Le baiser d’Aphrodite
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L’amphithéâtre d’honneur du Palais des Beaux-Arts en imposait par la magnificencedelagrandefresquepanoramique de Delaroche. Elle surplombait l’hémicycle et racontait deux mille ans d’art et de culture en soixante-quinze illustres personnages. Tout en haut de la voûte de quinze mètres de hauteur, douze copies d’œuvres de Michel-Ange rappelaient sans concession à tous les aspirants artistes le chemin qu’il leur restait à parcourir.
Et notamment, ce jour de 1952, à Victor Pimaillon, qui faisait peine à voir, dans son costume étriqué, centre d’un intérêt qu’il aurait visiblement volontiers laissé à quelqu’un d’autre.
– Monsieur Pimaillon…, l’apostropha la voix forte du professeur Gaulhaime, amplifiée par l’acoustique exceptionnelle du lieu. – Oui, monsieur…
Colette avait mal pour lui. Victor n’était pas exactement l’image du sculpteur à la Rodin. La vingtaine à moitié entamée, il portait un veston trop large, comme pour donner du volume à sa constitution d’éternel adolescent. Ses yeux mangeaient la moitié de son visage émacié. Au centre de la petite estrade, ne sachant que faire de ses mains aux longs doigts noueux, sa position de guingois laissait présager à chaque seconde une chute ridicule.
– Je crois savoir, reprit le professeur, que vous êtes élève boursier au sein de notre belle et noble institution.
– Je le suis, en effet, monsieur.
– Et cela ne vous fait pas mal au cœur que la générosité de notre gouvernement soit ainsi gaspillée à travers votre personne ? Que d’autres candidats, sinon plus doués que vous, en tout cas plus motivés, soient privés d’une opportunité pour laquelle ils se seraient, eux, battus ?
Gaulhaime était irrité. Mais c’était un peu sa marque de Pour lui, l’art était placé au-dessus de tout. Il ne fallait pas y toucher avec des pattes sales. Son peu de patience et de commisération venait peut-être du fait que, artiste dans l’âme, il avait orienté sa carrière vers l’enseignement. Parce que, finalement, même l’amour et l’eau fraîche ont un prix à la fin du mois. Et il avait du ressentiment pour le reste de la population parce que tout le monde se trouvait témoin de cette petite lâcheté.
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