L’homme qu’elle aimait
En fin de journée, Victoria s’avança sur la terrasse. Les rayons du soleil couchant caressaient les collines, les enveloppant d’un ton ocre. Pas un soir de sa vie elle ne se lasserait d’admirer le coucher de soleil sur les monts Vumba, les pentes douces couvertes de plants de thé qui s’inclinaient vers la vallée jusqu’à la frontière du Mozambique.
A l’intérieur de l’hôtel, le personnel en uniforme s’affairait autour des nappes blanches. Comme chaque soir, Victoria inspecterait les verres en cristal, la vaisselle en porcelaine et les couverts d’argent avant l’arrivée des clients. Ils dîneraient tous en habit, les hommes en smoking ou uniforme guideraient leurs épouses sur le parquet sombre vers les hautes fenêtres où, rayonnantes sous l’éclat des lustres, elles pourraient contempler le spectacle féerique de la nature qui s’enfonçait dans la nuit.
Un bruit de moteur interrompit sa rêverie.
Elle se pencha. Une Westcott se garait devant l’entrée et le portier de l’hôtel, un Africain en redingote et haut-de-forme, s’avançait pour aider le client à prendre ses bagages. A la vue de la haute silhouette blonde, Victoria devina qu’il s’agissait du client hollandais, Alexander Van Laar, un acheteur de thé qui venait visiter les plantations de la région et dont on lui avait annoncé la venue. L’hôtel n’était pas plein. Bien que le climat soit tempéré en cette période de l’année, la saison des pluies venait de débuter ; les éleveurs portugais qui cultivaient les vignes de l’autre côté évitaient à présent de monter, redoutant de s’embourber, et les planteurs britanniques coutumiers de « l’afternoon tea » deux fois par semaine en compagnie de leurs femmes, se faisaient moins nombreux depuis une quinzaine de jours.
Pendant vingt ans, Victoria et son mari, Andrew, avaient dirigé l’Elephant Rock Hotel. Mais Andrew était décédé. A présent cet hôtel colonial, que leur famille avait fait bâtir, au siècle précédent,
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