Les héritiers de Val-Vert

Quelle coïncidence ! La jeune femme qui faisait tourner la tête de Gabriel n’était autre que Cécilia, la nièce de Malou Florus. Celle-ci s’était occupée d’elle autrefois. Et Cécilia connaissait parfaitement Val-Vert, Font-Blanche, les Crozes, les terres de Gabriel pour y avoir passé des vacances, enfant.

– Malou est très âgée à présent et elle s’est installée dans une résidence pour seniors. Ma cousine est mariée, elle vit à l’étranger, je n’ai plus aucun contact avec elle. Je ne rends pas souvent visite à ma tante, je le reconnais. Elle se chargeait de moi par pitié, mais n’avait aucune affection pour la petite orpheline que j’étais. Orpheline de mère, délaissée par mon père, il fallait bien quelqu’un pour me sortir de mon pensionnat, au moins l’été. Tante Malou n’était pas méchante, mais indifférente. Diana était plus dure. Vos parents doivent se souvenir de moi, votre père, surtout. Son prénom, c’est bien Julien ?

– Oui, ils m’ont parlé d’une petite fille… La dernière année qu’ils l’ont vue, elle avait six ou sept ans. C’était donc vous !

– Je gardais un bon souvenir de ces vacances d’été, malgré ma tristesse. La nature si belle à Val-Vert m’apportait un réconfort. C’est pour cela que j’ai souhaité m’y rendre en 1999 après le succès de ma première exposition. Je voulais retrouver les paysages aimés et les immortaliser sur la toile. J’avais de l’argent, j’étais majeure, il ne m’a pas été difficile de louer une maison.

Un rapide calcul fournit à Gabriel l’âge de Cécilia, trente-cinq ans.

En 1999, lui, il était un gamin de neuf ans ! Il faillit le lui dire, se retint à temps. Son cousin Sylvain n’osait pas parler d’amour à Désirée Fortune parce qu’il se jugeait trop jeune pour elle, alors que cinq ans seulement les séparaient. Et lui, il ne voulait pas que son jeune âge fasse fuir Cécilia. Gabriel savait qu’il paraissait beaucoup plus âgé que ses vingt et un ans et souhaitait ce soir en tirer un avantage.

– Que c’est curieux,