Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

Princesse promise - Les pétales d'une rose - Tome 3
Princesse promise - Les pétales d'une rose - Tome 3
Princesse promise - Les pétales d'une rose - Tome 3
Livre électronique314 pages4 heures

Princesse promise - Les pétales d'une rose - Tome 3

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Survivre dans l’anonymat n’est plus une option pour la princesse de Trevion. La rébellion s’organise et une guerre se trame. Mila-Rose et les Vagabonds devront faire face à la puissante armée de Fleurelle, or ils ne pourront la vaincre seuls. Des alliances insoupçonnées seront créées ; le continent d’Aldoria ouvre enfin ses portes les plus reculées et dévoile des secrets qui pourraient tout changer. À travers les tumultes, Mila et Naythan doivent revoir leur relation longtemps mise de côté. Cette dernière survivra-t-elle malgré toutes les épreuves qu’ils ont traversées l’un sans l’autre ? L’avenir que la princesse choisira sera-t-il celui qui a été tracé dès sa naissance ? Ses pétales...
LangueFrançais
Date de sortie24 juin 2022
ISBN9782897657512
Princesse promise - Les pétales d'une rose - Tome 3
Auteur

Naomi Chauret

Naomi Chauret est une auteure publiée aux Éditions ADA depuis 2019. Dès l’âge de huit ans, elle s’amuse à écrire des histoires de tous genres pour mettre sur papier son imagination débordante. À 18 ans, Naomi signe son tout premier contrat d’édition pour sa série Princesse promise, une fiction de romance et d’aventures pour les 12 ans et plus. Puisant l’inspiration dans son amour pour l’Histoire et les voyages, l’auteure a également publié La Chambre d’ambre, un des trois tomes du collectif jeunesse Objectif Trésor. Retrouvez Naomi sur Facebook (Naomi Chauret – Auteure) et Instagram (@naomi_chauret)!

En savoir plus sur Naomi Chauret

Auteurs associés

Lié à Princesse promise - Les pétales d'une rose - Tome 3

Livres électroniques liés

Pour les enfants pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur Princesse promise - Les pétales d'une rose - Tome 3

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Princesse promise - Les pétales d'une rose - Tome 3 - Naomi Chauret

    Chapitre 1

    Retour au bercail

    — Par ma barbe !

    Vieux Jean affiche un air éberlué. Le mien n’est pas moins ahuri.

    — On y est enfin, murmuré-je.

    Devant nous se dresse un manoir de bois sombre et de pierres grises décorées de vignes grimpantes. Le manoir Baueden.

    Naythan enlace ma taille d’un bras et dépose un baiser sur mon front. Je n’arrive toujours pas à croire que mon fiancé est de retour à mes côtés, après tous ces mois durant lesquels nous avons été séparés. Je lui offre un sourire radieux. C’est à ce manoir que notre amour a éclos ; ici qu’il a demandé ma main. Autrefois, ce petit coin de paradis caché en campagne accueillait la famille royale de Chander lors de leurs vacances. Depuis plusieurs années, toutefois, seuls des domestiques y habitent. La reine Enora entretient l’espoir qu’un de ses enfants choisit de s’y installer pour de bon, un jour. En attendant, les grands champs du domaine sont labourés et la reine veille à ce que les habitants de la maison et ceux du village voisin puissent profiter de ses récoltes abondantes. Comme j’ai hâte de revoir les domestiques du manoir ! Je meurs d’envie de leur présenter mes nouveaux amis.

    Pour le moment, je ne suis accompagnée que de Vieux Jean, Naythan, Chef Axel, Kal, Margaret, Dex et Charlie. Les autres arriveront plus tard. Nous avons décidé de séparer les Vagabonds en divers groupes ; il était plus sécuritaire de procéder de cette façon afin de traverser les territoires et de nous rendre ici sans attirer trop d’attention. Les frontières des royaumes tombés sont toujours fermées, constamment surveillées par des patrouilles fleuréliennes. Il nous a fallu longer la bordure entre Trevion et Fleurelle, restant le plus longtemps possible dans les forêts, à l’ombre des arbres et loin des routes passantes, avant de devoir officiellement traverser à Chander. Le chef des Vagabonds avait envoyé une lettre à un ancien ami, enrôlé contre son gré dans l’armée fleurélienne. C’était risqué, mais l’homme a répondu à notre requête et a pu utiliser son grade pour convaincre la patrouille du point de passage le plus près de la mer de laisser entrer quelques voyageurs. C’était un rappel que le véritable ennemi est le roi et pas nécessairement chaque soldat qu’il emprisonne dans ses rangs. Les soldats, lassés par leur longue immobilité au même poste, ne nous ont heureusement pas jeté plus d’un coup d’œil. Ne manque plus qu’à espérer que l’ami du chef ait réussi à faire passer le reste des Vagabonds ou que ces derniers aient trouvé un autre moyen de traverser la frontière sans anicroche. Je suis persuadée qu’ils sont parvenus à se faufiler entre les points de traverse sans se faire repérer par les troupes qui y circulent. Si tout s’est bien déroulé, la plupart des campeurs arriveront ici demain, à intervalles réguliers. Seulement alors, je me permettrai un peu de repos. Après tout, je me sens responsable de tous ces gens : c’est moi qui les ai convaincus de m’aider à lever une rébellion contre le roi Allan de Fleurelle, et c’est à cause de moi qu’ils risquent aujourd’hui le voyage.

    Je sais, malgré les risques, que la rébellion est la meilleure voie à prendre. Nous devons reconquérir nos royaumes, nos terres, et nous devons empêcher l’ennemi d’accomplir ses plans de création d’un empire continental. J’éprouve une certaine fierté à m’impliquer personnellement dans ces projets de résistance. Penser au plus grand bien, au bien des peuples du continent, plutôt qu’à mes propres bénéfices prouve que j’ai changé. Je ne suis plus la princesse Mila-Rose qui se fiait sur un mariage pour sauver son royaume. Je suis Maya : une fille du peuple capable de se défendre et de prendre les choses en main. Une femme à l’origine d’une rébellion.

    Épuisés par notre long voyage, nous nous approchons sans tarder de la demeure, laissant nos chevaux portant nos quelques biens devant la façade. Il n’y a personne à l’extérieur, mais nous apercevons des lumières par les fenêtres. À cette heure de la nuit, notre arrivée pourrait en surprendre quelques-uns… J’entre la première. Le hall d’entrée est aussi somptueux que dans mes souvenirs. Un grand chandelier pend au plafond blanc en forme d’arche, un large tapis aux couleurs flamboyantes décore le plancher de bois et devant nous, un escalier en colimaçon mène au deuxième étage.

    Dex entre le dernier et referme la porte derrière lui. Une petite femme aux larges épaules passe alors devant nous. Elle sursaute en nous apercevant, ses boucles brunes sautillant autour de son visage aux pommettes rosées. Son regard s’arrête particulièrement sur Dex et le chef. Je suis maintenant habituée à leur carrure imposante, mais lorsque des inconnus les rencontrent pour la première fois, ils peuvent inspirer la menace. Quand la femme me remarque enfin, elle échappe le panier qu’elle tenait dans ses mains et court m’enlacer.

    — Que le Seigneur soit loué ! Oh, Votre Altesse ! Comme nous étions inquiets !

    Je serre Thérèse dans mes bras.

    — Je vais bien, je vous assure.

    La cuisinière repère ensuite Naythan et va l’enlacer à son tour.

    — Mon prince !

    — Heureux de vous revoir, Thérèse, la salue-t-il en riant.

    — Pardonnez mon inconvenance, Vos Altesses. C’est que nous nous faisions un sang d’encre pour vous deux ! Portés disparus, sans aucune nouvelle…

    — Nous vous expliquerons tout, lui affirme mon fiancé. Pour le moment, seriez-vous assez aimable pour nous assigner des chambres pour la nuit ? Nous avons parcouru de nombreux endroits pour venir jusqu’ici.

    — Bien sûr ! Suivez-moi, nous avons de la place pour tout le monde !

    Quelque temps plus tard, notre petit groupe est installé. Margaret et sa fille de bientôt quatre mois, Charlie, se retirent les premières. Je meurs d’envie de prendre un vrai bain et de m’étendre sur un vrai lit, mais mes compagnons et moi avons quelques affaires à régler avant d’aller nous reposer à notre tour.

    Nous nous assemblons dans la cuisine. Sans même le lui avoir demandé, Thérèse m’apporte une tisane. Elle sait que ce liquide chaud m’aide à me détendre. J’en ai bien besoin. Naythan s’assoit à mes côtés et Kal, devant moi. Ce dernier évite mon regard : il ne me parle plus depuis le retour de mon fiancé. Bien que je comprenne ses motifs, je tiens encore à notre amitié et espère son pardon, surtout alors que notre entreprise s’agrandit. Pour l’instant, je lui laisse son espace.

    Nous informons vaguement la cuisinière de notre situation, de nos projets. Chef Axel lui demande si des soldats sont déjà venus au manoir. Elle nous affirme qu’aucun soldat ennemi n’a encore trouvé la demeure. C’est ce que nous espérions. Naythan s’assure ensuite que personne ne nous écoute. Thérèse confirme que tous les autres domestiques dorment. Une fois la question de discrétion réglée, le chef des Vagabonds entreprend la discussion :

    — Avant que les autres groupes arrivent, on doit établir le terrain et planifier nos prochaines actions.

    — Il vous reste encore quelques tentes ayant survécu au feu, je me trompe ? relève Naythan.

    Il fait référence à la destruction de l’ancien campement des Vagabonds. Un espion fleurélien avait orchestré l’incendie, et tout le secteur a été rasé. Il n’était plus sécuritaire de demeurer dans la forêt, c’est pourquoi nous sommes venus jusqu’ici, au fond du royaume de Chander.

    — Oui, mais leur nombre est largement insuffisant, répond Chef Axel.

    — Le temps que nous trouvions de nouvelles tentes, nous pouvons héberger la majorité des Vagabonds dans cette maison, assure donc Naythan.

    — La question de la nourriture n’est également pas un problème, fait remarquer Thérèse. Tout le nécessaire se trouve sur le domaine, même un puits pour l’eau.

    — Parfait, approuve le chef. Dès qu’on sera tous installés, on pourra mener cette rébellion en commençant par le recrutement.

    Je rappelle alors les arrangements dont nous avions discutés avant notre départ : nous enverrons des petits groupes dans les villes et les villages des royaumes de Trevion, Chander et Fleurelle afin de recruter des gens. Plus nous serons, plus nous aurons de chance de défier l’armée ennemie.

    — Qu’est-ce qu’on fait des autres royaumes ? nous questionne Vieux Jean.

    — Le roi vise tout le continent, mais je persiste à croire qu’il nous reste du temps pour l’arrêter avant qu’il renverse le royaume de Sorento ou celui d’Antam, dis-je. Nous allons nous préoccuper des royaumes du centre seulement. Pour le moment, du moins. Puis, Turiel est à l’instant protégé par sa situation géographique.

    Le reste du groupe hoche la tête pour témoigner son accord. Nous demeurons encore quelques minutes à convenir des plans d’installation et de sécurité, puis nous réfléchissons à l’étendue d’une possible retraite au cas où nous serions découverts. Pour le moment, fuir dans la forêt et se rendre dans les mines non loin du domaine sont les meilleures solutions. Le chef propose d’aller explorer les mines sous peu avec Naythan, afin d’aménager les lieux et d’allier les mineurs à notre cause. Sur ce dernier point de discussion, nous nous quittons. Je monte à la chambre que Thérèse m’a assignée. Il s’agit de la même pièce dans laquelle j’étais installée lors de mon premier séjour au manoir. On y retrouve un lit à baldaquin, une couette fuchsia, un bureau, deux chaises coussinées, un petit garde-robe et une commode. Passer d’une tente à une chambre est un véritable changement. Je m’étais habituée aux espaces clos et à cette vie minimaliste, mais je ne refuse pas un bon grand lit moelleux ! Je pousse un bâillement : il se fait tard. Je suis trop fatiguée pour prendre un bain, alors il attendra à demain. C’est avec surprise qu’en ouvrant un tiroir, je découvre une nuisette de soie. Probablement l’avais-je oubliée ici. Le matériel est si mince, si léger : tout le contraire des morceaux de coton que je me suis habituée à porter. Il est étrange de penser que tout ce qui m’était familier auparavant ne l’est plus aujourd’hui. Une fois changée, je m’apprête à me glisser sous les draps lorsqu’on frappe à ma porte.

    — Bonsoir, dit Naythan en entrant. Tu ne pensais pas m’attendre ?

    Je rougis.

    — Désolée, je me suis habituée à dormir seule sur un petit matelas.

    Il sourit et prend ma main.

    — Nous avons enfin un semblant d’intimité. Pourquoi ne pas en profiter ?

    — Tu as raison, admets-je en un soupir. De tels moments me manquent.

    Il embrasse mon front, puis après avoir fermé la porte derrière lui, il me guide vers le lit. D’abord, nous ne faisons que nous y asseoir.

    — Te rappelles-tu la première nuit que nous avons passée ensemble ? me demande Naythan.

    Je rougis de plus belle. Oh oui, je m’en souviens : c’était l’un des plus beaux moments de toute ma vie. Mon cœur bat plus vite à ce souvenir. Muette, je ne fais qu’acquiescer de la tête. Mon fiancé relève alors ses yeux vers les miens.

    — Me réveiller avec toi à mes côtés est une expérience que je n’oublierai jamais, avoue-t-il franchement. Je veux que ce soit comme ça tous les matins.

    — Moi aussi, finis-je par murmurer.

    Naythan m’attire vers lui. Je me blottis contre son torse. D’un coup, les battements de mon cœur ralentissent : je me sens bien entre ses bras. Comme si c’était le seul endroit au monde où je suis réellement à ma place. Et dire que j’ai cru le perdre à tout jamais, l’ayant présumé mort durant des mois…

    Nous restons enlacés encore quelques instants avant qu’il ne reprenne la parole.

    — Ce matin-là, nous avions parlé de notre futur.

    Je lève mes yeux vers les siens.

    — Je me demande si c’est encore possible, avoue-t-il. Si c’est encore ce qui nous attend…

    — Tu souhaitais unir les royaumes en commençant par les nôtres, me rappelé-je. Je crois que c’est exactement ce que nous allons faire.

    Avant, je ne comprenais pas pourquoi Naythan voulait se mêler des affaires des autres territoires du continent. La paix a duré durant des siècles alors que les royaumes étaient pratiquement indépendants les uns des autres. Bien sûr, les royaumes du centre entretenaient des alliances commerciales, mais jamais on ne se mêlait autrement. En fait, c’était ainsi jusqu’à ce que Fleurelle décide de s’attaquer à ses voisins.

    — Je repense au discours que j’ai donné aux Vagabonds pour les convaincre de lever cette rébellion, dis-je. J’ai promis qu’en nous soulevant contre l’envahisseur, nous pourrons retourner chez nous et vivre en paix comme avant. Pourtant, cette paix n’a pas duré. Les systèmes passés étaient faibles. Que chaque royaume se mêle exclusivement de ses affaires a mené à rien de bon, parce que tous voulaient davantage que ce qu’ils avaient. L’indépendance n’est pas la solution, l’entraide l’est. Lorsque mon royaume a commencé à avoir des difficultés avec Fleurelle, Chander nous a tendu la main. Tous les peuples bénéficieraient d’une alliance et amitié comme celle que notre union représente.

    Naythan prend un moment pour accueillir mes pensées.

    — L’indépendance peut effectivement attiser la volonté d’une liberté personnelle sans limites. Si chaque royaume veut plus, mais que chaque royaume est différent, les conflits sont inévitables.

    Mon fiancé fait alors référence aux nombreux voyages qu’il a faits par le passé.

    — J’ai réalisé que le seul royaume capable de vivre en paix est Sorento, le royaume qui accueille tous les peuples grâce au commerce.

    — Cette rébellion, les Vagabonds et nos fiançailles nous prouvent aussi que les peuples peuvent s’accorder, ajouté-je. J’ai espoir en un avenir qui instaurera une paix durable.

    Naythan embrasse ma joue.

    — J’admire ta détermination.

    Mon fiancé soupire.

    — Nous verrons bien ce que le futur nous réservera, laisse-t-il tomber. Pour le moment, nous devons profiter de chaque instant avant que cette rébellion ne se concrétise. Des temps difficiles s’annoncent, tu sais.

    — Je sais, mais nous allons réussir à les traverser.

    Naythan caresse ma joue et pousse une mèche de cheveux derrière mon oreille.

    — Comme tu as changé… Tu es plus confiante, plus belle que jamais. J’ai de la chance de t’avoir à mes côtés.

    Je lui souris tendrement. Le doré de ses yeux brille de mille feux ardents alors qu’il s’approche pour m’embrasser. Je lui rends son baiser ; il m’attire par le cou. Bien vite, la passion nous emporte. Naythan m’allonge sur le matelas. Il me couvre de baisers. Mes joues s’enflamment tandis que je l’attire encore plus près. Les muscles de son merveilleux corps se définissent sous le chemin que tracent mes doigts. Mon amoureux s’appuie un peu plus sur moi. Mes pensées divaguent, je brûle de désir. J’entrelace mes jambes aux siennes lorsque soudain, Naythan s’écarte de moi avec un grognement de douleur qui nous ramène aussitôt sur terre.

    — Qu’y a-t-il ? m’enquiers-je, soucieuse.

    — Rien, répond-il.

    Pourtant, il se retire sur le côté et ferme les yeux, les sourcils froncés. Un léger spasme, à peine perceptible, parcourt sa jambe droite. Je réalise alors la source de son malaise.

    — Ta jambe te fait toujours mal ? le questionné-je avec calme.

    Il hoche la tête, affirmant mon hypothèse. Il m’avait caché que sa meurtrissure le faisait encore souffrir.

    Je pose ma main sur son épaule. Il garde les yeux fermés, évitant mon regard.

    — On dirait qu’avec l’attaque de Chander et tout ce qui s’est passé depuis, la guérison s’est mal menée, formule-t-il.

    — Mais tu as aussi été blessé à l’épaule, avec cette flèche à Fleurelle. Elle s’est bien cicatrisée, celle-là.

    Joignant parole aux gestes, je caresse la marque blanche sur son épaule.

    — Ce n’est pas pareil, proteste Naythan. Des docteurs m’ont traité.

    — Je savais que nous aurions dû te transporter à l’infirmerie de Chander ! m’exclamé-je. Alizée est une bonne guérisseuse, mais elle n’a pas tout ce que les docteurs royaux ont en termes de médicaments.

    La jeune femme s’était occupée du prince, au manoir. Elle a pu refermer la blessure et elle avait fait un bon travail, mais probablement que les docteurs du palais en auraient fait un meilleur. Naythan ne répond pas.

    Un frisson me secoue alors que je me rappelle le sang qui entourait sa plaie en forme de morsure. Je me souviens ensuite de ce qu’Alizée avait dit concernant l’accident : « les muscles sont endommagés » ; « il gardera certainement des séquelles, mais au moins, il aura sa jambe entière ».

    Naythan pousse un long soupir. Je sais ce qu’il peut ressentir : si cette blessure le tracasse encore, c’est qu’il croit qu’elle le rend inférieur à ce qu’il était avant. Avec douceur, je tente de le rassurer :

    — Il y a encore une chance que tout guérisse.

    Mon fiancé lève enfin ses paupières et se retourne vers moi. Une profonde tourmente se cache dans ses belles prunelles.

    — C’était il y a des mois, Mila. J’ai de la difficulté à courir sur de longues distances et parfois, la douleur me surprend soudainement et je me fige. Crois-tu vraiment que je puisse être utile dans cette rébellion avec un handicap pareil ? Tu m’imagines dans un combat avec une telle faiblesse ? Je ne peux même pas t’aimer sans que ma blessure me gêne, ajoute-t-il avec honte.

    Mon cœur se serre face à cet aveu d’impuissance. Même avec cette blessure, je ne vois en aucun cas mon fiancé comme un faible. Je le sais courageux, tenace et fort. Je suis persuadée qu’il saura surpasser son mal dans les situations importantes. Pour ce qui est de m’aimer…

    — Ce n’est pas grave, lui assuré-je en posant ma main sur sa joue. Nous n’avons pas besoin de nous presser. Ce sera pour une autre fois.

    Étonnamment, ses sourcils se froncent de mécontentement.

    — Je crains que plus rien ne soit jamais comme avant.

    Je tente de riposter, mais il m’en empêche en se tournant sur le côté pour me faire dos.

    — Il nous faut dormir un peu, prétexte-t-il platement. Nous avons besoin de repos.

    Sans un mot de plus, il se terre dans sa petite bulle. Qu’a-t-il voulu dire ? Il n’impliquait pas seulement sa blessure, je le sens. Une rancœur à mon égard ? Chamboulée par sa réaction défensive, je n’insiste pas. L’orgueil des hommes est quelque chose que je ne comprendrai jamais tout à fait.

    Le lendemain matin, je ne me réveille pas plus reposée que la veille. J’ai encore fait ce cauchemar avec l’homme sans visage ; l’homme à qui j’ai donné la mort lors de ma mission à Sorento… Kal, un petit groupe de Vagabonds et moi avions à nous rendre dans le royaume du commerce pour réapprovisionner le campement en vivres et en armes alors que les frontières des royaumes de Chander et Trevion venaient d’être fermées. J’avais insisté pour y aller, espérant prouver mes nouveaux talents au combat. J’ai utilisé mon lien avec Jacob Olivares, riche fils de marquis, comme levier pour justifier l’importance de ma participation à la mission, mais en retrouvant l’aristocrate en ville, tout a tourné au désastre. Kal et moi avons dû croiser le fer avec des soldats pour nous échapper. Alors qu’un Fleurélien s’apprêtait à tuer mon ami, j’ai laissé mon instinct et ma rage me guider. Mon épée était rouge de sang avant même que je n’encaisse la réaction que mon corps avait eue. C’était le premier homme que j’ai tué. Nous nous sommes enfuis avant que je voie son visage. La culpabilité me guette toujours et je l’accepte sans me plaindre : je mérite ces rêves hantés. Donner la mort ne devrait jamais être facile ni oubliable.

    Me levant sur mes coudes, je constate que Naythan est déjà sorti. Je grimace au souvenir de notre conversation de la veille. Je n’aborderai plus le sujet avec lui, mais je me dois tout de même de lui montrer mon soutien.

    À peine ai-je descendu quatre marches de l’escalier que des cris me parviennent. Je m’empresse de rejoindre la source du bruit, dans la bibliothèque, où je retrouve Naythan, rouge de colère devant Balthazar. L’homme à la peau sombre le fixe de ses grands yeux noirs, ne semblant pas comprendre la situation.

    — Vous niez mon accusation et pourtant, c’est vous qui m’avez guidé vers ce maudit coin de forêt ! s’écrie le prince.

    Je comprends immédiatement de quoi il est question. La blessure de Naythan, le piège à ours, un possible coup monté. Comment Naythan peut-il s’en prendre ouvertement au pauvre Balthazar ?

    Je m’approche de mon fiancé pour lui saisir le bras.

    — Calme-toi, maintenant.

    — Et la lettre de Mila, adressée à mes parents qui ne l’ont jamais reçue ? poursuit-il cependant.

    À présent, quelques domestiques, ainsi que nos amis des Vagabonds, se sont approchés pour voir ce qui causait toute cette agitation. Avec son calme naturel qui m’a tant aidée après l’accident en forêt de Naythan, Balthazar se défend :

    — Je crains ne pas savoir de quoi vous parlez, Altesse.

    — Menteur ! l’accuse Naythan. Je suis marqué pour la vie à cause de vous !

    Mais il a perdu la tête ! Je le tire vers l’arrière.

    — Allez, viens. C’est assez.

    — Non ! Arrêtez-le, nous ordonne froidement l’héritier de Chander.

    Nous nous figeons tous.

    — Mais bon sang ! Que n’avez-vous pas compris ? Arrêtez-le !

    À regret, deux hommes du manoir s’approchent de Balthazar : ils ne peuvent désobéir aux commandements de leur prince.

    — Enfermez-le dans une pièce, ajoute Naythan.

    Aussitôt, les domestiques s’exécutent. Balthazar se laisse docilement faire.

    — Eh, mon petit gars ! Qu’est-ce qui te prend ? s’exclame Vieux Jean à Naythan sur un ton de reproche.

    Mon fiancé se retourne vivement vers moi, m’invitant à donner des explications. Il me faut le soutenir, me souviens-je.

    — Naythan et moi avons des raisons de croire que Balthazar était un espion engagé par Dominic Hadrell, fils du conseiller du roi de Fleurelle, éclaircis-je alors. Il nous aurait trahis durant notre premier séjour dans ce manoir en orchestrant un accident.

    Le chef fronce les sourcils.

    — Ce sont des soupçons à ne pas prendre à la légère. Si vous aviez des doutes sur la fiabilité de cet endroit, pourquoi nous y avoir emmenés ?

    — Ne vous inquiétez pas, les rassuré-je. Je crois toujours qu’il s’agit de la cachette idéale. Dominic ne pensera jamais nous retrouver ici et la région est assez isolée pour que peu de personnes de l’extérieur soient au courant de l’existence du manoir Baueden. Il n’y avait que nos doutes envers Balthazar.

    — Bien, réplique simplement le chef. Et si on laissait cet incident de côté pour le moment et qu’on se concentrait sur l’arrivée des autres ?

    — Excellente idée, répond Naythan en se retirant brusquement de mon emprise.

    Il quitte la pièce en coup de vent. Mes amis me regardent. Je hausse les épaules, gênée.

    — Il a passé une mauvaise nuit, expliqué-je sans conviction.

    Kal secoue la tête, peu convaincu, et sort à son tour. Que je défende mon fiancé dans cette situation le déçoit, c’est apparent. Vieux Jean vient me voir pour me tapoter l’épaule alors que je soupire. Naythan a autant souffert que moi durant les derniers mois. Je dois lui laisser le temps de s’adapter aux changements. J’espère seulement qu’il mettra de côté ses remords une fois les autres Vagabonds arrivés.

    Chapitre 2

    Mission de recrutement

    Cinq mois plus tard

    J’ajuste le capuchon de ma cape sur ma tête. Comme à toutes les missions auxquelles j’ai participé, je me fais discrète : je n’attire pas l’attention et je veille à ne pas me mettre

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1