THÉO ET LA CITÉ FOUDROYÉE
1
Nous sommes arrivés à Salmonè en fin de journée, mon père et moi, pour travailler sur le chantier du nouveau palais. Le contremaître nous a regardés.
— Comment vous appelez-vous ?
— Théo, ai-je répondu.
C’est là que j’ai dû mentir : je n’allais pas lui dire que j’étais l’enfant de Dédale.
Dédale... Vous avez sûrement déjà entendu parler de cet architecte aux talents d’inventeur et de sculpteur. Il était chargé de construire un Labyrinthe pour le roi de Crète afin d’y enfermer un monstre, le Minotaure.
Hélas, la fille du roi de Crète était tombée amoureuse de Thésée, venu tuer le monstre. Alors, elle a demandé à mon père de l’aider à guider le héros dans le Labyrinthe. Dédale a inventé en catastrophe un fil rouge pour retrouver son chemin. Aujourd’hui, on le nomme d’après la princesse, le fil d’Ariane, mais il aurait dû s’appeler le fil de Dédale.
La suite, vous la connaissez aussi bien que moi.
Thésée a tué le Minotaure et s’est enfui avec Ariane. Pour faire bonne mesure, il a emmené aussi la seconde princesse, Phèdre. Le roi de Crète a ainsi perdu ses deux filles en même temps. Alors, il a fait payer à mon père sa trahison. Il l’a enfermé à son tour dans le Labyrinthe vide, avec son propre fils, Icare. Évidemment, mon père ne s’en est pas laissé conter.
Il a réfléchi et trouvé une solution pour s’échapper. Les oiseaux perdaient souvent leurs plumes au-dessus du Labyrinthe. Il les a rassemblées en quantité suffisante pour former des ailes. Ensuite, il a cherché de quoi les coller sur ses bras. Des abeilles avaient élu domicile dans certaines parties du Labyrinthe. Mon père a donc utilisé leur cire couverte de miel pour s’attacher les plumes.
Une fois cela réalisé, il s’est envolé avec Icare.
Son fils était fougueux. Dédale lui a conseillé de ne pas trop s’approcher du soleil, car la cire risquait de fondre.
Icare n’a pas écouté, comme d’habitude. Battant des ailes, ivre de liberté, il s’éleva dans les airs, dépassant les nuages. Finalement, mon père avait eu raison.
La cire a ramolli sous l’effet de la chaleur et les plumes se sont détachées. Icare a ainsi été précipité dans la mer qui entoure l’île de Samos et que l’on appelle depuis la mer icarienne. Pendant longtemps, mon père a cherché le corps de son fils, espérant toujours le retrouver sain et sauf sur un îlot, sa chute amortie par les branches d’un arbre.
En vain.
Alors mon père a finalement accepté l’idée que son fils était mort noyé.
Il s’est installé à Cumes et a construit un immense palais dédié au dieu Apollon sur lequel il a représenté la vie d’Icare. Bien sûr, tout le monde connaît cette histoire.
