Les Veillées des chaumières

La relève

Mathilde parlait, virevoltait sans laisser le temps à son amie de réagir. Et lorsque j’étais redescendu pour goûter, je remarquai déjà quelques menus changements. Les doubles rideaux du salon étaient tirés pour laisser entrer la lumière blanchâtre de décembre, le feu de cheminée réchauffait la pièce.

Louise avait préparé un plateau avec un napperon de dentelles, de jolies tasses, quelques gourmandises qu’elle avait emportées de la maison, pâtes de fruits, orangettes… Mathilde avait eu vite fait d’arranger quelques branches de houx, des feuillages dont elle s’était chargée avant de quitter Cassagnac.

– Adèle, vous voudrez bien préparer nos chambres pour ce soir ? Tu permets que je m’installe, très chère, n’est-ce pas ?

Camille avait hoché la tête sans un mot, elle fixait le tapis avec des yeux vides.

– Adèle, vous installerez monsieur Jean avec les garçons et ma petite Blanche dans la nursery. Je serai très bien dans la chambre d’amis. Au fait, ma Camille, quand rentre ton Alexandre ? Ce soir ? Bon, chère Louise, si nous avons ces trois jeunes hommes à table au souper, il va falloir vous y mettre, car à cet âge ils sont toujours affamés. Dieu que ton fils a grandi, j’ai hâte de voir Alex, il doit me dépasser à présent !

Jamais ma mère n’avait autant parlé.

Le lendemain, elle organisa avec l’aide de Louise et d’Adèle, complètement subjuguée, un vrai repas de fête pour réunir les parents de Camille, son frère Paul, son assistant – réformé pour des problèmes pulmonaires, pâle et timide – Charles Couturier. Il avait un très gentil sourire et se montrait d’un dévouement sans failles pour mon parrain qui s’était remis aux études avec courage et détermination.

Mathilde avait secoué son amie, lui démontrant que sa famille avait besoin d’elle, que son François serait désespéré de la retrouver dans cet état.

– Comment peux-tu dire cela, Mathilde, tu sais bien qu’il ne reviendra pas !

– Non, Camille, je n’en sais rien du tout, mais je fais confiance à la Providence, je prie et j’espère. C’est ce que tu devrais faire. La guerre est finie, chaque jour, des soldats rentrent. Tu n’as pas le droit de désespérer, oublies-tu que tu as deux magnifiques garçons qui comptent sur toi ?

– Oh, ma bonne, tu as raison, mais je deviens folle. Ne pas savoir, c’est insupportable !

La jeune femme avait éclaté en sanglots, ma mère l’avait serrée

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