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Hachichiyyin: La prophétie des Assassins
Hachichiyyin: La prophétie des Assassins
Hachichiyyin: La prophétie des Assassins
Livre électronique313 pages3 heures

Hachichiyyin: La prophétie des Assassins

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À propos de ce livre électronique

Zayane, jeune Syrienne, est chassée de son foyer suite à son apprentissage secret de la langue copte, et se réfugie en France avec l’aide de son frère

À quelque temps de là, Pierret, professeur de langues anciennes, est contacté par les services secrets qui souhaitent s’entourer d’intellectuels chevronnés afin de décrypter les messages envoyés par certains terroristes. Découvrant la liberté et l’indépendance, Zayane est loin de se douter que ses connaissances l’amèneront à participer, en compagnie de Pierret et du charismatique colonel Kleber, à une enquête explosive.

Parfaitement rythmé, ce roman d’espionnage entrelace les points de vue des divers protagonistes et livre une intrigue haletante et en phase avec nos peurs modernes.

Depuis les quatre coins du globe, nous plaçant tantôt du point de vue de héros passionnés, tantôt de celui de fanatiques sanguinaires, Pascal Riguelle développe un récit captivant et nerveux, fait de manipulations et rebondissements, et qui plonge dans l’histoire du terrorisme.

Le premier tome d'une série de romans d'espionnage dont la suite est à découvrir dans Noces rouges à Andalus et Que la lumière se taise !

EXTRAIT

L’École des Langues et Civilisations de l’Orient ancien était une institution pour le moins peu commune. On pouvait y apprendre des langues tels que l’araméen, l’arabe, le copte, l’égyptien hiéroglyphique, et aussi l’éthiopien, l’hébreu biblique ou même le hittite. Pas étonnant dès lors que cet établissement de haut niveau fût surtout fréquenté par de futurs prêtres et par des étudiants voulant parfaire leurs connaissances des civilisations anciennes.
L’ELCOA proposait trois branches principales : le monde biblique, l’Orient chrétien et le Proche-Orient ancien. On y retrouvait surtout des chrétiens, et aussi quelques musulmans, bouddhistes, indouistes et des juifs. Dans cet univers multiculturel, les professeurs, quant à eux, étaient essentiellement issus du monde du clergé. Leur âge frôlait souvent celui de la retraite, voire le dépassait.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Pascal Riguelle est né à Namur (Belgique) en 1968. Ses romans se caractérisent par des sources documentées qui ajoutent un fond historique à un scénario très captivant. Nous faisant souvent voyager aux quatre coins de la planète, l’auteur aborde également des sujets graves et contemporains tel que le terrorisme international. Après « Hachichiyyin, la prophétie des assassins » paru en 2011 à la maison parisienne « la société des écrivains », il nous revient avec les mêmes personnages dans de nouvelles aventures. Le troisième et dernier tome de la trilogie devrait paraître prochainement et s’intitulera « l’or du mont Elbrouz ».
LangueFrançais
ÉditeurDricot
Date de sortie2 mars 2017
ISBN9782870955451
Hachichiyyin: La prophétie des Assassins

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    Aperçu du livre

    Hachichiyyin - Pascal Riguelle

    liberté.

    Prologue

    2003-2004-2005-2006-2007-2008-2009-2010-2011

    Syrie, dans une des salles de la forteresse de Masyaf

    Assis dans un large fauteuil persan posé sur une estrade, le Vieil Homme de la Montagne, comme on le surnommait, trônait sur l’assemblée de la salle à la manière des anciens rois de Babylone. Sa longue barbe blanche lui donnait l’air d’un sage, qui inspirait directement le respect. D’un simple geste, il appela les deux premiers invités, qui avancèrent de quelques pas.

    — Déclinez votre identité, jeunes fils d’Allah.

    Le plus âgé des deux s’inclina et répondit :

    — Je m’appelle Hicham et voici mon petit frère Akim.

    Le vieil homme les observa durant quelques secondes, sans prononcer un seul mot, comme s’il cherchait à pénétrer leur âme uniquement à travers leurs regards.¹

    Ensuite, il les interrogea :

    — Pourquoi avez-vous demandé une audience ?

    Les deux hommes s’observèrent mutuellement pour savoir lequel d’entre eux allait répondre. Hicham murmura :

    — Akim, mon petit frère, ainsi que son épouse ont un petit garçon. Celui-ci est âgé de six ans et se prénomme Ali. Il a beaucoup de mal à apprendre et l’institutrice du village pense qu’il souffrirait d’une maladie mentale qui l’empêche d’évoluer normalement. Akim et sa femme aiment leur enfant plus que tout au monde, ils le chérissent sans tenir compte du fait qu’il est un peu différent des autres gamins de son âge. Depuis quelques mois, l’épouse d’Akim a très peur de voir raconter au village que les enfants comme Ali ne sont pas toujours accueillis favorablement dans les Jardins du Ciel. Aussi, en échange de sa clémence, nous te demandons d’annoncer à notre Prophète que nous sommes prêts à lui faire don de nos vies, si telle est sa volonté.

    À cette dernière phrase, un rictus à peine visible anima le visage du Maître, jusque-là impassible. Il frappa sur un large gong en cuivre qui se trouvait à sa droite. Ce coup résonna dans la pièce d’une manière telle qu’Hicham et Akim s’agenouillèrent comme s’ils se prosternaient devant le vieil homme. Ce dernier hurla :

    — Comment pouvez-vous afficher autant d’irrespect envers Mahomet ? Vous voulez échanger vos vies contre sa clémence ! Nul ne marchande ainsi avec le messager d’Allah.

    Le vieillard marqua une courte pause, comme s’il cherchait l’inspiration divine. Au bout d’une dizaine de secondes, il reprit :

    — Quels métiers êtes-vous capables d’accomplir ?

    Hicham, encore sous le coup de la sévère remise à l’ordre qu’il venait d’essuyer, laissa à Akim le soin de répondre :

    — Nous sommes ouvriers dans une fabrique de chauffage. Nous pouvons aussi réaliser toute une série d’autres travaux, nous sommes de bons manuels.

    — Parlez-vous plusieurs langues ?

    — Oui, nous possédons aussi quelques notions de copte.

    Cette réponse sembla particulièrement satisfaire le vieil homme. Ce dernier prit un temps de réflexion, comme s’il cherchait une faille. Comment s’assurer des propos tenus par Hicham et Akim ?

    — Êtes-vous bien conscients qu’en rejoignant mon Ordre des Hachichiyyin, vous risquez de ne plus voir vos femmes et enfants ?

    Akim sortit alors de sa veste une photo de ses parents et tenta de garantir au Vieil Homme de la Montagne toute la loyauté de l’engagement que son frère et lui étaient sur le point de signer.

    — Oui, nous le savons parfaitement et sommes prêts à en payer le prix si c’est la volonté d’Allah. Nous te le jurons sur la tête de notre père et de notre mère !

    Un nouveau rictus s’afficha sur le visage du vieillard. Il baissa la tête et se mit à psalmodier.

    Au bout de quelques minutes, il entama un court monologue où, les mains levées vers le ciel, il rendit gloire à la puissance des anciens Seigneurs d’Alamut, ceux-là même qui forgèrent une des premières pages de l’Histoire de l’Ordre.

    Enfin, il implora le Prophète pour l’aider à rendre son verdict.

    — J’ignore à cette heure la réponse du messager d’Allah. Je peux juste vous dire que, plus fort sera votre courage, plus vos chances d’obtenir le salut d’Ali grandiront.

    Hicham et Akim se prosternèrent, tout en se confondant en remerciements. Le Vieil Homme de la Montagne leur tendit un papier sur lequel figurait une adresse et conclut :

    — Une telle décision ne peut se prendre à la hâte. Je vous invite donc à réfléchir pendant une période de trois mois. Durant ce temps, vous ne cesserez d’implorer le Prophète afin qu’il puisse entendre votre appel. Passé ce délai, si votre volonté est toujours de rejoindre notre Ordre, vous vous présenterez au lieu indiqué sur ce document, aux date et heure qui y sont reprises. Le point de rendez-vous se trouve à Damas, juste à côté du site de la chapelle Saint-Ananias. Là, nous procéderons à votre intronisation dans la secte des Hachichiyyin. Par la suite, vous vous rendrez au Pakistan. C’est dans un camp retranché, dans les montagnes, que le Grand Maître vous donnera la formation qui vous permettra de devenir de véritables moudjahidines. Votre mission durera huit années au cours desquelles vous pourrez prouver au Prophète votre loyauté à son égard. Allah Akbar !


    1 Un mois plus tôt, le Maître avait reçu la visite de deux hommes qui souhaitaient rejoindre son Ordre. Peu de temps après les avoir interrogés, il avait découvert que ceux-ci étaient à la solde des Américains. Il redoublait donc de vigilance en accueillant ces nouveaux prétendants.

    *** 1 ***

    2003-2004-2005-2006-2007-2008-2009-2010-2011

    Paris, rue d’Assas, ELCOA (École des Langues et Civilisations de l’Orient ancien)

    C’était la rentrée académique et le professeur Pierret, spécialiste en langues anciennes, accueillait, à sa manière, les nouveaux étudiants.

    Bienvenue à toutes et à tous à l’ELCOA ! À l’heure où, pour devenir riche, mieux vaut poursuivre des études liées à la finance et à ses spéculations, je ne puis que vous féliciter d’avoir fait le noble choix des valeurs anciennes. Certes, les langues mortes vous ouvriront moins facilement les horizons professionnels. Cela, vous ne le direz pas aux recruteurs de l’ANPE, lorsque vous leur indiquerez que vous parlez le grec ancien, le copte et l’araméen.¹

    Cette utilisation aussi directe du second degré plongea la salle dans une série de fous rires. Le professeur poursuivit :

    — Pourquoi apprendre des langues qui ne sont plus utilisées depuis des siècles ?

    Le professeur adorait cet exercice de chauffeur de salle qui lui faisait oublier, durant quelques instants, tout le sérieux de la matière qu’il devait enseigner. Cette fois encore, il avait suscité l’hilarité générale. Toutefois, comme souvent, il changea radicalement de style lorsqu’il projeta quelques diapositives sur le large écran de la salle.

    — Regardez cette photo : il s’agit d’attentats perpétrés en Inde durant les années nonante. Vous avez peut-être déjà entendu parler de ces attaques que l’on attribua à Al-Qaïda. Saviez-vous que, peu de temps après, on s’est aperçu qu’il aurait été possible de les déjouer ? En effet, l’enquête qui suivit révéla que certains messages avaient été échangés entre les différents protagonistes de cette boucherie. Pensez-vous que ceux-ci étaient rédigés en anglais ou en arabe ? Non, trop facile évidemment pour une organisation secrète qui aime dissimuler ses actes !

    Un étudiant leva la main.

    — Peut-être étaient-t-ils écrits en espéranto, Monsieur ?

    Le professeur Pierret ironisa.

    — Je vois que vous connaissez le dictionnaire par cœur, jeune homme ! Revenons au thème qui nous préoccupe, s’il vous plaît. Les services secrets qui enquêtèrent sur ces attentats retrouvèrent, quelques mois plus tard, des documents que l’on avait maladroitement ignorés. Ceux-ci revêtaient une importance capitale ; ils pouvaient induire certaines prévisions machiavéliques. Cette découverte était susceptible de nous annoncer la préparation imminente de ces attentats. Enfin, bien que cette hypothèse n’ait été confirmée par les services secrets américains, c’est en copte que ces messages auraient été écrits.

    Cette dernière déclaration n’était pas exacte, Pierret se plaisait à jouer, chaque année, le même tour à ses nouveaux étudiants. C’était sa manière de donner un peu d’importance à la langue qu’ils s’apprêtaient tous à découvrir. Ce n’était généralement que vers la fin de l’année qu’il leur révélait fièrement la supercherie qu’entre-temps, la plupart des élèves avaient déjà devinée.

    Le même étudiant leva à nouveau l’index pour prendre la parole.

    — Vous parlez du copte comme si la langue était toujours utilisée, il me semble que celle-ci n’est plus parlée depuis plus de mille ans. Je me trompe ?

    Le professeur de répondre :

    — Excellente remarque, mon ami. Vous serez un candidat à l’emploi disposant d’une grande culture. En fait, le copte est l’héritier moderne de ces célèbres hiéroglyphes qu’utilisaient les anciens Egyptiens. Cette langue n’est plus utilisée depuis près de mille ans, période où elle a été progressivement remplacée par l’arabe. Son usage s’est heureusement perpétué au sein des milieux liturgiques, tant et si bien que certaines de ses bases sont arrivées jusqu’à nous.

    Après ce début sympathique, les élèves se réveillaient les uns après les autres. L’un d’entre eux reprit :

    — Je pensais que les coptes désignaient les catholiques d’Égypte ?

    Pierret de surprendre à nouveau l’assemblée.

    — Votre remarque est pertinente. À la base, le mot copte vient du grec aigyptos.

    Les Arabes qui, au sixième siècle de notre ère, envahirent l’Égypte, appelèrent ses habitants des gypt ou kypt qu’ils prononcèrent kopte. Ce terme regroupe donc les diverses langues parlées par les communautés de l’époque. Tout comme les populations égyptiennes et éthiopiennes, les coptes disposaient déjà de leur propre calendrier, mentionnant même les années bissextiles. La langue copte disparut définitivement vers le milieu du dix-septième siècle, époque à laquelle des chercheurs s’intéressèrent à elle, car elle était considérée comme la seule véritable langue descendant de l’égyptien ancien.

    Tandis qu’il terminait la première séance de l’année, son appareil cellulaire retentit. Il n’était pas du tout adepte des technologies modernes. S’il avait acheté un GSM, c’était tout simplement parce que le directeur de l’ELCOA le lui avait imposé, sous peine d’exclusion. Ses retards répétés avaient, en effet, fini par lui attirer les foudres du conseil d’administration. Bref, le professeur avait acheté un portable, et n’avait jamais communiqué son numéro à presque personne.

    L’appel qu’il recevait était masqué. Fidèle à ses principes, il décida de ne pas y donner suite.


    1 Passionné par sa profession, Pierret n’en demeurait pas moins écœuré par certains des élèves qui fréquentaient ses cours lors de la première année à l’université. Il avait l’impression que la moitié de ceux-ci ne s’étaient inscrits à l’ELCOA que pour épater leur entourage, l’intérêt pour les cultures anciennes étant devenu un sorte de mode.

    *** 2 ***

    L’École des Langues et Civilisations de l’Orient ancien était une institution pour le moins peu commune. On pouvait y apprendre des langues tels que l’araméen, l’arabe, le copte, l’égyptien hiéroglyphique, et aussi l’éthiopien, l’hébreu biblique ou même le hittite. Pas étonnant dès lors que cet établissement de haut niveau fût surtout fréquenté par de futurs prêtres et par des étudiants voulant parfaire leurs connaissances des civilisations anciennes.

    L’ELCOA proposait trois branches principales : le monde biblique, l’Orient chrétien et le Proche-Orient ancien. On y retrouvait surtout des chrétiens, et aussi quelques musulmans, bouddhistes, indouistes et des juifs. Dans cet univers multiculturel, les professeurs, quant à eux, étaient essentiellement issus du monde du clergé. Leur âge frôlait souvent celui de la retraite, voire le dépassait.

    Égaré parmi les fidèles brebis, évoluait Pierret, cet enseignant aux initiatives aussi excentriques que talentueuses. Curieux personnage que ce professeur pour le moins atypique, dans une école dont la majorité des élèves étaient voués à une carrière théologique. Tantôt moqueur, souvent misogyne, il prenait un malin plaisir à attirer l’aura sur lui, grâce à son talent oratoire. Ce n’était donc pas par hasard si la vie l’avait régulièrement amené à jouer les animateurs dans des salles de conférences.

    Âgé de quarante-deux ans, bien enrobé, crâne dégarni, Pierret ne veillait pas vraiment à son apparence extérieure. Il savait que les seuls moyens qui lui étaient donnés pour plaire aux femmes résidaient dans l’humour et le savoir. On pouvait dire qu’il était l’éminence grise de son université. Même au niveau international, il était une référence et il n’était pas rare qu’il fût appelé, en qualité d’expert, dans les régions des Proche et Moyen-Orient.

    Passionné par l’Égypte ancienne, il avait traîné les pieds dans les grands sites historiques, où l’on avait eu recours à ses services pour traduire des textes en grec ancien. Ces expéditions archéologiques lui avaient permis d’apprendre le copte dont il était tombé amoureux, presque comme d’une femme, subjugué par la beauté des écrits et la musique de la langue.

    En effet, Pierret avait commencé à l’ELCOA, il y a de cela une quinzaine d’années, comme professeur de grec ancien. Ce n’est que lorsque le prêtre chargé du cours de copte fut victime d’une rupture d’anévrisme que le poste lui fut proposé. Vu le peu de personnes susceptibles d’enseigner efficacement cette langue, et sur les recommandations d’éminents archéologues avec lesquels il avait travaillé, le professeur abandonna le grec pour le copte, ce qu’il n’avait guère regretté depuis.

    *** 3 ***

    2003-2004-2005-2006-2007-2008-2009-2010-2011

    Washington, siège des services secrets américains

    Si en 1998, les attaques des ambassades de Nairobi et Mombasa avaient entraîné une profonde réforme au sein des institutions américaines chargées de la sécurité intérieure, les attentats du 11 septembre 2001 avaient, quant à eux, provoqué un véritable séisme.

    Le concept de services secrets n’était évidemment pas récent aux États-Unis. La création de cette institution remontait à 1865. Son objectif initial était surtout d’interdire la contrefaçon de la monnaie. En 1901, son rôle avait été étendu, suite à l’assassinat du Président William McKinley. Une mission plus sécuritaire lui avait alors été confiée.

    En 1963, les services secrets furent encore fortement mis en cause lors de l’assassinat, à Dallas, du président John Fitzgerald Kennedy. Comme si cela ne suffisait pas, un autre assassinat survint en 1968, celui du très médiatique candidat à la présidence, Robert Francis Kennedy.

    Chaque fois, ces évènements avaient entraîné une solide révision des services secrets. En 2002, par exemple, ceux-ci avaient été mobilisés, aux côtés du FBI, dans la lutte contre la criminalité informatique.

    C’est en novembre 2002, sous l’impulsion de George Bush, que la réforme la plus profonde fut entreprise. L’ancien Président s’était lancé dans un large plan de mesures destinées à mieux garantir la protection de la nation. Cette nouvelle structure avait pour tâche de coordonner le travail de vingt-deux agences fédérales, passant par celle des gardes-côtes, des douanes ou des transports.

    Au total, ce ne fut ni plus ni moins que cent soixante-dix mille employés qui contribuèrent à ce vaste programme, dont le budget avoisinait les trente milliards de dollars.

    Ces modifications s’étaient évidemment accompagnées d’un vaste jeu de chaises musicales parmi les hauts fonctionnaires, dont beaucoup n’avaient pu échapper à l’éviction. Ces changements dans le management avaient permis à certains dirigeants moins connus de se faire une place parmi l’élite ; c’était le cas du fraîchement promu colonel Clayton.

    *** 4 ***

    William Clayton, que tout le monde surnommait le Boss, avait fait des études d’avocat avant de bifurquer vers une carrière dans l’administration. Deux traits suffisaient à le décrire sommairement : le sens du devoir et la passion du travail. Sa nouvelle promotion était une opportunité unique de faire son entrée dans le cercle restreint des grands managers.

    Le colonel avait en charge la cellule de surveillance des réseaux islamistes. Après les attentats du 11 septembre, sa mission revêtait une importance stratégique. Son service fonctionnait en corrélation avec des organismes aussi différents que le décryptage téléphonique, l’analyse des courriels et d’internet et l’espionnage local des mouvements religieux.

    Si la vague des attentats de New York et Washington avait poussé les services secrets à faire preuve d’un interventionnisme musclé, parfois contesté par la presse, il n’en demeurait pas moins qu’il ne se passait pas un jour sans qu’un agent ne découvrît de nouveaux indices laissant présager une nouvelle menace terroriste.

    Lors du premier jour de son arrivée dans son nouveau service, Clayton avait réuni trois de ses sergents, auxquels il avait tenu le discours suivant.

    — En mettant les pieds dans cette salle, vous vous engagez à faire le sacrifice de votre vie pour défendre les citoyens américains ! Vous acceptez de facto que votre avenir n’aura plus qu’un seul intérêt : éviter de nouvelles pertes humaines sur le territoire de notre chère nation. Notre mission est sans équivoque : nous sommes l’œil du gouvernement et le bras musclé des forces américaines. Dans notre cellule, il n’y aura aucune place pour la compassion. L’ennemi du peuple américain est notre cible. Messieurs, nous sommes en guerre !

    Les trois responsables convoqués en eurent le souffle coupé. Clayton n’avait pas peur des mots et, par rapport à son prédécesseur, il plaçait d’emblée la barre très haut. Il poursuivit :

    — Mes instructions sont claires : guettez le moindre signe, la plus petite faille qui vous paraîtra suspecte, dussiez-vous surveiller votre propre mère ! Vous consignerez et analyserez tous les indices retrouvés lors de vos investigations. Vous vous infiltrerez dans les réseaux islamistes, apprendrez l’arabe, s’il le faut. Je vous le dis haut et fort : nous réussirons à déjouer tous les attentats préparés sur notre territoire.

    Les trois sergents saluèrent le colonel et quittèrent la salle, non sans penser à la première phrase du discours : « En mettant les pieds dans cette salle, vous vous engagez à faire le sacrifice de votre vie pour défendre les citoyens américains ! » S’ils s’étaient attendus à entendre ces mots dans la bouche de leur supérieur, le ton glacial que ce dernier avait utilisé les avait pétrifiés.

    *** 5 ***

    2003-2004-2005-2006-2007-2008-2009-2010-2011

    Syrie, Palmyre

    Comme toutes les Syriennes, Zayane était très fière d’appartenir à son pays. Dès son plus jeune âge, sa famille lui avait enseigné à maintes reprises que son pays avait découvert le bronze, le pain, le savon… Damas n’était-elle d’ailleurs pas la plus ancienne cité du monde qui possédait, de surcroît, une histoire dont peu de peuples pouvaient se vanter ? Des Égyptiens aux Hittites, en passant par les croisés, toutes les civilisations avaient parcouru cette nation.

    Malgré cette fascinante histoire, et même si une vague de modernisme était en marche en Syrie, les droits des femmes y étaient encore très peu reconnus. L’éducation de Zayane n’échappait pas à ce régime. D’ailleurs, si elle se souvenait que ses sorties d’école étaient toujours une vraie fête, elle était interpellée par le fait que les filles n’étaient que rarement en contact avec les garçons. Ainsi, dans l’établissement qu’elle avait fréquenté, seul le port d’un uniforme bleu réunissait les élèves des deux sexes.¹


    1 À la vérité, Zayane n’avait jamais compris pourquoi les garçons et les filles étaient séparés dans les écoles. Après tout, la complicité qu’elle partageait avec son frère Rafik ne signifiait-elle pas de meilleures relations entre les camarades de classe, fussent-ils des deux sexes ?

    *** 6 ***

    La jeune fille était née à Palmyre, troisième ville de Syrie, après Damas et Alep. Si la ville était aujourd’hui résolument tournée vers l’islam, son histoire était étroitement liée à l’époque romaine. En témoignaient encore le splendide temple de Bel ainsi que le Cardo, passage central du site archéologique qui traversait la cité antique sur plus d’un kilomètre.

    Un personnage était directement associé à l’histoire palmyrienne, la reine Zénobie. On relate souvent qu’elle fut, après Cléopâtre, la femme la plus charismatique de l’époque romaine. Zénobie portait le titre de reine, son défunt mari s’étant intronisé « roi des rois de Perse ». Elle avait alors proclamé son fils Vaballath empereur de Rome. Par la suite, Zénobie prit elle-même le titre d’impératrice, sous le nom d’Augusta. Enfin, ses ambitions furent anéanties par le nouvel empereur romain, Aurélien. Ce dernier conduisit l’expédition qui mit fin à la fulgurante ascension de la reine de Palmyre. Comme toutes les jeunes femmes de la ville, Zayane avait souvent rêvé qu’elle dominait le monde.

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