Explorez plus de 1,5 million de livres audio et livres électroniques gratuitement pendant  jours.

À partir de $11.99/mois après l'essai. Annulez à tout moment.

Meurtre et buffet à volonté
Meurtre et buffet à volonté
Meurtre et buffet à volonté
Livre électronique373 pages4 heures

Meurtre et buffet à volonté

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Après deux années difficiles, la carrière d’Andréa Simard redémarre enfin. Elle gère désormais le Café des Fleurs, le temps d’un congé de maternité. David, qui travaille au manoir de l’Indépendance, la supplie alors d’accepter un contrat de traiteur pour un événement qui doit durer tout le week-end : un groupe de nostalgiques désire souligner en grand les vingt ans de la fin du secondaire et la pâtissière devra leur concocter un buffet spécial pour l’occasion. Peu enthousiasmée à l’idée de retourner au manoir, Andréa hésite, mais le cachet proposé pour le contrat s’avère plus qu’intéressant…
Dès le premier jour, elle fait la rencontre de Jason, le mâle alpha de la bande, de ses trois meilleurs amis William, Jared et Cameron, ainsi que de la mystérieuse Angela. Au menu est planifiée une partie de « Meurtre et mystère ».
Le jeu ne se déroule malheureusement pas comme prévu. Au petit matin, on retrouve Jason mort, un couteau planté dans le cœur. Un mot signé « Stanley Cooper », un personnage imaginé par le défunt pour couvrir ses frasques de jeunesse, est épinglé sur le cadavre, et mène Andréa sur une fausse piste. Qui donc, alors, est à l’origine de sa mort horrible ? Que vient faire Stanley Cooper dans cette histoire ? La chef au flair aussi aiguisé que ses couteaux devra mijoter le mystère à feu doux pour enfin dévoiler le coupable et servir la vérité sur un plateau d’argent !
LangueFrançais
ÉditeurÉditions JCL
Date de sortie2 avr. 2025
ISBN9782898044526
Meurtre et buffet à volonté

En savoir plus sur Martine Labonté Chartrand

Auteurs associés

Lié à Meurtre et buffet à volonté

Livres électroniques liés

Fiction générale pour vous

Voir plus

Avis sur Meurtre et buffet à volonté

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Meurtre et buffet à volonté - Martine Labonté-Chartrand

    Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales

    du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

    Titre : Meurtre et buffet à volonté / Martine Labonté-Chartrand

    Nom : Labonté-Chartrand, Martine, 1985- , auteure

    Identifiants : Canadiana 20240015355 | ISBN 9782898044526

    Classification : LCC PS8623.A263 M48 2025 | CDD C843/.6–dc23

    © 2025 Les éditions JCL

    Image de la couverture : @upklyak / Freepik

    Les éditions JCL bénéficient du soutien financier de la SODEC

    et du Programme de crédit d’impôt du gouvernement du Québec.

    Financé par le gouvernement du Canada

    Édition 

    LES ÉDITIONS JCL

    editionsjcl.com

    Distribution au Canada et aux États-Unis

    MESSAGERIES ADP

    messageries-adp.com

    Distribution en France et autres pays européens 

    DNM

    librairieduquebec.fr

    Distribution en Suisse 

    SERVIDIS

    servidis.ch

    Imprimé au Canada

    Dépôt légal : 2025

    Bibliothèque et Archives nationales du Québec

    Bibliothèque et Archives Canada

    Bibliothèque nationale de France

    Martine Labonté-Chartrand, Meurtre et buffet à volonté, Les éditions JCL

    De la même auteure

    aux Éditions JCL

    Meurtre et petites bouchées, 2024

    1

    La clochette de la porte du Café des Fleurs sonne. Je lève la tête, un sourire aux lèvres.

    — Bonjour ! lancé-je à mon client.

    — Bonjour, Andréa. Il fait beau aujourd’hui ! Le soleil est extraordinaire. Il nous fait oublier le mois de décembre qui approche. Je vais prendre un café et une de tes délicieuses pâtisseries.

    — Avec plaisir ! Une en particulier ou je la choisis au hasard ?

    — Surprends-moi !

    Je souris et je sélectionne une chocolatine. Je la place dans un sac en papier et je continue à écouter les remarques sur la météo de mon client en versant le breuvage dans une tasse pour emporter. Pendant ce temps, d’autres habitués entrent et commentent aussi la température clémente de cette fin novembre. Je ne suis pas friande de ce genre de discussion en général, mais je ne peux m’empêcher de sourire, puisque je suis de bonne humeur. Depuis que j’ai pris les rênes du Café des Fleurs, j’entends des anecdotes sur la météo toute la journée. Les gens se rassemblent ici et parlent de la pluie et du beau temps. C’est bien correct avec moi. Je préfère qu’on discute du soleil plutôt que d’autres sujets qui ont beaucoup trop alimenté les ragots dans les deux dernières années. Comme la mort tragique de Mme Clarke au manoir de l’Indépendance, pour ne citer qu’un exemple. Deux ans se sont écoulés depuis le tragique événement, deux ans qui ont passé en un claquement de doigts ! Je croyais que ma carrière était fichue, mais la vie a envoyé sur mon chemin de nouveaux défis, que je me suis empressée de relever avec énergie. La grossesse soudaine de Sandrine, la propriétaire du Café des Fleurs et ma bonne amie, m’a remise sur les rails. En effet, comme sa grossesse était à risque, elle a dû arrêter de travailler et j’ai pris sa place derrière le comptoir, ce qui me permet de vendre de nouveau quelques pâtisseries à ma clientèle gourmande. Je jumelle donc ma passion de la cuisine à une ambiance agréable. C’est parfait pour l’instant ! Mon amie pousse justement la porte du café et entre difficilement, encombrée du large carrosse de son poupon. Je m’élance pour lui donner un coup de main et elle me remercie d’un sourire.

    — Ouf ! s’exclame-t-elle. Je crois que je vais faire élargir la porte. Quand je pense que, durant toutes ces années, je laissais les femmes s’échiner seules pour entrer ici avec leur poussette.

    — Au moins, ça donne le sentiment de bien mériter son café !

    — Tu as raison ! Je vais en prendre un, s’il te plaît.

    Je me penche rapidement sur le mignon Albert, qui dort bien emmitouflé, avant de retourner derrière le comptoir. Je prépare un café à mon amie, comme elle l’aime.

    — J’ai cuisiné des baklavas, annoncé-je.

    — Oh ! Tu sais que j’essaie de perdre du poids et tu fais exprès pour me tenter avec tes pâtisseries.

    — Je viens de te voir dépenser des calories dans le cadre de porte. Tu mérites bien une douceur !

    — OK, mais la plus petite !

    Je place le morceau dans une assiette et je le lui apporte à la table avec son café. Puisqu’il n’y a pas de nouveaux clients, je m’assois avec elle quelques minutes.

    — Comment ça va à la maison ? lui demandé-je.

    — De mieux en mieux. Albert est super ! Il fait déjà ses nuits. Je me sens presque reposée.

    — Excellent !

    — Et toi ?

    — Moi ? Rien de neuf : travail, travail, travail.

    — Tu es peut-être mûre pour une pause ?

    Je la regarde de travers. Je suis soudain inquiète. Va-t-elle m’annoncer qu’elle souhaite reprendre sa place au café plus vite que prévu ? Nous avions convenu d’une année complète, mais peut-être trouve-t-elle le temps long à la maison avec son bébé… Après tout, c’est une femme qui aime côtoyer des gens au quotidien. Sa routine pourrait être ennuyante.

    — Tu as vu ton air ? me fait-elle remarquer.

    — Non, je n’ai pas de miroir.

    — Tu sembles catastrophée. Qu’est-ce qui se passe ?

    — Rien, rien. Donc, pour répondre à ta question, non, je ne suis pas mûre pour une pause. J’adore être occupée ici.

    — Tu n’aimerais pas gagner un peu plus d’argent ?

    — Sandrine, si tu me disais franchement ce qui te traverse l’esprit ! Je n’ai pas envie de jouer aux devinettes.

    — OK, OK, je préparais seulement le terrain.

    — Le terrain pour quoi ?

    La clochette sonne et je me tourne vers la porte. David, l’amoureux de Sandrine et le majordome du manoir de l’Indépendance, entre à son tour. Il nous voit aussitôt et nous salue de la main. Je suis surprise. David ne vient jamais ici. Il est comme moi : un bourreau de travail. Il pose un baiser sur la joue de son amoureuse, regarde son fils en souriant, puis s’installe avec nous à la table. Je bondis sur mes pieds.

    — Veux-tu un café ?

    — Non merci. Je n’en bois plus.

    Étonnant, tout de même, pour le copropriétaire d’un café !

    — Je vous laisse en tête-à-tête, alors !

    — Non, reste donc, me prie Sandrine.

    Les amoureux échangent un drôle de regard. Je sens que ça n’augure rien de bon pour moi. La nervosité me gagne soudainement.

    — Est-ce que ça va ? me demande David. Tu es étrange.

    — Si vous me parliez franchement, ça irait mieux.

    Autre coup d’œil suspect, qui me confirme que les nouvelles ne sont pas bonnes. Je déglutis. Qu’est-ce que je vais faire s’ils me mettent à la porte ? Je ne suis pas encore entièrement remise sur pied. Je n’ai pas reçu beaucoup de contrats comme pâtissière ni de demandes pour mon service de traiteur dans les deux dernières années. Je me plais à me faire croire que c’est parce que je n’entreprends aucune démarche pour en obtenir, puisque je suis trop occupée ici, mais je sais bien que ma mésaventure d’il y a deux ans n’aide pas ma cause. Personne ne souhaite engager une cuisinière dont les bouchées ont été à l’origine d’une mort tragique. Je me trouve bête de ne pas avoir prévu de plan de secours. En plus, j’adore mon travail ! J’ai le sentiment d’avoir un impact positif dans le quotidien des clients lorsque je leur prépare leur café comme ils l’aiment.

    — J’aurais besoin de ton aide pour une fin de semaine au manoir de l’Indépendance, annonce David.

    Je hausse un sourcil. Pas question ! Je me suis promis de ne plus remettre les pieds là-bas.

    — C’est un très beau contrat, enchaîne Sandrine. Et très payant.

    Ma tête se tourne vers elle. Ainsi, elle fait aussi partie du plan. Je me demande quel est son intérêt à me pousser à accepter cette offre.

    — On accueillera une vingtaine de personnes qui veulent souligner les vingt ans de la fin de leur secondaire. Celui qui a réservé souhaite en mettre plein la vue à ses amis. Il a préparé toute une fin de semaine de festivités et de jeux !

    — Je suis bien contente pour lui, mais je ne peux pas abandonner mon travail ici, même l’espace de quelques jours.

    — Eh bien, ce n’est pas tout à fait vrai, reprend Sandrine. Je pourrais m’occuper du café !

    C’est officiel, elle veut revenir en poste. La déception m’envahit d’un seul coup. Je survole l’endroit autour de moi. Comme tout ça va me manquer ! Je ravale mes larmes et je détourne le regard afin que mes yeux brillants ne soient pas visibles. Je m’éclaircis aussi la gorge.

    — La mère de David vient justement nous rendre visite cette même fin de semaine et elle a promis de s’occuper d’Albert pendant que je prendrais ta place ici. Tu serais donc libre d’aller donner un coup de main au manoir. Je sais que le salaire que nous t’offrons n’est pas extraordinaire. Je pense que ça représente une occasion en or pour toi : renflouer ton portefeuille, faire appel à ta créativité et te remettre aux fourneaux pour un groupe. De mon côté, ça me ferait du bien de sortir quelques jours et de reconnecter avec les clients.

    — Attendez, vous ne voulez pas me renvoyer ?

    — Quoi ? Mais non ! Qu’est-ce qui aurait bien pu te laisser croire une telle chose ?

    — Tu parles de revenir derrière le comptoir !

    — Bien sûr, mais pas tout de suite ! Juste pour quelques jours. J’adore rester à la maison avec Albert. Et David et moi évoquons déjà la possibilité d’avoir un deuxième enfant, ajoute-t-elle d’un ton plus bas.

    — Oh ! Je suis bien contente pour vous deux. Cependant, je ne peux pas accepter l’offre de David. Je me suis promis de ne plus mettre les pieds là-bas.

    — De l’eau a coulé sous les ponts depuis, me rappelle mon ami. J’y travaille encore tous les jours, et jamais un événement semblable ne s’est reproduit. Les risques qu’une telle malchance nous arrive de nouveau sont à peu près nuls.

    — Le manoir a son propre chef. Pourquoi aurait-il besoin de mes services ?

    — Le chef n’est pas disponible. Il ne veut faire aucune heure supplémentaire et ne souhaite pas se plier aux demandes de la direction. Il est proche de la retraite, donc il ne fait preuve d’aucun compromis. Et entre nous, je déteste travailler avec lui quand je dois lui imposer un menu. Alors qu’avec toi, c’est toujours un charme ! Je suis sûr que le thème de la fin de semaine va t’inspirer !

    Il accompagne sa réplique d’un large sourire. Je pousse un long soupir, mais je ne peux résister à l’envie d’en savoir plus.

    — Quel est ce thème ?

    — Ils veulent retrouver la cafétéria de leur jeunesse. Tu devras leur concocter un buffet qui présente les plats qu’ils mangeaient au secondaire.

    Un menu de type cafétéria ? C’est loin d’être inspirant ! Il me semble qu’au rayon de la nostalgie, on peut faire mieux. Je ne me souviens pas d’un repas de l’époque qui soit digne qu’on se le remémore ! Mais l’expérience m’a appris que les gens aiment parfois les concepts douteux. Même si j’ai l’air peu intéressée, je sais bien que j’accepterai le mandat au bout du compte. Je n’ai pas vraiment le choix, en fait. Je ne voudrais pas décevoir mes amis, qui me font confiance depuis tout ce temps. Et un peu d’argent supplémentaire ne serait certainement pas de refus. Mais je peux bien me laisser désirer !

    — Combien de temps me donnes-tu pour que j’y réfléchisse ?

    — Une journée.

    — Oh ! Tu négocies serré.

    — Ça ne donne rien que je t’offre plus, je sais que tu vas dire oui. Tu ne peux rien refuser à ton ami !

    Je secoue la tête, un petit sourire aux lèvres, et je me lève pour servir un client qui vient d’entrer. Pendant qu’il contemple la vitrine remplie de pâtisseries, j’observe le couple qui discute en riant. Les deux amoureux ont tellement l’air heureux ensemble ! Je les envie momentanément d’avoir une telle relation, mais je reviens vite à la raison. Ils ont bâti tout ça au fil des années, et je sais que leur couple a aussi connu des hauts et des bas. Aucune histoire n’est parfaite ! Mais les regarder est tout de même inspirant. Je réalise que le temps est peut-être venu pour moi de m’ouvrir à une nouvelle aventure amoureuse. Je dois recommencer à prendre des risques, et l’offre de David est une occasion qui pourrait être un bon départ en ce sens. Je sers le client et je m’affaire quelques secondes supplémentaires près de la caisse enregistreuse. Le café se vide de nouveau et je prends une grande inspiration avant de rejoindre mes amis à leur table.

    — OK, je vais le faire, annoncé-je. Mais à deux conditions.

    — Je t’écoute !

    — Premièrement : je ne vais jamais dans le cellier.

    — D’accord, je comprends tout à fait. Même s’il y a des bouteilles hors de prix qui valent le détour. Tu te souviens de cette bouteille de scotch qui a plus de cent ans ?

    — Je m’en souviens très bien. Malgré ça, je déteste cet endroit. Deuxièmement : tu n’as pas le droit de me laisser seule. On reste ensemble tout le week-end.

    — Je ne vois pas pourquoi je partirais. Je dois travailler, moi aussi !

    — Je voulais juste que ce soit clair.

    — C’est très clair.

    Il me tend la main, que je serre.

    — Ah, génial ! s’exclame Sandrine. En plus, j’ai entendu dire que plusieurs hommes célibataires de ton âge seront présents à ces retrouvailles, ajoute-t-elle en se penchant vers moi d’un air complice. Profites-en pour faire des rencontres !

    Ma parole, elle a lu dans mes pensées ! Je doute de trouver le temps de m’intéresser à qui que ce soit. Après tout, je serai fort occupée, mais je ne dis pas non à me rincer l’œil un peu. À Quatre-Saisons, les hommes célibataires attirants ne sont pas très nombreux. En fait, je n’en connais aucun ! Vivre dans un aussi petit village présente des avantages et des inconvénients… David promet de me transmettre l’information nécessaire à ma préparation et il quitte le café. Je reste donc quelques minutes supplémentaires en compagnie de Sandrine, qui soulève Albert de son carrosse. Il vient de terminer sa sieste.

    — Je ne pourrai jamais assez te remercier, dit-elle.

    — Ah non ? Pourquoi ?

    — La mère de David sera là toute la fin de semaine. On ne s’entend pas très bien, elle et moi. Ce sera un soulagement de pouvoir sortir toute la journée et de lui laisser Albert.

    — Ah ! Je comprends, alors. C’est pour ça que tu m’encourages à aller travailler au manoir.

    Elle sourit.

    — Oui et non. Je pense que retourner là-bas te fera du bien. Tu as besoin d’un contrat stimulant ! Tu te débrouilles très bien derrière le comptoir du café, mais tu n’exploites pas ton talent à sa hauteur. Il est temps que ta créativité refasse surface.

    Sandrine a raison. Je me suis ancrée dans un quotidien tranquille qui m’a permis de remonter la pente à la suite du drame que j’ai vécu au manoir. Je dois arrêter de me cacher derrière la vitrine de pâtisseries et laisser la chef cuisinière en moi ressurgir. Déjà, les idées de recettes pour le buffet thématique commencent à germer. Je saisis un papier. J’y note quelques éléments en me disant que le mauvais sort ne s’acharnera pas sur moi une seconde fois !

    2

    Le premier vendredi de décembre, je m’engage sur le chemin qui mène au manoir de l’Indépendance au volant de ma camionnette blanche. Je n’ai pas pris mon véhicule d’entreprise depuis un moment, puisque j’habite à distance de marche du Café des Fleurs et que je cuisine souvent directement sur place. J’ai passé une grande partie de mes soirées cette semaine aux fourneaux et je ne me suis pas sentie aussi inspirée depuis longtemps. Sandrine avait raison de dire que j’avais besoin d’un nouveau défi.

    C’est étrange de revenir ici, et un bref frisson m’envahit lorsque les pneus s’immobilisent dans un crissement sur l’entrée en gravier. Le propriétaire du manoir a entrepris des travaux de rénovation, je ne peux donc pas emprunter le chemin qui mène à l’arrière du bâtiment, là où je pourrais stationner mon véhicule pour le décharger. Je vais devoir transporter ma marchandise par la porte de devant. Je jette un coup d’œil par la fenêtre du côté passager et j’observe les lieux enchanteurs. Issu du patrimoine britannique et reconverti en hôtel champêtre, le manoir de l’Indépendance semble implanté en plein cœur de la vieille campagne anglaise. Joyau historique de style Tudor, la demeure de vingt suites luxueuses a été classée monument historique en 1977, au grand plaisir des habitants de Quatre-Saisons, qui ont vu augmenter de manière significative l’activité touristique. L’endroit est réputé pour ses services d’hôtellerie de qualité et se dresse dans un décor de toute beauté. Je dois admettre que si je n’avais pas vécu une telle aventure désagréable deux ans plus tôt, le charme opérerait encore sur moi. David apparaît dans la large porte ancienne, encadrée par deux pots qui accueillent des cèdres savamment taillés. Il me fait un signe de la main, auquel je réponds, un sourire aux lèvres. On dirait que je ne suis pas prête à sortir de l’habitacle. Je suis bien, au chaud, dans ma camionnette familière. J’analyse la façade de l’édifice en pierres brun pâle. Les vignes grimpent toujours sur la devanture jusqu’à un petit balcon qui surplombe la grande porte principale, mais elles ont perdu leurs feuilles. Elles sont prêtes pour l’hiver, qui montre ses premiers signes d’approche. Le fanion bleu et or flotte encore sur la rambarde en fer forgé qui domine la porte principale. Cette dernière est agrémentée d’un heurtoir en bronze représentant une drôle de tête de gargouille. Je suis prise d’un malaise chaque fois que je la regarde. Comme je ne bouge toujours pas, David vient à moi. Je baisse ma fenêtre lorsqu’il arrive à proximité.

    — Ça va ? me demande-t-il. Prête ?

    — Je ne sais pas pourquoi, mais mon instinct me dicte de retourner chez moi, dans mon lit douillet.

    — Mais non ! Dis à ton instinct qu’il exagère. Tout se déroule parfaitement bien au manoir depuis deux ans.

    — Si tu le dis… Je vois que le propriétaire a entrepris des travaux. Qu’est-ce qu’il a en tête ?

    — Il désirait ajouter une terrasse. Tu te souviens du salon Jaune ? Il était en rénovation quand tu es venue la dernière fois. C’est un salon de thé et de jeux, et il souhaitait offrir aux clients la possibilité de déguster leur thé dehors, face aux jolis jardins. Mais les travaux ont cessé temporairement. J’espère qu’ils reprendront après l’hiver.

    — Donc, les invités n’auront pas accès à cette pièce ?

    Je déglutis à l’idée que les festivités se dérouleront dans le salon Vert, celui qui a été le théâtre de la fin tragique de Mme Clarke. Je préfère me tenir le plus loin possible de l’endroit, même si je sais que je vais probablement y passer une bonne partie de ma fin de semaine. Ça reste une pièce très agréable pour les invités.

    — Le salon Jaune est probablement trop petit pour accueillir tout le monde, mais ce n’est pas impossible qu’on l’utilise. Il me manque encore des détails sur le déroulement des activités prévues. On en saura plus à l’arrivée des invités, tout à l’heure. Mais je m’occupe de ce dossier. Toi, tu cuisines !

    Je hoche la tête de haut en bas. Quand il faut y aller, il faut y aller ! Je sors de ma camionnette et je me dirige à l’arrière du bâtiment. Je saisis une première caisse et j’en indique une seconde à David. Il m’ouvre ensuite la voie vers le manoir. Nous entrons d’abord dans le hall au plancher carrelé en damier noir et blanc. Celui-ci semble avoir été ciré parce qu’il m’apparaît bien plus brillant qu’avant. La grande table ronde se trouve toujours au centre de la pièce. Elle est garnie d’un énorme bouquet de fleurs et d’un livre d’or réservé aux invités. Je me demande si les Clarke ont pris le temps de le signer lors de leur visite. Après réflexion, je me dis que s’ils l’ont signé, ce serait de mauvais goût de la part du propriétaire de garder des souvenirs de leur séjour consignés dans ce livre ! L’élément d’intérêt principal reste sans nul doute l’immense escalier qui se dresse majestueusement dans le hall. D’abord droit, il se sépare ensuite en deux sections distinctes au premier, au deuxième et au troisième étage. Chaque section mène à un corridor qui conduit les invités à leur chambre. J’étire le cou pour voir le corridor du premier étage, qui a été lui aussi le théâtre de scènes que je préfère oublier. L’escalier est agrémenté d’une moquette épaisse vert émeraude et or. Des cadres aux bordures dorées ornent les murs de chaque côté. La main courante en bois lustré a été enjolivée par des guirlandes automnales très chics. Ce sont les mêmes que la dernière fois. Le plafond du hall d’entrée est immensément haut. Je sais que, pour voir l’énorme lustre de cristal, je dois pencher ma tête complètement vers l’arrière.

    — Les invités ont choisi une drôle de saison pour souligner les vingt ans qui les séparent de la fin de leur secondaire, fais-je remarquer. Ce n’est pas le genre d’événement qu’on fête à la fin de l’année scolaire, en général ?

    — J’ai aussi eu cette réflexion. Je présume que ce n’est pas évident de déterminer une date qui convient à tout un groupe d’adultes. Et le manoir est souvent occupé au maximum en été. C’est plus difficile de réserver toutes les chambres.

    — Combien d’employés seront avec nous cette fois ?

    — Je suis là, comme convenu, et je t’ai trouvé un assistant. Il s’occupera des tâches de ton choix. Pour la vaisselle ou le service, il sera à ton entière disposition.

    — Parfait !

    Nous traversons le corridor qui

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1