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La vie en double
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Livre électronique190 pages3 heures

La vie en double

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À propos de ce livre électronique

« Accepte ta métamorphose. » Quel conseil difficile à suivre quand on vous a abîmé ! Devenir qui on est, en dépit de tout ce que l’on met en travers de notre chemin, est loin d’être facile. Marie est une jeune femme au parcours chaotique qui évolue sur un fil et qui est poursuivie par des doubles troublants. Elle ne sait pas encore qu’elle peut être forte, mais la rue et les rencontres vont la transformer. Assumera-t-elle son destin atypique ?


À PROPOS DE L'AUTEURE


Après des études de lettres et une carrière dans l’enseignement, Jenny Morère publie en 2021 Seuls ?, un recueil de nouvelles à chutes. Elle récidive avec cet ouvrage dans un style qui ne laissera pas sur leur faim les grands impatients et férus de lecture comme elle.
LangueFrançais
Date de sortie12 déc. 2022
ISBN9791037777492
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    Aperçu du livre

    La vie en double - Jenny Morère

    Jenny Morère

    La vie en double

    Roman

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    © Lys Bleu Éditions – Jenny Morère

    ISBN : 979-10-377-7749-2

    Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122- 5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122- 4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335- 2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

    Prologue

    Marie Émilie

    Marie avait immédiatement ressenti le moment de la séparation. Elle s’était raccrochée à sa sœur Émilie comme on se cramponne à une bouée au milieu d’un océan hostile et déchaîné. Elle l’avait serrée, serrée pour ne pas être séparée d’elle contre la volonté de « la méchante ». Elle ne voulait pas que sa sœur s’éloigne, elle avait essayé de la retenir, mais sa mère n’avait pas voulu qu’elles restent ensemble ! Pourtant, elles s’entendaient si bien, depuis toujours. Même parler était inutile. Presque un seul cœur. Préférer un de ses enfants, c’est contre nature. Maman est jalouse, elle veut garder Émilie pour elle toute seule ! pensait Marie, d’ailleurs, elle n’arrête pas de me le dire : « Marie, arrête, ça suffit maintenant ! » Et tout ça parce que nous parlons avec Émilie, on se raconte tout un tas de choses qui lui échappent. Dès qu’elle nous entend chuchoter toutes les deux, ça l’agace. De toute façon, ça finit toujours pareil. Je me retrouve enfermée dans ma chambre. Mais je m’en fiche, parce qu’Émilie est plus maligne qu’elle, elle arrive toujours à se faufiler et à me rejoindre.

    Avec l’adolescence, le conflit avait empiré. La mère de Marie l’avait fait entrer dans une sorte d’internat médicalisé pour enfants difficiles dans lequel elle travaillait, pour avoir un œil sur sa fille. Marie passait ses journées au lit ou se plongeait dans des livres qu’elle dévorait. Il lui était de plus en plus difficile de se lever le matin. Elle se complaisait à écouter le tic-tac du réveil, comme un bruit cardiaque rassurant. Par contre, elle savait qu’Émilie détestait ce bruit. Alors, pour lui faire plaisir, elle envoyait valser le réveil dès qu’elle ouvrait l’œil.

    Comme Marie avait été autorisée à écrire dans un journal intime que lui avait acheté sa mère, elle ne se privait pas de déverser toute sa bile sur cette mère dénaturée qui la séquestrait, pour la punir de bien s’entendre avec sa sœur. Un comble ! Elle soupçonnait même sa mère de la droguer pour ne plus être capable de discuter avec Émilie. Alors, elle utilisait son journal pour lui laisser des messages, sauf qu’un jour, en se promenant dans le couloir, par la porte entrebâillée de son bureau, elle avait surpris sa mère en train de lire son journal et de prendre tout un tas de notes sur son carnet. Une incroyable colère doublée d’une terrible dispute s’en étaient suivies.

    Marie, pour se venger, s’était immédiatement réfugiée auprès de sa grande sœur. C’était quand même dingue cette intrusion et cette préférence pour la sœur aînée. On ne pouvait même pas en parler. Sa mère lui disait qu’il ne fallait plus parler d’Émilie, et c’était tout. Mais non, ce n’était pas tout, pourquoi toujours considérer cette grande sœur comme un Dieu intouchable alors qu’elle voulait simplement avoir la relation la plus simple, la plus évidente, une relation fraternelle ? Sa génitrice n’avait décidément pas toute sa tête.

    — Tu vois, Émilie, maman est vraiment méchante ! vociférait Marie, je crois qu’elle est folle, ou alors, elle voulait une enfant unique et elle me le fait payer, c’est une tortionnaire en fait !

    — N’importe quoi, Marie, répondit Émilie avec exactement la même intonation. Elle nous aime toutes les deux, mais séparément.

    — Mais nous ne sommes pas séparées, nous sommes ensemble, nous sommes sœurs !

    Il n’y avait rien à faire, Émilie était bien trop gentille, Marie le savait bien. Inutile de couvrir maman, elle était méchante ! C’est à cause d’elle qu’on les séparait toujours.

    Un jour plus conflictuel que les autres avec sa mère, un jour où celle-ci l’avait exaspérée plus que d’habitude en lui disant de ne pas parler de sa sœur, Marie s’était enfermée dans sa chambre. Elle s’était placée devant la glace collée au-dessus du lavabo, et, puisqu’il n’y avait pas d’autre solution, elle avait parlé avec Émilie, en se regardant dans la glace. Après tout, sa sœur, c’était un peu elle alors…

    Mais encore une fois, sa mère était entrée dans la chambre, comme dans un moulin d’ailleurs, sans respecter son intimité, totalement décomposée. Elle avait trouvé les deux poupées ligotées ensemble que Marie avait mises dans son bureau pour se venger, et bien lui faire comprendre sa pensée. Eh bien tant mieux ! C’est tout ce qu’elle méritait !

    Après cet incident et les conséquences médicamenteuses prises par sa mère qui s’étaient abattues sur elle, l’adolescente avait décidé de ne plus décrocher une parole. Ce serait sa punition. Renier cette femme sans cœur. Mais, les mesures prises par « la méchante » l’empêchaient toujours de voir sa sœur. Sa mère avait gagné, elle était parvenue à les séparer. Elle avait même voulu lui faire croire qu’Émilie était morte en la traînant plusieurs fois jusque dans un cimetière devant une ridicule pierre tombale. Sa mère ne reculait décidément devant rien. Où avait-elle enfermé Émilie ? Derrière le mur, comme d’habitude certainement.

    Marie était si faible et abrutie par les médicaments qu’on la forçait à ingurgiter qu’elle perdait toute volonté de retrouver sa sœur. Le cachot où cette dernière était sûrement enfermée lui semblait inaccessible.

    Pourtant, un soir où sa mère lui présenta pour la énième fois les pilules, pour la manipuler à sa guise, elle eut le réflexe de les cacher sous sa langue. Et, quand sa mère lui demanda d’ouvrir la bouche pour vérifier qu’elle avait bien avalé, la « méchante » n’y vit que du feu.

    Progressivement, Marie prit l’habitude de ne pas prendre ses médicaments obligatoires, mais eut la présence d’esprit de jouer les somnolentes, pour ne pas éveiller les soupçons de sa mère. Grâce à ce subterfuge, elle put rejoindre Émilie bien dissimulée derrière le mur que Marie avait la force de faire tomber, quand elle n’était pas diminuée par les médicaments. Elle retrouvait toujours Émilie de toute façon, sa mère avait si peu d’imagination pour la cacher ou l’enfermer. Elle put ainsi enfin reprendre sa relation fusionnelle et clandestine avec sa sœur. Pourtant, au fil du temps, Émilie avait changé. Elle était moins aimable. Marie avait l’impression qu’elle lui reprochait son absence, quand elle avait été droguée par sa mère. Dans son cœur, Marie voyait bien que cette période de silence et d’isolement entre elle et sa sœur avait cassé quelque chose.

    Marie devint de plus en plus triste, et continua de ne plus adresser la parole à sa mère. Elle savait qu’elle tiendrait le châtiment qu’elle avait décidé de lui infliger jusqu’au bout. Mais c’était comme si elle entendait Émilie lui rabâcher dans sa tête : « tu m’as abandonnée, c’est comme si j’étais morte pour toi ! Tu t’en prends à maman, mais elle n’y est pour rien, c’est entièrement de ta faute si nous ne sommes plus ensemble. »

    Les sœurs ne se parlaient plus et perdirent tout contact. Marie sombra dans une profonde dépression. Elle ne quittait presque plus sa chambre. Son mutisme fut total. Elle passait ses journées à tresser ses longs cheveux blonds, qui lui descendaient jusqu’en bas des reins. Elle les torsadait puis enroulait la natte autour de son cou et serrait, serrait très fort, à en perdre le souffle.

    Un jour qu’elle serrait plus fort que d’habitude, à s’en étouffer littéralement, sa mère, qui entrait dans sa chambre avec les médicaments habituels et un verre d’eau, se précipita sur elle, pendant que les cachets roulaient sous le lit et que le verre se brisait en mille morceaux. Paniquée par le geste d’une violence désespérée de sa fille, elle sortit de ses gonds et échangea le ton apaisant qu’elle s’efforçait de garder habituellement, pour le cri d’une mère désemparée :

    — Arrête Marie, arrête, Émilie ne viendra pas Émilie n’est plus ici !

    Ensuite, tout se passa très vite, sa mère appela à l’aide. Marie se retrouva attachée à son lit en quelques secondes, non sans avoir discrètement pris un bout de verre effilé resté au sol dans sa main. Les cachets habituels furent remplacés par une piqûre qui ne lui laissait aucun choix. Elle sombra dans un sommeil artificiel.

    Marie se réveilla en plein milieu de la nuit, elle sentit une vive douleur dans sa main crispée. Le morceau de verre ramassé à la hâte avait tracé un sillon béant dans sa main. En penchant la tête sur le côté, elle vit le drap plein de sang. Une envie de vomir lui prit les entrailles, mais elle résista aux spasmes, et ouvrit la main ensanglantée en grimaçant. Il fallait que cesse cette entrave qui la clouait au lit. La haine pour sa mère était si forte qu’elle réussit laborieusement à trancher la sangle en plastique qui retenait ses bras, puis les bras libres, celle qui retenait son buste et enfin ses pieds. Il fallait que tout cela finisse ! Sortir de cette chambre, aller dans le bureau de maman, lui laisser un message qui lui réglait son compte et retrouver Émilie pour avoir une explication avec elle et enfin se réconcilier, c’était ce qu’il fallait faire. C’était ce qu’elle voulait plus que tout à l’instant même, et peu importe la douleur.

    Elle se glissa hors de la chambre. La porte était toujours ouverte pour que la « méchante » puisse entrer de toute façon. Le couloir blanc, éclairé par des veilleuses lui sembla interminable, sans doute l’effet d’un relent de sédatif.

    Le bureau de sa mère se situait justement au bout de ce couloir, presque d’un tunnel. Pas de lumière sous la porte, tant mieux. Elle pourrait tranquillement écrire un mot vengeur et plein de haine à cette mère monstrueuse de cruauté. Elle entra. Elle prit le temps de fermer soigneusement la porte derrière elle, avant d’allumer la petite lampe de bureau pour plus de discrétion. Les surveillants blancs, c’est comme ça qu’elle les appelait, traînaient partout dans les couloirs de jour comme de nuit. Cette nuit pourtant, tout semblait étrangement calme. Ils pensent avoir maté la récalcitrante se dit-elle, eh bien c’est raté !

    Elle s’assit sur le fauteuil de sa mère avec délectation, un sentiment de puissance et le plaisir de l’interdit la saisirent. Elle laissa sa tête partir en arrière, ferma les yeux le temps de se concentrer sur ce qu’elle voulait écrire à sa mère, avant de partir. Partir pour enfin vivre ! Elle rouvrit les yeux et se pencha sur le bureau, un peu éblouie, le temps que ses pupilles fassent la mise au point. Un dossier ouvert sur la table attira son attention. Son nom était inscrit en haut des pages. Des feuilles, des carnets que la « méchante » alimentait et une pile de documents disparates considérable jonchaient le bureau. Elle brandit la première feuille, juste après la couverture cartonnée et lut :

    Nom : Twinn

    Prénom : Marie

    Mère : Elisabeth Twinn

    Père : inconnu

    Médecin psychiatre : Elisabeth Twinn

    Pathologie : trouble dissociatif de l’identité

    Date d’entrée : le 20 mars 2015

    Descriptif : Patiente souffrant de TDI diagnostiquée dans la petite enfance après un traumatisme intra-utérin : étranglement de sa sœur aînée jumelle in utero par le cordon ombilical pendant l’accouchement.

    Très rapidement, Marie Twinn a développé un syndrome post-traumatique et a manifesté un dédoublement de personnalité qui incluait sa propre identité et celle de sa sœur qu’elle endossait pour ne pas vivre et assumer la séparation et la mort de cette dernière qu’elle n’avait jamais acceptée. Enfant ayant été diagnostiqué HPI. Facteur aggravant de sa pathologie rendant difficile la thérapie.

    Après ce feuillet étaient compilées des notes prises par sa mère, des prescriptions de médicaments, des pages de son journal où elle reconnut son écriture.

    Marie, pour une fois, seulement Marie, comprit que serrer sa sœur qu’elle aimait si fort, pour ne pas la laisser partir à l’extérieur, au bout de ce tunnel, vers la lumière, avait fait d’elle une meurtrière. Après son étreinte, le petit bruit qui rythmait le battement du cœur d’Émilie avait cessé. « Tu comprends pourquoi je n’aime pas le bruit du réveil matin ! » dit Émilie.

    Marie retint sa respiration le plus longtemps possible jusqu’à ce que l’air lui manque et que ses poumons, instinctivement, lui fassent prendre une grande inspiration, comme s’ils s’ouvraient pour la première fois. Une grande douleur lui déchira la poitrine. Elle pourrait désormais dire « je ».

    Marie

    — Mademoiselle, vous avez besoin d’aide ? Un café ? Une soupe chaude ?

    — Foutez-moi donc la paix !

    C’était encore la voix du type de la maraude qui m’interpellait pour la énième fois. Cette voix insistante commençait à m’agacer sérieusement.

    Emmitouflée dans la couverture polaire qui était devenue une deuxième peau : un immense blouson de ski d’une personne visiblement bien plus grande que moi et qui m’arrivait jusqu’à mi-cuisses, je me recroquevillais, bien décidée à ne pas bouger. Un gros bonnet sur la tête qui cachait mon front, mes oreilles et ma longue chevelure que j’avais entortillée dedans, je devais ressembler à un Bibendum. Pour une fois que j’avais trouvé un coin tranquille dans ce renfoncement bétonné de ce qui avait dû être autrefois un abri pour générateur électrique, je n’étais pas prête à quitter ce nouveau chez moi, qui avait la bonne idée d’avoir un toit, et de ne pouvoir abriter qu’une personne. J’y dormais occasionnellement quand j’étais incapable de rejoindre mon point de chute habituel. Avec le vent glacial, j’avais renoncé à aller plus loin ce soir-là.

    Le jeune homme de la ronde de nuit me prit le bras. Son geste m’agressa.

    — Lâche-moi !

    — Mais enfin, tu ne peux pas rester comme ça, tu vas mourir de froid.

    — Et alors, qu’est-ce que ça peut te faire ?

    C’est vrai que cette nuit était particulièrement froide, mais j’avais appris à gérer ces températures jusqu’à présent. Quatre ans exactement. Ce n’était que depuis quelques mois que je sentais que c’était plus difficile. Que tout était plus difficile en fait. Mais ce n’était pas ça qui me ferait céder à cette voix, toujours la même, et qui voulait absolument m’apporter de l’aide.

    — Pense à lui au moins, me répondit-il avec compassion, en pointant mon ventre.

    Les mots me touchaient et me mettaient en colère en même temps. Qui était-il celui-là pour se mêler de ma vie ? J’étais seule à en décider. Je ne voulais plus que l’on décide pour moi, je ne voulais plus que l’on me dise ce que j’avais à faire. J’étais moi, seulement moi. Et pour « lui », c’était moi qui décidais aussi.

    Je me levai péniblement pour mieux me faire comprendre. Mes mains gelées malgré les gants de laine trop grands qui les enveloppaient s’agrippèrent aux rebords de cette minuscule alcôve qui me servait de refuge. La main qui m’avait retenue tout à l’heure et par laquelle je m’étais sentie agressée ne m’aida pas. Elle avait compris qu’elle ne devait pas me toucher, même si la voix l’accompagnait de bonnes intentions.

    La position fœtale dans laquelle je m’étais mise avait engourdi mes genoux qui s’étaient ankylosés. Le sang qui refluait dans mes jambes me donnait des fourmillements glacés. Machinalement, je posai une main sur mon gros ventre

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