Dans les entrailles du temps
UNE NOUVELLE DE CHRISTINE DELFOSSE christine_delfosse@outlook.fr
Eéline n’en croyait pas ses yeux. Elle venait de cliquer sur le lien que lui avait envoyé Laura, sa collègue et amie de longue date, qui se tenait quelques bureaux plus loin, au sein de la rédaction de la gazette du patrimoine où elles travaillaient.
Ce qu’elle voyait là, sur la fiche d’une agence immobilière, c’était tout simplement un miracle. Et comme tous les miracles, celui-ci serait éphém re ne se pas . En faisant des recherches sur l’architecture de la région, Laura était tombée par hasard sur l’annonce et elle avait reconnu la ferme, si caractéristique avec sa petite tourelle, qu’elle avait vue sur une vieille photo dans le dossier de généalogie de Céline. Fébrile, Céline composa le numéro de téléphone de Laura. – C’est bien la maison de Molinet, celle de mes aïeux. Je n’aurais jamais cru qu’elle serait à vendre un jour. Et pour une bouchée de pain en plus !
– Tu veux dire une miette de pain !
– J’ai tellement rêvé d’acheter cette maison un jour. Mais quand je vois les travaux qu’il y a à faire…
– Tu es sérieuse, tu veux l’acheter ?
– Peut-être…
– Il n’y a que deux pièces habitables, c’est vraiment petit. Elle date de 1665, c’est ça ?
– Ce n’est pas précisé sur la fiche, mais c’est ce que disait Augustine, mon arrière-grand-mère. Elle connaissait bien toute l’histoire. Notamment celle de ce terrible hiver 1709, elle en parlait souvent dans les repas de famille. J’étais gosse, ça me faisait dresser les cheveux sur la tête. Tout ce qu’elle savait, elle le tenait de ses arrière-grands-parents qui eux-mêmes le tenaient des leurs. Une sorte de tradition orale qui se perpétuait lors des veillées. C’est cet hiver-là qui m’a donné envie de faire l’arbre généalogique de la famille.
Céline entendit le pschitt de la cannette de soda qu’ouvrait Laura, puis le bruit d’un briquet qui allume une cigarette. Ce qui signifiait que son amie se tenait devant la fenêtre
