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Le festin des goélands
Le festin des goélands
Le festin des goélands
Livre électronique164 pages2 heures

Le festin des goélands

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À propos de ce livre électronique

Un matin du mois de novembre à 6 h 30, un promeneur découvre un corps crucifié et nu dans l’ancienne criée du port de Lesconil. À ses pieds, trois têtes de goélands et un message étrange : « Sois tranquille ». Un premier crime qui sonne comme un avertissement. Les médias s’emballent. Clet Grall et son équipe d’enquêteurs devront parcourir le Finistère sud pour trouver la clé de l’énigme…

 À PROPOS DE L'AUTEUR 

Kristian Gonidec, ancien enseignant de français, a été conquis par les œuvres de Patrick Modiano, Georges Perros et Rimbaud. Son amour pour les romans noirs s’est éveillé lors de sa carrière d’animateur sur France Bleu Breizh Izel. Cette passion l’a incité à peindre un tableau vibrant de la Bretagne contemporaine, foisonnante de cultures et de musiques diverses.
LangueFrançais
Date de sortie12 mars 2024
ISBN9791042220983
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    Aperçu du livre

    Le festin des goélands - Kristian Gonidec

    6 h 30 – Port de Lesconil – lundi 2 novembre

    Miz du (Mois noir) « jour des défunts »

    Intersignes ! Les mouettes et les goélands lançaient leurs cris lugubres. Marie Le Fur frissonna, elle était la première sur les lieux. Criée en partie abandonnée : bidons et filets entreposés, lourdes portes d’acier dont le bleu s’écaillait, rongées par les vents d’ouest. Elle venait d’avertir son supérieur, Clet Grall. Miracle ! Son portable n’était pas verrouillé !

    Marie Le Fur partageait avec le capitaine Kévin Madec le rare privilège de tutoyer et d’appeler son supérieur par son prénom, et ce à sa demande. Il voulait aussi que tout le monde le désigne, officieusement, comme « commissaire ».

    En effet, le « commandant » Grall détestait les nouvelles appellations, c’était un flic à l’ancienne, dont le vocabulaire fleuri et riche participait de sa légende. À soixante-quatre ans, il demeurait « droit dans ses bottes » et jouait, en artiste de la prose, une partition singulière au sein du commissariat de Quimper. Le « commissaire divisionnaire » avait en horreur les tracas administratifs qui rendaient « fada » le moindre planton.

    Marie contempla la scène sous la lumière crue des néons : trois têtes de goélands sanguinolentes disposées sur le sol, symétriques comme à la parade et l’homme au-dessus, en hauteur, comme crucifié, attaché par des cordes. Nu. La tête penchée tel un christ de pacotille. L’endroit était sinistre, quasi vidé de tout meuble ou aménagement.

    Le vaste hangar était désert, froid. Seul, le petit homme, cheveux blancs rares, visage ridé, se tenait près d’une des portes. Son chien, un petit teckel noir, avec des frisottis, à son tour, s’était tu.

    Marie consulta le sien, où elle avait noté l’identité du bonhomme.

    Marie, brune, teint mat, yeux bleus, observa son témoin. Il frissonnait encore, sous le coup de sa découverte macabre. La vision cauchemardesque risquait de le hanter longtemps. Lorsqu’il irait au café, il en aurait de belles à raconter.

    Il s’était mis à pleuvoir ; pour l’instant, une petite bruine, mais le ciel était très sombre et la nuit épaisse. D’un noir de circonstance. Les réverbères distillaient un halo jaunâtre autour des quais. Pour elle, grande amatrice de photos réalistes, cela lui rappelait certains clichés, en noir et blanc, de Willy Ronis ou de Doisneau, dans les rues de Belleville, juste après la guerre. Une ambiance brumeuse, fantomatique. Elle avait un peu pitié du pauvre Jean Volant qui se retrouvait au cœur de cette enquête. Il se tenait, en retrait, petite silhouette malingre avec son teckel. Le petit animal frissonna, complètement trempé, il n’avait plus aucune allure. Pathétique ! Le tableau aurait pu faire sourire, s’il n’y avait pas eu cette violence dans la mise en scène du crime. Elle l’avait photographiée avec son portable et sa tablette, qui ne quittaient jamais sa voiture, un vieux break Volvo, très pratique pour ranger son matériel de surf et tout son foutoir.

    Ils gardèrent le silence, regardant le petit port endormi, mais éclairé depuis quelques minutes, ses cafés, le grand terre-plein goudronné devant la criée qui avait fermé le 29 février 2008. Finies les transactions, en retraite le crieur, rangée au rayon inutile sa boule rouge et blanche ; à la casse, les caisses de poissons et de crustacés, disposées devant les grossistes et mareyeurs. Désormais, l’activité portuaire s’était déplacée au Guilvinec et à Loctudy, à dix minutes de Lesconil. Quelques caseyeurs, des « pêch’prom’ » fournissaient encore, aux gens du coin, du printemps à l’automne, les homards, araignées, langoustines et poissons. Il restait aussi trois chalutiers qui débarquaient le soir. Les patrons embarquaient leur pêche dans des camionnettes frigorifiques, direction Le Guil’.

    Ces trois chalutiers, amarrés de l’autre côté du quai, semblaient danser au gré des vagues de la marée montante. Le regard de Marie accrocha une vieille publicité rongée par les ans : Antar Lubrif… Une autre époque, déjà lointaine, quelques noms de marques oubliés ravivent, parfois, un écho vague dans la mémoire, telle la rengaine d’une chanson ancienne dont les mots se sont plus ou moins perdus dans le tumulte des vies.

    Le vent participait du décor : longs ululements dans les portes disjointes. Dehors, la mer jouait à saute-mouton sur la digue, puissants jets d’écume, stries blanches sur la jetée, protégeant le charmant petit port de Lesconil. Les vieux gréements, des misainiers en bois aux couleurs chatoyantes : noir, jaune, bleu, rouge ont quitté le devant de la cale pour se mettre à l’abri dans le Ster Nibilig, la rivière. Ils y passeront l’hiver, enquillés et bâchés, tels de vieux éléphants de mer échoués, mais prêts à regagner le large.

    Marie connaissait bien ce coin du pays bigouden sud, elle habitait tout près, à Tréguennec, dans une maison donnant sur la baie. Avec sa compagne Gwenn, elles avaient retapé un corps de ferme et les appentis qui l’entouraient pour en faire un agréable cocon. Cela leur permettait de s’adonner, sans retenue, aux sports de glisse : l’endroit est réputé comme spot de surf. Elles le pratiquaient toute l’année, cherchant toujours les plus belles vagues dans cet univers où le gris le dispute aux nuances de bleu et de vert. Glaz ! Le mot breton pour désigner le gris, le bleu et toutes leurs nuances. En Bretagne, comme en Irlande, il y a, en un jour, les « quatre saisons » qui se succèdent. Il y a, surtout, cette lumière magnifique, hiver comme été, qui confère au pays bigouden son cachet, son pittoresque aurait dit Clet Grall.

    Les gyrophares bleus des voitures de police trouèrent soudainement la noirceur des alentours : la cavalerie allait débarquer.

    Pas de sirène, heureusement, il fallait surtout éviter tout attroupement. Les langues, la rumeur et les réseaux sociaux auraient fait cause commune pour foutre un merdier sans nom. Le commissaire s’extirpa de la première voiture, une berline Peugeot, remercia son chauffeur, un jeune agent stagiaire.

    Clet Grall portait beau, il n’avait pas l’air du flic ahuri qu’on vient de sortir du lit et avait pris le temps de se raser, costume Armani sport et cravate rouge. « Sacrée allure le bonhomme ! » ne put s’empêcher de penser Marie qui l’appréciait beaucoup. Malgré les circonstances, elle s’amusa en le voyant sortir son iPhone dernière génération. Elle lui avait, en spécialiste des nouvelles technologies, installé des applis, avec des raccourcis pour lui éviter de se perdre dans la forêt, parfois absconse, de la communication high-tech. Il avait même fini par se créer un compte Facebook, et, surtout, souscrit à la plate-forme musicale Deezer qui lui permettait de créer ses playlists personnelles. Les goûts musicaux de Clet Grall étaient éclectiques : de John Moreland à Springsteen, d’Amy Mac Donald à Alan Stivell, sans oublier les « trois grands » : Brel, Brassens, Ferré. Depuis, il s’amusait comme un petit fou et, en homme curieux, parcourait des planètes musicales variées, à l’affût de surprises et de découvertes.

    Autour d’eux, la police scientifique déballait son matériel, la rubalise marquant le territoire interdit, les procédures se mettaient en place.

    Clet Grall et Marie pénétrèrent dans

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