L’impossible amour
Emboîtant le pas de son hôtesse, Elsa pénétra dans une petite pièce ensoleillée. Au-dessus d’un bahut rutilant, une série de cinq petites aquarelles encadrées servait de décor au mur simplement chaulé.
– Elles sont splendides ! s’exclama-t-elle. Si fines et si vivantes à la fois ! Vous savez que vous détenez là un véritable trésor !
– Oh, pour ça, je le sais, répliqua Serena en se rengorgeant.
Elles retournèrent s’asseoir dans la cour et le récit reprit.
– Anna et Marco, c’est le prénom du monsieur sculpteur, se sont aimés au premier regard, même s’ils ont mis un peu de temps à se déclarer. Lui, c’était déjà un artiste reconnu. Il exposait ses œuvres… d’ailleurs, vous le connaissez peut-être : Marco Rossetti…
– En effet ! dit Elsa. J’ignorais cette histoire… Tout ce que j’ai lu au sujet d’Anna en faisait abstraction… Mais, si mes souvenirs sont bons, il devait y avoir une grande différence d’âge entre eux, non ? D’ailleurs, Marco Rossetti n’est-il pas décédé depuis de nombreuses années ?
– Hélas, si. Et c’est vrai : il avait une bonne quinzaine d’années de plus qu’elle. On ne peut pas dire non plus qu’il s’agissait d’un vieillard, ajouta-t-elle en souriant. Bref. Ils étaient sur le point de se marier quand le pauvre Marco est mort. Quelque chose au cerveau… pas comme Anna. Je veux dire, elle, la pauvre, c’est une tumeur qui l’a emportée. Lui… je ne saurais pas trop vous expliquer. Quelque chose en rapport avec les artères. Enfin, voilà. Rien n’a pu être fait à temps et Anna s’est retrouvée seule, sans soutien. Et enceinte.
C’est moi qui l’ai appris la première, mais vous savez, tout le monde l’a aidée, dans le quartier. Personne n’aurait eu l’idée de la juger. Ils avaient vécu un tel amour, tous les deux… Ils étaient un peu nos Roméo et Juliette. C’est étrange, quand même : les belles histoires d’amour, on dirait qu’elles sont toujours maudites dès le départ, vous n’êtes pas d’accord ?
– Si, un peu, admit Elsa qui avait essuyé récemment une rupture amoureuse compliquée.
– Anna savait qu’après la naissance, elle donnerait l’enfant à adopter. Nous, les femmes, on a tout fait pour essayer de l’en dissuader mais peine perdue. Elle avait peur du scandale. Pas pour elle. Pour ses parents. Une Foscari, vous pensez ! Déjà qu’elle signait ses tableaux de son nom et que sa famille n’avait guère apprécié, mais là ! Un enfant toute seule, en 1958. Le nom des Foscari aurait été traîné dans la boue. Du coup, elle s’est sacrifiée. Et elle a sacrifié la petite.
– Que s’est-il
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