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Que la lumière se taise: Thriller en plein JO
Que la lumière se taise: Thriller en plein JO
Que la lumière se taise: Thriller en plein JO
Livre électronique353 pages4 heures

Que la lumière se taise: Thriller en plein JO

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À propos de ce livre électronique

Après Hachichiyyin, découvrez la suite des aventures de Zayane et de son mari

Février 2014, durant les Jeux Olympiques d’hiver de Sotchi, Zayane et son mari, le professeur Pierret, décident de s’offrir une petite escapade moscovite.
Tandis qu’ils profitent de la douceur du Café Pouchkine, un marginal vient leur proposer de prendre part à une émission ayant pour but de récolter des fonds en faveur des nombreux mendiants de la capitale russe. Cet olibrius ajoute qu’il est un descendant direct de Staline.
Pressentant le piège mais séduits par la noble cause du projet, Zayane et Pierret se lanceront dans une aventure qui les entraînera dans les dérives obscures d’un gouvernement qu’ils oseront défier.

Bien documenté, Pascal Riguelle nous plonge dans l’univers des 250.000 sans-abri qui croupissent dans des lieux infâmes de Moscou, dans les arcanes d’une politique mafieuse que l’auteur dénonce, se fondant sur certains faits avérés. « Que la lumière se taise » raconte également le parcours bouleversant d’une femme au courage exceptionnel : la protectrice des pauvres.

Sur fond de thriller, aux accents de services secrets internationaux, l'auteur nous livre une intrigue haletante, truffée de rebondissements.


EXTRAIT

Cela faisait plus de cinq jours qu’une effroyable tempête sévissait sur la capitale française. Des bourrasques et des pluies torrentielles avaient contraint la mairie à interdire toute circulation sur les axes tant principaux que secondaires. Trams, métros et bus étaient à l’arrêt et seuls de rares passants tentaient, tant bien que mal, de se rendre à leur travail.
Sur les terrasses des troquets du centre, habituellement si bruyants à cette heure-là, seule la force du vent et de la pluie faisait quelque peu monter les décibels.
Depuis quarante-huit heures, la Seine était sortie de son lit et les autorités craignaient que le fleuve n’atteignît les limites de la crue de 1910, quand il avait dépassé les huit mètres sur l’échelle hydrométrique du pont d’Austerlitz. Cette année-là, le nombre de victimes avait endeuillé une multitude de familles parisiennes et il était hors de question qu’une telle catastrophe pût se reproduire. Policiers, pompiers et protection civile s’affairaient donc à vérifier que les mesures d’interdiction de circuler étaient bien respectées. Malgré tous ces efforts, une vieille dame avait péri noyée en tentant de sauver son chat. Affolé, l’animal avait quitté la maison et s’était retrouvé sur une planche à la dérive. Sa maîtresse n’avait pu se résigner à l’abandonner.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Pascal Riguelle est né à Namur (Belgique) en 1968. Ses romans se caractérisent par des sources documentées qui ajoutent un fond historique à un scénario très captivant. Nous faisant souvent voyager aux quatre coins de la planète, l’auteur aborde également des sujets graves et contemporains tel que le terrorisme international. Après « Hachichiyyin, la prophétie des assassins » paru en 2011 à la maison parisienne « la société des écrivains », il nous revient avec les mêmes personnages dans de nouvelles aventures. Le troisième et dernier tome de la trilogie devrait paraître prochainement et s’intitulera « l’or du mont Elbrouz ».
LangueFrançais
ÉditeurDricot
Date de sortie2 mars 2017
ISBN9782870955413
Que la lumière se taise: Thriller en plein JO

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    Aperçu du livre

    Que la lumière se taise - Pascal Riguelle

    Riguelle

    Prologue

    Moscou, à proximité de la place Rouge

    Le soleil se lève sur la Moskova et ses premiers rayons se concentrent étrangement sur ce pont qui enjambe le fleuve et que j’emprunte chaque matin, appuyée sur ma canne blanche qui me sert de guide. Encore quelques centaines de mètres et je passerai de l’enfer de Cerbère à un paradis éteint.

    Devant moi, je devine des messieurs en costume et des dames en tenue chic. Ils traversent les artères du boulevard et je sens qu’ils ne me prêtent aucune attention. Serais-je devenue transparente ou invisible aux yeux de cette ville qui, jadis, m’a procuré tant de bonheur ?

    Plus j’avance vers la place Rouge et plus d’anciens souvenirs rejaillissent du fond de ma mémoire. Je me souviens de la douce époque où je déambulais entre le mausolée de Lénine et le bâtiment du Kremlin, en m’émerveillant de ces souvenirs forts du passé. Bien sûr, je me rappelle aussi que nous ne roulions pas sur l’or et que, durant les années de grand froid, il fallait user de bien des ruses pour se chauffer. Mais nous avions l’honneur, le sentiment avéré que, malgré les stigmates que nous portions sur le corps, nous pouvions dire : « Je mène la vie d’un être humain ».

    Pour me donner l’illusion d’un sol un peu plus accueillant, je déploie sur le béton froid la couverture qui sert à me protéger la nuit. Un groupe de touristes s’approche. De leur langage, je déduis qu’il s’agit probablement d’Indiens. Je me dépêche, car je sais que ces porteurs de longues robes sont souvent fort généreux. Je ne comprends rien à ce qu’ils racontent, mais je crains qu’ils doivent trouver bien triste de voir une vieillarde comme moi croupir ainsi à même le sol gelé. Ils ne peuvent savoir que je suis âgée de trente-six ans à peine !

    Au moins, eux me voient et m’entendent même, parfois. L’un d’eux me jette quelques roupies, comme on lance un os à un chien affamé. Tout comme l’animal, je me précipite sur les pièces d’argent. Puis j’entends des pas lourds et reconnais qu’il s’agit de ceux de policiers qui s’approchent pour m’expulser une nouvelle fois. Me voleront-ils le peu de monnaie que je viens de récolter ? Vont-ils se contenter de me faire déguerpir ? Aujourd’hui est un jour béni, car je suis tombée sur des agents de l’ordre compréhensifs, ce qui est devenu rarissime ici : ils m’ont laissé partir avec mon maigre butin.

    Je quitte la place Rouge que le soleil illumine à présent, comme pour me rappeler que l’éclat de la lumière m’est proscrite à jamais. Je reprends ma couverture et déambule, telle une âme sans vie, telle une bâtarde que d’aucuns de mes compatriotes trouvent dérangeante, mais que l’on préfère cacher de cette élite moscovite qui croit dominer le monde.

    Adel Tsiparevitch, retrouvée morte de froid un triste matin.

    Une amulette fut retrouvée entre ses mains gelées, devenues dures comme la pierre. Sur ce petit objet était gravée l’inscription :

    « À nous, les bâtards de la place Rouge. »

    Première partie

    L’affaire Djougachvili

    Trois mois plus tôt…

    *** 1 ***

    « L’espérance commence souvent notre ruine,

    et laisse au désespoir le soin de finir l’ouvrage. »

    Axel Oxenstiern

    4 février 2014, Paris

    Cela faisait plus de cinq jours qu’une effroyable tempête sévissait sur la capitale française. Des bourrasques et des pluies torrentielles avaient contraint la mairie à interdire toute circulation sur les axes tant principaux que secondaires. Trams, métros et bus étaient à l’arrêt et seuls de rares passants tentaient, tant bien que mal, de se rendre à leur travail.

    Sur les terrasses des troquets du centre, habituellement si bruyants à cette heure-là, seule la force du vent et de la pluie faisait quelque peu monter les décibels.

    Depuis quarante-huit heures, la Seine était sortie de son lit et les autorités craignaient que le fleuve n’atteignît les limites de la crue de 1910, quand il avait dépassé les huit mètres sur l’échelle hydrométrique du pont d’Austerlitz. Cette année-là, le nombre de victimes avait endeuillé une multitude de familles parisiennes et il était hors de question qu’une telle catastrophe pût se reproduire. Policiers, pompiers et protection civile s’affairaient donc à vérifier que les mesures d’interdiction de circuler étaient bien respectées. Malgré tous ces efforts, une vieille dame avait péri noyée en tentant de sauver son chat. Affolé, l’animal avait quitté la maison et s’était retrouvé sur une planche à la dérive. Sa maîtresse n’avait pu se résigner à l’abandonner.

    Ailleurs, c’était un enfant qui, ayant échappé quelques minutes à la vigilance de ses parents, n’avait pu faire la distinction entre le fleuve et les centimètres d’eau qui coulaient sur le trottoir.

    Malgré ces conditions apocalyptiques, au volant de sa Bentley noire, le professeur Pierret quitta L’École des Langues et Civilisations d’Orient ancien (l’ELCOA) où il s’était obstiné à aller récupérer plusieurs livres précieux, afin de les sauver de la noyade. Sur le chemin du retour, il craignit à plusieurs reprises de voir son véhicule emporté par des torrents de boue mais, grâce à son sens inné de la conduite ainsi qu’à son sang-froid légendaire, il parvint à garder la maîtrise de son carrosse jusqu’à son appartement. Toutefois, les garages souterrains de l’immeuble étant submergés, il dut ranger sa luxueuse automobile dans une des rues adjacentes, situées plus en hauteur dans le quartier.

    Encore très perturbé par le parcours semé d’embûches qu’il venait d’effectuer, il courut tel un forcené rejoindre sa jeune épouse Zayane qu’il devinait morte d’inquiétude.

    La jeune Syrienne l’avait pourtant mis en garde à plusieurs reprises.

    — Il est plus de vingt heures et plus aucun éclairage public ne fonctionne. Te rendre à ton école dans ce noir profond relève simplement de la folie. Tu sais très bien que tes livres sont à l’abri, car ils sont situés tout en haut des étagères de la classe !

    — Fais-moi confiance, Zayane, je sais très bien ce que je fais, avait-il répondu avec prétention et insolence.

    Lorsqu’aux environs de vingt-deux heures, il pénétra dans l’appartement, il fut surpris de découvrir son épouse en larmes.

    — Ma chérie, pourquoi t’es-tu mise dans un tel état ? Je t’avais pourtant dit que je ferais immédiatement demi-tour si j’estimais la situation trop critique !

    — Je sais, mais j’ai eu l’impression que tu n’étais pas conscient du danger encouru.

    Pour se venger, Zayane décida de taquiner Pierret.

    — De toute façon, ne va surtout pas t’imaginer que c’est seulement ton départ imprudent qui m’a fait pleurnicher. Non, il y a une autre raison à cela : en t’attendant, j’ai regardé le spectacle télévisé des Victoires de la musique classique. Je viens d’entendre un extrait du ballet de Roméo et Juliette de Prokofiev et cet air de musique m’a bouleversée. Je te rassure, je ne suis ni triste ni malheureuse. Il y a juste que je ne m’attendais pas à être troublée à ce point par ces mélodies si pures !

    Un peu vexé, le professeur fit toutefois en sorte de ne rien laisser transparaître.

    — Tu m’en vois soulagé ! D’ailleurs, ce ballet est également un de mes préférés. Ce que je vais t’avouer va peut-être te rendre verte de jalousie mais, avant notre rencontre, j’ai assisté à de nombreux spectacles de mode. Bien souvent, les mannequins défilaient sur cette symphonie. Je peux donc te dire que je comprends exactement ce que tu ressens en ce moment. (Et toc, se dit-il…)

    Pierret jeta un regard furtif en direction du téléviseur et constata que l’on jouait désormais Madame Butterfly de Puccini. Pressentant que cette scène ne remonterait pas le moral de sa dulcinée déjà fragilisée, il zappa sur une autre chaîne. Il tomba par hasard sur la scène d’ouverture des Jeux olympiques d’hiver de Sotchi. Lui vint alors une vision subliminale.

    — En raison des prévisions météorologiques, l’école ne rouvrira sans doute pas ses portes avant une bonne semaine. Cela te dirait-il de te rendre dans le cœur de l’ancienne Union soviétique ?

    Zayane fut très touchée par cette attention délicate. Aussi, un certain enthousiasme lui revint. Elle corrigea toutefois la proposition de son compagnon.

    — Tu sais, les compétitions sportives ne m’ont jamais intéressée. Maintenant, si tu tiens à aller voir le ski et les rencontres de hockey sur glace, je suis prête à te suivre.

    — Oups ! Penses-tu vraiment que je sois fan des parties de curling ? Tu ne m’as pas bien compris : ce n’est pas à Sotchi que je te propose de nous évader, mais à Moscou !

    Suite à cette précision, le visage de la jeune femme s’illumina.

    — Oh ! mon Dieu, j’ai toujours eu envie de découvrir la place Rouge ! Es-tu toutefois certain de pouvoir t’absenter durant une aussi longue période ?

    — Ne t’en fais pas pour cela. Affaire conclue. Je réserve de ce pas un minitrip via Internet !

    *** 2 ***

    « En Russie, quelque oligarque que l’on soit, toute la fortune du monde ne conférera jamais le titre de tsar ! »

    Patrick Janaz

    7 février 2014, Moscou

    De son vrai nom Ivan Gorkinovich, Gorki incarnait parfaitement l’histoire de ces nouveaux milliardaires à l’image de la Russie moderne : il avait d’abord fait fortune dans la mafia, avant de se tourner avec succès vers le secteur florissant de l’audiovisuel. Aujourd’hui, avec sa mainmise sur la majorité des chaînes de TV russes, il se croyait au-dessus des hommes et des lois, voire des dieux.

    Prêt à écraser quiconque se dresserait sur son passage, il avait eu le génie d’obtenir l’exclusivité des droits de retransmission des Jeux olympiques d’hiver de Sotchi.

    Fidèle à ses habitudes, ce n’était pas sur place qu’il s’apprêtait à visualiser l’inauguration officielle des Jeux olympiques les plus coûteux de l’Histoire : il s’était contenté de suivre la scène de son bureau privé de Moscou.

    L’organisation des J.O. d’hiver de Sotchi avait coûté la coquette somme de 37 milliards d’euros au gouvernement, sans parler de la corruption qui avait accompagné la construction des nombreux sites du village.

    Même le Comité international olympique avait fini par avouer, du bout des lèvres, ces dépenses scandaleuses, compte tenu de tous les sans-abri qui croupissaient dans la capitale russe. Pouvait-on d’ailleurs parler de village olympique ? Près de cent mille soldats et policiers avaient été envoyés sur place pour défendre les lieux abritant les athlètes et les journalistes. Le tout encerclé de barbelés et de barrières en acier hautes de plus de trois mètres.

    L’obtention des droits de retransmission de cet évènement fut une véritable aubaine pour les studios Gorki. Des millions de téléspectateurs étaient pressentis pour suivre cette fête du sport : les royalties allaient donc rapporter un véritable pactole !

    Confortablement assis dans son divan en bois d’ébène du Laos, essence considérée comme la plus chère au monde après le bois d’acajou de Cuba, Gorki sirotait une coupe de champagne en attendant le début de la retransmission. L’inauguration officielle allait débuter dans cinq à dix minutes à peine. Frappé de nervosité, le producteur hésita quelques instants à aller chercher une des call-girls supposées l’attendre dans la pièce voisine. Comme chaque fois qu’il restait seul le soir dans ses studios, sa secrétaire prévoyait la présence d’une ou deux professionnelles, afin d’assouvir l’appétit sexuel de son patron en cas d’excès de libido.

    Du haut de son mètre nonante, le crâne rasé, portant toujours un costume gris et des lunettes noires, Gorki était craint de tous. Nonobstant sa force athlétique, le producteur ne se séparait jamais de ses deux gardes du corps. Seules quelques personnes feignaient d’être ses amis. Mais une évidence les rappelait bien vite à une féroce réalité : Gorki était un des hommes les plus puissants de Russie et, compte tenu de ses relations, il pouvait se montrer un ennemi particulièrement cruel.

    Mafieux notoire, on aurait pu croire que le directeur des studios les plus importants de Russie n’était pas à l’abri de menaces judiciaires. C’était là aussi sans compter sur son cercle privilégié de connaissances. Parmi celles-ci, le Premier ministre Youri Armianski.

    *** 3 ***

    « Le secret de la créativité est de savoir comment cacher vos sources. »

    Albert Einstein

    9 février 2014, Moscou, château de Kouskovo

    La veille, le Premier ministre Armianski reçut un appel très surprenant du Président russe. Ce dernier fut en effet très évasif quant à l’objet exact de sa nouvelle missive. Il évoqua succinctement un projet d’émission de télévision destinée à démontrer aux communautés internationales que son pays était un ardent défenseur des Droits de l’Homme.

    Convaincu que Gorki serait l’homme de la situation, Armianski avait convié le producteur dans un lieu hors du commun pour ce type d’entrevue : le château de Kouskovo. Située dans le district est de Moscou, cette bâtisse datant du dix-huitième siècle est l’un des lieux les plus visités par les touristes. Ses jardins à la française lui valent même le surnom de petit Versailles !

    Mais pour l’heure, l’ambiance était bien loin de toute invitation à la flânerie : il était tard et l’endroit était quasi désert.

    C’est donc à l’abri des regards qu’Armianski voulait s’entretenir avec Gorki du nouveau projet que le maître du Kremlin lui avait confié quelques heures plus tôt.

    Le patron des plus grandes chaînes de télévision russes ne s’inquiéta pas outre mesure des aspects mystérieux de cette réunion planifiée en dernière minute : cela faisait près de cinq ans qu’il travaillait régulièrement pour le gouvernement. Toutefois, alors qu’il s’attendait à recevoir les félicitations du jury pour la retransmission parfaite de la scène d’ouverture des J.O. d’hiver, il fut surpris d’entendre le Premier ministre aborder un thème qu’il n’avait pas prévu.

    — Gorki, je m’apprête à vous tenir des propos ultra-confidentiels ! Comme vous le savez, nombreuses sont les critiques qui sous-entendent notre manque de respect des Droits de l’Homme. Aussi, afin de répondre à ces attaques et en totale concertation avec les organes supérieurs, je vous demande d’organiser un reality-show qui viserait à faire taire définitivement les nations qui mettent en exergue notre manque de zèle en matière de démocratie.

    — Armianski, j’ai beaucoup de mal à vous suivre : me demanderiez-vous de faire une émission en faveur des étrangers, des gays et des lesbiennes ? Je ne pourrais le concevoir un seul instant…

    — Diable, vous n’y pensez pas ! Je vous demande de vendre du rêve et de n’en donner en aucun cas ! Quoique je compte sur votre imagination débordante pour me soumettre un projet dans les vingt-quatre heures. Il est en effet primordial que nous puissions redorer le blason de notre grande et belle nation avant la fin des Jeux d’hiver. Le monde nous observe actuellement et il nous faut profiter de cet instant propice.

    Dans la foulée, je vous donne une piste : mon chef des services secrets vient de m’avertir qu’un intrigant couple de Français débarquera demain à Moscou. Qui, mieux que des habitants de l’Hexagone, pourrait bluffer tout le monde dans le sujet qui nous préoccupe ? Je vous ferai transmettre leurs coordonnées dans les heures qui viennent.

    *** 4 ***

    « L’homme le plus fort du monde est celui qui est le plus seul. »

    Henrik Ibsen

    Istanbul

    Le lieutenant Kader contemplait le Bosphore comme si ce détroit séparant l’Asie de l’Europe contenait les larmes de ses ancêtres. Déboussolé, il ne pouvait accepter les dernières vérités qui venaient de lui être révélées.

    Dès son retour de mission en Amérique du Sud, il s’était rendu à la mosquée Bleue afin d’y solliciter l’aide pourtant risquée de l’imam. Contre toute attente, ce n’était pas le chef religieux qui s’était présenté à lui, mais une ancienne connaissance très active dans les milieux ultra-islamistes, Al-Kazin.

    Kader avait demandé de lui procurer une poignée d’hommes pour l’aider à regagner son ordre en Iran. Alors qu’il était très fier d’avoir pu mener à bien les opérations au Brésil et à Cuba, le lieutenant dut déchanter : Al-Kazin lui apprit la mort récente de son maître, le vieil homme de la montagne, mais aussi la rébellion qui avait suivi ce décès et qui avait provoqué la dislocation de son groupe.

    Enfin, l’officier moudjahid en cavale dut entendre que, alors que c’était lui qui était pressenti pour devenir le successeur de la secte des Assassins, son mentor avait porté son choix sur Aazam, le cadet de Kader. Le nouvel élu, ne disposant pas des qualités de leader de Kader, se montra rapidement incapable de faire régner l’ordre et eut à affronter les foudres de la révolte. Le petit frère de Kader s’était suicidé, peu de temps après sa désignation en tant que nouveau chef des Hachichiyyin.

    Bref, Kader était désormais le dernier héritier d’une communauté de mercenaires qui faisait vaciller le fragile équilibre mondial depuis près de mille ans : l’ordre des Assassins !

    En plus de cette tragédie, Al-Kazin avait fait une autre révélation : avant de mourir, le chef des Hachichiyyin lui avait fait parvenir la moitié de sa fortune, somme colossale qu’il avait remise à Kader.

    Un véritable désir de vengeance gagna alors l’esprit du lieutenant. Juste avant de sortir de la mosquée Bleue, pendant sa prière, il avait juré au Prophète de faire payer le prix fort à tous ceux qui avaient traqué la secte des Assassins au cours de la dernière décennie : la France, les États-Unis, mais également une jeune femme d’origine syrienne qui vivait désormais à Paris et qui, malgré ses origines musulmanes, collaborait de près avec les services secrets de l’Hexagone.

    L’esprit chamboulé de l’officier fit jaillir en lui une multitude d’interrogations : qu’est-ce qui avait donc pu provoquer la chute aussi brutale de sa communauté dont les adeptes étaient connus pour leur soumission totale à l’autorité ? S’il avait pu regagner l’Iran plus tôt, aurait-il pu éviter cette descente aux enfers ?

    Dans cette kyrielle de questions existentielles, Kader en vint à se demander comment Al-Kazin avait pu être mis au courant qu’il se présenterait à Istanbul, à la grande mosquée Bleue de surcroît.

    Puis un détail lui revint : lorsqu’à Trinidad-et-Tobago, il s’était procuré un billet d’avion pour un vol La Havane-Istanbul, il avait présenté un faux passeport que son maître lui avait fait parvenir. Ainsi, bien que se trouvant sans doute à l’article de la mort, le vieil homme de la montagne était parvenu à user de stratagèmes tels qu’il avait trouvé le moyen de retracer la piste de son lieutenant en fuite.

    La suite était d’une logique implacable : le maître des Assassins, réunissant doute les derniers souffles d’énergie qui émanaient encore de son corps, avait contacté Al-Kazin à qui il avait fait don d’une grande partie de ses réserves financières. Ce mouvement bancaire n’était-il pas trop risqué, compte tenu du fait que le mentor des Hachichiyyin n’avait plus rencontré son ami turc depuis près de vingt ans ? Absolument pas : il existe dans ces communautés obscures des alliances insoupçonnées dont nos civilisations modernes ne peuvent mesurer l’ampleur.

    Kader braqua une nouvelle fois son regard en direction du pont du Bosphore, haut de plus de soixante-cinq mètres et long de plus d’un kilomètre. Sous cette construction métallique ayant une capacité de huit voies routières, une pléiade de bateaux permettaient aux touristes d’embrasser les plus beaux paysages d’Istanbul. Dans ce décor paradisiaque, le lieutenant ne pensait pourtant qu’à une chose : utiliser le pactole dont il venait d’hériter pour reconstruire au plus vite son ordre disparu et venger ainsi la mort récente de son jeune frère et celle de son maître !

    *** 5 ***

    « L’homme est fait pour attendre,

    et la femme pour être inattendue. »

    Gérard de Rohan Chabot

    Deux jours plus tard, Moscou, Café Pouchkine

    Vu les Jeux olympiques, Pierret éprouva les pires difficultés à trouver un billet d’avion à destination de la capitale russe. Il put arriver in extremis à ses fins, mais ne trouva qu’un vol de nuit.

    Vers trois heures du matin, Zayane et lui atterrirent à l’aéroport international de Domodevo. Ils empruntèrent aussitôt la ligne de l’Aeroexpress, un train rapide permettant de gagner la gare de Paveliets en un peu moins de trois quarts d’heure.

    En fin de compte, ils ne débarquèrent dans leur hôtel que vers six heures du matin.

    Dans le Boeing qui les transportait, le professeur avait lu un article sur le célèbre Café Pouchkine. On y insistait sur l’importance de visiter le lieu tôt le matin, à l’heure où l’endroit n’était pas encore trop fréquenté. Sitôt arrivé dans la chambre de leur hôtel, le professeur proposa donc à son épouse de se reposer durant quelques heures pendant qu’il se rendrait au Café Pouchkine.

    — Tu n’as qu’à me rejoindre en fin de matinée dans l’établissement le plus couru de Moscou.

    Une demi-heure plus tard, Pierret arriva au célèbre Café Pouchkine. Il y attendit tranquillement sa compagne en pensant que celle-ci devait sans doute rêvasser aux nombreuses boutiques de haute couture décrites dans les catalogues qu’elle avait feuilletés durant le trajet en aéroplane.

    Avant de s’asseoir, le Français s’empressa de se réchauffer auprès de l’immense feu ouvert qui illuminait la pièce principale. Les flammes éclairaient les reproductions plus vraies que nature des œuvres de l’artiste Komarov Vitali, celui que l’on surnommait le nouveau Van Gogh russe. Ce peintre, né en Russie en 1968, mêlait les couleurs vives dans ses toiles où le vert, le jaune et le rouge dominaient les fonds pastel de toute leur flamboyance. Le professeur adora, entre autres, le tableau des Jardins de Lednice ainsi que la toile du Vase aux tournesols. En plus de ces œuvres aux couleurs écarlates, les flammes du grand feu entrouvraient un paradis enchanteur qui, égaré dans les superbes poutres en chêne foncé du plafond, proposait un spectacle qui invitait à une irrésistible douceur de vivre.

    Pierret déambula ensuite à travers les larges bibliothèques en bois. Celles-ci regorgeaient de livres datant parfois de plusieurs siècles. Il existe ainsi de ces endroits magiques qui invitent à penser que la vie s’arrête pour y contempler uniquement ce qu’elle offre de plus beau et de plus noble.

    Le professeur prit place dans un des larges fauteuils argentés de style Chesterfield, juste à côté d’une fenêtre. Il y observa la tempête de neige qui faisait rage sur le Tverskoy Bulvar déserté. Les rares passants se protégeaient contre ces dures conditions climatiques. Certains à l’aide de manteaux épais, d’autres en couvrant leur tête d’un simple papier journal. Peu surpris par les bourrasques hivernales si caractéristiques sous cette latitude, Pierret observait ces images quasi apocalyptiques avec les yeux d’un enfant. C’est alors que le serveur de l’établissement vint perturber sa rêverie passagère.

    — Bonjour, comme le veut la coutume, je vous offre l’éditorial de notre maison et vous en souhaite une excellente lecture. Et voici notre célèbre chocolat chaud, recouvert de notre merveilleuse crème chantilly et nappé de cacao amer de Bolivie.

    Lorsqu’il découvrit sa boisson, le professeur n’en crut pas ses yeux.

    — Mon Dieu, quelle présentation raffinée ! Si le contenu équivaut au coup d’œil, je suis sûr que je vais passer un bien agréable moment.

    Tout en savourant une boisson matinale pour le moins extraordinaire par la finesse de ses arômes, l’enseignant parisien saisit le mensuel de l’établissement ; son tirage ne dépassait donc pas les quelques milliers d’exemplaires. On ne pouvait donc le trouver qu’ici où il était distribué gratuitement à tous les clients. Il entama la lecture et remarqua en première page les expositions et les concerts prochainement proposés par cette maison des desserts. On y parlait d’orchestres à cordes, de menus thématiques… Soudain, son attention se focalisa sur un article repris dans la rubrique des faits divers :

    Dans le cadre du lancement d’une nouvelle émission de télévision dont les bénéfices seront intégralement reversés aux sans-abri de Moscou, les studios Gorki sont à la recherche d’un couple d’Occidentaux, afin de réaliser l’ascension du plus haut sommet de l’Europe géographique, le mont Elbrouz !

    *** 6 ***

    Il était à présent onze heures du matin et, guettant l’arrivée imminente de Zayane, Pierret

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