La belle canuse

9 – RÉSUMÉ: Anne-Lise a été consulter l’avocat qui lui a redonné espoir. Elle se rend à la prison quai Perrache où est incarcéré Joseph. Il va bien, même si les conditions de détention sont très difficiles. Mais il est inquiet pour sa jeune épouse. Elle va bientôt accoucher, et il la laisse seule s’occuper de tout. Il faudrait de surcroît qu’elle trouve de nouveaux clients. Or les seuls contrats que les canuts peuvent encore obtenir sont des commandes de velours. Et Mathieu ne sait pas faire. Mais il a une idée. Il connaît un vieux couple, les Tissot, qui a tout perdu pendant la Sanglante semaine, et qui serait disposé à travailler pour eux. L’affaire est vite conclue. Et les voilà installés à la Croix-Rousse. Heureusement car Anne-Lise est sur le point d’accoucher. (Voir Veillées n^os 3467 et suivants.)

Comme s’ils avaient deviné que le moment était venu, les hommes ont arrêté les métiers, guettant le premier cri. Madame Tissot qui va et vient de la chambre à la souillarde porte une main ridée à son cœur, le regard tout embué. La sage-femme entrouvre la porte et annonce :

– C’est un beau gone de presque huit livres.

– Mon Dieu, elle a bien travaillé. Si fine, si menue, nous faire un mami de ce poids !

– Un futur canut, un second fils pour reprendre l’atelier, maître Joseph sera bien benaise.

– Mais qui ira lui dire à cette heure ?

– J’irai voir l’avocat, vous en faites pas, lui, il saura bien lui apprendre la bonne nouvelle. Mais comment il s’appelle, ce gone, le savez-vous, la mère ?

– Oui, votre maîtresse me l’a dit pour un gars, son homme et elle avaient décidé que ce serait Pierre-Marie.

– Avec la protection de Notre Mère, le petit gone ira loin, ça pour sûr.

– Allez, la Marie, venez à la santé de la mère et l’enfant.

À côté, dans la chambre, Anne-Lise se repose, elle serre contre elle son fils tout emmailloté, elle lui sourit et lui parle doucement. Elle lui parle de son père, de son frère, de ses sœurs, de l’atelier, des ouvriers, de la vie de canut, de la colline croix-roussienne… Et l’enfant, bercé par la voix de sa mère,