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L'affaire Emma Drouin
L'affaire Emma Drouin
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Livre électronique165 pages2 heures

L'affaire Emma Drouin

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À propos de ce livre électronique

Le 7 juillet 1959, le verdict tombe : coupable de meurtre. Le lendemain, la sentence : la peine de mort par pendaison. Emma se réveille en cellule le matin du 9 juillet, complètement effondrée : lors du prononcé de la sentence, elle est tombée à genoux en criant, les yeux levés vers le ciel : « Carmelle, viens chercher ta maman! ». Plus tard dans la journée, son avocat lui amènera cahiers et crayons : elle doit raconter les circonstances entourant le meurtre de sa fille, son avocat demandera un nouveau procès à la Cour du Banc du Roy. Mais, une fois quelques mots couchés sur le papier, ce n’est pas que les circonstances qu’elle racontera, c’est toute sa vie...
LangueFrançais
Date de sortie14 janv. 2022
ISBN9782897755829
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    Aperçu du livre

    L'affaire Emma Drouin - Martine Côté

    Prologue

    Emma est assise sur le lit de sa cellule, la tête entre les mains. Comment a-t-elle pu en arriver là ? Les larmes coulent sur ses joues et inondent ses mains. La peine de mort ! Mais rien ne lui redonnera Carmelle, son bébé, sa préférée, comme l’a dit Anna en cour. Carmelle si douce lorsqu’elle était enfant, si belle, si souriante. Elle était sa joie, son cadeau de la vie. Maintenant, tout est fini. Elle ira bientôt la rejoindre, si Dieu le veut. Son avocat, maître Jean-Paul Duhaime, vient d’arriver. Un policier ouvre la porte et l’escorte jusqu’à la salle d’interrogation. Il a décidé de faire appel du jugement. Emma, encore sous le choc, ne comprend rien à ce qu’il lui explique. Tout ce qu’elle retient, c’est que la sentence peut être changée. Mais tout cela ne lui ramènera pas sa douce Carmelle. Elle remet son destin entre les mains de maître Duhaime…

    Chapitre 1

    L’orphelinat

    Nous sommes le 26 mai 1924. Emma a dix ans et revient de l’école. Il fait un temps magnifique et elle est heureuse. Jean Beaubien, un garçon de sa classe, vient de l’inviter chez lui pour réviser après l’école. Elle active le pas pour aller demander la permission à sa mère. En arrivant près de la porte de la maison, une voix inconnue attire son attention par la fenêtre entrouverte. Une voix d’homme. Elle s’approche de la fenêtre pour voir qui discute avec sa mère. Celle-ci est assise face à lui et pleure, un mouchoir a la main. Il semble que l’homme ait un uniforme de policier. Elle hâte le pas et entre à toute volée. Les deux se retournent et la regardent. Sa mère pleure davantage en lui faisant signe de venir s’asseoir près d’elle. C’est là qu’elle lui apprend l’horrible nouvelle : son père a eu un accident de voiture sur l’autoroute menant à Québec, où il devait assister à un séminaire. Il est mort sur le coup. Non, non, non, c’est impossible ! Il devait lui montrer à pêcher cette fin de semaine ! Emma se tient la tête à deux mains. Un cri effroyable sort de sa bouche et elle s’enfuit au jardin sans demander son reste. Elle termine sa course en s’effondrant sur le bord de la rivière, pleurant de tout son saoul. Elle venait de perdre l’homme le plus important de sa vie.

    *

    La cérémonie eut lieu quelques jours plus tard et son père fut enterré dans la fosse familiale des Drouin. Sa mère demeurait inconsolable et Emma lui en voulait de se donner ainsi en spectacle. Ce n’est pas ce que son père aurait voulu. Il n’aimait pas les démonstrations en grande pompe. Lorsque sa mère se comportait de la sorte, il préférait quitter les lieux et la ramener chez eux. Son père était médecin et sa mère était fragile émotionnellement. Plus tard, on dira d’elle qu’elle était maniaco-dépressive ; mais à cette époque, cette maladie mentale n’avait pas de nom. Quoi qu’il en soit, après l’enterrement de son père, son cas ne s’est pas amélioré et Emma dut se débrouiller toute seule très tôt. Trop tôt pour son jeune âge. Elle rentrait directement après l’école pour nettoyer la maison et préparer le souper. Sa mère restait allongée à longueur de journée à se plaindre de maux de tête ou à fixer la photo de leur mariage sur le mur où elle était accrochée. Quand elle était au salon, elle était saoule. Elle se mettait alors à lui raconter sa vie avec son père en finissant par pleurer à fendre l’âme, avant de s’endormir d’épuisement d’avoir trop bu et pleuré. Emma n’avait même pas le temps de vivre son deuil tant sa mère la tenait occupée.

    Un bon matin, on cogna à la porte juste avant qu’elle ne parte pour l’école. Sa tante Éléonore était sur le seuil avec deux hommes en blouses blanches. Ils venaient chercher sa mère pour l’entrer à l’asile. Ils durent lui mettre une camisole de force pour la sortir de la maison. Encore une fois, sa mère se donnait en spectacle, au vu et au su de tous les voisins. Sa tante aida Emma à faire une valise pour sa mère et une valise pour elle-même. Elle aussi quittait la maison. Elle serait envoyée à l’orphelinat. Éléonore étant religieuse et l’unique parente de l’enfant, elle n’avait d’autre choix que celui de l’y envoyer. Sa vie venait de prendre un tournant. Emma pensait que cela ne pouvait être pire que d’être privée de père et de mère. Grossière erreur.

    Chapitre 2

    Une bien mauvaise rencontre

    Emma se promenait de long en large dans sa cellule ; comment en était-elle arrivée là ? Le gardien lui avait permis de lire le journal ce matin ; dans Le Progrès du Golf, journal local de Rimouski, on pouvait lire sur la page couverture : « Le 15 avril 1959, Carmelle Pincourt est assassinée par arme à feu à Grande-Anse ; sa mère Mme Léo Pincourt est reconnue coupable du meurtre de sa fille et est condamnée à être pendue le 14 juillet 1959 ; la cour du banc du Roy demande la tenue d’un nouveau procès. » Quel espoir pouvait-elle se permettre ? Sa fille était tout de même décédée ! Ce n’était pas ce qu’elle voulait, elle le savait bien ! Mais l’abus d’alcool et la colère avaient eu raison de ses agissements… Qu’est-ce que son avocat allait bien pouvoir préparer comme défense ?

    « Mme Drouin, car désormais je devrai m’adresser à vous sous votre nom de jeune fille, lui avait dit son avocat, nous devons maintenant préparer votre défense pour votre cause en appel. J’ai l’infime conviction que nous aurons droit à ce procès puisque vous êtes la première femme condamnée à la peine de mort dans le district de Rimouski. Il faudrait m’en dire plus sur votre enfance, votre vie avec vos filles et tout ce qui peut en quelque sorte expliquer que vous en soyez arrivée là… Plus vous m’en dites, plus je pourrai appuyer votre défense… Voici quelques cahiers et un crayon muni d’une efface. Écrivez tout ce que vous pouvez. »

    C’est ainsi qu’Emma se lança dans le récit de sa vie…

    Après le décès de son père, Emma fut confiée aux bons soins de l’orphelinat de la congrégation des Sœurs du Bon Secours dans la région voisine. Elle était devenue une pensionnaire revêche et mal élevée, préférant donner des coups la première plutôt que de subir la violence des autres filles. Elle avait perdu son père, et sa mère n’était pas en mesure de s’occuper d’elle, mais toutes les pensionnaires savaient bien que son père était docteur et qu’elle venait d’une famille plutôt aisée, alors que la majorité d’entre elles n’avaient même pas connu leurs parents. De plus, elles n’étaient qu’une poignée à avoir plus de dix ans ; la plupart des grosses corvées leur étaient donc attribuées. Netttoyer les lits en secouant les paillasses et en remplaçant la paille pour éviter les puces, les poux et les tiques était l’une des tâches qu’Emma détestait le plus, et bien sûr c’est celle qu’on lui attribuait le plus souvent dans l’espoir de la « casser », mais en vain. Cela ne la rendait que plus rebelle, lui faisant élaborer des plans pour fuir cet endroit pire que la prison. Assez sarcastique comme réflexion quand on y pense.

    *

    C’est le 25 mai 1929 qu’elle réussit à fuir cet endroit maudit. Échappant à la surveillance des Sœurs, elle se faufila derrière l’orphelinat et grimpa dans la charrette à foin qui quittait l’édifice. Elle franchit sans problème le portail en se cachant dans le foin et descendit sans que personne ne s’en aperçoive aussitôt qu’elle considéra qu’elle devait être assez éloignée pour ne pas être repérée. Elle marcha quelques heures et atteignit un petit village. Elle se faufila dans un champ de cultivateur pour voler quelques légumes afin de se rassasier.

    Elle était tellement fatiguée de marcher qu’elle considéra la grange derrière la maison du cultivateur et décida d’aller s’y installer pour la nuit avec son maigre butin. Elle s’endormit aussitôt son repas terminé, dans le box du cheval, se collant le dos sur l’animal pour lui donner un sentiment de sécurité qu’elle n’avait plus depuis longtemps…

    Elle referma son cahier de notes que l’avocat lui avait laissé et s’allongea sur le lit de sa cellule. On venait d’avertir les « pensionnaires » qu’ils devaient éteindre leur lampe. D’écrire son histoire réveillait de vieux sentiments refoulés dans le cœur d’Emma et elle s’endormit en redoutant le petit matin, qui la rapprochait du verdict fatidique…

    *

    Maître Duhaime vint la visiter avec une excellente nouvelle ; sa cause serait entendue en appel. Un mince espoir s’installa dans le cœur d’Emma ; peut-être finalement qu’elle ne finirait pas ses jours au bout d’une corde. De retour dans sa cellule, elle reprit son cahier et continua le récit de sa triste vie.

    C’est le fils du cultivateur qui la réveilla le lendemain matin. Ou plutôt une douleur fulgurante dans le bas-ventre, comme si on la déchirait en deux. Le jeune homme était par-dessus elle et ondulait du bassin dans des mouvements de va-et-vient. Il sentait mauvais et avait une très mauvaise haleine.

    — Bouge pas la souillonne ! Ou je le dis à mon père que t’es couchée là ! 

    Le garçon bougeait de plus en plus vite et haletait vraiment fort. Tout d’un coup, une grimace tordit son visage et Emma sentit un liquide chaud couler entre ses cuisses quand il se renversa enfin sur le côté. Enfin ! Elle était paralysée par la peur et la douleur l’empêchait de se lever. Elle entendit quelqu’un crier au loin.

    — Edmond ! T’arrives ou quoi ? C’est pas si long de ramener un cheval bon sang !

    Il se leva d’un bond et rajusta ses pantalons.

    — T’es ben mieux d’être partie avant que je revienne des champs ce soir sinon t’auras droit à la même médecine !

    Et il sortit avec le cheval contre lequel elle s’était blottie. Elle laissa couler quelques larmes avant de se relever de peine et de misère afin de continuer son chemin. 

    À quelques enjambées de la grange, elle tomba face à face avec la fermière, une femme au visage avenant avec des yeux immenses, agrandis par la surprise.

    — Mais qu’est-ce que tu fais là toi ? Et t’arrives d’où comme ça ?

    Encore incapable de courir, Emma opta pour la vérité ; elle expliqua à la fermière qu’elle s’était échappée de l’orphelinat et qu’elle avait dormi dans la grange près des chevaux. Au lieu de se fâcher, la fermière la regarda tendrement.

    — Je te comprends de ne pas avoir voulu rester dans cet endroit de misère ; j’y suis moi-même allée il y a bien longtemps et je m’en suis échappée dès que j’ai pu moi aussi. Heureusement que j’ai rencontré une bonne dame qui m’a aidée à m’en sortir. Viens, je

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