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Magie Noire à Saint-Malo: Polar breton
Magie Noire à Saint-Malo: Polar breton
Magie Noire à Saint-Malo: Polar breton
Livre électronique366 pages5 heures

Magie Noire à Saint-Malo: Polar breton

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À propos de ce livre électronique

La magie noire s'immisce dans le quotidien de Saint-Malo...

Cinq filles, un bateau, un terrain de jeu idyllique en mer tenu secret, un crime dans un ascenseur, un inspecteur fétichiste, tourmenté et obsédé par les choses de la mort, une fiole contenant du résidu de placenta humain qui refuse de pourrir, un vieux grimoire dont on ne peut prononcer le nom, une enquête qui piétine et des histoires que l’on entend murmurer à la nuit tombée dans les bars.
Tout le monde connait la vieille cité corsaire, ses plages, ses remparts, ses rues pavées, ses pubs et la beauté de ses tempêtes, mais s’il y avait un autre Saint-Malo ? Un Saint-Malo enfoui sous les fondations de la ville et dont on ne percevrait que les éclaboussures parfois, lorsqu’un drame étrange se produit ?
C’est ce que vont tenter de découvrir Arnaud et son équipe. Mais cette enquête, que le jeune homme peine à résoudre, risque fort de l’emmener peu à peu vers des dangers dont il est loin de soupçonner l’existence, mais qu’il a peut-être sans le savoir, déjà frôlé d’un peu trop près.

Arnaud s'apprête à entamer une enquête surnaturelle. Oserez-vous l'accompagner ?

EXTRAIT

« Rien n’est plus profond, plus secret, plus effrayant qu’une vasière… Et plus encore l’est son langage, ces appels aux voix plaintives qui ressortent parfois des sables instables…
Si vous les entendez un jour, ou une nuit, en errant par mégarde ou par volonté dans ces troubles domaines, ne vous laissez pas séduire par le démon de la curiosité. Celui-ci vous emmènerait vers des enfers dont vous ne soupçonnez même pas l’existence. Non. Si un jour vous entendez le chant de la malédiction caresser vos oreilles, ne cherchez pas même à savoir d’où il provient. Simplement fuyez. Fuyez pendant qu’il en est encore temps… »

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

Je suis sous le choc des capacités de l'auteur, à inventer une histoire magique et sombre dans la cité corsaire, avec autant de puissance et d'élément surnaturels. J'en redemande ! BobDarwin, Babelio

À PROPOS DE L'AUTEURE

Christelle Bariou est née à Paris en 1976, de mère polonaise et de père breton. Elle a grandi en Normandie à Deauville, et demeure à Saint Malo. La Bretagne en général, ses terres, ses gens, ses brumes et ses légendes l'inspirent.
LangueFrançais
Date de sortie8 mai 2020
ISBN9782374690995
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    Aperçu du livre

    Magie Noire à Saint-Malo - Christelle Bariou

    hasard.

    « Rien n’est plus profond, plus secret, plus effrayant qu’une vasière… Et plus encore l’est son langage, ces appels aux voix plaintives qui ressortent parfois des sables instables…

    Si vous les entendez un jour, ou une nuit, en errant par mégarde ou par volonté dans ces troubles domaines, ne vous laissez pas séduire par le démon de la curiosité. Celui-ci vous emmènerait vers des enfers dont vous ne soupçonnez même pas l’existence. Non. Si un jour vous entendez le chant de la malédiction caresser vos oreilles, ne cherchez pas même à savoir d’où il provient. Simplement fuyez. Fuyez pendant qu’il en est encore temps… »

    Nous étions un vendredi après midi au tout début du mois de juillet dans la cité corsaire de Saint-Malo. Le soleil brillait, la mer était calme et la ville grouillait du flot incessant des touristes faisant le va-et-vient sur les vieux remparts. Il n’était pas loin de16h, or, comme tous les vendredis à cette heure-ci, le cœur de Soizik, Lisa, Estelle, Caroline et Gwen, commençait à battre un peu plus fort à l’idée de leur virée habituelle du week-end qui s’approchait à grands pas.

    En effet, les cinq amies, toutes dans la trentaine, avaient depuis près de trois années consécutives une façon bien à elles de passer leurs congés et fin de semaine. Elles possédaient un bateau qu’elles avaient acheté ensemble et dont elles partageaient les frais. Ce joli et confortable voilier de dix mètres se nommait « An Diveliour » ce qui signifiait en breton « le Libertaire » ou encore « celui qui n’a pas de chaînes » et était amarré à une bouée en tout début de Rance, du coté des Corbières.

    Leur fuite consistait à se rendre, lorsque le temps le permettait, à un endroit connu d’elles seules, qu’elles avaient élu comme domicile particulier d’escapade. Ce terrain de jeu mystérieux se trouvait être en fait une île assez difficile d’accès, au beau milieu du paysage lunaire et insolite de Chausey, quelque part sur la partie nord-ouest très peu fréquentée de l’Archipel.

    Tous les vendredis soirs, dès que les heures de marée étaient propices, elles larguaient les amarres et s’en allaient pour deux jours loin toute civilisation. Elles jetaient alors l’ancre entre les quelques rochers qu’elles connaissaient par cœur, et, avec leur canot pneumatique, débarquaient pour le temps d’une marée sur ce lopin de terre en plein large qui pouvait alors devenir, durant une courte nuit, le théâtre de banquets insolites aux allures de soirées mondaines éphémères, comme l’abri d’un pique-nique philosophique sous un lever de lune, ou simplement la plage secrète pour le bain de minuit des naïades.

    Tout dépendait de l’humeur de ces dames. Il suffisait par exemple d’une ou deux tables de jardin démontables, d’un parasol, ainsi que d’un poste de radio à piles et de cinq filles en tenue de soirée pour que le petit îlot sauvage peuplé de lichens soit transformé en un clin d’œil en restaurant quatre étoiles ou en salon littéraire du 19éme siècle.

    L’imagination faisait le reste. Les filles aimaient et cultivaient l’art de ces situations improbables et complètement décalées. N’était-ce pas absolument fou de dîner aux chandelles en pleine mer, ou encore de danser une valse en robe du soir à la belle étoile, sous une lune énorme, entouré d’un champ de cailloux désertique à perte de vue dans ce décor idyllique, aussi fascinant qu’inquiétant, au milieu de nulle part ?

    Tout le monde savait qu’elles s’en allaient en mer, mais personne, pas même leurs proches amis, ne connaissait la destination exacte de leur voyage ni ce qu’elles y faisaient. C’était depuis toujours leur secret à elles et à elles seules. Pas question de révéler à qui que ce soit leur trésor. Et lorsqu’il leur arrivait tour à tour d’embarquer avec elles des amis ou connaissances, jamais elles ne les emmenaient jusqu’au « sacro-saint refuge »… C’était la règle. Le séjour n’en était que plus excitant et plus plaisant dans le secret… D’un privilège aussi précieux ne pouvaient jouir que des âmes d’initiées.

    Comme chaque fin de semaine, c’était Soizik la première qui quittait son travail.

    Il était 16 h 30 lorsqu’elle finit son service et sortit de sa poche la liste des courses.

    Elle embrassa sa collègue Hélèna au comptoir, qui lui lança enthousiaste avant de partir :

    – Hey ! Soizik ! Quand est-ce que tu m’emmènes à nouveau avec toi sur ton bateau ?

    – Bientôt ! rétorqua Soizik faisant un signe de la main alors qu’elle enfilait sa veste.

    – Très bientôt ma belle, c’est promis !

    Puis la jolie rousse aux taches de rousseur poussa la porte du St Patrick où elle était serveuse depuis plus de quatre ans déjà, et s’en alla au supermarché de la vieille cité, commençant à rassembler la première partie des vivres nécessaires pour l’embarquement.

    Ces soirs-là, elle faisait toujours les rayons avec l’excitation d’une enfant à la veille d’un départ en vacances. Comme Soizik ne possédait pas de voiture, elle se chargeait d’acheter les choses les plus légères. Elle remplissait son panier de lait, café, gâteaux, chips, fruits et yaourts, avant de se rendre à pied jusqu’au port des Bas Sablons où l’attendait la petite annexe qui allait lui permettre de rejoindre leur fidèle compagnon de voyage.

    Là, elle rangeait les provisions ainsi que ses affaires de rechange contenues dans son petit sac à dos, puis elle attendait l’arrivée de Caroline qui sortait une demi-heure plus tard de la chambre de commerce et venait la chercher en voiture.

    Les filles avaient toutes des métiers très différents et n’habitaient pas toutes la même ville. Cependant, elles avaient toutes réussi à aménager leur emploi du temps de manière à avoir leurs week-ends de libres.

    Caroline travaillait comme assistante à la chambre de commerce de Saint-Malo. C’était une jeune femme dynamique et d’un fort caractère mais toujours d’une humeur sympathique et surtout d’une énergie débordante. Jamais à court de blagues et d’initiatives loufoques, on pouvait compter sur elle pour mettre l’ambiance à bord, autant que dans la vie en général. Brune, des cheveux mi-longs et raides de par ses origines italiennes côté maternel, elle avait à première vue l’allure d’une femme fatale assez froide, sérieuse et très posée lorsqu’on ne la connaissait pas. (Si ce n’était cette petite lueur espiègle dans ses yeux bleus qui laissait entrevoir une âme coquine.)

    Gwen, sa jeune sœur, qui travaillait dans une agence immobilière 2 km plus loin, lui ressemblait beaucoup bien que son caractère soit un peu moins extraverti que celui de son aînée. Brune elle aussi, les cheveux longs jusqu’à la taille et de grands yeux verts sur un doux visage, elle ressemblait plus à une enfant sage et réservée, du moins tant qu’elle n’avait pas dépassé le premier verre de rhum.

    Les deux autres habitaient Rennes. La première, Lisa, était une superbe métisse née d’un père breton et d’une mère créole que celui-ci avait connue lors d’un de ses voyages au long cours au temps où il était officier de marine dans sa jeunesse. L’amour de la mer était dans la famille de Lisa une tradition depuis la nuit des temps. Le père naviguait, la mère, issue d’une famille de pêcheurs en Martinique, naviguait elle-même depuis son adolescence, et avait transmis ce virus à sa fille qu’elle emmenait souvent avec elle en été sur leur petit voilier de l’époque, lui apprenant les rudiments de la voile.

    Il n’y avait donc là rien d’étonnant à ce que Lisa ait voulu un jour ou l’autre posséder son propre bateau.

    Issue d’une famille plutôt aisée, elle avait suivi une fac de lettres et se destinait à une carrière d’écrivain. Du moins, elle l’espérait fortement. Elle avait déjà publié un premier roman, mais en attendant de pouvoir véritablement en vivre, ce qui n’était pas du tout le cas pour l’instant, elle cumulait les petits boulots, tour à tour vendeuse, caissière ou en mission d’intérim.

    Enfin, la dernière nommée Estelle, jolie blonde enfantine aux yeux bleu nordique, d’origine norvégienne par son père, et irlandaise par sa mère, travaillait comme traductrice dans une boîte commerciale où elle s’ennuyait pitoyablement et de laquelle elle pensait bientôt démissionner.

    Estelle avait toujours eu beaucoup de mal à se fixer quelque part. Ce qui peut se comprendre quand on a déménagé plus de douze fois dans sa vie à l’âge de 30 ans, et que l’on a changé déjà quatre fois de pays, suivant son père, brillant ingénieur, se déplaçant de chantier en chantier. Sa scolarité en avait été quelque peu chamboulée et son cercle d’amis aussi mais néanmoins, Estelle avait acquis une rapidité et une capacité d’adaptation hors du commun à toute épreuve, ce qui lui était très utile pour trouver du travail sans difficulté où que ce soit.

    Elle avait élu domicile par hasard en Bretagne il y avait trois ans de cela et n’y était restée que parce qu’elle y avait fait la connaissance des quatre autres. C’était la première fois qu’elle avait de véritables amies avec qui elle pouvait partager des choses sur le long terme et cela lui avait bien souvent manqué dans sa jeunesse. Alors, elle s’était engagée dans le projet de ce bateau et s’était installée là. Elle y avait changé deux fois de travail en trois ans, mais avait gardé le même appartement, ce qui était déjà pour elle un exploit. Quant à son amour pour la mer et les îles, il était né dans les Fjords en hiver lorsque la petite fille de cinq ans se demandait du haut de ses falaises abruptes quel autre mystère il pouvait bien y avoir là-bas, derrière le tout dernier îlot, lorsque le brouillard épais envahissait ciel et terre pour donner à l’homme cette irrésistible soif d’exploration. Cet amour avait continué de grandir en Irlande durant différents stages de voile et croisières jusqu’en Écosse et aux Hébrides, l’avait ensuite menée sur la Baltique, puis sur les côtes anglaises, pour finalement la faire atterrir en Bretagne où elle y découvrit une toute nouvelle façon de voir les îles.

    Vers 19 h 30 au plus tard, tout ce petit monde serait à bord d’An Diveliour, en partance pour leur paradis secret.

    A 17 h 20, Soizik, l’unique véritable Bretonne de souche aux boucles rousses, originaire de Saint-Malo, s’impatientait déjà sur le ponton lorsqu’elle entendit enfin les six coups de klaxon résonner. C’était le signe que Caroline venait de garer sa voiture de l’autre côté du port et qu’elle serait en face d’ici quelques minutes. Il ne lui restait donc plus qu’à monter dans l’annexe pour aller la chercher à l’endroit d’embarquement habituel. Ce qu’elle fit.

    Arrivée à l’embarcadère de fortune, elle vit son amie, un grand sourire aux lèvres, avec deux sacs et un pack de bouteilles d’eau. Celle-ci ne put s’empêcher de sautiller sur place faisant des grands signes au petit bateau. Soizik se mit à rire en secouant la tête.

    – Espèce de folle, lui dit-elle en arrivant, attrapant l’un des sacs que l’autre lui tendait.

    – Allez grimpe.

    La jolie brune chargea le pack d’eau puis monta à bord et l’embrassa.

    – Alors, qu’est-ce qu’on a prévu cette fois ? demanda-t-elle enjouée.

    Soizik prit un air fortement inspiré en démarrant le moteur.

    – Hum, je ne sais pas… Peut-être reprendre le « strip-poker » de la dernière fois ? Il me semble que tu étais en train de perdre quand la tempête s’est levée non ?

    – Oh, c’est vrai, soupira Caroline. Sauvée par le vent ! Je crois que je ne suis pas très douée à ce jeu-là. Mais de toute façon, on n’a plus de cigares alors…

    – Oh ça, ce n’est rien !

    – Ah non ! protesta l’autre. Un poker sans cigare ce n’est pas un poker. Ça ne peut pas être un poker !

    – On peut toujours en racheter je veux dire, si tu y tiens absolument.

    – Je suis absolument fauchée, rebondit-elle, faisant le geste de vider ses poches. Ma sœur aussi. Et les deux autres c’est pire encore. Tu oublies que Lisa est au chômage ?

    – Évidemment, rit Soizik, ralentissant. Tiens. Passe le bout. Je monte vite faire les bagages et on repart. Ta sœur est prête ?

    Caroline jeta un coup d’œil à sa montre tout en amarrant la petite annexe au voilier le temps d’y décharger les affaires.

    – Oui, elle devrait être sortie de l’agence dans dix minutes.

    – Parfait.

    A peine dix minutes plus tard, les deux filles s’en allaient chercher le reste de l’équipage. Caroline seule possédait une voiture, alors chaque week-end, elle emportait les valises de sa sœur ainsi que les siennes et les vivres les plus lourdes, puis rejoignait d’abord Soizik afin de débarquer le nécessaire, après quoi, elles partaient ensemble sur Rennes prenant Gwen au passage.

    Lorsqu’elles arrivèrent devant l’agence, la jeune femme les attendait déjà, assise sur le rebord de la vitrine, jouant avec ses clés. Elle se leva quand elle aperçut le cabriolet noir qui aussitôt se mit à entonner un hymne joyeux et peu discret au klaxon.

    Gwen leva les yeux au ciel avec une petite grimace et vint ouvrir la portière arrière pour s’installer.

    – Tu as vraiment besoin de faire ça chaque fois ? demanda-t-elle à sa sœur, embrassant la jolie rousse.

    – Quoi ? répondit Caroline innocemment. C’est un crime d’exprimer sa bonne humeur ?

    – Non. Bien sûr.

    – Tu attendais depuis longtemps ? demanda Soizik.

    – Non. Mais je n’avais plus personne alors j’ai fermé un peu plus tôt.

    – Ils sont tous sur la plage !

    – Tu l’as dit, tous sur la plage ! répondit-elle avec un sourire malicieux. Et nous bientôt sur notre île ! En route !

    La voiture démarra pour filer sur Rennes. A cette heure-ci, il n’y avait pas grand monde dans ce sens et en moins de trois quarts d’heure, elles étaient arrivées devant le bureau d’Estelle où elles avaient l’habitude de l’attendre. Celle-ci était visiblement un peu en retard ce soir, car elle n’était pas encore en bas et les trois amies durent patienter une bonne dizaine de minutes avant de la voir arriver à l’autre bout de la rue.

    – La voilà ! s’exclama Soizik.

    – Qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce qu’elle a été chercher ? s’interrogea Caroline en voyant sa camarade un sac plastique à la main.

    – Regardez ça.

    – Je te parie que c’est du rhum, déclara Soizik.

    – Ou de la vodka ? renchérit Gwen.

    – Quelque chose comme ça oui.

    Estelle pressa le pas, reconnaissant le cabriolet. Sa queue-de-cheval blonde se dandinait d’un côté puis de l’autre tandis que les plis de sa robe glissaient sur son corps de rêve. Elle riait déjà toute seule en imaginant l’air intrigué de ses copines, les yeux rivés sur son petit bagage étrange.

    – Salut les filles ! dit-elle avec un grand sourire en ouvrant la portière avant.

    – Salut ! répondirent-elles en chœur.

    – Dis donc, qu’est-ce qu’il y a dans ce petit sac Estelle ? demanda Soizik.

    Estelle, s’installant sur le siège avant passa le petit sac à l’arrière.

    Soizik l’ouvrit.

    – Du rhum je le savais !

    – La bouteille à bord était presque vide non ?

    – Quel sens de l’observation !

    – On est un peu obligé avec des pochetronnes comme vous, il faut dire.

    – Non, mais je rêve ? s’insurgea Gwen.

    – Qui en était à son troisième verre et qui on a dû de force décoller de son fauteuil la dernière fois quand le vent s’est levé ?

    – Oh ça va ! Je sais, rit-elle en s’affalant sur son siège.

    – Mais après tout, il n’y a que les vraies pochetronnes qui ne sont jamais soûles n’est-ce pas Caro ? C’est bien connu ça ?

    – Tu as tout à fait raison, encouragea la brune pendant qu’elle faisait marche arrière lentement.

    L’appartement de Lisa se trouvait dans une résidence d’assez noble standing à moins de deux kilomètres de là. Lorsqu’elles arrivèrent, Caroline klaxonna gaiement ce qui fit encore une fois lever au ciel les yeux de sa sœur.

    – Tu devrais composer, tu sais ? se moqua-t-elle.

    Une bonne minute passa. Personne ne pointa le bout de son nez au balcon.

    – Vas-y recommence, suggéra Estelle.

    – Elle est peut-être en train d’écouter de la musique et elle n’entend pas.

    Caroline klaxonna à nouveau. Plus discrètement cette fois. Mais personne ne se montra.

    – C’est bizarre, s’étonna Soizik. Où est-elle passée ?

    – Peut-être partie chercher une bouteille de vodka ? répondit Gwen.

    Caroline sortit son portable de sa poche.

    – J’appelle.

    Les sonneries se succédèrent, mais sans réponse. La brune grimaça.

    – Elle a encore laissé son portable dans un coin quelque part. Quand est-ce qu’elle se décidera à s’installer un fixe ?

    – C’est bizarre, la fenêtre est ouverte pourtant, remarqua Gwen.

    – Elle n’a pas dû aller loin. A moins qu’elle ait son casque sur les oreilles. Si elle a son casque sur les oreilles, elle n’entend rien.

    Il y eut un silence. Il dura une ou deux minutes. Puis Caroline reprit la parole.

    – Elle sait qu’on ne devrait pas tarder. Elle est peut-être en train de ranger ses affaires. Allez, venez, on va tambouriner à la porte puisqu’on a le code d’entrée, proposa-t-elle, ne pouvant attendre.

    – Elle sera bien obligée de nous entendre, sinon on attendra sur le palier qu’elle revienne.

    Les filles sortirent de la voiture et s’en allèrent gaiement vers le bâtiment.

    – A quelle heure est la pleine mer ? demanda Estelle.

    – Dans trente minutes. Ça serait bien qu’on arrive à Chausey avant la renverse. Sinon on va avoir le courant dans le nez.

    – C’est jouable.

    – Oui, si on ne traîne pas trop. En sens inverse le vendredi soir faut aussi prévoir les embouteillages, répondit-elle en tapant le code.

    – Et qu’est-ce qu’on a prévu cette fois ? demanda la blonde.

    – Justement, on comptait sur toi pour nous trouver une idée.

    – J’avais pensé à un barbecue, proposa Gwen en montant les marches.

    – Un barbecue ? C’est bien ça ! rétorqua Estelle.

    Elles arrivèrent devant l’ascenseur. Caroline pressa le bouton et s’appuya négligemment sur le mur attendant que celui-ci descende.

    – Oui, pourquoi pas ? Un barbecue c’est bien, répéta-t-elle.

    – Est-ce qu’on a de quoi faire un barbecue ?

    – On pêchera.

    A cet instant, les portes s’ouvrirent sur un spectacle des plus ignobles qui arracha aussitôt des hurlements aux quatre jeunes femmes. Dans l’ascenseur gisait inerte le corps de leur amie, baignant dans une flaque de sang à côté d’un couteau. Ses yeux étaient révulsés, sa gorge portait les stigmates d’une horrible blessure et de sa bouche coulait une rivière vermeille. Elle avait été poignardée et égorgée.

    Un frisson glacé traversa tout le couloir. Les filles eurent pour première réaction un mouvement de recul et des cris d’horreur, auxquels succédèrent très vite les larmes et la panique.

    Passées les premières secondes de surprise et d’incrédulité, chacune d’entre elles eut une réaction différente face à ce drame.

    Estelle se jeta tout de suite sur Lisa afin de la toucher pour voir si elle vivait encore, prenant sa main dans l’espoir de sentir son pouls tandis que Soizik s’emparait de son téléphone pour appeler les secours.

    Caroline s’agenouilla près d’Estelle, la fixant dans une attente désespérée alors que celle-ci, ne sentant aucun battement au poignet de Lisa commençait à se noyer dans un sanglot nerveux qui prenait très rapidement possession de tout son être. Elle secouait la tête d’un signe négatif à chaque pression, regardant Caroline effrayée, tout en laissant échapper des pleurs. Mais elle continuait pourtant à secouer ce corps, comme s’il pouvait encore revenir à la vie.

    Gwen qui s’était immédiatement retournée, se cachant les yeux dans ses mains sous le choc, les rouvrit doucement, totalement effondrée devant ce scénario macabre, ne parvenant pas à réaliser que c’était le cadavre de son amie qui se trouvait là. Cela lui semblait tellement impossible, tellement irréel, qu’elle croyait pouvoir se réveiller à l’instant, pour s’apercevoir que tout ceci n’était qu’un cauchemar, une erreur quelque part dans la suite logique de leur soirée. Mais les secondes s’écoulèrent et rien ne se produisit. Elle était toujours ici, devant cet ascenseur. Alors, elle sentit soudain monter en elle une chaleur étrange. Son corps se mit à transpirer de sueurs froides et sa vue se troubla. Elle faillit perdre l’équilibre.

    Soizik patientait toujours sous le regard embué et interrogateur de Caroline quand soudain quelqu’un décrocha au bout du fil. Elle prit alors une très courte respiration, puis fit quelques pas pour s’éloigner de la scène.

    Sa voix tremblait, étouffée de larmes. Elle dut se faire violence pour sortir un son lorsqu’elle entendit la voix féminine lui répondre.

    – Le S.A.M.U, j’écoute.

    – Allô… commença-t-elle en sanglotant :

    – Il y a… Il y a eu un crime nous avons besoin d’aide.

    – Calmez-vous, reprit la voix, respirez, calmez-vous. Donnez-moi votre adresse.

    Soizik tenta de reprendre un peu d’air. Elle s’essuya les yeux.

    – 22 rue du Colonel Fabien. Immeuble A, balbutia-t-elle.

    – Très bien. Une voiture part tout de suite vous rejoindre avec le S.A.M.U. Restez où vous êtes et attendez là. Ça ne devrait pas prendre plus de trois minutes. Maintenant, essayer de m’expliquer calmement ce qui se passe. Et donnez-moi votre nom.

    – Soizik. Soizik Kefellec.

    – Que se passe-t-il Soizik ? Qui a été assassiné ?

    – Notre amie. Dans… dans l’ascenseur. Elle a… Elle a été poignardée…

    – Très bien Soizik. Je transmets l’information. L’équipe de médecins arrive. Restez calme. Vous allez entendre les sirènes dans très peu de temps. Qui d’autre est avec vous ?

    – Nous sommes quatre.

    – Y a-t-il d’autres blessés parmi vous ?

    – Non.

    – D’accord. La voiture arrive Soizik. Elle n’est plus maintenant qu’à deux rues de vous. Ils vont s’occuper de vous et de votre amie. Je vous laisse avec eux. Tentez de garder votre calme et ne touchez à rien autour de vous afin que la police puisse relever les indices.

    L’opératrice raccrocha. A cet instant Soizik entendit les sirènes. Quelques secondes plus tard, elle vit la lumière des gyrophares.

    Caroline accourut près d’elle. Dans un même geste elle ouvrit la porte aux hommes en blanc qui entrèrent dans l’immeuble avec un brancard, puis elle prit Soizik dans ses bras pour la consoler, fondant en larmes avec elle.

    Les hommes gravirent rapidement les marches pour atteindre le couloir et s’approchèrent de la victime sur laquelle Estelle pleurait toujours. L’un des médecins l’en éloigna avec douceur pendant que l’autre s’empressa d’ausculter la jeune femme inerte.

    – Elle est morte ! pleurait Estelle, la tête dans les mains. Mon Dieu, elle est morte !

    Le médecin posa son regard sur la victime dont le sang au niveau de sa gorge commençait déjà lentement à coaguler. Il n’eut pas besoin d’ouvrir sa trousse de secours pour constater que la jeune femme ne vivait plus.

    – Je suis désolé, lui répondit-il d’une voix navrée.

    Gwen, le souffle coupé, pleurait aussi chaudement tout contre son mur. Mais c’était une douleur silencieuse. Pour elle tout allait trop vite. Le temps s’était arrêté soudain. Brusquement, le cours normal des choses avait cessé, et à cette chute brutale succédait une agitation incohérente et dénuée de sens alors que son monde intérieur, lui, était tout juste en train de prendre conscience que l’instant d’avant, plein d’espoir encore, était déjà fini et qu’on ne reviendrait plus jamais en arrière.

    Elle observait les choses sans les comprendre, avec ce détachement apparent, mais qui était surtout un refus d’admettre la réalité, comme si ne pas y prendre part pouvait conjurer l’irréversible.

    Dans la foulée une seconde sirène se fit entendre. Cette fois la police fit son entrée dans l’immeuble, armée d’appareils photo numériques et de tout un attirail d’enquête. Deux inspecteurs s’avancèrent jusqu’à l’horrible spectacle. Le premier était un homme d’âge mûr, avec un peu d’embonpoint et bien joufflu. Il pressait le pas à un second plus jeune, doté d’une certaine élégance dans son uniforme, et qui suivait son mentor avec un carnet de notes. Celui-ci mit sa main devant sa bouche et eut quelques difficultés à réprimer une grimace de dégoût lorsqu’il se trouva face au cadavre mutilé. Le médecin leur fit un signe de la tête, signifiant qu’il ne pouvait plus rien pour la malheureuse et laissa la place à l’homme d’âge mûr qui vint alors se pencher sur le corps de Lisa.

    – Son corps est encore chaud, et le sang sur sa plaie est tout juste en train de commencer à coaguler. La mort ne date pas de plus de deux heures au plus je dirais, conclut l’homme de science.

    – Merci docteur, rétorqua l’inspecteur. Notre médecin légiste va prendre le relais.

    Sur ce, l’équipe du S.A.M.U. se retira pendant que le policier scrutait avec attention chacun des détails du carnage sous le regard grimaçant de son élève dont des perles de sueur pointaient sur son front.

    – Ah ! Je sais Arnaud, fit-il, c’est toujours dur la première fois. Mais attends-toi à pire dans les années qui viennent si tu restes dans la police mon vieux !

    Arnaud prit une respiration bruyante. Il desserra le nœud de sa cravate, puis commença à prendre des notes sur son carnet, ainsi que les premières photos, pendant que son patron observait avec une minutieuse attention la victime. Pendant au moins cinq bonnes minutes il inspecta ses vêtements, sa position, son expression même, avant d’examiner avec le même soin les parois de l’ascenseur, les boutons et les taches de sang, après quoi il déclara finalement :

    – Prenez-moi des clichés de tout ça, et n’oubliez pas l’intérieur. Ensuite, emmenez le corps et faites-moi aussi des relevés des moindres traces dans les escaliers et sur la porte de son appartement. Arnaud, tu me suis. Bon Dieu, soupira-t-il en secouant la tête, voilà un truc qu’on ne voit pas tous les jours. Pauvre enfant !

    Il sortit de l’ascenseur. Les autres continuèrent à mitrailler la scène de clichés.

    – Mesdames, ne restez pas là s’il vous plaît, dit-il, s’adressant à Estelle et Gwen. Venez avec moi, j’aimerais vous poser quelques questions.

    Estelle leva lentement la tête vers lui, les yeux rougis et la figure inondée de larmes. Arnaud croisa ce regard désespéré. Il eut un pincement au cœur pour cette jeune femme. Sa fragilité et sa tristesse la rendaient si touchante, si vulnérable, qu’on ne pouvait qu’éprouver de la compassion, voire plus, pour ces yeux d’enfant meurtris par la perte d’une amie chère. A travers ce regard désœuvré, il retrouvait toute l’ampleur de l’obsession qu’il avait depuis l’enfance pour ces choses de la mort. Il y avait là toute l’impuissance humaine face à la disparition, toute l’incompréhension de l’irréparable et il sentait resurgir en lui alors cette vieille colère depuis ce jour d’été sur la plage où sa meilleure amie, sa sœur d’âme, s’était noyée. Cette vieille colère mais aussi cette curiosité étrange et quelque peu malsaine qu’il avait eue depuis pour ces corps privés du souffle vital. Il aimait les observer, les photographier, comprendre, essayer de percer le mystère de cet instant tragique où ce qui avait existé n’était plus soudain. Le mystère de ce point de rupture au-delà duquel tout se fane et s’abîme à jamais dans la lente dégradation de la matière.

    La mort le fascinait. L’obsédait. Le terrorisait. Dans tous les yeux vitreux de ces cadavres, il y avait ceux de Lola. Sur tous ces visages, il y avait les mêmes scellés inviolables sur les prunelles laiteuses de ceux qui ont basculé dans l’autre monde, de ceux qui sont coupés de nous et qui connaissent désormais la réponse à la question qui taraude nos vies. Ces visages figés, ces lèvres muettes et ce vide où il cherchait sans cesse les signes d’un après, portaient tous la même absence. Celle de Lola, bleu glacial sous le soleil brûlant du mois d’août. L’irrécupérable réveillait en lui toute sorte d’émotions contraires et violentes.

    C’était sûrement pour cela d’ailleurs qu’il était entré dans la police. Pour côtoyer la mort sans cesse. Pour la frôler sous différentes formes et poursuivre l’illusion de percer son secret morbide sur le papier glacé et les lieux des meurtres.

    Telle une âme insoumise qui a soif de savoir dans ce monde où il a été jeté avec la certitude d’être emporté lui aussi.

    Arnaud se noya dans les yeux d’Estelle. Elle devint l’espace d’un instant son miroir, car elle était le tableau vivant et amplifié d’un sentiment latent qui nageait en lui continuellement. Cet état était sublimé par la violence de l’instant vécu, de la déchirure toute fraîche. Le spectre de la sournoise hantait encore ses pupilles et sa fragrance putride se mêlait au doux parfum de fleur de cette belle enfant.

    Il en tomba fou amoureux.

    La voix de l’inspecteur en chef se radoucit en voyant le si profond désespoir de cette jolie blonde.

    – Juste quelques questions basiques pour l’instant. Ça ne sera pas long. Juste pour nous aider à le retrouver. S’il vous plaît Madame.

    Elle se leva, le visage décomposé, s’appuyant sur Gwen pour s’aider à marcher. Sa tête tournait. Elle croyait qu’elle allait vomir.

    Arnaud la regardait. Il ne pouvait se détacher de cette muse. Tout le reste avait disparu. Il

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