Les liens de la résilience
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À propos de ce livre électronique
À PROPOS DE L'AUTRICE
Jacqueline Rabiller considère la création comme un besoin viscéral, une impulsion inépuisable, façonnée par son parcours de vie et une imagination débordante. Portée par cet élan créatif, elle explore des récits biographiques, des histoires pour enfants et des romans, avec la même ferveur. Aujourd’hui, dans le temps privilégié de la retraite, elle savoure l’opportunité de donner voix à son « moi intérieur » et de coucher sur le papier les murmures profonds de son inspiration.
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Aperçu du livre
Les liens de la résilience - Jacqueline Rabiller
Partie 1
Au manoir Kolser
Sion
Dans cette campagne verdoyante où s’étendent à perte de vue les restes de vignes d’un temps lointain, en cette saison printanière aux températures encore fraîches, entre les deux collines surplombant la vallée, au sommet desquelles sont bâtis les châteaux de Valère et de Tourbillon, règne un bien-être indescriptible. Ce paysage découvert, d’un calme pur, revêt l’été d’une sensation de légèreté qui vous pénètre d’une douceur tiède sans pareil. Une sorte de foi s’empare de tout votre être, vous parcourt et vous propulse délicatement dans un état hypnotique agréable et bienfaisant. Valère et tourbillon sont de concert. Gardiens tous deux d’un passé tumultueux, Tourbillon, du moins ce qu’il en reste, en fut victime comme en témoignent les traces laissées par ses vestiges. Quant à Valère, Basilique forteresse enceinte, construite depuis le début du XIIe siècle jusqu’au milieu du XIIIe, avec les créneaux de sa tour, son Collatéral nord, et sa passerelle de garde à l’intérieur, semble raconter l’histoire. Sa nef est voûtée d’ogives et séparée du chœur par un jubé, et des stalles du XVIIe siècle y sont alignées de chaque côté. On peut y entendre les sons d’un orgue du XVIe siècle, semblant projeter, sur les ruines qui lui font face, par grand soleil, une lueur dansante qui agrémente le paysage déjà sublime. En contrebas, le terrain de jeux des animaux qui aiment y venir lorsque la nuit commence à tomber et jusqu’au lever du jour. Peu d’êtres humains. Quelques personnes parfois, à la recherche de plantes diverses ou de champignons. Ce lieu semble perdu, loin de tout, pourtant, il est à moins d’une heure à pied du centre de Sion. Située au cœur de la plaine du Rhône, au sud-ouest du canton suisse du Valais, Sion regorge d’une architecture riche. Au centre de la petite ville, la Cathédrale ND du Glarier avec sa tour conique des Sorciers, son clocher roman décoré d’arcatures lombardes avec sa flèche octogonale. Et les tours de la Majorie et du Vidomnat.
Non loin de là, un orphelinat, là où Olivia a grandi. Finalement, elle aura eu de la chance ! Au moins elle n’aura pas été un Verdingkinder ! (Enfants placés dans des familles paysannes pour servir de main-d’œuvre bon marché de 1800 aux années 1960).
Du dortoir, elle pouvait voir le soleil se lever sur les ruines du château. Le soir, lorsqu’elle était couchée, que la nuit remplissait la pièce, elle tendait l’oreille à l’affût du moindre bruit d’une bête, du vent caressant les aiguilles du grand conifère qui abritait toute une famille de mésanges huppées, qu’elle aimait entendre chanter, ou la pluie cogner contre la vitre. L’hiver, elle s’enroulait dans sa couverture, ne laissant entrevoir que le haut de son crâne. Alors elle fermait les yeux et se laissait aller dans un profond sommeil teinté de jolis rêves où défilaient des histoires qui finissaient toujours bien, et la neige pure et silencieuse venait recouvrir les sommets de la Pointe Dufour, du mont Cervin, de la Dent Blanche et de Grand Combin.
Proche de là, tout autour de la petite ville, on distinguait quelques fermes qui semblaient perdues au milieu de cet espace vert gigantesque ainsi que quelques maisons de maître, et un manoir. C’était dans ce manoir que vivait la famille Brünner, Charles et Claire depuis leur mariage, et là encore où Miranda, leur fille était venue au monde. On y était heureux dans cette demeure suisse, dans laquelle s’étaient succédé plusieurs générations d’horlogers, aïeux de Charles. C’était là aussi qu’Emy avait été engagée pour s’occuper de l’enfant à naître.
Lorsque Miranda vint au monde, ce fut la lumière dans la nuit. Elle passait un peu de temps avec sa mère et beaucoup avec Emy. C’était ainsi chez les gens de bonne famille, les gens aisés. Il y avait la génitrice et la mère affective, celle qui était présente jour et nuit, celle qui s’occupait de l’enfant à temps plein. C’est à Emy que Miranda fit son premier sourire, c’est encore à ses côtés qu’elle fit ses premiers pas, c’est elle qui la soignait, la câlinait, lui racontait une histoire le soir avant que ne passe le marchand de sable. Et qu’il était doux pour Emy lorsque la fillette courait dans le jardin pour se réfugier dans ses bras, ses longs cheveux bouclés sautillant sur ses épaules au rythme de ses pas, ses grands yeux rieurs de la couleur du ciel et sa petite voix qui l’appelait « Regarde Emynounou ! »
Quel bonheur alors ! Les années étaient passées si rapidement qu’Emy n’en prit vraiment conscience que le jour où Miranda fêta ses quinze ans. Quinze années venaient de s’écouler. Cela lui faisait donc… quarante-six ans, ce n’était même pas l’âge de sa mère la dernière fois qu’elle la vit. Miranda, sa petite fille, quinze ans, elle avait une belle vie devant elle, tant de belles années à vivre.
Depuis quelque temps, Claire semblait préoccupée. Elle avait toujours aimé dessiner des robes et ses modèles étaient dignes d’un grand couturier. Aussi, elle souhaitait créer sa propre maison de couture. Une maison de couture pour dames fortunées. Elle avait déjà tout en tête, son projet avait mûri depuis un bout de temps. Il ne lui manquait que le local. Un jour où Miranda et sa mère cueillaient quelques roses dans le jardin, Miranda leva les yeux sur la grande bâtisse qui leur faisait face et demanda à sa mère ce qu’il y avait dans cette partie du bâtiment qu’elle n’avait jamais vue ouverte. Claire s’arrêta net, le regard fixé sur le manoir, resta un moment muette, réfléchissant. Puis elle se tourna vers sa fille, le sourire aux lèvres : « Rien encore, mais plus pour longtemps ! » Elle embrassa Miranda, la remercia et rentra d’un pas pressé. Elle venait de trouver le lieu idéal pour sa maison de Haute Couture. Un peu plus tard, dans la soirée, elle fit part de son projet à son époux, et tous deux allèrent redécouvrir cette grande pièce dont ils n’avaient aucun souvenir. Ils ne l’avaient ouverte qu’une seule fois, le jour de leur emménagement et ne l’avaient jamais utilisée. Pris par leurs activités respectives, les Brünner avaient oublié cette partie de leur propriété, laissée à l’abandon, jusqu’à ce jour où Claire décida d’en faire l’atelier de sa future maison de couture. Ils poussèrent doucement la porte, non sans une certaine appréhension. La pièce était très spacieuse, digne d’une salle de bal, lumineuse. Parfaite. Certes, il y avait des travaux à faire, mais elle était magnifique. Ils se demandaient aujourd’hui comment ils avaient pu passer à côté. Sans doute, à l’époque s’étaient-ils dit qu’ils réfléchiraient à ce qu’ils en feraient plus tard. Et puis ils l’avaient tout simplement oubliée. Le manoir était grand, ils n’avaient jamais manqué de place, ce devait en être la raison. Claire imaginait déjà, ici les mannequins, là les rouleaux de tissu, les tables de coupe, les machines… Elle décrivait son futur atelier à son époux qui avait bien du mal à suivre tant son exaltation la rendait euphorique. Surpris par un tel enthousiasme, il lui semblait être en face d’une inconnue. Elle se révélait cheffe d’entreprise, femme d’affaires. Il découvrait sa femme sous un nouveau jour, lui qui croyait bien la connaître ! Jamais il n’aurait pensé que Claire pouvait faire preuve d’une telle ambition ! Qu’elle pouvait être capable de mener un projet d’une telle envergure ! Certes, il la savait de caractère, mais n’avait jamais soupçonné une telle force chez sa petite femme aux allures si fragiles. Il fut un peu peiné en découvrant qu’il n’avait pas vu qu’il lui manquait quelque chose, quelque chose pour parfaire son bonheur. Il la croyait heureuse dans sa condition de femme de bonne famille, de côtoyer au sein de clubs privés, les épouses des « businessmans » au niveau de vie très confortable. Il n’avait jamais douté qu’il puisse en être autrement. Ce qui le peinait, c’était de n’avoir vu en son épouse, qu’une femme comme les autres, une femme ordinaire. Il aurait pu être froissé par cette découverte, il aurait pu se sentir humilié, n’était-il pas le chef de famille ? L’homme de la maison ? N’était-ce pas à lui d’avoir les idées, d’entreprendre ? Mais Charles aimait tendrement Claire, et au contraire, il en fut très fier. Il lui apporterait tout son soutien et toute l’aide dont elle aurait besoin. Dès le lendemain, elle établit une liste de tout ce dont elle nécessiterait, meubles, machines, bobines de fil… Il ne manquait rien. Elle avait également dessiné un plan détaillé. Charles resta pantois devant un tel enjouement. Une telle effervescence n’était pas pour lui déplaire, bien au contraire. Après une longue discussion, et avoir réfléchi à l’aide d’un croquis, au futur agencement de l’espace, ils décidèrent de faire appel, dès le lendemain, à un petit artisan de Sion, l’ébénisterie Bosco, troisième génération.
Depuis qu’il avait repris l’entreprise familiale, Etienne avait réorganisé l’atelier. Il avait longuement réfléchi à une logique des tâches à effectuer depuis l’arrivée du bois, les différentes étapes de fabrication, jusqu’à de la conception aux finitions du meuble. Il avait réussi un « miracle ». L’atelier était assez petit, mais de la façon dont il l’avait aménagé, il en paraissait deux fois plus grand. Il n’y avait aucune perte de place. Chaque coin et recoin y trouvait son utilité. Rangement des outils nécessaires aux machines spécifiques, ou aux établis suivant les différents stades de confection du meuble. Pour la partie charpente qui nécessitait de grands espaces, il avait agencé l’ancienne grange qui servait jusqu’alors de remise, s’était débarrassé du vieux tracteur et de quelques autres outils de ferme dont il n’avait aucun usage, et qui étaient stockés là depuis au moins trois décennies. Il répara la toiture, et comme il l’avait fait pour l’atelier, après mûre réflexion, restructura le hangar. Très doué, sa réputation n’était déjà plus à faire. Il créait sur demande du client, conseillait sur les différents styles appropriés à chaque demeure. D’une efficacité à toute épreuve, il dessinait chaque meuble, soumettait son esquisse à l’acheteur avant de produire. Deux ans maintenant qu’il était son propre patron. Etienne n’avait jamais déçu personne, bien au contraire. On parlait de lui comme d’un génie du bois, si bien qu’il était très demandé. Il avait donc recruté Gatien, un jeune garçon de cinq ans son cadet, qu’il avait formé. Déjà celui-ci dévoilait des capacités étonnantes dues sans aucun doute à l’enseignement de qualité, riche, persévérant et méticuleux qui lui était dispensé. Ensemble, ils formaient une belle équipe.
Etienne arriva dès 8 h le surlendemain. Charles lui fit faire le tour de la propriété. Il prit note de l’ameublement du manoir, puis retourna dans la grande pièce. Chaque partie fut inspectée. Déjà, les images imprégnaient son cerveau. Il faudrait remettre en état quelques poutres, revoir la toiture qui laissait l’eau s’infiltrer par endroit, on pouvait remarquer de larges traces de flaques d’eau asséchées.
Ce serait la première tâche à effectuer. L’habillage du sol et des murs viendrait en seconde partie. Il pourrait même déjà leur proposer le papier peint de la Manufacture Zuber. Lui se chargerait du parquet en point de Hongrie. Les meubles garderont le style du XVIe siècle, en bois de noyer, auxquels il apporterait sa petite touche personnelle, sa « signature ». Dès le lendemain, il entamerait les travaux de restauration de l’aile nord du Manoir Kolser. Heureux, il rentra chez lui où aussitôt il commença de croquer sur papier les photos stockées dans sa mémoire. Il travailla vite. Il dessinait sans s’arrêter. Ses coups de crayon étaient nets et précis. Les croquis prenaient forme sur le papier blanc, et bientôt on put y découvrir le futur atelier. Le lendemain, il arriva dès l’aube. Il apposa son échelle contre la façade arrière et grimpa jusque sur le toit. Là il vérifia les ardoises, repéra les dégradations qu’il marqua à la craie. À l’intérieur, il s’assura de l’état des poutres, marqua également à la craie celles qui devraient être remplacées, prit toutes les mesures et rentra à la grange où il se mit aussitôt au travail. Il coupa à longueur les poutres pour la toiture qu’il marqua d’un T, et les entassa à l’entrée. Il fit de même pour celles de l’intérieur qu’il marqua d’un I. Puis il chargea le tout sur la charrette destinée à transporter les charges lourdes et encombrantes. Il l’avait lui-même fabriquée, et elle s’était depuis avérée indispensable dans cette campagne Valaisanne. Elle était tirée par Tim et Tom, deux chevaux de trait, l’un tout blanc, l’autre marron et blanc. En début d’après-midi, il était de retour au manoir. Gatien l’y rejoignit pour l’aider à changer les poutres de la toiture. Ils travaillèrent d’arrache-pied jusqu’à la nuit, le lendemain et les jours suivants. Il leur avait fallu quatre journées entières pour réparer le toit. Les ardoises recouvraient à nouveau la charpente. Le toit était comme neuf, imperméable, il pouvait maintenant s’occuper de l’intérieur. Gatien l’aida encore pour les poutres du plafond, puis il retourna à l’ébénisterie tandis qu’Etienne continua seul le chantier.
Bientôt, il eut fini de dessiner tous les meubles nécessaires à l’aménagement de la future maison de couture. Il avait tenu compte, bien entendu, des désirs de Claire, tout y était, chaque meuble était représenté sur un plan, à une place bien déterminée, devant sa machine ou son établi. La grande table de coupe trônait au centre du grand atelier. Les mesures étaient notées, l’échelle respectée, il pouvait d’ores et déjà présenter le futur atelier.
Emy
Miranda, encore adolescente, m’avait demandé un jour pourquoi je ne m’étais jamais mariée et que je n’avais pas d’enfant. Elle reçut pour réponse : « Plus tard, quand tu seras en âge de comprendre », sous-entendu, comprendre la dure réalité de la vie. Elle avait alors plongé son regard profond dans le mien et m’avait souri tendrement. Au fond d’elle, je crois qu’elle était consciente du traumatisme que j’avais subi. Et je le lui aurai raconté plus tard, quand nous aurions été bien à l’abri, qu’elle tiendrait son enfant contre sa poitrine, assises toutes les deux l’une près de l’autre face au feu brûlant dans l’âtre dont l’odeur parfumée aurait envahi délicatement la pièce, quand nous aurions été installés, Miranda, Etienne, Olivia et moi dans notre petite maison que nous aurions appelée secrètement « notre chaumière ». Mais à ce moment-là, je ne pouvais lui décrire l’horreur de mon passé. Peut-on dire à une jeune fille à peine sortie de l’enfance, une encore petite fille aimante, joyeuse, sensible, que tous les enfants ne
