La prisonnière d’Alep
Jusqu’à ces jours-ci, Kouki n’imaginait pas revoir Alep qu’elle avait fuie avec sa famille six ans plus tôt. Elle y croyait encore à peine tandis que l’avion survolait les abords de la ville martyre. L’un des premiers avions civils à pouvoir se poser sur l’aéroport. Au-dessous des ailes, on apercevait les ruines des quartiers Est, les quartiers rebelles qui avaient subi les bombardements incessants de l’armée syrienne. Kouki sentit l’émotion lui serrer la poitrine jusqu’à l’étouffer : c’était là que vivait autrefois la famille Dabida, qui travaillait à la savonnerie Najarian depuis des générations. La plupart des membres de cette famille étaient morts pendant la guerre civile ou s’étaient exilés…
A la sortie de l’aéroport, elle monta dans un taxi collectif. Aussitôt, elle retrouva la douteuse odeur d’autrefois, qu’elle était presque contente de respirer à nouveau.
Les rues longées par le taxi étaient dans un piteux état, loin de s’être encore relevées de leurs ruines depuis l’arrêt officiel des combats. Au milieu des décombres et des reconstructions hâtives, la vie malgré tout sourdait de la moindre échoppe et des charrettes ambulantes prisonnières au milieu d’un intense trafic.
Le taxi parvenu face à la citadelle, le spectacle du coeur d’Alep lui fit monter les larmes aux yeux. Kouki les avait pourtant longuement regardées à la télévision, ces images de souks éventrés, de mosquées et d’églises bombardées, de palais en ruine, mais la réalité était bien pire.
A ses côtés, les autres occupants du taxi ne bronchaient pas, habitués. L’un était descendu en chemin, un autre était monté, la vie continuait, comme si plus rien n’atteignait les Alépins, après tant d’horreurs. Arrivée à Bab al-Faraj, elle se sentit chez elle. La maison familiale n’était plus très loin, occupée à présent par une cousine de son père qui n’avait pas quitté Alep. Elle avait épousé un fonctionnaire proche du gouvernement et n’avait pas été inquiétée. Tous les espoirs de Kouki résidaient dans la bonne volonté
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