Querelle en altitude

Depuis que Lucas était apparu dans la vie de Chloé, tout avait changé. C’était par une de ces journées lumineuses qui ne demandent qu’à réchauffer le cœur. Depuis de longs mois, Chloé espérait ce souffle d’espoir.

Elle aperçut le jeune homme à l’entrée du chemin qui menait à la ferme. Ses cheveux blonds et bouclés brillaient au soleil. Elle plissa les yeux pour mieux détailler l’inconnu. Ce qu’elle vit la fit sourire. Des jambes et des bras musclés, une démarche de félin qu’elle aurait aimé apprivoiser. Lorsqu’il atteignit le portail, elle se dissimula dans l’étable. Elle grimpa l’échelle qui menait à la soupente encombrée de ballots de paille. Discrètement, elle s’approcha de la fenêtre. Sa curiosité était à son comble. Elle retint son souffle pour ne pas signaler sa présence. Elle ne voulait pas risquer de faire fuir le jeune homme. Elle entendit résonner la sonnette de la porte d’entrée.

Pourvu qu’ils restent dehors pour que je les entende, espéra-t-elle. Son vœu fut exaucé. Son père ne fit pas pénétrer l’inconnu à l’intérieur. André était méfiant de nature. Encore davantage depuis que Chloé avait atteint sa majorité. La belle jeune femme attirait de plus en plus l’attention des jeunes hommes de son âge. André veillait au grain. Pas question de la voir s’envoler au bras du premier venu.

D’une voix bourrue, son père annonça d’emblée la couleur :

– Je peux faire quelque chose pour vous ?

Le ton et la mine méfiante d’André disaient tout le contraire. Le fermier semblait attendre que le jeune homme disparaisse sans perte ni fracas. Un instant dérouté par cet accueil, Lucas ne se laissa pourtant pas démonter.

D’une voix posée, il répondit à André :

– En effet, je suis saisonnier…

Dans le coin, c’étaient les bras qui manquaient le plus. André était seul sur son exploitation d’une trentaine d’hectares. La tâche était rude, parfois ingrate. Il ne pouvait compter que sur Chloé pour la traite des chèvres et la confection des fromages.