Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

Le Coconut Pizza
Le Coconut Pizza
Le Coconut Pizza
Livre électronique253 pages3 heures

Le Coconut Pizza

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Le Coconut Pizza, autrefois Chez Ti-Phonse patates frites, est un joli petit restaurant situé sur la rue Sainte-Julie, à Saint-Jean-de-Matha. Un endroit convivial où se jouent de petits bonheurs et de grands drames, alors que le quotidien se teinte d’espoirs et de déceptions, de sourires et de chagrins.

Dans les années 1990, Germaine Bellavance, unique propriétaire du restaurant depuis la mort de son mari, dirige d’une main de maître son populaire commerce. Autour d’elle gravite bon nombre de personnes essentielles à son équilibre et à son bonheur: ses enfants et petits-enfants, ses amis, ses serveuses et son exotique cuisinier venu de Grèce. Les recettes de la délicieuse sauce à pizza et de la succulente tarte au coconut lui seront-elles confiées alors qu’elles sont tenues secrètes depuis des décennies?

C’est au Coconut Pizza que l’auteure nous convie à la rencontre de ces gens enracinés dans ce beau coin de pays. Avec son talent de conteuse inimitable, Lucy-France Dutremble nous offre un roman rempli de rebondissements et, bien sûr, plein d’amour!
LangueFrançais
Date de sortie9 juin 2021
ISBN9782898271205
Le Coconut Pizza
Auteur

Lucy-France Dutremble

Lucy-France Dutremble est née sur la rue Royale, devenu le boulevard Fiset, à Sorel-Tracy. Elle a travaillé en secrétariat avant de donner naissance à ses deux enfants, puis dans la domaine de la restauration. Auteure de huit romans, elle se consacre aujourd’hui à sa passion pour l’écriture.

En savoir plus sur Lucy France Dutremble

Auteurs associés

Lié à Le Coconut Pizza

Livres électroniques liés

Fiction générale pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur Le Coconut Pizza

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Le Coconut Pizza - Lucy-France Dutremble

    LUCY-FRANCE

    Chapitre 1

    À la douce mémoire de Gracien

    13 mai 1991

    — Ça va, maman ? demande Marielle à sa mère, Germaine, en posant une main sur son épaule.

    — Oui… je suis crevée, mais bien soulagée. Ne pleure pas, ton père est heureux là où il se trouve. Est-ce que tu peux imaginer s’il avait échelonné sa maladie encore des mois ? Occupe-toi du jeune de Clovis, Marielle, il est en train de déshabiller la couronne d’œillets que ta tante Graziella a offerte à ton père.

    — Câlique ! Moi, si j’étais à la place de cette Véronique Gouin, je vous dis que le petit Sébastien passerait par là ! Il a deux ans, cet enfant-là, et il n’est pas encore élevé ! Comment Clovis fait-il pour demeurer avec cette niaiseuse-là ?

    — Chut ! Tu te trouves au côté du cercueil. Ce n’est pas joli de t’entendre jurer et de te voir gesticuler comme ça.

    — Justement, mon père me reconnaît par ma voix ! J’ai toujours parlé fort. Ce n’est pas aujourd’hui que ça va changer ! se justifie Marielle en refermant sa veste bourgogne sur sa poitrine.

    — Bon… Est-ce que tu crois que le buffet est prêt au restaurant, ma fille ?

    — Oui, oui… Jean-Michel est rentré à six heures ce matin pour faire cuire le poulet et le jambon pour les sandwichs.

    — Cré Jean-Mich, nous ignorons de quel coin de la Grèce il arrive, mais je peux te dire que cet homme-là, il sait ce qu’il fait ! Un cuisinier dépareillé, minutieux et talentueux comme lui, il ne doit pas en mouiller des tonnes ! remarque la veuve du défunt alors qu’elle s’éloigne du cercueil.

    — Ouais… s’il n’était pas si soupe au lait, ce serait plus agréable. Il est beau, mais il défait toute sa personnalité avec son air de bœuf.

    — Voyons, Marielle, il n’est pas si pire que cela !

    — Pour toi, il n’a pas le choix de se montrer poli, tu es sa patronne ! Tu as remarqué qu’il fait les yeux doux à Patricia quand elle travaille avec lui les fins de semaine ?

    — Ne t’inquiète pas… tu lui as assez répété que Jean-Mich était trop vieux pour elle.

    — Certain ! Jean-Michel a vingt-neuf ans et Patsy en a vingt et un, câlique !

    — Mais tu sais aussi que nous ne pouvons pas empêcher un cœur d’aimer, ma fille ?

    — Moi, je peux…

    ***

    Habillé de bleu ciel et de jaune moisson, le restaurant Le Coconut Pizza est situé sur la rue Sainte-Julie, à Saint-Jean-de-Matha, et a vu le jour en 1960 sous le nom Chez Ti-Phonse patates frites. Aujourd’hui, Germaine Bellavance en est l’unique propriétaire.

    Pépère et mémère Bellavance l’avaient légué à leur fils Gracien dans le but de se libérer de leurs fonctions en raison de leur âge avancé. Sauf que ces derniers avaient conservé amoureusement, dans leurs mémoires, deux recettes qui, selon eux, s’avéraient un trésor immortel. Depuis trente ans, Desneiges cuisinait une tarte au coconut dont aucun chef n’aurait pu déceler l’ingrédient secret lui allouant son goût sublime. Alphonse, de son côté, avait assidûment mijoté la sauce à pizza pourvue d’un arôme et d’une sapidité hors du commun.

    En quittant la ville de Sainte-Aurélie en Beauce, Desneiges et Alphonse Bellavance s’étaient établis à Saint-Jean-de-Matha. Depuis ce temps, ils demeuraient chez leur bru, Germaine, et leur fils, Gracien, maintenant décédé.

    À Saint-Jean-de-Matha, les rangs, ainsi que les villages, sont constellés de maisons typiques de la campagne québécoise reflétant un décor d’antan. Ces demeures sont devancées d’interminables galeries et des érablières dorment dans les vastes champs fleuris. À la cime de la butte de ce petit patelin règnent une église en pierre, un vieux couvent et un ancien presbytère représentant, pour les Mathalois, une très grande fierté.

    Ce territoire est situé dans les Basses-Laurentides et renferme des lacs, des rivières et des ruisseaux en abondance.

    ***

    Les funérailles de Gracien Bellavance furent célébrées dignement à la sainte Église, la communauté chrétienne de Saint-Jean-de-Matha. À la fin de l’homélie récitée par le curé de la paroisse, les proches de Gracien furent conviés au restaurant Le Coconut Pizza qui, pour « cause de mortalité », avait été fermé.

    Ce petit lieu rassembleur chaleureux est pourvu d’un coin casse-croûte où y sont installées huit banquettes rose saumon ainsi qu’un comptoir-lunch paré de quatre tabourets en bois. S’y trouve aussi une coquette salle à manger où les tables carrées sont enveloppées de nappes d’un blanc immaculé. Un imposant barbecue invite les clients à faire griller leurs pains au sésame, au blé ou à la farine d’avoine après les avoir tartinés généreusement d’huile d’olive ou bien d’un beurre à la ciboulette, à l’ail ou aux tomates. Pour les célibataires, l’endroit permet d’y rencontrer des personnes agréables puisqu’il est abondamment fréquenté par les gens du village et les touristes.

    Les clients ravis avaient dégusté le buffet joliment apprêté que Jean-Michel avait préparé tôt le matin.

    — Qu’est-ce que tu vas faire asteure avec ta grande maison, Germaine ? s’inquiète son frère, acceptant une coupe de vin servie par Micheline, l’une des employés de l’établissement.

    — Voyons, Mathias ! À ce que je sache, je suis en forme, et pépère puis mémère peuvent subvenir à leurs besoins ! Ils cuisinent encore pour le restaurant !

    — Ils ne seront pas éternellement en santé, ma sœur. Ils ne rajeunissent pas ! constate-t-il, replaçant quelques cheveux retombés sur son large front.

    — Pour maintenant, tout se passe bien… Quand ils seront inaptes à s’occuper d’eux-mêmes, ils déménageront dans une résidence pour personnes âgées. Ce que je leur ai demandé, c’est qu’ils me lèguent en héritage leur secret concernant la tarte au coconut et la sauce à pizza… Sinon, comme on dit, le resto va prendre toute une dérape !

    — Tu es certaine de ça, ma sœurette ?

    — Oui ! Depuis trente ans que les gens du coin viennent ici pour déguster leurs mets ! Si moi j’essayais de les faire, ces recettes, je ne pourrais jamais y intégrer le petit goût spécial qui attire tant mes clients.

    — Bien voyons, Germaine… cela ne doit pas être si dur à deviner ! Ton chef pourrait les détecter ces ingrédients, lui ?

    — Non, il n’y a aucune chance. Jean-Michel pense que mémère rajoute de l’essence d’érable dans ses tartes… Il en a cuisiné une et elle n’avait pas le même goût ! Pour la sauce à pizza, il soupçonnait pépère d’y incorporer du clou de girofle… Il en a mis et elle goûtait le ragoût de boulettes, saint ciel !

    — Eh ben ! Je vais dire comme toi, il te faut hériter des recettes, sinon tu seras obligée de fermer ton restaurant, ti-péché !

    Le frère aîné de Germaine coiffe élégamment ses soixante-quinze ans. Une tignasse abondante n’expose que quelques cheveux gris et l’homme arbore une silhouette encore très droite ; également, au fil des années, la sagesse s’est présentée doucement. Concernant sa femme Géraldine, celle-ci paraît plus vieille étant donné que le temps n’a pas omis de se coller à elle. Son dos, courbé vers ses pieds fatigués, l’oblige à se déplacer à l’aide d’une canne. La providence a légué de belles années au couple : même s’ils ont été privés du bonheur d’élever une famille, ils ont eu le privilège de visiter quelques pays aux quatre coins de la Terre.

    Arthur, le deuxième frère de Germaine, âgé de soixante-dix ans, vit dans le veuvage depuis maintenant cinq ans. Sa pauvre Lucienne est décédée d’un cancer et, depuis, celui-ci fréquente régulièrement le restaurant de sa sœur. Sa conjointe lui a donné quatre enfants, mais aucun d’eux n’est resté à Saint-Jean-de-Matha. Vincent a laissé le Québec avec sa femme Monique en 1970 pour s’implanter à Boston. André et Louison demeurent dans la ville de La Pocatière avec leurs jumeaux, et Annie s’est enracinée à Montréal dès l’âge adulte.

    Les frères de Germaine, Louis et Clairmont, ont quitté les Basses-Laurentides pour s’installer et travailler dans une entreprise de pâtes et papiers à Windsor, en banlieue de Sherbrooke. À l’occasion, une carte de souhaits est postée chez leur sœur et lorsqu’elle n’en reçoit pas, cette dernière marmonne : « Maudit facteur à marde ! Il s’est encore trompé de boîte à malle, celui-là ! Les cartes de Noël de mes frères se sont encore perdues dans la brume ! »

    Désormais, il ne reste à Gracien, le défunt mari de Germaine, qu’à perpétuer le même rituel qu’il exerçait sur le paradis terrestre : regarder progresser les gens en veillant sur sa famille qu’il a tant aimée.

    ***

    Lundi, dix heures, deux jours après les funérailles

    Les employés du restaurant s’étaient retrouvés accoudés à leur table respective, située dans la salle à manger. Les menus du jour avaient été mitonnés à l’aube par Jean-Michel. Le plongeur, Éric, avait récuré la vaisselle restant de la veille, et Jocelyn avait nettoyé les parquets de céramique et les deux salles de bain. Les trois serveuses, Hélène Saint-Louis, Gaétane Léveillée et Micheline Valois, sont également au poste, prêtes pour cette journée de travail.

    — Bon… ce midi, Micheline va travailler dans le casse-croûte, et vous deux, Hélène et Gaétane, dans la salle à manger… précise la propriétaire.

    — Encore ! rouspète la grande femme à la silhouette masculine en train de parapher ses factures.

    — Qu’est-ce qu’il y a, Gaétane ? Tu n’es pas d’accord ?

    — Bien là ! Cela fait deux semaines que j’ai pas bossé dans le casse-croûte ! Je trouve ça injuste, madame Bellavance.

    — Écoute, ma fille… il te manque la rapidité. Quand tu auras acquis cette vitesse, je t’aviserai, d’accord ? Les gens ne disposent que d’une petite heure pour dîner, parfois quarante-cinq minutes. Tu serais dans le jus durant l’heure du repas.

    — On le sait bien ! Micheline Valois, c’est le chouchou puis le Road Runner du Coconut Pizza ! Y va falloir que j’attende qu’elle tombe malade pour avoir la chance de la remplacer !

    — Tu es drôle, Gaétane, là… là ! se moque Micheline Valois, un joli brin de femme dans la trentaine.

    — Bon, ça suffit, les filles ! Au travail ! Qui est-ce qui travaillait hier soir, Jean-Michel ? demande Germaine en se tournant vers ce dernier, vêtu de blanc.

    — Je n’ai pas changé la cédule, madame Bellavance… Gaétane ferme le restaurant avec Marcel les dimanches.

    — D’accord… Quand elle se présentera à quatre heures, dis-lui de venir me rencontrer dans mon bureau. Si elle se voit inapte à exécuter une fermeture soignée, nous allons nous trouver une autre serveuse.

    — Oui, madame Bellavance… Est-ce qu’elle aurait omis de débrancher le réchaud de la soupe ou bien d’éteindre le barbecue ? questionne Jean-Michel.

    — Non, mais les salières et les boîtes à napkins sont vides. Il y a des miettes de pain à l’arrière des menus ! lui montre la propriétaire en balayant la nappe blanche de sa main.

    — Elle a probablement oublié de laver cette table.

    — Je ne pense pas, moi. Pour le ménage, elle n’incarne pas la vaillance… Il est bien plus simple pour elle de prendre ses tips que de nettoyer les tables. Bon, que nous as-tu cuisiné de bon pour ce midi, Jean-Michel ?

    — Un potage aux légumes, une soupe aux lentilles, un bœuf Stroganoff…

    — Hum…

    — … et un pâté mexicain.

    — Pour le dessert ?

    — Je suis arrivé plus tôt ce matin pour préparer des baklavas¹.

    — Sacré Jean-Mich ! Tu finis toujours par y rajouter des petits plats grecs ! Bientôt, nous allons mettre une annonce dans le journal et un samedi soir, si tu le veux, tu pourrais nous concocter un souper typique de la Grèce pour nos clients.

    — Certainement, madame Bellavance… Avec plaisir ! accepte le chef cuisinier pris d’une grande fierté.

    — Où es-tu né en Grèce ?

    — À Kalamata, la ville des olives noires !

    — Depuis combien de temps demeures-tu au Québec ?

    — J’ai quitté la Grèce à l’âge de quinze ans, madame Bellavance.

    — C’est pour cette raison que tu ne possèdes pas d’accent, sauf pour les petits mots que tu nous lances ici et là et dont on ne comprend pas une miette ?

    —Vous n’avez qu’à me demander de vous les traduire ! s’exclame avec cœur le grand cuisinier au regard taquin.

    — Hi ! Hi ! D’accord. Pour avoir laissé la Grèce à l’âge de quinze ans, je devine que tu n’as plus de famille à Kalamata ?

    — Ohi ! Ce qui signifie en français « bien non ». Mon paternel, ma sœur et mon frère demeurent dans le Péloponnèse.

    — Combien cela fait-il d’années que tu les as vus ?

    — Déjà quinze ans… se culpabilise Jean-Michel en baissant la tête.

    — Saint ciel ! Vous avez gardé contact ?

    — Né… ce qui veut dire « oui », madame Bellavance…

    — J’avais compris, mon gars… Tu le répètes régulièrement, ce mot.

    — Mon père me téléphone une fois par mois et il me donne des nouvelles de la famille.

    — Eh bien ! Ta sœur et ton frère, quel âge ont-ils ?

    — La dernière fois que je leur ai adressé la parole, ils n’étaient que des enfants. Aujourd’hui, ma frangine, Kaina, a vingt-quatre ans et mon frère, Dorvan, vingt-six. J’ai aussi deux nièces que je ne connais pas, Gaja, cinq ans… et Mélissa, trois ans.

    — Mélissa… C’est un nom que nous entendons de temps en temps au Québec !

    — Vous avez raison. En Grèce, Mélissa est un nom courant qui signifie « abeille ».

    — Ah oui ? Est-ce que tu les connaîtras un jour, tes petites nièces ?

    — J’ai l’intention de me rendre en Grèce au printemps prochain.

    — Est-ce que tu vas revenir au Québec ? lui demande Germaine, inquiète.

    — Oui, oui… mon père veut passer un mois au Québec. Il serait du voyage de retour.

    — Ah bon ! Comment est-ce, Kalamata ? relance Germaine, soulagée à l’idée de ne pas perdre son talentueux cuisinier.

    — Kalamata représente, à mes yeux, l’un des plus beaux villages du monde, madame Bellavance ! lui avoue Jean-Michel, nostalgique. Elle est reconnue pour ses olives noires, elle est située dans le sud du Péloponnèse. Son nom vient du grec Kala omnata, qui signifie « de beaux yeux », et une église byzantine a été dédiée à la Vierge de Kalamata. Les habitants de ce coin panoramique sont attachés aux traditions de leur grand pays. À l’heure du dîner, ils se rassemblent autour de la même table pour déguster soit un repas copieux ou simplement une collation de variété de hors-d’œuvre accompagnés d’ouzo, une boisson typique de la Grèce à saveur d’anis. Cette boisson que j’affectionne particulièrement, dit-il avec un sourire mélancolique. Les gens partagent leur goûter, qu’ils soient à la maison, au restaurant ou bien dans une taverne. C’est une des mœurs enracinées dans leur société. Les recettes culinaires obéissent à des règles sacro-saintes. Les cordons-bleus y sont tenus en haute estime par leur entourage. En Grèce, une cuisinière et un cuisinier expérimentés peuvent passer des journées entières à préparer de petits gueuletons pour leur famille et leurs amis. Prendre un verre d’ouzo ou une coupe de vin accompagnés de poulpe grillé², étendu sous l’ombre d’un végétal centenaire ou sur une terrasse au bord de l’océan aux reflets bleutés dans les îles de la mer Égée, est la coutume des gens de mon beau coin de pays.

    ***

    Déjà le mois de juillet et Germaine n’a pas reçu de nouvelles de Peter Tanguay, le grand ami de son défunt mari, un Québécois pure laine né à Saint-Jean-de-Matha.

    À l’époque de leurs vingt ans, Peter et Gracien s’étaient côtoyés comme deux frères. Ils avaient travaillé côte à côte pendant quarante-cinq longues années dans une scierie. Deux amis fidèles ayant partagé leurs peines, leurs joies, leurs inquiétudes sur cette grande route qu’ils avaient parcourue ensemble.

    Déjà trois mois que Gracien avait confié son âme au Seigneur et Peter s’était retiré de la vie des Bellavance. Sa « petite cabane du pêcheur » est située aux abords du lac Vert, un site enchanteur où il aimait se retrouver en compagnie de son chum pour pêcher la truite arc-en-ciel durant que Germaine voyait au bon fonctionnement de son restaurant.

    Aujourd’hui, Peter était enfin sorti de sa tanière pour visiter Germaine, qui ne méritait pas d’être mise à l’écart de ce grand bonhomme qui, jadis, incarnait la joie de vivre.

    Peter est un bel homme, respectueux, imprégné d’une délicatesse qu’il distribue aux gens qu’il affectionne en omettant d’en conserver pour lui une minime partie dans le but de la dédier à une personne chère qu’il aurait pu aimer et protéger.

    — Que je suis heureuse de te revoir, Peter ! Tu sais, tu étais l’ami de Gracien et aussi le mien ! lui avoue Germaine, installée dans une petite banquette saumon du casse-croûte.

    — Tu as raison, Germaine… mais Gracien et moi, nous étions plus que des amis, nous étions comme des frères et j’ai, comme on dit, perdu la carte à l’annonce de sa mort.

    — C’est pour cela qu’au salon mortuaire tu ne m’as pas adressé la parole ? Tu avais trop de peine dans le cœur ? récidive Germaine en posant sa main sur la sienne en guise de compassion.

    — Ce matin, j’ai compris que si je restais enfermé dans mon chalet, ça ne me ramènerait pas mon ami. Aujourd’hui, je suis conscient qu’il sera là à patienter jusqu’à mon arrivée en haut… Je le rejoindrai quand le

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1