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Givernia: Roman
Givernia: Roman
Givernia: Roman
Livre électronique218 pages3 heures

Givernia: Roman

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À propos de ce livre électronique

Face à un monde en proie à des menaces toujours plus inquiétantes, le célèbre village de Giverny, en Normandie, a choisi lui aussi, au terme d’élections démocratiques, la voie de l’indépendance.

La Principauté de Givernia ainsi créée offre désormais un cadre idyllique et ultra sécurisé à ses habitants comme aux très nombreux visiteurs venus admirer les extraordinaires jardins conçus autrefois par le peintre Claude Monet. Mais, derrière cette image sans aspérités, ne se cache-t-il pas des secrets inavouables ?

Une équipe d’auditeurs internationaux, chargée d’accorder à la Principauté la toute nouvelle et prestigieuse certification sociétale GESP, découvre progressivement la face sombre de son organisation. Yasmine, la chambrière du gouverneur, parviendra-t-elle à les mettre sur la voie de l’insoupçonnable vérité ?




À PROPOS DE L'AUTEUR



Après des études de chimie, Rémi Payre a travaillé notamment dans le monde de la parfumerie. Ayant vécu quelques années à la Nouvelle-Orléans, il a développé de retour en France des activités de conseil aux entreprises.

Aujourd'hui propriétaire d'un restaurant saisonnier à Giverny, il dispose de temps pour se consacrer à sa passion de toujours : écrire.

Issu d'une famille de musiciens, lui-même pianiste amateur, il a choisi de publier une série de 2 romans ayant pour fil conducteur la musique, à travers l'histoire extraordinaire d'un violon d'exception, depuis sa création au XVIIIème siècle à Venise jusqu'à nos jours. C'est l'occasion d'une enquête pleine de suspens menée de la Côte d'Azur à Venise, de Riga à Ibiza en passant par Paris et la Nouvelle-Orléans.

"L'Ultimo" et "Le Dernier Secret", publiés aux Editions des Falaises, éditeur régional important de Normandie, et découvreur notamment de Michel Bussi.
LangueFrançais
ÉditeurPublishroom
Date de sortie10 mai 2024
ISBN9782386252402
Givernia: Roman

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    Aperçu du livre

    Givernia - Rémi Payre

    PROLOGUE

    C’était l’heure à laquelle la lumière du soir s’étendait rasante sur les prairies. Kerstin Petersen s’éloignait de la foule, marchant dans l’ombre grandissante le long d’une sorte de large ruisseau serpentant entre deux haies de saules. De longues algues vert pâle ondoyaient paresseusement dans le courant, laissant croire à la chevelure de quelque naïade indolente. La jeune femme prenait garde à ne pas trébucher sur le sol irrégulier creusé par les sabots de vaches venues s’abreuver. Lorsqu’elle se retournait de l’autre côté, elle distinguait au loin dans la plaine la grande tribune tendue de noir qui avait été dressée au-delà des parkings. D’où elle se trouvait, on pouvait encore entendre par vagues la rumeur du public amassé devant la scène, s’impatientant dans l’attente du début du concert.

    Kerstin Petersen savait toujours, lorsqu’elle était en mission, s’accorder ainsi quelques instants de quiétude à l’écart du monde, dans une sorte de rêverie apaisante et régénératrice. Après tout, c’était une fille de la campagne. Sa jeunesse passée dans un village au bord du Sognefjord lui avait laissé un goût indéfectible pour le grand air et la solitude. Aussi, lorsqu’elle avait vu au bout du parking ce sentier oublié qui se glissait sous un bosquet, elle n’avait pas hésité. Elle disposait d’une bonne heure avant le début du spectacle. Cela lui suffisait amplement. Il avait simplement fallu enjamber un barbelé barrant le chemin et oublier le panneau d’interdiction avant de pouvoir filer le long de la rivière.

    Les ombres gagnaient maintenant et la surface de l’eau s’obscurcissait sous les frondaisons. Elle respirait intensément l’air tiède et cet inimitable parfum s’élevant des hautes herbes. Elle avait dépassé un petit pont et était finalement parvenue à l’orée d’une zone de marais perdue sous des taillis impénétrables. Un grillage infranchissable en barrait l’accès. Curieuse, elle s’était approchée de la clôture. Au-delà, quelque part dans la pénombre, des grognements sourds se faisaient distinctement entendre, sans qu’on ne puisse en distinguer précisément la provenance. Sans doute une harde de sangliers en quête de nourriture. Le cri d’un oiseau de nuit, suivi d’un bruissement d’aile juste au-dessus d’elle, la fit sursauter. Elle frissonna malgré la tiédeur de l’air, et tourna son regard face aux dernières lueurs rassurantes du couchant. Allons, il était temps de revenir vers la foule, avant que les ténèbres n’envahissent tout à fait la campagne.

    Elle avait été dépêchée par son journal pour couvrir l’ensemble des festivités du week-end. L’idée de ce reportage, qui semblait consister avant tout à rendre compte de quelques mondanités sans grand intérêt, ne l’enthousiasmait guère. Ce n’était tout simplement pas son truc. Elle préférait mille fois la poussière des déserts, le stress des checkpoints incertains, la folie des zones de guerre. Mais personne d’autre n’était disponible à la rédaction. Alors, consciencieuse, elle s’était dévouée.

    Elle jeta un dernier coup d’œil à la surface ridée par le courant avant de rebrousser chemin. C’est alors qu’il lui sembla distinguer une masse sombre coincée par des branches basses, à l’endroit où la rivière se glissait sous le grillage. Machinalement, elle s’approcha. L’utilisation du projecteur de son mindphone ne lui permettait guère d’en voir davantage. Cela aurait pu ressembler à un vieux tapis roulé. Mais ce n’en était pas un. Elle se retourna, cherchant des yeux une branche morte. Puis, posant un pied sur une racine affleurante tout en se tenant d’un bras au tronc d’un jeune saule, elle se pencha en équilibre précaire au-dessus de l’eau. Elle parvint ainsi à appuyer sur la masse qui se retourna sur elle-même lentement, comme dans un effort, dégageant un bras inerte qui resta là à flotter dans le courant.

    Elle en avait déjà vu des cadavres, durant sa vie de grand reporter, et dans de plus sales états que celui-là. Elle n’eut qu’un léger mouvement de recul qui faillit pourtant la faire basculer dans le courant. Se rattrapant de justesse, elle regagna la rive et jeta la branche désormais inutile dans les herbes. Restant là un instant sur le bord, elle se demandait maintenant que faire : prévenir les services de sécurité ? Les nombreux contrôles subis depuis son arrivée la veille dans le village l’incitaient inconsciemment à la prudence. Évidemment, elle n’avait rien à faire ici, à l’écart des périmètres balisés. Elle ne savait pas vraiment ce qu’elle risquait pour avoir traîné dans ce coin désert et interdit. Peut-être pas grand-chose. Elle n’avait en tout cas guère envie de le savoir. D’un autre côté, son silence paraîtrait encore davantage suspect si l’on parvenait à découvrir qu’elle était venue jusqu’ici. Et ce ne serait pas difficile, entre les capteurs dont devait être truffé le secteur, ou tout simplement la localisation de son implant ID.

    Finalement, revenant vers le bruit et la cohue, elle choisit la raison et se décida à chercher un membre de la sécurité. Quelques minutes plus tard, quatre hommes en uniforme sombre s’affairaient à extraire le cadavre du courant et à le hisser ruisselant sur la rive. Le corps n’était pas resté longtemps dans l’eau, et le visage, simplement un peu trop pâle, balafré d’une longue algue accrochée à la bouche, semblait endormi. À peine avait-elle eu le temps de distinguer une profonde blessure entaillant son flanc gauche. Maintenant, debout dans la pénombre aux côtés du responsable de la sécurité arrivé sur les lieux, elle répondait calmement aux premières questions :

    — Comment l’avez-vous découvert ?

    Le ton semblait vaguement soupçonneux. Elle répéta dans quelles circonstances elle était parvenue jusqu’ici.

    — Et que faisiez-vous de ce côté-ci de la prairie ?

    — Eh bien, je suppose que je me promenais le long de la rivière.

    Tom Spencer la regarda en coin, goûtant peu le ton de cette dernière remarque. Il avait consulté les données de la jeune femme et connaissait son statut de journaliste.

    — Vous saviez pourtant que c’était une zone interdite, non ? C’est dangereux, ici. Il y a des vipères à cornes.

    — Je suis désolée. Je voulais juste me détendre un instant à l’écart de la foule. J’étais fatiguée…

    L’argument était idiot, elle le savait.

    — Et donc, vous l’avez trouvé par hasard ?

    — Absolument. Comment aurait-il pu en être autrement ? Je m’apprêtais à rejoindre l’esplanade pour assister au concert, et il a fallu que je tombe sur… lui.

    Elle désigna d’un geste de la tête le cadavre qui s’apprêtait à disparaître dans une housse noire luisante. Un visage jeune, barré d’une fine moustache noire et de cette algue qui semblait ne pas vouloir le quitter.

    Après qu’elle eut confirmé ses codes d’identification et répondu à quelques questions complémentaires de principe, le responsable de la sécurité l’autorisa à quitter les lieux pour rejoindre la foule. Il ne lui restait désormais que quelques minutes si elle ne voulait pas manquer le spectacle.

    — Je m’en voudrais que vous ratiez l’allocution de notre gouverneur Lambert par ma faute ! Mais soyez-en sûre, nous nous reverrons dès demain matin pour une déposition complète.

    Kerstin Petersen lâcha un vague sourire de circonstance, jeta un dernier regard sur la housse, avant de filer vers les lumières et vers la vie.

    Première partie

    I

    Pendant une semaine, un air mauvais avait balayé la région. De grands nuages d’altitude venaient sans cesse charger le ciel par l’ouest, lâchant des orages soudains qui noyaient les rues en quelques minutes. Les informations radars WSF, alarmistes, indiquaient un risque pour tout le secteur de phénomènes violents classés 9. Aussi, les autorités des villes avoisinantes, craignant jusqu’au passage de tornades le long de la vallée de la Seine, avaient diffusé des appels à la prudence, imposant aux populations de rester chez elles à l’abri, sauf motif impératif dûment vérifiable. Les forces de protection multipliaient les patrouilles, contrôlant systématiquement les implants ID des rares passants, embarquant sans ménagement les contrevenants. Mais finalement, le phénomène s’était évaporé comme il était venu, en quelques heures, laissant place à un ciel de traîne aux reflets blafards. Comme si rien n’avait eu lieu. Seules quelques rafales résiduelles filaient encore la plaine depuis le matin. Les gens émergeaient de chez eux, hésitant, levant timidement le regard vers les nuées, longeant les murs et contemplant d’un air absent les dégâts que les équipes de nettoyage s’affairaient déjà à faire disparaître.

    Devant cette évolution inattendue et pour tout dire miraculeuse de la situation, Tom Spencer, le responsable de la sécurité de la Principauté de Givernia, avait poussé un énorme soupir de soulagement, non sans avoir préalablement revérifié au moins trois fois les prévisions à court terme des services météorologiques.

    Et depuis l’aube, il essayait de chasser de son esprit les conséquences qu’aurait eues l’annulation de la grande fête de l’Indépendance prévue durant le week-end. Des semaines que ses équipes s’affairaient sans relâche. Et il aurait fallu que tous ces efforts soient anéantis par un phénomène météo aussi violent qu’incontrôlable ?

    C’est que tout avait été pensé, prévu, anticipé : les contrôles d’entrée renforcés, les procédures de protection des personnalités invitées, la maîtrise des médias et de la communication, la sécurisation du site. Peu importait le budget, mais il fallait, il était impératif que le déroulement de ces célébrations soit parfait. Il en allait de l’avenir de Givernia, lui avait même asséné comme une menace le gouverneur lors d’une réunion préparatoire. Vous avez carte blanche, avait-il insisté. Carte blanche… De la couleur de ses nuits à venir.

    Alors il avait mis le paquet : une escouade de drones furtifs de dernière génération avait été déployée sur l’ensemble du territoire. On avait upgradé les portiques de contrôle de l’entrée publique de Manitot. Un centre de presse avait été aménagé dans la grange de la Dîme, un site historique du village. On avait briefé sans relâche les équipes de la GIPO, multiplié les exercices d’intrusion, révisé encore et encore le protocole d’accueil des personnalités. Surtout, un dôme de protection IEM¹ avait été mis en place à grands frais. Compte tenu de la superficie du village, c’était une gageure bien difficile à tenir, Spencer le savait. Il avait dû faire appel à des spécialistes israéliens et danois pour relever le challenge. Des techniciens en combinaison noire parlant anglais s’étaient affairés pendant des jours pour installer un écran virtuel NoWay censé protéger l’ensemble du site de toute attaque électromagnétique.

    La dernière réunion de préparation du Comité de Pilotage, deux jours auparavant, avait été tendue. Chacun restait concentré sur les derniers points à aborder, sur ses objectifs, faisant semblant d’oublier la pluie frappant en grandes ondes les vastes baies vitrées de la salle du Conseil.

    Finalement, la nuit suivante, les dieux des vents et des nuées avaient daigné s’apaiser, comme pour donner leur assentiment à cette folie qu’avait été dix années auparavant la déclaration d’indépendance du village.

    Et depuis le matin, sous le soleil retrouvé, tout se déroulait pour le mieux. Une grande scène avait été installée dans la plaine des Ajoux, quelque part entre le village et la Seine. Tout à l’heure, après la tombée du jour, le gouverneur Lambert y avait tenu un discours d’à peine dix minutes à l’attention de la foule massée face à lui. Aisance naturelle, diction impeccable, comme il en avait l’habitude. Depuis sa jeunesse, Edouard Lambert avait toujours eu le don de trouver les mots, les intonations, l’attitude nécessaires pour obtenir ce qu’il voulait, quand il le voulait. Nul besoin de conseil en communication, de scribouillard issu d’on ne sait quelle haute école d’administration pour lui mâcher ses textes, lui souffler à l’oreille ses punchlines. Il était imbattable dans ce domaine, maniant l’improvisation tel un jongleur, sachant s’adapter aux réactions des auditoires avec la fluidité d’un caméléon. Ou d’un poulpe. Certains appelaient ça de l’autorité naturelle, du charisme. D’autres du génie de la manipulation. Lui de la compétence, tout au plus. Et c’était en tout cas de cette manière, après les années de business acharné de sa jeunesse, qu’il avait su entraîner le village de Giverny vers un destin hors du commun, un destin enfin à la hauteur de sa réputation.

    Le contexte international catastrophique avait favorisé depuis vingt ans l’éclosion partout à travers le monde de multiples collectivités fermées, au sein desquelles chacun cherchait à se protéger au mieux des incertitudes grandissantes. Depuis de simples gated communities perdues au fond des montagnes de l’Oural ou du Nouveau-Mexique jusqu’à des provinces européennes entières ayant fait sécession à la suite d’élections, toutes proposaient des solutions et des politiques drastiques pour tenter d’assurer enfin à leurs habitants avenir et sécurité.

    Giverny, en Normandie, n’avait pas été en reste. Quelques habitants s’étaient dit, non sans bon sens, que si la commune parvenait à capter à son bénéfice les revenus considérables générés par le tourisme de masse, alors elle pourrait enfin prendre son destin en main. Ils avaient créé, un peu par bravade, une liste autonomiste lors des élections municipales de 2044. Le discours avait séduit les habitants et, à la surprise générale, la liste l’avait largement emporté. Un an plus tard, le nouveau maire, après une préparation minutieuse menée dans la discrétion avec son équipe, tentait un coup de poker et proclamait unilatéralement la naissance de la Principauté de Givernia, s’intronisant par la même occasion gouverneur, sans que l’État français ne sache une fois de plus de quelle manière réagir.

    La foule massée là en bas de la tribune, dans laquelle se mêlaient parmi les touristes de nombreux Citoyens et Résidents givernois, attendait impatiemment le concert, le gouverneur le savait. Alors il s’était contenté de quelques phrases clés issues de son répertoire de base, incluant en vrac les mots « fierté », « bonheur », « longue vie », « exemple », parmi quelques autres. Pour finir, levant les bras tel un maître de cérémonie, il avait annoncé le concert à venir :

    — Et maintenant, place à ceux que vous attendez tous, place aux héros de Giverny, place à nos gloires locales, j’ai nommé YSS !

    Sous un tonnerre de cris et d’applaudissements, il avait serré les mains des musiciens arrivés sur scène en une parfaite synchronisation, avant de descendre lui-même prestement les marches de l’estrade pour rejoindre son HMAV² stationné discrètement derrière les installations. Quelques instants plus tard, il se posait sur les arrières du Palais où il était attendu pour la cérémonie de gala. Le temps de passer un smoking et il s’était lancé à l’assaut des sourires et des mains tendues qui se pressaient dans la grande salle de réception.

    Tom Spencer, lui, était resté un moment à côté de la console de mixage, afin d’assister au début du concert. Il repensait encore au cadavre découvert une heure auparavant dans la rivière par cette journaliste norvégienne. Un contretemps, bien sûr, mais qui ne saurait pas gâcher la fête. L’implant du jeune homme avait confirmé qu’il s’agissait d’un cuisinier pakistanais de la Guinguette, le petit restaurant situé en amont sur le ru. Spencer avait déjà choisi la raison officielle de la mort : en quittant son travail, cet imbécile s’était trop approché de l’eau, peut-être pour satisfaire un besoin naturel, avait glissé et s’était noyé, voilà tout. Pour les faits réels, une enquête interne bien menée saurait démêler pour quelles raisons ce cadavre traînait là où il n’aurait jamais dû se trouver.

    Spencer avait immédiatement donné des ordres pour traiter le corps, et surtout, pour brouiller toutes les émissions de la journaliste, au moins jusqu’à ce qu’il l’interroge plus précisément. Il était certain qu’elle avait remarqué le filet de sang coulant depuis le sommet du crâne, et peut-être aussi la blessure sur le flanc. C’était là des détails objectivement peu compatibles avec

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