La voie de son être: Chronique et déambulation en chant’ing car
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À propos de ce livre électronique
Á PROPOS DE L'AUTEUR
Conseiller professionnel, Bertrand Sarlandie apprécie la liberté d’inventer des mondes et des réalités à travers ses propres utopies. Pour lui, le livre est un compagnon-ami et la littérature est un réveilleur de rêves et de dialogues en silence grâce à la saveur des mots devenus messagers et traits d’union.
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Aperçu du livre
La voie de son être - Bertrand Sarlandie
Coqueli’show
Quelques affaires à ramasser.
Se penche souplement, prend le pupitre pliable, le porte-vue et la casquette.
Vient le moment difficile, l’entre- deux identités… de la scène à la ville…
Ho ! N’allez pas imaginer une somptueuse estrade d’un lieu prestigieux. Non, sa scène à lui, c’est un coin de rue, mais nous y reviendrons.
Tout est arrimé sur son chariot qu’il tire d’une main ; de l’autre, sa sono qui a porté sa voix toute la matinée.
Coquelicot, c’est son nom, a fini son show ; ça le courroucerait qu’on parle de lui comme ça. Lui, il dit qu’il fait du lien chantant.
Un mauvais jour, son vieux copain, Romuald, a cédé à un ami fielleux, un cancer installé sans prévenir. Sa vie de musicien s’est terminée sur un mauvais bémol, comme une mélodie inachevée ; il chantait, jouait de sa guitare et se souciait peu du reste. Quand il est mort, ça a fait une décharge électrique. Coquelicot, comme d’autres aussi, il a beaucoup pleuré, ça n’a pas rempli le vide, mais ça lui a permis de déverser son trop-plein !
Alors, du jour au lendemain, le quartier ne tournait plus rond. Le Romuald, il avait ses tours de garde : trois fois par semaine au marché couvert, deux fois près de la mairie, deux trois terrasses de café dès les beaux jours… quelques cours de guitare ; tout ça mettait du baume sur son RSA de survie… quelques coups de main aux forains pour déballer ; non vraiment, tout allait bien et les rêves de jeunesse, la scène et le renom, tout ça était rangé sans amertume ; « ses tours de chant » sonorisaient le quartier. Il était plutôt blues, folk et jazz. Peu de passants résistaient à son swing. Le jour de son embrasement, on n’a pas retrouvé un seul enregistrement pour le commémorer ; juste un vieux son de rue d’un téléphone portable ; on a fait avec ça. Romuald disait : « J’donne ma musique au ciel, il a qu’à ouvrir ses oreilles ». C’était un joueur de belote astucieux, un chineur averti ; il aurait aimé être brocanteur !
Sauf Coquelicot qui le connaissait bien, on ne savait rien de sa vie sinon qu’il était de ces êtres précieux qui n’ont fait de concessions qu’à eux-mêmes et à leur liberté.
L’emplacement est resté vide ; rien ne traînait, pas une note, pas un soupir, ni un écho ; que des souvenirs et quelques jolies nostalgies. Les habitués, les mélomanes, les amis frôlaient en baissant la tête et officiellement, rien ne se passait sauf quelques sollicitations rusées et insistantes auprès de Coquelicot. Tout le monde savait qu’il chantait avec Romuald et qu’il avait un répertoire conséquent de chansons. En peu d’instants, on passait de Bruant à Vianney après quelques escales chez Montand, Maé et Bruel… et même Black M !
Coquelicot pouvait devenir rouge de timidité, mais moins que Mylène qui, elle, pouvait passer du rouge mat au carmin sans raison apparente. L’un et l’autre avaient une voix qu’ils se réservaient pour des occasions festives et amicales. Les voisins seuls en profitaient.
Ha, Mylène ! La belle amie non titrée, des belles heures et des ciels noirs. Ils s’amantaient avec une complicité qui interloquait. Officiellement, ils n’étaient que voisins, tout le monde savait… mais ici, officiellement, la vie des autres…
Bon, à force de petites phrases, de compliments bien dosés et de pressions amicales, Coquelicot avait fini par céder ; il s’était donné deux trois semaines pour peaufiner son répertoire ; en fait, pour se rassurer, car il était « liquéfié de trouille » et seul à se l’avouer.
Coutumier des soirées amicales et chantantes sans être du métier, il tournait, traînait sur cette question lancinante hautement toxique, qui bloque tout élan et cisaille l’énergie du désir… : « Mais qui suis-je pour »… !
Nous sommes à deux jours de la première Trottoir’s Parade. La tension monte ; Mylène joue les amortisseurs. Coquelicot répète tout ce qu’il sait, évacue le stress, se disant qu’il est très courageux et que Romuald est certainement très fier de son « successeur ».
La veille, il prépare le matos, aussi content que stressé, aussi serein qu’impatient. Partitions, chevalet, sono ; Mylène ajoute discrètement un chapeau et le lendemain, roule Coquelicot, destination le marché couvert, le trottoir abrité du vent, de la pluie… sur le mur en brique, c’est écrit « Stationnement interdit ».
Deux, trois réglages, basses, reverb, écho… ça a l’air d’aller… se met devant le micro ; une folle envie de chanter