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Le mystère François B.
Le mystère François B.
Le mystère François B.
Livre électronique333 pages4 heures

Le mystère François B.

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À propos de ce livre électronique

Sébastien est médecin, passionné de généalogie et Laurence, brillante spécialiste de l’ADN. Ensemble, ils vont partir à la recherche de leur passé, de la vie de leurs ainés au travers des deux dernières guerres. Ils sont loin d’imaginer combien les secrets de famille qu’ils découvriront modifieront leur vie…
LangueFrançais
Date de sortie20 mai 2020
ISBN9791029010620
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    Aperçu du livre

    Le mystère François B. - Jean Orset

    cover.jpg

    Le mystère François B.

    Jean Orset et Yves Rossetto

    Le mystère François B.

    Les Éditions Chapitre.com

    31, rue du Val de Marne 75013 Paris

    © Les Éditions Chapitre.com, 2020

    ISBN : 979-10-290-1062-0

    À notre amitié…

    ASCENDANTS DE LAURENCE CARRIER

    ASCENDANTS DE SÉBASTIEN ROBIN

    Chapitre 1

    Lundi 5 mai 1913

    « Allez, vas-y mon Sultan… tire… »

    François guide son cheval, pour ouvrir des raies dans cette terre limoneuse. C’est vrai qu’elle est fertile, cette terre, coincée entre l’Isère et le Villard. Et puis Sultan est fort, un beau percheron noir, avec un corps trapu. Il a fière allure avec ses yeux vifs et la crinière toujours de travers qui lui donnent un côté espiègle, sans compter ses fanons qui s’agitent à chaque pas.

    François aime son cheval, outre le fait que sans lui, il n’aurait pas pu entretenir toute la propriété des Borrel, la complicité qui existe entre eux est manifeste. Il n’a pas besoin de beaucoup parler, des intonations, des regards même, et le message passe. Il lui caresse tendrement l’encolure.

    Le labourage de la grande parcelle du Jules n’est même pas un problème. Il a attaqué tôt ce matin. Depuis deux jours, un soleil piquant est revenu, après tout ce mois d’avril pluvieux. Enfin du beau, on va rattraper le temps perdu… Ils sont seuls, et ils ont déjà bien avancé.

    François décide de faire une pause.

    « Ho, Sultan ». Seule l’oreille droite s’est tournée de côté, pas besoin de plus. Le cheval s’arrête aussitôt et le maître s’asseoit sur la grosse pierre qui joue le rôle de limite, en bordure du chemin d’accès. Il relève légèrement sa casquette. De grosses gouttes de sueur perlent sur son front. D’un revers de la main, il s’essuie. Il réajuste lentement son couvre-chef et tire un couteau de sa poche. Un petit bout de saucisson fera bien l’affaire. Il boit une lampée du vin rouge qu’il sort de sa besace. Du vin local : « douze degrés les deux litres » comme dit en plaisantant son père, le Valentin Borrel, qui commande encore bien toute la troupe familiale.

    François a maintenant 21 ans. Comme disent ses copains, il n’est pas grand, mais il a la force de deux percherons réunis. C’est un beau garçon aux épaules larges, aux longues mains calleuses, au corps musclé, endurci par les travaux des champs. Il a une souplesse naturelle qui rend ses gestes fluides et gracieux. Ses cheveux roux en tignasse viennent accentuer son côté rebelle, qui est adouci par de grands yeux bleus. C’est là tout son charme. Vêtu en permanence de son éternelle chemise bleue délavée par la sueur et le soleil, et de son pantalon de grosse toile marron, rapiécé aux genoux et tenu par une ficelle qui pend le long de sa poche, il ne laisse pas les jeunes filles insensibles. Il est l’aîné d’une fratrie de huit et ce n’est pas tous les jours, facile. Heureusement, il y a Marie la petite dernière. Elle est belle comme un cœur et maligne comme un renard. Il se sent responsable d’elle comme s’il était son propre père. Le Valentin, lui, il est usé jusqu’à la corde. Les années passées dans les champs à courber l’échine sous la pluie, le soleil, l’ont ravagé. Sa santé est devenue très précaire et tous les jours la famille s’attend à le voir ne pas se réveiller. La mère n’est guère mieux lotie. Élever huit enfants, prendre en charge tous les travaux du quotidien et rechercher en permanence les moyens de nourrir tout ce beau monde l’ont épuisée. Bien qu’elle n’ait que 45 ans, elle en parait 70. François est conscient de tout cela. En cette matinée proche de l’été, il se dit que bientôt ce sera lui le responsable de la maison en tant que fils aîné. Une très lourde charge. Marguerite qui n’a que deux ans de différence avec lui, est maintenant une belle jeune fille et fréquente le Louis Gatignon.

    Un de ces jours, on parlera sûrement de noces. La famille Gatignon est une vieille famille de la Bâthie. Le père est exploitant forestier en forêt de Rhône. Le fils Louis prendra la succession et l’avenir de Marguerite est assuré. Ce n’est pas le cas de Pierre son frère qui a un an de moins qu’elle. Pierre est un garçon très intelligent. Mais il ne se sert de son intelligence que pour arriver à ses fins qu’elles soient louables… ou pas ! Son avenir dépendra des choix qu’il fera en bien ou en mal. François espère que Pierre choisira la bonne voie, celle du bien. Ensuite il y a Jeanne d’un an plus jeune. Dans toutes les familles, il y a un des enfants appelé par le Seigneur. C’est le cas de Jeanne. Elle n’est bien que dans la prière et les offrandes à Dieu. Elle aide la mère pour les travaux domestiques, mais c’est surtout au Seigneur qu’elle pense tout au long de ses journées.

    Elle prie pour l’âme d’Andréanne, sa sœur née un an après elle et morte peu après sa naissance. Elle avait attrapé une infection qui l’a emportée près de Dieu en deux jours. Ensuite, il y a Emmanuel et Joseph les jumeaux qui ont déjà 15 ans. Ils sont en pleine adolescence. Leur voix mue, les poils commencent à se faire hirsutes sur leur peau burinée par le soleil de l’été. Ce sont deux beaux gaillards que les filles du canton regardent avec un peu trop d’insistance. Il va falloir surveiller tout ce beau monde. La dernière, Marie, qui a 14 ans est très belle avec ses cheveux blonds comme les blés. Son visage doux lui donne un air angélique, mais son sourire espiègle met en évidence son côté petit démon. Elle fait craquer tout le monde. Elle le sait et en joue, arrivant toujours à ses fins. François ne peut rien refuser à cette enfant qu’il adore. Elle a un côté fleur bleue et vit toujours le moment présent comme si c’était le dernier, pour oublier très vite, dès qu’une nouvelle histoire débute.

    François est heureux, la vie qu’il mène, toute simple, lui suffit. Il y a suffisamment de travail avec toutes les terres qu’ils ont, il ne mourra jamais de faim avec la ferme… et puis, il y a Noélie qui commence à lui occuper sérieusement la tête !

    C’est la fille aînée du Joseph Lapierre, le journalier qui travaille pour les Borrel. Ils jouent ensemble depuis leur tendre enfance. Elle a pourtant cinq ans de moins que lui, et c’est une fille, mais, déjà tout petit, il aimait bien lui apprendre des choses : comment faire un arc, ou bien un petit moulin qu’on fait tourner dans les ruisseaux ? Quand il pleut, faire des dessins et pendant l’école, l’aider à apprendre ses leçons. Elle est très souvent à la maison, une sorte de sœur en plus… Mais depuis quelque temps, c’est devenu une belle jeune fille, plus indépendante, plus femme ; ses longs cheveux blonds, qu’elle noue savamment sous un fichu, lui donnent un air de douce sauvageonne, et il n’y est pas insensible.

    Pourtant les filles ne l’intéressent guère ; il n’est pas timide, loin de là, mais il les trouve soit pas à son goût, soit bécasses à minauder ou se dandiner.

    Il a échangé quelques baisers avec la Justine, cela n’a pas duré ; quant à la fille de l’instituteur, elle est trop prétentieuse. Mais Noélie, elle…

    Il va falloir qu’il trouve une solution, d’abord pour savoir si elle va pouvoir le regarder autrement, et surtout pour éviter son père ! Le Joseph n’est pas commode, il bougonne tout le temps, s’estime exploité à la ferme, ou bien se plaint de ses douleurs. Il ne verrait pas d’un bon œil qu’on tourne autour d’elle. Mais, pour l’heure, il libère le soc de la petite charrue, en la soulevant pour la dégager, c’est le plus pénible. La terre colle au métal, et alourdit terriblement l’ensemble ; avec le pied, il la fait glisser au sol, tourne le soc et la charrue, et positionne ses roues dans l’axe d’un futur sillon. Sultan attend…

    – « To drè »

    Le cheval comprend même le patois, il part tout droit, il faut finir le labour…

    En rentrant vers midi, il entend le père parler d’une voix forte ; de la cour, on comprend que ça chauffe dans la cuisine ! Il aperçoit son frère cadet Pierre par la fenêtre, faisant de grands gestes, une dispute s’est déclarée entre le père et le fils. Qu’y a-t-il encore ?

    – Je te l’ai déjà dit : ne comptez pas sur moi pour passer ma vie ici, à cultiver la terre et traire les vaches, ce n’est pas mon choix.

    – Et l’on peut savoir ce que c’est ton choix, comme tu dis ?

    – Je veux m’installer en ville, ouvrir un commerce et gagner de l’argent.

    – Prétentieux en plus !

    – Ce n’est pas de la prétention, mais de la prévention : regarde-toi, tu as le dos en compote, Maman n’est guère mieux, le travail est trop pénible ici.

    – Écoute – moi bien petit, les terres, on les a héritées de nos aïeux elles nous font vivre et pas trop mal si tu veux mon avis. Il y a déjà un respect à avoir, et ça, tu ne l’as pas encore appris. Ensuite, que feras-tu de cet argent que tu veux tant gagner ?

    – Je veux m’acheter un bel appartement et puis vivre rapidement de mes rentes.

    – Mais bougre d’âne, tu seras malheureux en ville, enfermé entre quatre murs. Réfléchis un peu !

    C’est tout réfléchi. Effectivement, on sent l’impasse. La mère se blottit contre le poêle à bois, en s’essuyant les mains dans son tablier, le regard apeuré de celle qui aurait tant à dire, mais n’ose pas intervenir. Une mèche de cheveux, échappée de la grosse barrette qui les tient, lui couvre une partie du visage, mais elle est trop préoccupée pour s’en apercevoir. Le père Valentin fulmine, Marie la petite dernière est dans ses rêves d’adolescente, et le chat s’est réfugié derrière la caisse à bois ! Quel tableau !

    François se permet d’intervenir :

    – Laisse-le faire ce qu’il veut, ce n’est plus un merdeux.

    – À vingt ans, moi j’obéissais encore à mon père cria le vieux !

    – Il ne te désobéit pas, il dit que ce n’est pas le genre de vie qu’il souhaite, c’est différent non ?

    – Comment peut-il savoir ce qu’il veut ?

    Pierre reprit la parole :

    – Depuis tout gamin, je veux vivre ailleurs qu’à la ferme, c’est pour cette raison que j’ai beaucoup travaillé à l’école. Tu te rappelles comment j’ai décroché mon certificat d’études. Je veux étudier encore et rester mon propre patron, comme toi, mais en moins pénible.

    – La vie n’est pas aussi simple, tu risques vite de déchanter.

    – Mais je ne m’en prendrai qu’à moi.

    Les premiers signes de détente sont là, mais il semble qu’un virage sans retour soit amorcé. Tôt ou tard, Pierre nous quittera pour aller vivre ailleurs. Est-ce que les parents pourront s’y faire, eux qui ont déjà dans leur tête, « casé » leurs mômes. Rien n’est moins sûr.

    Le repas fut un peu triste, chacun reste campé sur ses positions, mais souhaitant trouver malgré tout, encore des arguments pour convaincre l’autre, et il faut le dire, pour se faire pardonner des mots qui dépassent quelquefois la pensée. Finalement, on est tombé dans un silence, que seul le bruit des fourchettes heurtant les assiettes de faïence blanche vient troubler. Heureusement, Marie est là avec nous et nous apaise de ses sourires et de ses complicités avec le chat. Dans ces moments – là, elle ne s’adresse qu’à lui, comme si personne d’autre n’existait. Le chat en profite et donne l’impression d’en rajouter, en venant ronronner contre ses jambes.

    Le délicieux gratin dauphinois que ma Joséphine de mère a préparé, malgré sa quantité de crème, est vite avalé et après un bout de fromage, elle se lève rapidement pour aller faire le café. Joseph, notre journalier va arriver d’un moment à l’autre ; ils ont prévu cet après-midi d’aller faucher les abords, tout autour des parcelles de blé qui commence déjà à lever. Les graminées sont déjà hautes, et plus on attend, plus ce sera pénible.

    Mon vieux a compris, Pierre ne sera plus de la partie. Les jumeaux sont à l’école, ils seront donc trois. L’après-midi sera très long pour le dos de Valentin…

    Il est 13 h 30.

    Joseph ne tarda pas à arriver. Il n’est pas seul, Noélie l’accompagne… qu’elle est jolie, dans sa petite robe à fleurs, avec ses manches ballon ! Elle a troqué les galoches, pour de petites espadrilles en corde, et son visage rayonne dans l’encadrement de la porte d’entrée.

    – Oh quelle surprise, bonjour, Noélie !

    – Bonjour, tout le monde, je suis partie avec mon père qui devait me déposer en route chez ma tante, mais on a trouvé la porte fermée, alors j’ai pris l’envie de venir vous saluer.

    – Tu es adorable et tu sais bien que tu es ici chez toi, répondit aussitôt ma mère, en s’approchant d’elle pour l’embrasser.

    – Bien, on vous laisse entre femmes alors, dit Valentin.

    En la croisant sur le pas de la porte, François comprend que sa vie vient de basculer.

    Chapitre 2

    Samedi 21 juin 1913

    – Noélie, quelle robe vas-tu mettre ce soir ?

    – Je ne sais pas encore, mais surprise, tu verras bien…

    C’est vrai que Jeanne, la deuxième sœur de François est curieuse, mais elle peut se le permettre. Elles ont toutes les deux le même âge, 18 ans, l’âge où l’on peut oser beaucoup de choses et où toutes les routes s’offrent à vous.

    Elles sont très complices, de par le fait de se suivre dans la même classe et de se voir souvent chez les Borrel. On ne les prend pas pour deux sœurs pour autant, car Jeanne est moins blonde et bien que plus réservée, elle envie Noélie pour sa spontanéité réfléchie. Être toujours détendue et souriante tout en étant maître de ses émotions, Jeanne ne s’en sent pas capable. Depuis le drame de la mort d’Andréanne, elle remet son destin entre les mains divines, et cela lui enlève un peu de sa fraîcheur.

    Elles ont convenu de passer l’après-midi ensemble afin de se préparer pour le bal de ce soir. Monsieur le maire a décidé qu’on fera tout ensemble, bal et feux de la Saint-Jean, même si on a quelques jours d’avance. Pour étayer sa décision, il a décrété que c’est aujourd’hui le jour le plus long de l’année et que cela vaut bien une grande fête ! Et puis, on ne ferait pas la fête de la même façon un mardi ! Comme le plus souvent, elles sont dans la chambre de Jeanne, chez les Borrel, qui font tout pour que Jeanne puisse retrouver l’innocence de sa jeunesse endeuillée. Noélie est l’amie idéale pour elle.

    – Choisis-en quelques-unes et laisse-moi deviner.

    – Ça m’étonnerait que tu trouves, je n’en ai moi-même aucune idée.

    – Et est-ce que tu as une idée d’amoureux ?

    Elles pouffent de rire ensemble, elles ont plus l’habitude de parler chiffons que de parler garçons.

    – Tu as vu que Lucien Fiat te tourne autour ?

    Ce Lucien est un des amis de François.

    – …

    – Tu ne t’en es pas aperçue ?

    – Ne me parle plus de lui, tu veux bien ?

    – Parle plus ? Que veux-tu dire ?… On n’en a jamais parlé.

    – Et bien, il ne m’intéresse pas.

    – Si c’est le cas, je te trouve bien remontée contre lui, et ce n’est pas logique venant de ta part.

    – …

    – Je me trompe ?

    – Nous nous sommes fréquentés la semaine dernière.

    – Mais c’est très bien !

    – Pas du tout. On s’est vu au marché et depuis longtemps, il cherche à se rapprocher de moi. Mon panier était lourd. Il m’a raccompagnée et on a eu le temps de parler. Il est gentil, attentionné, et beau garçon, mais ce n’est pas mon genre.

    – Mais comment vous… enfin, si ce n’est pas ton genre ?

    – Il faisait beau, et déjà très chaud. On s’est arrêté à la fontaine pour se désaltérer.

    – Et ?

    – Il s’est approché, s’est penché vers moi et tandis que je fermais les yeux, j’ai senti ses lèvres sur les miennes.

    – Je ne vois pas ce qui est choquant.

    – Moi si, je suis allée au-delà de mes sentiments, je n’ai vu que le plaisir immédiat de l’ivresse et depuis je m’en veux de ne pas avoir su refuser à ce moment-là. En fait, je ne l’aime pas, et je ne sais plus quoi faire.

    – Mais quelle importance ? Tu lui as dit la vérité depuis ?

    – Non pas encore, mais je savais avant que cela ne pourrait pas se faire entre nous deux, et… De toute façon, je vais le lui dire ce soir.

    – Je commence à comprendre pourquoi tu n’as pas encore choisi ta robe…

    Noélie a mis une robe bleu marine, très sobre, une robe de rupture, mais paradoxalement cela lui confère beaucoup d’élégance. Les deux petites perles qu’elle porte aux oreilles en rajoutent encore à son charme. Une femme, sûre d’elle, de ses sentiments et de ses choix. Jeanne le comprend en la voyant déboucher sur la petite place du village aménagée pour l’occasion. Elle ressent aussitôt un petit pincement de jalousie envers sa meilleure amie et elle en a honte.

    Des petits drapeaux, accrochés sur des fils et tendus entre des arbres, flottent dans la tiédeur de ce début de soirée ; il y a des gens aux fenêtres qui sont grandes ouvertes, et beaucoup de monde sur la place. La buvette affiche complet, et quelques traditionnels piliers de bar sont déjà bien imbibés ! On les entend beaucoup et de loin…

    Plus en retrait, sous le gros platane, quelques personnes ont amené des chaises pour profiter du spectacle, sans se fatiguer les jambes.

    En plein milieu, un plancher en estrade a été installé, avec quelques bancs autour. Un petit orchestre y a pris place.

    Certains musiciens astiquent leurs cuivres, d’autres essayent de s’accorder malgré le brouhaha ambiant.

    Le garde champêtre a enfilé sa tenue aux boutons brillants, sa casquette à visière et pris son tambour, tout le monde a hâte de commencer…

    C’est à ce moment qu’elle le voit.

    Lucien s’est mis sur son 31, et c’est vrai qu’il a fière allure.

    Noélie ne se dérobe pas longtemps, elle a horreur de ces faux-semblants.

    Avant qu’il se trouve en plein milieu, elle se dirige rapidement vers lui, très déterminée, alors que lui est tout sourire.

    – Lucien, je voulais te parler franchement, on peut rester là deux minutes ?

    – Bien sûr, mais c’est urgent ?

    – Oui, ça l’est.

    – Et bien, je t’écoute…

    – Tu sais… entre nous… ce n’est pas possible…

    – Mais pourquoi tu me dis tout ça ?

    – Parce que j’ai eu la faiblesse de me laisser embrasser et que… Ce n’est pas facile à dire… je ne suis pas amoureuse de toi. Tu as été très courtois avec moi, et je t’aime bien, mais je ne souhaite pas aller plus loin dans cette relation. Tout ça est entièrement de ma faute et j’espère que tu pourras me comprendre… On reste amis ?

    – Je crois que c’est ce que l’on dit dans ces conditions. Je suis déçu que cette histoire tourne court, tu as certainement raison, mais je ne t’en veux pas, laisse-moi juste le temps de digérer…

    – Je te demande pardon, je ne souhaitais pas te faire du mal.

    – Je m’en remettrai. N’en parlons plus.

    – Aller vient, on rejoint les amis et on garde cela pour nous… d’accord ?

    – C’est d’accord !

    En arrivant ensemble de derrière la buvette, elle, radieuse et soulagée d’un grand poids et lui, un peu pâle malgré tout, les « amis » se posent secrètement quelques questions…

    Mais de concert, Noélie et Jeanne font diversion. L’orchestre a commencé à jouer des airs entraînants et elles conduisent les garçons vers la piste de danse. Il y a là, Lucien bien sûr, avec François et ses deux jeunes frères, qui ont eu, sous conditions, la permission de minuit, et puis d’autres garçons qui se sont vite rajoutés à ce groupe qui démarre très vite une joyeuse farandole. François, comme les autres, s’est posé des questions sur les relations entre Noélie et Lucien, mais en croisant plusieurs fois, le regard de Noélie, il efface vite ce voile de son esprit.

    Elle est pétillante de beauté et de vie ce soir-là.

    Et elle le regarde souvent, et elle sourit à pleines dents…

    Ils dansent comme si jamais, il n’y aura plus de lendemain.

    Quand vient le moment de se regrouper autour du feu géant, François lui prend la main et l’entraîne un peu en retrait du groupe.

    – Noélie… tu sais.

    – Oui…

    – Je pense que…

    – Oui… ?

    Noélie sourit et fait mine de ne pas comprendre.

    – Je suis sérieux.

    – Je sais, dit-elle en faisant une petite mimique.

    – Arrête-toi tout de suite, sinon je ne pourrai jamais te dire tout…

    – Tu penses que c’est la peine ?

    – Tu arrives à me faire perdre mes moyens, même si je te connais !

    François trépigne d’impatience tandis que Noélie le regarde droit dans les yeux, sûre d’elle.

    Tu

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