Ainsi soit-il

La masure n’était guère rassurante, enfouie sous les ronces et rapiécée çà et là de planches, cartons et autre calfeutrage. Qui pouvait bien habiter dans ce lieu rebutant ? Et quel trésor protégeait ce molosse attaché à la porte par une lourde chaîne sur laquelle il tirait sans cesse en hurlant à la mort ? Ses crocs puissants décourageaient les passants.

Située à l’écart du village, elle bénéficiait d’une réputation de repaire de sorcières.

Menaçante le jour, elle en devenait terrifiante le soir, lorsqu’à la nuit tombée on apercevait au travers des carreaux crasseux des chandelles qui tremblotaient lugubrement. Et lorsque soufflait le vent, les squelettes des arbres qui l’entouraient se renvoyaient des plaintes cauchemardesques.

Pour comble, elle jouxtait le cimetière. Les mauvaises langues s’entendaient pour raconter que les morts devaient tenir des réunions entre ces murs les soirs de pleine lune.

Chacun pour soi, la vie était assez dure pour qu’on ne se la complique pas plus ! On ne voyait rien, on n’entendait rien, on ne disait rien dans ce village.

Trois personnes habitaient ces lieux – ou plutôt survivaient parmi des cageots, des détritus et les rats et cafards qui circulaient librement de jour comme de nuit.

Trois personnes et une armée de chauve-souris.

Il y avait la mère. Elle menait la barque d’une main de fer et ses ordres ne pouvaient être discutés. Avait-elle été jolie un jour ? Aucun « reste » ne pouvait l’affirmer. Edentée, habillée de haillons poisseux, elle arborait sur sa poitrine opulente de multiples colliers et à ses poignets noueux des bracelets, le tout composé de ferraille, de dents, de pierres variées, de rubans aux couleurs délavées… A chaque doigt, elle avait de lourdes bagues qu’elle ne retirait jamais. Elle maquillait toujours son visage à la louche, d’une couche immonde de fard qui ne parvenait toutefois pas à camoufler des égratignures.

Contre quel démon s’était-elle battue ? Quel fantôme