Le royaume enchanté qu’évoque Russell Banks, c’est le paradis perdu d’Harley Mann, promoteur à la retraite qui consigna ses mémoires sur des bandes magnétiques retrouvées par hasard dans une bibliothèque municipale. Mann conserva longtemps la propriété des 2 800 hectares de Floride où il vécut son adolescence, au début du xxe siècle, dans une secte chrétienne appelée les Shakers, dont les préceptes incluaient le collectivisme et une stricte abstinence sexuelle. Après une douloureuse expérience de quasi-esclave dans une plantation de Géorgie, le jeune Harley trouva auprès des Shakers un cadre de vie austère mais stimulant, propice à son développement physique et intellectuel à défaut d’en faire un croyant sincère. Sa foi fragile fut en tout cas balayée par son amour pour Sadie Pratt, pensionnaire tuberculeuse de la congrégation, et leur liaison causerait la perte de tout le « » baptisé NouvelleBéthanie… Dans la manière dont il détaille le quotidien industrieux des Shakers, l’auteur rend hommage aux utopies socialistes méconnues qui contribuèrent à bâtir les États-Unis d’Amérique. Leur inexorable défaite face au capitalisme est ici symbolisée par la reconversion des terres de Nouvelle-Béthanie en parc d’attractions Disney auquel fait allusion le titre original. Disparu en janvier dernier, Russell Banks nous quitte ainsi sur ce rappel salutaire: ô combien précaire, la
Russell Banks Le Royaume enchanté
Nov 30, 2023
7 minutes
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