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L’épée de la gloire
L’épée de la gloire
L’épée de la gloire
Livre électronique329 pages4 heures

L’épée de la gloire

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À propos de ce livre électronique

Ils l’avaient tous oubliée, mais elle est de retour…

* * *

Jeune lieutenant prodige, Nyrion a toujours ardemment défendu chaque recoin de Namphis face aux terribles créatures qui y rôdent. Loyal et courageux, il inspire la fierté de l’aristocratie.

Un beau jour, son dévouement s’effrite suite aux agissements suspects du seigneur à qui il obéit aveuglément depuis toujours. Sa vie est doublement ébranlée quand les éternelles frontières entourant Namphis disparaissent subitement, révélant trois nouvelles régions mystérieuses et inconnues.

Nyrion devra faire face à ces nouveaux mondes étranges, mais aussi à son propre souverain, qui n’est peut-être pas aussi bienveillant qu’il le croyait...

Trois romans – Trois quêtes – Un seul but

Une série à lire en entier… dans l’ordre désiré!
LangueFrançais
Date de sortie3 avr. 2020
ISBN9782898083174
L’épée de la gloire
Auteur

Alexandre Charbonneau

Alexandre Charbonneau est un auteur passionné par la fantasy et le fantastique. Très lunatique lorsqu’il était jeune, son esprit vagabondait dans toutes sortes de mondes imaginaires. Il s’inspire des films, des jeux vidéo et des animes japonais. Il adore créer des scènes de combats et se concentrer sur l’action pour alimenter un rythme rapide. Il publie chez les Éditions AdA Rêves et cauchemars en 2018 puis Dévoria: L’épée de la gloire en 2020. Il publie ensuite la série dark fantasy Les mercenaires en 2021.

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    Aperçu du livre

    L’épée de la gloire - Alexandre Charbonneau

    PARTIE 1

    LE SOLDAT LOYAL

    Prologue

    5 jours avant la catastrophe

    —  N e va pas là. Si tu vas là, tu meurs.

    Nyrion espérait que sa phrase-choc, suivie de son regard dur, convainque son petit frère, mais le sourire de ce dernier ne fit que défaillir une demi-seconde.

    — Personne à Namphis n’a le droit d’y aller, Forun, rajouta-t-il. On ne l’appelle pas la caverne interdite pour rien…

    — Mais pourquoi c’est interdit ? demanda son cadet avec arrogance.

    Uromis s’approcha en arborant un air amusé. En sillonnant le sable de son pied, il lança, d’un ton infantile :

    — Oui, Nyrion, pourquoi le seigneur ne veut-il pas qu’on y entre ?

    Son interlocuteur soupira sous son casque de soldat, agacé par l’immaturité de son collègue lieutenant. Malgré leur éternelle amitié, il ne s’était jamais accoutumé à certaines de ses manies, comme sa constante raillerie envers la tradition.

    — Dans l’armée du seigneur, on ne pose pas de questions, on obéit, lâcha Nyrion.

    Après avoir prononcé ces mots, il cilla ; sa voix avait été plus ferme qu’il ne l’aurait voulu. Il cilla à nouveau en constatant la réaction d’Uromis : celui-ci affichait un air vaguement mélancolique.

    Brièvement distrait par le visage de son ami, il revint à lui en entendant des bruits de pas rapides. En fronçant les sourcils, il discerna son frère qui s’élançait vers la caverne.

    — Forun ! Je t’ai dit de ne pas y aller ! hurla Nyrion.

    Le lieutenant fila à la poursuite de son frère. Une violente bourrasque projeta du sable vers lui, troublant sa vision et ralentissant sa course un bref moment. L’inconfort passé, il reprit le mouvement. Les six soldats qui l’accompagnaient l’imitèrent, mais les vingt apprentis demeurèrent interdits, échangeant des regards perplexes. Leur indécision pouvait être perçue au loin dans le désert.

    — Il court sacrément vite ! constata Nyrion en grinçant des dents.

    Empoignant l’épée de cristal rangée dans son dos, il songea, entre deux halètements, à une manière de l’arrêter, mais c’était son frère, pas une créature de Namphis en fuite ; il ne pouvait pas lui projeter sa lame !

    — Arrête ! cria-t-il à nouveau.

    Trop tard. Forun entrait à la hâte dans la caverne.

    Nyrion y arriva quelques secondes plus tard et freina sa course tout juste devant l’entrée. Il glissa un œil prudent dans l’imposante obscurité du couloir rocheux, ne discerna rien. Les ténèbres semblaient surnaturelles ici, les rayons du soleil éclatant n’arrivant pas à percer cette noirceur oppressante.

    Tandis que ses soldats le rattrapaient, le visage du lieutenant se crispa d’angoisse. Il ne pouvait pas entrer là-dedans, ça serait une trahison envers le seigneur. Il avait l’impression de sentir la main de celui-ci se poser sur son épaule, comme pour lui rappeler son interdiction.

    — Forun ! Sors de là, par tous les dieux ! aboya-t-il.

    Une silhouette charbonneuse s’approcha doucement dans le noir. Tout le monde dégaina son épée, puis les muscles de leur corps se détendirent en constatant que c’était Forun.

    — Je t’avais dit de ne pas aller là ! tonna Nyrion en levant les bras. C’est très grave ! Quand donc vas-tu m’écouter ? Tu vas devenir un soldat après notre tournée de la région ; agis donc comme tel !

    Son frère balaya ses reproches du revers de la main et répliqua :

    — Oh, allez ! Ce n’est rien, enfin… Ça fait du bien de changer de décor un peu. L’éternel désert finit par ennuyer. Et puis, il n’y a rien de dangereux là-dedans ; juste une sorte de montagne rocheuse…

    — Une montagne rocheuse ? laissa échapper un soldat derrière eux tandis que les cadets rattrapaient le groupe avec Uromis.

    — Bon ! s’exclama ce dernier, interrompant du même coup la deuxième vague de blâmes de Nyrion. Gardons cet incident pour nous. Il n’y a pas eu de blessé, c’est l’essentiel. Continuons la marche de Namphis. Apprendre et explorer font partie de l’expérience que doivent acquérir tous les soldats. Allons maintenant vers le village de Mine.

    Son équipier fit la moue un moment, puis approuva de la tête. Le groupe reprit la route.

    Nyrion lança un dernier regard inquiet vers la caverne interdite, puis accéléra la cadence.

    Durant les deux premières heures de marche, Nyrion demeura taciturne, encore secoué par la dernière bêtise de Forun. Le vent agitait sa longue cape bleue tandis qu’il examinait son frère. Il était si différent de lui. La loyauté, la discipline et le dévouement versus l’insoumission, l’indifférence et l’immaturité… Parfois, il trouvait que son cadet ressemblait plus à Uromis qu’à lui-même.

    Il étudia ensuite son ami du regard. Sa cape commençait à être sacrément usée. Il faudrait qu’il songe à la remplacer. À moins qu’il devienne commandant ; il en aurait alors une nouvelle de couleur rouge. Aurait-il ce statut un jour ? Difficile à dire… Ses prouesses militaires étaient certes indiscutables, et ses hommes avaient un profond respect pour lui. Malheureusement, trop nombreux étaient ses traits de personnalité incompatibles avec le système… que ce soit son manque de sérieux, l’aura d’ironie qui semblait constamment accrochée à lui ou son irrévérence envers la hiérarchie.

    Pour Nyrion, c’était le contraire : il était quasiment inscrit dans les étoiles qu’il deviendrait commandant. Son père en était un très respecté qui venait de prendre sa retraite, et beaucoup s’attendaient à ce que le fils reprenne le flambeau. Loyal, déterminé, combatif : il avait toutes les qualités requises. Uromis ajoutait parfois « aveugle » dans les prérequis, blague que Nyrion n’avait jamais vraiment saisie. Son confrère lieutenant ne l’avait jamais encouragé à monter en grade. Les amis n’étaient-ils pas là pour nous rassurer quand le doute et l’angoisse traînaient à nos portes ? Pourtant, c’était à peine si Uromis ne les lui ouvrait pas !

    La voix de ce dernier le surprit et le fit revenir sur terre.

    — Alors, tout le monde ! Vous voyez, là-bas, au loin, c’est la tour abandonnée. Elle a vécu de bien nombreuses guerres… Et, de l’autre côté complètement, on peut vaguement apercevoir, derrière notre tour noire, celle de la commandante Niora.

    Les cadets suivaient le doigt d’Uromis de leur regard intrigué, parfois même passionné.

    — Plus loin après ça, il y a la mer, mais c’est très dangereux… Comme vous l’avez sûrement déjà tous entendu dans les histoires, le terrible Millavor, un monstre marin, y rôde parfois. Malheureusement pour nous, c’est l’un des deux seuls coins d’eau auxquels nous avons accès, le reste étant évidemment bloqué par nos frontières que nous aimons tant !

    Difficile de dire si son ton était sarcastique, cynique ou moqueur ; on aurait dit qu’il y avait un peu de tout.

    — Et, bien sûr, par ici…, murmura-t-il en pointant vivement une nouvelle direction, la titanesque tour de notre seigneur adoré !

    — Uromis ! Un peu de sérieux…, grommela Nyrion.

    — Bon, bon, désolé !

    Nyrion soupira en levant les yeux au ciel. C’était une étape cruciale pour tous les soldats ; l’heure n’était donc pas à l’humour de mauvais goût… Uromis en avait pourtant lui-même rappelé l’importance tout à l’heure.

    — Comment fait-on pour avoir des épées enchantées comme celles des commandants ? demanda Forun, d’un ton plus neutre, mais toujours teinté de son éternelle arrogance.

    — Eh bien, on devient commandant, pour commencer…, souffla Nyrion d’une voix moralisatrice. Et puis, on ne se moque pas sans cesse de la hiérarchie.

    — Il paraît que celle de la commandante Niora projette du froid mortel !

    — Son épée est aussi glaçante que son regard, confirma Uromis, le sourire en coin. Mais commence par devenir lieutenant ! Même si je sais que nos épées ne sont pas si impressionnantes, tu sais, ce n’est pas aussi facile que ça en a l’air.

    Il adressa un clin d’œil amical à Forun. Encore une fois, leur complicité fit tiquer Nyrion. Même si c’était graduel et subtil, sa propre relation avec son frère devenait de plus en plus froide. En fait, ils ne se parlaient presque plus. Aujourd’hui était une exception à cause de la marche de Namphis. Le jeune lieutenant avait d’ailleurs été le dernier à apprendre que son frère avait aisément gagné le concours Échéa, un événement au cours duquel les soldats cadets s’entraînaient à escalader à la hâte des montagnes et à grimper sur le dos de certaines créatures immenses, dans le but de déterminer lequel d’entre eux était le meilleur dans le domaine.

    — La tour abandonnée est également intéressante, souligna un autre cadet et ami de Forun.

    — Oui, j’aurais aimé qu’on y fasse un tour, rumina Forun. À moins que ce soit interdit aussi ?

    Son regard goguenard dardait son grand frère.

    — Les gens racontent qu’elle est hantée, commenta Uromis d’un ton exagérément théâtral.

    — Les gens devraient cesser de raconter autant et agir à la place. Il faut être plus à l’affût que jamais. Les créatures se multiplient considérablement à Namphis et…

    — Parlant de créatures…, le coupa Uromis d’un ton sérieux.

    Nyrion et les autres suivirent son regard troublé. Au loin, on discernait le village de Mine.

    Celui-ci était en train de se faire attaquer par un Graagos, le monstre le plus dangereux du désert.

    JOURNAL DE DIINBAD

    Demain, je commence en tant que soldat.

    Voilà, ça y est. C’est arrivé. Demain, je quitte le village de Mine pour m’installer à la tour noire.

    Je ressens une certaine forme de peur, mais surtout de l’excitation. Enfin, je vais pouvoir faire quelque chose de concret de mes deux bras. Je vais pouvoir défendre les autres. Défendre Namphis des monstres, avec mes futurs frères soldats.

    Hier, le lieutenant Nyrion est venu nous voir, les autres cadets et moi. Il nous a souhaité d’avance la bienvenue dans l’armée de Namphis. Je l’avais déjà vu à quelques reprises, mais c’était la première fois qu’il me parlait. Il m’a semblé être une personne bienveillante et déterminée. Je n’aurai certainement pas de honte à suivre les ordres d’une telle personne. On dit qu’il est le lieutenant le plus fort du désert. Certains croient même qu’il pourrait être aussi puissant qu’un commandant. Apparemment, son épée peut temporairement accentuer sa force de manière impressionnante. Un jour, j’en aurai peut-être une aussi fantastique, mais une chose à la fois.

    C’est le père de Nyrion qui est commandant de la tour noire. On dit qu’il est proche de la retraite.

    Mon père, quant à lui, dit que si je m’entraîne fort, je pourrai monter en grade rapidement. Il me répète sans cesse qu’il est fier de moi. Il aurait bien tenté de rentrer dans l’armée, lui aussi, mais il s’est fait attaquer par une créature qui lui a gravement blessé la jambe. Il en est devenu handicapé, boitant comme un vieillard. Ce n’est pas grave ; il voit en moi une sorte de deuxième chance dans le monde militaire.

    Ma mère, elle, est toujours inquiète, comme d’habitude. Encore plus maintenant que je pars demain. Les choses se concrétisent. Pour la rassurer quand le sujet des créatures de Namphis a été abordé à l’heure du souper, je lui ai dit que je serai justement plus en sécurité avec tout un bataillon de soldats entraînés pour tuer ces créatures. Ça a semblé fonctionner jusqu’à aujourd’hui. Je suis sûr qu’au fond, elle est quand même heureuse pour moi.

    Très bientôt, tout commencera. Ma carrière de soldat !

    Chapitre un

    5 jours avant la catastrophe

    Confortablement assis sur sa chaise, Karman exhala un soupir d’aise, puis arbora un sourire ravi. Cela faisait du bien d’être en congé. Lorsque l’on était soldat, on focalisait tellement sur les batailles constantes qu’on en oubliait les petites choses de la vie. Son regard tomba sur les habitants qui semblaient heureux, la plupart arborant des mines fières et réjouies. C’était pour ça qu’il se battait. Pour qu’ils conservent ces expressions, à tout prix. Ce n’était pas toujours chose facile avec les terribles créatures qui ratissaient la région…

    Entre deux bouchées de pain chaud, il examina sa sœur d’armes, assise de l’autre côté de la table. La petite blonde embellissait chaque jour. Pas étonnant que Nyrion fût amoureux d’elle. Il rigola intérieurement en pensant au jeune lieutenant qui croyait son béguin encore secret tandis que celui-ci animait les conversations dans la tour noire depuis un bail.

    Remarquant que Karman la contemplait, Émeraude afficha un sourire mi-incertain, mi-amusé. Elle lança :

    — C’est drôle comme on ne te reconnaît plus sans ta pile d’armures !

    — Oui, je me sens plus léger !

    Éclat de rire général, sauf de la part d’Aurandre, qui conservait son éternelle expression rembrunie.

    — C’était une sacrée expédition que tu as faite à Rhadi, remarqua Émeraude. On n’a cessé de me raconter tes prouesses. Tu dois être fier de toi !

    — La fierté est une armure de verre, dit Karman en se massant le menton.

    La soldate blonde roula des yeux avec un sourire découragé. Lui et ses phrases philosophiques !

    Assise à sa droite, Valéria étudiait le colosse, l’expression à la fois amusée et impressionnée. Chaque fois qu’elle visitait le coin et qu’elle voyait Karman, elle était toujours frappée par sa masse de muscles. Elle lança :

    — Même si tu es le seul de nous quatre sans cuirasse, tu demeures le plus imposant physiquement… et de loin !

    Karman éleva une main modeste.

    — De toute façon, les créatures de Namphis ne font pas la différence. Ils sautent sur le premier qui apparaît dans leur champ de vision. C’est gentil, en tout cas, d’être passée me voir au village.

    — Pas de quoi ! répondit la rouquine, imitée par Émeraude.

    Aurandre, lui, hocha vaguement la tête en ébauchant une moue désabusée, ce qui voulait dire « de rien » dans son langage d’asocial marginal.

    Émeraude tourna la tête vers Valéria.

    — Alors, sœurette, comment ça se passe au Nord ? Rien de nouveau ?

    La rousse détacha son regard des muscles de Karman et croisa celui de sa sœur.

    — Non, enfin… à part l’accroissement du nombre de créatures, mais ça, c’est partout pareil. Le commandant Urion est toujours égal à lui-même : calme et pragmatique. Les connards du conseil de la ville de Rakas sont toujours égaux à eux-mêmes aussi !

    Karman et Émeraude s’esclaffèrent, mais pas Aurandre, qui demeura morne et renfermé. Le contraste était étrange ; on aurait dit la Faucheuse à une fête d’anniversaire.

    — Je passais aussi par là, car j’étais en route pour la tour abandonnée, poursuivit Valéria avec une mine soudainement plus sérieuse. Le commandant m’a demandé d’aller l’inspecter. De plus en plus nombreux sont les gens sous le choc qui tiennent des discours comme quoi l’endroit serait dangereux et terrifiant. Il y a même des soldats parmi ces personnes. On ne pouvait pas ignorer cela plus longtemps, malgré les diverses invasions de bêtes partout à Namphis, qui monopolisent notre énergie.

    Un petit sourire condescendant retroussa les lèvres d’Aurandre, qui souffla :

    — Tu es sûre qu’ils ne jouent pas la comédie ? Ça semble être une mode, dernièrement : les soldats qui disent que c’est hanté et qui demandent un congé pour se remettre. Une bande de lâches…

    — Je ne sais pas. Je ne crois pas qu’ils jouent la comédie, mais je vais aller voir pour en être certaine.

    Émeraude joignit les mains sous son menton, songeuse.

    — Hum… Ceux d’en haut doivent vraiment commencer à prendre ça au sérieux s’ils envoient une lieutenante.

    Aurandre leva les yeux au ciel.

    — On devrait se concentrer sur les créatures du désert au lieu de perdre notre temps avec ces bêtises !

    Il ressentit une bouffée de colère, mais se dégonfla rapidement en constatant que personne n’y répondait. Émeraude ébaucha un vague sourire de compassion. La hargne d’Aurandre n’avait pas diminué d’une once depuis que des monstres de Namphis avaient massacré sa famille, il y avait de cela trois ans. Depuis, tout ce qui l’intéressait, c’était d’en tuer le plus possible. La voilà bien loin, l’époque où ses priorités étaient de protéger le peuple et de faire la fierté de l’armée. Jadis une personne enjouée, il n’était plus, aujourd’hui, que l’ombre de lui-même, un désir de vengeance ambulant.

    Ponctué par la paisible et joyeuse musique qui résonnait dans le village, le silence qui s’était installé après la saute d’humeur d’Aurandre était non seulement malaisant, mais aussi un brin bizarre.

    — Tu as peut-être raison, ce pourrait être de la comédie, approuva Émeraude de sa douce voix. Moi, j’ai entendu dire à la tour noire que des soldats s’amusaient à foncer sur la frontière pour se faire repousser par son énergie répulsive. Ils trouvent ça marrant, apparemment !

    En effet, il y avait, tout autour de Namphis, un mur de force magique. Celui-ci était infranchissable, indestructible, et repoussait brutalement tout ce qui s’en approchait de trop près. En raison de la translucidité du mur, ce qu’il y avait au-delà demeurait un mystère pour tous.

    La soldate blonde esquissa une moue ; elle pensait calmer Aurandre en étant d’accord avec lui, mais sa dernière remarque la fit grincer des dents. Un énième soupir plus tard, celui-ci marmonna :

    — Et après, certains disent que le seigneur est trop sévère ! Peut-être ne l’est-il pas assez…

    — Parlant d’indiscipline, il paraît que Forun fait la marche, aujourd’hui ? crut se souvenir Karman. C’est Nyrion lui-même qui s’occupe de le guider, non ? Ça doit être amusant. Je me demande s’il va faire un bon soldat !

    — Oui, Uromis est avec lui aussi, précisa Émeraude. Je pense que Forun sera un bon atout, suffit de le laisser vieillir un peu !

    — Forun fait la marche de Namphis… Le temps passe trop vite, murmura Valéria, le sourire en coin, en traçant des lignes dans le sable du bout de son épée.

    Le quatuor suspendit sa conversation en fronçant synchroniquement les sourcils ; une ombre volante passait au-dessus d’eux, de plus en plus imposante et accompagnée d’une vibration agressante.

    Ils fixèrent le ciel : quelque chose d’énorme, se situant à une cinquantaine de mètres de hauteur, chutait rapidement.

    — C’est…, bafouilla Émeraude d’une voix étranglée.

    L’énorme bête s’écrasa contre une maison, faisant éclater cette dernière en mille morceaux. L’assourdissant bruit de destruction résonna partout dans le village. Les cris terrifiés des villageois s’élevèrent par ailleurs tandis que le monstre se relevait.

    — Un Graagos ! s’écria Valéria en dégainant son arme, aussitôt imitée par ses trois équipiers.

    Les quatre soldats s’élancèrent vers la créature reptilienne qui, maintenant complètement redressée, fixait les alentours d’un œil vif et sadiquement intéressé. De violents spasmes secouèrent sa gorge, puis il ouvrit grand sa gueule et dégurgita plusieurs dizaines de Krenzs.

    Ces derniers étaient des créatures reptiliennes bipèdes de la taille d’un homme adulte. Elles avaient la peau jaune rugueuse et un visage squelettique. Très agressives, elles utilisaient leur vitesse et leurs griffes acérées pour s’attaquer aux habitants de Namphis, parfois sous les ordres d’un Graagos. En effet, depuis une vingtaine d’années, ceux-ci avaient développé une nouvelle stratégie d’attaque que ne pouvait pas encore contrer efficacement l’armée de Namphis : avaler un groupe de Krenzs, sauter par-dessus les murailles et les défenses, puis régurgiter la meute en plein cœur d’une ville ou d’un village.

    À peine tombés au sol, les Krenzs se relevèrent en chargeant vers les villageois, leur bondissant dessus pour les mordre et les défigurer.

    — Il n’y a pas assez de gardes dans le village pour affronter un Graagos ! s’exclama Karman en courant vers une famille qui se faisait attaquer par un Krenz, agrippant ce dernier, puis le projetant par-derrière.

    Dos à dos, les deux sœurs en affrontèrent une bonne dizaine. Chaque fois qu’elle prenait son élan, la blonde émettait un rugissement imposant, ce qui contrastait avec son visage doux. L’épée fine de Valéria s’illumina en jaune un bref moment et, aussitôt, sa vitesse quadrupla ; elle tua trois Krenzs en une seconde. Malheureusement, le pouvoir de son épée s’estompa rapidement.

    Aurandre jeta une série de vifs coups d’œil aux alentours et décida de foncer vers un grand entrepôt qui se faisait ravager par une dizaine de Krenzs. Aucun soldat ni villageois n’y était ; les créatures s’acharnaient plutôt sur la nourriture.

    — Je vais tous vous tuer ! vociféra-t-il, le regard flambant de haine.

    — Aurandre ! Ne t’éloigne pas trop ! cria Karman avant de se faire assiéger par trois Krenzs qui lui bondirent dessus tandis que la famille restée derrière demeurait figée de terreur.

    Le soldat ne tint pas compte de l’imposante voix de Karman, qui s’était fait entendre partout dans le village malgré le chaos.

    Il transperça le dos d’un Krenz qui était concentré sur un tonneau. En synchronie et avec une vivacité déroutante, les autres se retournèrent et se précipitèrent vers lui. Le soldat agita son épée dans tous les sens, mais les créatures, habituées à affronter ces lames, reculaient puis s’avançaient à répétition, les crocs acérés tendus, attendant une ouverture. L’un d’eux, plus audacieux que les autres, bondit soudainement sur le soldat. Ce dernier n’eut pas le temps d’aligner sa lame ; il chuta sur le dos avec le monstre agrippé à lui.

    — Va-t’en ! Dégage ! hurla-t-il tandis qu’il se faisait mordre par deux, puis quatre Krenzs.

    Se mêlant à la haine, un vague désespoir scintillait dans ses iris tandis qu’il sentait la mort venir. Il ouït un rapide élan au-dessus de sa tête et leva les yeux au moment où une épée de cristal lancée se plantait dans l’un des Krenzs au-dessus de lui. Puis, une silhouette bondit sur la créature et, tout en descendant du monstre qu’elle venait de tuer, reprit son arme et

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