Les chats paressaient en plein soleil sur les pierres chaudes, fermant les yeux d’aise. Il en arrivait sans cesse de nouveaux, comme s’ils s’indiquaient la bonne adresse dans un langage connu d’eux seuls. Un endroit comme ils les aimaient, loin de l’agitation. Alexandrine s’émerveillait toujours de leur beauté. Chacun était différent, mais tous avaient cette grâce que l’on ne trouve que chez les félins. Ils lui flattaient les mollets ou miaulaient à qui mieux mieux pour réclamer une caresse ou une gamelle de croquettes, ce qu’elle leur accordait de bon cœur.
Parfois, le soir, quand elle avait achevé ses corvées et s’octroyait un verre de vin en terrasse, elle les observait faire leurs pitreries et son propre rire l’effrayait, tant son écho résonnait au milieu du silence de sa bergerie isolée.
Elle l’avait héritée de son père, mort l’année précédente. Son retour dans le coin était depuis le grand sujet des quelques âmes du village. D’où revenait-elle ? Qu’avait-elle fait pendant toutes ces années ? Pourquoi n’était-elle jamais revenue voir son père ? Ces villageois n’aimaient pas les étrangers, mais ils détestaient encore plus ceux qui avaient eu le courage de partir, eux qui ne voyaient que par leurs montagnes.
Si quelqu’un lui avait dit qu’elle reviendrait s’installer ici alors qu’elle n’avait jamais rien voulu que s’en échapper, elle l’aurait pris pour un fou.
Elle avait tant lutté pour se démarquer des autres, pour ne pas rester une sauvageonne… Elle s’était jetée dans les études avec rage pour pouvoir un jour quitter cet endroit et ses mentalités étriquées… Et voilà qu’elle était là, depuis un an. Et elle s’y sentait bien, protégée, après tant de péripéties et de drames. Les gens du village, un peu plus bas dans la vallée, la battaient froid depuis qu’elle était revenue. Pas un n’était venu lui acheter ne serait-ce qu’un fromage. Elle était donc obligée d’aller vendre sa
