Martin n’en aime qu’une seule
Il faisait une chaleur écrasante en ce mois de juillet 1901, à Saint-Hilaire-de-Beauvoir, un village de l’Hérault.
Comme tous les samedis, les femmes faisaient la queue devant le four communal. Elles attendaient pour cuire leur pain. Chaque miche portait une marque spécifique qui permettrait de reconnaître sa propriétaire quand elle leur serait redistribuée tout à l’heure.
Pélagie, 20 ans, habillée d’une longue et stricte robe grise au col blanc, cheveux roux relevés en un petit chignon serré, panier accroché au bras, était venue à pied depuis la ferme, à cinq kilomètres de là. Elle avait dû emprunter les souliers de sa sœur, trop petits pour elle, car un plaisantin avait caché les siens. Sans doute une farce de Léon, le pauvre garçon n’avait pas toute sa tête. Il avait dû penser que ça ferait rire Pélagie, mais ça ne l’amusait pas, elle n’avait pas le temps pour s’amuser et, surtout, les ampoules sur ses pieds la faisaient souffrir. Habituellement, elle venait en carriole à cheval, mais aujourd’hui son père était parti travailler aux champs avec.
Alors que les femmes attendaient, une rumeur attira leur attention.
– Regardez ces deux-là ! dit la petite Louise, elles vont bientôt se crêper le chignon, ça va nous passer le temps.
Pélagie étouffa un rire dans sa main. Ces deux-là, comme disait Louise, s’appelaient Germaine et Gabrielle. Tout le monde savait qu’elles en pinçaient toutes les deux pour Martin, le fils du meunier. D’ailleurs, toutes les filles couraient après Martin ! Et il n’était pas très difficile d’obtenir ses faveurs…
– C’est mon homme, tu m’entends, espèce de petite traînée ! vociféra Germaine en empoignant la tignasse de Gabrielle.
– Ton homme, lui ? Mais il n’est l’homme d’aucune femme, il les préfère toutes ! se moqua Gabrielle en donnant un violent coup de pied dans le mollet de sa rivale.
Germaine poussa un cri de douleur en tombant à genoux.
Des femmes se mirent à rire, d’autres se signèrent, d’autres encore poussèrent un petit cri, mais aucune n’aurait raté une minute de ce pugilat. On en trouvait même pour
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