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La femme aux manières de chat: Roman noir à Saint-Léonard
La femme aux manières de chat: Roman noir à Saint-Léonard
La femme aux manières de chat: Roman noir à Saint-Léonard
Livre électronique214 pages2 heures

La femme aux manières de chat: Roman noir à Saint-Léonard

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À propos de ce livre électronique

Une histoire de manipulation parfaitement ciselée !

Une femme retrouvée morte au pied d’une collégiale. Il y a des prières qui tournent mal. Surtout qu’il ne s’agit pas de n’importe quelle femme. Mais de la maîtresse d’Arkhipov, le capitaine de gendarmerie de Saint-Léonard-de-Noblat. Maudit, le capitaine ? Où est-il écrit qu’il perdrait toutes celles sur lesquelles il poserait un peu plus fort son regard gris ? Dans une enquête qui risque de vous tenir en haleine, vous suivrez les déambulations du capitaine russe au sein de la grande maison Éducation nationale. Que s’y passe-t-il donc dans ces salles de classe, dans ces salles des profs lorsque les portes se referment ? Et si la mauvaise parole pouvait tuer ? Une histoire de manipulation parfaitement ciselée !

La femme d'Arkhipov, capitaine de gendarmerie, est retrouvée morte : toutes les femmes qu'il aime sont-elles vouées à perdre la vie ?

EXTRAIT

Il devait avoir l’habitude de faire des sorties tonitruantes lorsqu’une réunion le gonflait. Prétextant, comme il venait de le faire, un trop-plein de conneries. La poigne ferme du capitaine le fit se rasseoir aussi sec. Alexis avait envie de s’amuser un peu. Et s’il avait envie de savoir ce que faisait très exactement M. S. ce jeudi matin à 6 heures, il attendrait le temps qu’il faudrait mais il finirait par savoir. Il y avait une chose de sûre au moins. Il ne devait pas être en train de jouer au papa et à la maman avec son épouse. Trop cérébral, comme garçon.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Laurence Jardy est née à Aubusson le 12 décembre 1966. Son attirance pour les livres a commencé très tôt. Les personnages de roman l’ont toujours aidée à étoffer une réalité qu’elle juge trop terne. Elle admire l’écrivain japonais Haruki Murakami. Comme lui, elle pense qu’il existe quelque part des territoires encore vierges si on parvient à poser un regard autre sur ce qui nous entoure. Elle enseigne le français à des collégiens depuis une vingtaine d’années et ne se lasse pas de ces heures de cours qu’elle considère comme de vivifiantes conversations. Elle vit à Saint-Léonard-de-Noblat.
LangueFrançais
Date de sortie22 juin 2018
ISBN9791035301682
La femme aux manières de chat: Roman noir à Saint-Léonard

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    La femme aux manières de chat - Laurence Jardy

    1

    Décidément, ce « ça » le suivrait toujours…

    1

    JEUDI 5 MARS 2015

    Quand on lui annonça que le corps de Maud gisait au pied de la collégiale, Alexis se mit à rire. Bruyamment. On lui expliqua que ça s’était passé à l’aube, vers 6 h 30. Il sourit. On lui dit que le corps n’était pas beau à voir mais qu’elle n’avait pas dû souffrir. Ça lui sauta alors à la figure. D’abord, son visage à demi réveillé. Puis sa voix si peu sûre, lui demandant toujours si ça allait ; enfin, sa bouche qu’il attrapait en se baissant légèrement. Depuis dix-huit mois que la bouche ensommeillée de Maud l’accueillait, derrière le seuil de la maison-bateau. Parce qu’il ne s’était jamais résolu à lui offrir davantage que quelques minutes. Quelques minutes, à l’aube. On lui dit que ses deux filles, Clarisse et Manon, étaient chez leur père. On lui parla de polytraumatismes : hanches, bassin, vertèbres cervicales. On évoqua une hémorragie due à l’éclatement des organes internes. On lui demanda d’écourter ses vacances pour rejoindre le bourg de Saint-Léonard. Il s’agissait d’un suicide mais la famille de Maud Jovière avait été secouée quelques mois auparavant par une sordide histoire d’enlèvement. Des mafieux qui s’en étaient pris à leur fille aînée. Le procureur avait jugé bon d’ouvrir une enquête.

    — Capitaine Arkhipov ? Vous m’entendez ?

    Le capitaine entendait parfaitement ce qu’on venait de lui annoncer. En ce moment, il haïssait le procureur de la République de Limoges. Un grand blanc dans sa tête. Comme les sommets enneigés qui l’encerclaient. Il éteignit son portable, le fourra au fond de la poche intérieure de son blouson, et, les deux pieds accrochés à sa planche de snow-board, il se mit à dévaler les pentes poudreuses de Val-d’Isère. Alexis n’était pas un gringalet. Il avait l’embonpoint des hommes qui ont vécu. Mais, malgré ses cent dix kilos, le Caucasien avait la souplesse d’un chat. Les arabesques qu’il traçait dans la neige encore vierge de cette glaciale matinée de mars en étaient les meilleurs témoins. Alexis enchaîna les virages couchés. Il aurait aimé se gaver de ce blanc jusqu’à l’écœurement. Comme un chien affamé qui ne connaîtrait plus les limites de son estomac. Sa planche zébra le blanc des vallons périphériques de la station de Val-d’Isère pendant des heures. C’est ce jour-là qu’il décida de ne voir le monde qu’en noir et blanc. Les couleurs niaises des cartes postales ne l’intéresseraient plus. Du monde de la couleur, il ne conserverait que les yeux noisette de Natalia et le regard vert d’eau de Maud. À 19 heures, il rejoignit, épuisé, sa chambre d’hôtel. C’était la femme aux manières de chat¹ qui lui avait trouvé cet hébergement. Elle en avait aimé le nom : « La Bergerie ». Il ne répondit pas au garçon derrière le comptoir de l’entrée lui demandant si tout allait bien. Dans son énorme sac de sport, il jeta pêle-mêle ce qui traînait aux quatre coins de la chambre à la moquette bouclée de beige. Il ne prit pas la peine d’inspecter en détail la salle de bains. Pourtant, quelque chose agrippa son regard alors qu’il en refermait la porte. Son image dans le miroir…

    Le terminal de paiement recracha bruyamment le ticket de caisse. Il avait six petites heures devant lui pour rejoindre le bourg de Saint-Léonard. Pour comprendre ce qui avait poussé Maud à se jeter du sommet de la collégiale. Un coup d’œil dans le rétroviseur de sa Golf lui renvoya le nom de son hôtel à l’envers. Alors qu’il s’éloignait de La Bergerie, l’homme au regard de loup prit une longue inspiration. Tout en expirant lentement, son pied droit appuyait déjà à fond sur la pédale d’accélération. La Bergerie était maintenant loin…

    Les affaires du capitaine avaient semblé s’arranger ces derniers mois. Il se rendait moins souvent au recyclage verre. C’était sa vie qu’il était en train de recycler. Avec Maud. Cette prof de français assoupie dans une maison-bateau sagement remisée au port depuis de longues années. L’enlèvement de Clarisse avait vraiment secoué le couple Jovière. Les amarres avaient lâché et le doc s’était retrouvé débarqué. Une nuit avait suffi pour que la jeune femme tombe amoureuse du Russe. Et inversement. Alexis avait retrouvé la ferveur des caresses matinales et cette enivrante sensation de se sentir désiré. La femme aux manières de chat semblait tellement assoiffée. Quand il fermait les yeux, le capitaine s’amusait à deviner où Maud allait plaquer ses lèvres. Il se trompait rarement. Pourtant, en dépit de cette attirance inexplicable, Alexis s’était refusé à toute sorte d’engagement. Toute sorte de confidences. Aucune promesse, aucune déclaration. Après le ravissement qui avait suivi leurs premiers ébats, une crainte sourde avait commencé à l’habiter. Liée à un vague sentiment de culpabilité. La mort prématurée de sa femme vingt ans auparavant lui interdisait de s’aventurer dans une autre histoire d’amour. Certes, quelques femmes trop fardées avaient parfois croisé sa route. Mais il s’agissait d’aventures sans lendemain lors desquelles les gestes étaient automatiques, mécaniques, et la jouissance rapide et douloureuse, une fois la chose faite. Avec Maud, c’était différent. Très différent. Il avait dû bien sûr supporter le regard accusateur de Rachel, sa coéquipière. Se sentant trahie, elle avait décidé d’effacer les années de complicité qui faisaient d’eux un duo de charme dans la petite ville de Saint-Léonard-de-Noblat. Rachel ne plaisantait plus sur les fautes de français du capitaine, ne s’inquiétait plus de ses yeux fripés après une nuit trop alcoolisée. Car Arkhipov n’avait pas complètement délaissé la bouteille. C’était parfois plus fort que lui. Il lui arrivait encore, alors que les cloches s’affolaient dans le clocher et que les corneilles rentraient au bercail, de sortir des Caves de Noblat une fiole de vodka à la main. Ça le prenait toujours à la tombée de la nuit. Cette furieuse envie de s’enivrer. « Nourris le loup, il regardera toujours le bois », disait il y avait bien longtemps sa mère lorsqu’elle voyait Vladimir Stepanovitch, son mari, claquer la porte de leur petit appartement. Quand il avait été décoré de l’ordre du Mérite, Alexis avait été très fier de son père. Un homme discret et intègre qui, bien qu’il ne fût pas ingénieur, passait ses soirées à faire des dessins techniques pour moderniser telle ou telle étape dans la construction de différents bâtiments, usines pour la plupart. Alexis s’était habitué à dix, onze ans à ce que la table de la cuisine soit recouverte de manuels où les mots « construction », « règles », « matériels » cohabitaient avec le traditionnel khartcho². Son père voulait apporter sa petite contribution à la technologie soviétique, ou peut-être faciliter tout bêtement le boulot de ses camarades de travail. C’était ça, la mentalité soviétique : le travail créateur au nom d’une nouvelle société qui viendrait. Mais ce futur n’était jamais venu. Et Vladimir Stepanovitch s’était mis à claquer de plus en plus souvent la porte de leur petit appartement. Les bois d’Alexis ne ressemblaient pourtant pas à ceux de son père, aux troncs lisses et à l’écorce argentée. Quand la rage mordait son ventre, elle n’était pas empreinte de tendre mélancolie mais irriguée par une déraisonnable pulsion qui l’enfouissait tout entier sous cette mousse verte qui habille les forêts de sapins. La vodka diffusant sa force et sa chaleur, le Russe, perdu contre les robustes racines des Douglas, se sentait léger. Il volait. Et, de la cime de ses rêves, il tentait de comprendre le pourquoi de son existence médiocre.

    Il était devenu paresseux. Voilà tout. Une épaisse couche de graisse avait peu à peu recouvert son cœur. Lui interdisant d’aimer à nouveau. Maud morte, il sentait cette graisse se liquéfier dans sa lourde carcasse. En arrivant à la gare de péage de Sainte-Hélène-sur-Isère, il eut envie de vomir. Il déversa en hâte dans des toilettes, où il chercha en vain l’interrupteur, des filets de bile amers. Ça le secoua pendant de longues minutes. Fasciné par la béance de ces chiottes à la turque, Arkhipov, à genoux sur des marchepieds dégoûtants, regardait le liquide jaunâtre s’écouler contre la faïence blanche. À présent, il pleurait.

    — Vous en avez encore pour longtemps ?

    Quelqu’un tambourinait à la porte. Le sortant de cette torpeur. Le père de famille sursauta quand il vit sortir le géant slave aux yeux rougis. Le regard transparent qu’Alexis posa sur lui le mit mal à l’aise et, en bredouillant des excuses, le père de famille s’engouffra dans les toilettes à la turque. Alexis quittait maintenant l’autoroute. Avec une certitude. La femme aux manières de chat n’avait pas plongé de son plein gré. On l’y avait poussée. Alexis réalisa qu’il aurait dû davantage l’écouter quand elle se plaignait de cette drôle d’atmosphère qui régnait à la cité scolaire Bernard-Palissy de Saint-Léonard-de-Noblat. Le Russe n’aimait pas les profs. Les rares collègues de Maud qu’il avait été amené à croiser dans la maison-bateau ne lui avaient inspiré que de la défiance ou de l’ennui. Il avait bien senti que cette caste se nourrissait d’anecdotes minables et de ragots ridicules. Ça n’aspirait qu’à assassiner son voisin de salle ou à s’en prendre à de pauvres gamins allergiques à leurs exercices. En janvier dernier, il n’avait même pas daigné répondre au bonjour mielleux d’une prof de maths. Il avait vu qu’elle jubilait de l’avoir surpris en train de boire un jus d’ananas avec Maud. Elle irait ravitailler de sous-entendus narquois ses collègues. Ce ne serait certes pas un ravito de choix, mais il avait remarqué que les enseignants n’avaient pas le palais bien fin. Sept mois qu’elle avait repris son boulot de prof. Sept mois qu’elle se plaignait régulièrement. De cette drôle d’atmosphère. Pourquoi avait-il pris le parti de ne pas l’écouter ? Il préférait ne rien entendre en l’étouffant de ses baisers. La femme aux manières de chat n’était pas faite pour se mêler à ces crêpages de chignons de cour de récréation. C’est ce qu’il aurait aimé lui dire. Mais il était tellement empressé de la serrer fort et de la renverser sur un lit. Le compteur de la Golf oscillait entre les cent vingt et les cent quarante kilomètres à l’heure quand il traversa le bourg de Pontarion. Une pensée fulgurante pour un collègue ayant bêtement trouvé la mort sept ans auparavant à l’entrée de la bourgade³. Un accident. Ce gendarme de Bourganeuf avait pris en chasse une Peugeot 205 grise immatriculée en Seine-Maritime. Le conducteur s’était servi à l’œil dans une station-service proche de Saint-Léo et une course-poursuite s’était engagée. Cinquante-deux euros. Fatals pour le gendarme de quarante-deux ans. À l’entrée du bourg de Pontarion, ce passionné de moto avait percuté celle d’un autre collègue à la sortie d’un virage. Une heure plus tard, il décédait tandis que l’ancien toxico connu pour délits de fuite, violences diverses et refus d’obtempérer allait devoir répondre d’homicide involontaire. Ce Parisien sous Subutex avait réussi à passer entre les mailles du filet de la justice. Condamné à huit ans de prison ferme, il avait fait appel et, la présidente du tribunal ayant oublié de mentionner son maintien en détention, le détenu s’était légalement retrouvé libre comme l’air, au grand dam des parties civiles. Après cet accident, Alexis s’était juré de ne plus jouer aux cow-boys sur les petites routes départementales. Filouter, resquiller, oui, c’était condamnable, mais la plaisanterie ne valait vraiment pas la peine de faire prendre des risques aux autochtones qui allaient au Carrefour du coin. Ou d’agoniser dans un hélico en direction du CHU de Limoges. À quel jeu était-il en train de jouer, là, en avalant gloutonnement les virages qui le faisaient glisser vers Saint-Léo ?

    C’est qu’il se sentait un peu à l’étroit dans son uniforme de flic. Les paysages apaisés et doux du Limousin étaient trompeurs et avaient endormi sa vigilance. Le printemps pointait son nez, comme à chaque mi-mars. Faisant sortir les papillons jaunes. Faisant soulever les jupes des filles dans les bois de châtaigniers. En Haute-Savoie, le thermomètre affichait moins deux degrés ; ici, il flirtait avec les vingt. Il savait que l’hiver allait en remettre une giclée avant de s’incliner définitivement devant le printemps. Cette période perturbait pas mal les esprits. On meurt à tout bout de champ mais, au printemps et à l’automne, les malades, souvent, abdiquent. Et si Maud lui avait caché quelque chose ? Une tumeur ? Une leucémie foudroyante ? Il avait bien remarqué à quel point son visage s’était creusé ces derniers mois. Des rides aussi vives que des cicatrices étaient apparues sur son visage. Il n’avait rien vu venir. Bercé par ces buttes verdoyantes. Ce Limousin qui hésitait toujours entre fraîcheur et tiédeur avait émoussé ses instincts. Il avait plus que jamais besoin de grands espaces, de toundras ne laissant pas s’arrêter le vent. La Golf dévora les quelques centaines de mètres qui séparaient le panneau d’entrée de l’agglomération de Saint-Léonard-de-Noblat de la gendarmerie. Il était minuit. La voiture de Rachel était garée tous feux éteints devant le local. Le plafonnier s’alluma. Le jeune lieutenant sortit du véhicule. Ils se firent face. Alexis se demanda pourquoi Rachel fixait si intensément la nuit au-dessus de lui. Mais ce n’était pas la nuit qu’elle interrogeait. Ce qu’elle interrogeait, c’était sa chevelure. Blanche. Comme la neige. Le capitaine avait blanchi. Elle lui prit la main. C’était bon de sentir la chaleur de la main de Rachel. Il y lut aussi comme une détermination muette. Il se laissa échouer sur le siège passager de la voiture du jeune lieutenant. Elle mit le gyrophare.

    — J’ai fait le plein. On va voir les vagues.

    2

    Les vagues, il n’y avait que cet antidote que Rachel avait su trouver après le décès brutal de son mari, quelques années auparavant.

    — Comment tu te sens ?

    — Mort, je me sens mort.

    — On va pas au bout du monde, mais tu vas voir, c’est peut-être encore mieux que le bout du monde.

    — Hum… c’est ton bout du monde

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