâtisse blanche se dressait sur un promontoire qui s’avançait sur la Méditerranée, entre Fréjus et Saint-Raphaël, le long de cette côte ponctuée par les roches rouges de l’Estérel. Construite par l’architecte René Tarde dans les années 1930, elle avait toujours attiré les regards. Lorsqu’elle s’érigeait pierre après pierre, c’étaient les gens du cru qui en faisaient des gorges chaudes. Puis les touristes, d’année en année, se passant le mot, vinrent discrètement l’admirer au fond de la petite impasse où elle était sise. En 1970 encore, on parlait d’elle comme d’un exemple de l’architecture de cette époque. Pourtant, les badauds n’avaient jamais eu l’occasion de se promener dans le vaste parc qui l’entourait, conçu autour d’un immense pin parasol que les propriétaires, en achetant le terrain, n’avaient pas eu à cœur de supprimer. L’intérieur de la maison n’était pas en reste : la réussite la plus éclatante était la salle à manger, avec son immense bow-window donnant vue sur la mer, telle la proue d’un bateau. Une porte-fenêtre de la pièce permettait d’accéder, à l’extérieur, à un petit escalier qui descendait directement sur une petite crique.
L’industriel Jean Ropiquet, qui travaillait à Cannes, avait eu le coup de foudre pour ce coin de paradis. Il était alors fiancé à Susy, serveuse dans la brasserie où il allait déjeuner chaque jour. La famille Ropiquet avait crié à la mésalliance, mais Jean avait tenu bon, remué jusqu’au cœur par les yeux verts et les taches de rousseur de la pétillante Susy. Ils avaient d’ailleurs été formidablement heureux pendant trente ans, et la maison et son terrain y avaient été pour beaucoup, objets de toutes leurs attentions, de la plupart de leurs projets et