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Le druide de la vallée
Le druide de la vallée
Le druide de la vallée
Livre électronique365 pages4 heures

Le druide de la vallée

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À propos de ce livre électronique

Ils l’avaient tous oubliée, mais elle est de retour…

* * *

Alors que tout semblait si tranquille dans la Vallée, les frontières magnétiques la séparant du continent tombent, grugeant la planète et menaçant d’anéantir toutes les espèces.

Le Druide de la Vallée, nouvellement adoubé, se retrouve responsable d’une population effrayée qui ne sait comment réagir face à un monde à la dérive. Sa courte expérience druidique pourrait malheureusement ne pas être suffisante lorsque viendra le temps de s’aventurer en territoires inconnus et d’affronter les dangers qu’ils comportent…

Trois romans – Trois quêtes – Un seul but

Une série à lire en entier… dans l’ordre désiré !
LangueFrançais
Date de sortie3 avr. 2020
ISBN9782898083204
Le druide de la vallée
Auteur

Justin Lemire

Justin Lemire est l’auteur de la trilogie à succès L’ennemie de Sylfar (2018) et du roman Dévoria: Le Druide de la Vallée (2020), tous deux parus chez ADA. Étudiant en littérature au niveau universitaire et titulaire d’un DEC en arts et lettres, le jeune écrivain a commencé à rédiger ses premiers écrits à l’âge de 13 ans. Une passion pour les mondes fantastiques est alors née et n’a cessé d’évoluer. Objectif Trésor: Le cheval de Troie est son cinquième roman.

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    Aperçu du livre

    Le druide de la vallée - Justin Lemire

    Prologue

    30 000 ans auparavant

    Le chêne derrière lequel il se réfugia encaissa la décharge magique à sa place et noircit sous l’effet du sort. Graduellement, le tronc du feuillu craquela, produisant un son horrible qui s’apparentait à des lamentations. Puis, il s’écroula sous le regard ébahi du Druide Sacomo, qui ne s’attendait pas à une telle violence de la part de ses opposants si tôt dans leur affrontement. Il avait plutôt pensé qu’ils tenteraient au moins d’adoucir sa méfiance avant d’asséner le coup fatal. À moins que ce ne soit précisément ce qu’ils font, appréhenda-t-il, inquiet. S’ils manifestaient déjà une puissance aussi menaçante, quelle serait la suite ?

    Un air démoniaque se peignit sur le visage de celui qui l’avait ainsi attaqué : un sorcier. Ce dernier poussa un sourd grognement insatisfait et fit appel à ses acolytes. Les Astrydes étaient les derniers sorciers vivant au sein de la Vallée. Auparavant, de nombreuses races de mages noirs la peuplaient, mais l’aversion qu’elles éprouvaient les unes envers les autres avait ultimement causé leur perte.

    Le Druide de la Vallée, Sacomo de Tineuil, tentait désormais d’anéantir cette dernière dynastie d’ensorceleurs afin de rétablir la paix sur son territoire. En effet, ne se limitant pas à jeter quelques sorts, ces sorciers avaient d’ores et déjà provoqué énormément de catastrophes dans la Vallée. Meurtres crapuleux, famines, débordement de rivières, éveil de volcans… Une menace telle que ces mages noirs devait être écartée. Le Druide Sacomo prenait toutefois ses précautions : en dépit de sa grande puissance, il savait que celle de ses adversaires l’égalait, sinon la surpassait. C’est pourquoi il avait affecté son apprenti à une tâche dans un coin éloigné du pays. Si les Astrydes venaient à bout de lui, la Vallée aurait encore un protecteur.

    Les Druides et les sorciers ne recouraient pas à la magie de la même manière. Alors que les premiers l’employaient avec respect, s’en servant au besoin pour aider leur prochain, les seconds l’utilisaient à l’état pur avec, bien souvent, des intentions malveillantes.

    De Tineuil, désormais à découvert, invoqua la Nature pour ralentir ses adversaires. Ses tatouages s’illuminèrent de l’intérieur tandis que de grandes fougères se mettaient à pousser tout autour de lui, le dissimulant à la vue de ses ennemis. Il demeura néanmoins sur ses gardes, car s’il ne pouvait plus être vu par les sorciers, l’inverse était aussi vrai. Et, s’il ne pouvait pas les voir, il ne pouvait pas s’en protéger.

    — Iniminar teq podra…

    Le Druide reconnut là un sort lancé par un sorcier. Toujours prudent, il s’éloigna des hautes et denses fougères et grimpa sur un chêne. L’arbre semblait fort et, par conséquent, en mesure de supporter son poids. Une fois bien installé sur l’une des branches, à l’abri des regards, il porta son attention sur l’herbe qu’il avait invoquée. Celle-ci venait de prendre une teinte bleuâtre, tout juste avant de se volatiliser en fumée.

    Presque aussitôt, quatorze Astrydes émergèrent de l’écran brumeux. C’étaient là les derniers représentants de leur race. Le groupe d’ensorceleurs avança prudemment, jetant des regards aux alentours. Dans leurs mains dansaient des flammes bleues, lesquelles Sacomo savait qu’elles ne brûlaient pas. Elles glaçaient ; avec la puissance suffisante, elles tuaient.

    Il commença par invoquer à voix basse l’aide de la forêt, puis maintint la paume de sa main droite sur une branche. Ainsi, un lien télépathique se créa entre l’arbre et lui.

    — Ô, Maître de la forêt, puis-je compter sur votre puissance naturelle pour neutraliser ces Astrydes ? s’enquit mentalement le Druide avec déférence.

    Son ton respectueux sut flatter le chêne, aussi sa réplique fut-elle immédiate. Un air déterminé se dessina sur le visage de Sacomo. C’était maintenant ou jamais.

    Dès que les sorciers furent vis-à-vis du Druide de la Vallée, celui-ci transmit sa force vitale à l’arbre, qui émit alors une vive lumière blanche. Ce qui aurait pu simplement aveugler les sorciers les fit plutôt tomber à genoux dans la souffrance tandis que l’énergie combinée du Druide et de la forêt venait à bout d’eux, les affaiblissant au plus bas niveau.

    Les mages noirs hurlèrent durant de longues minutes, agonisant, pour enfin s’écraser complètement. La Nature ne supportant toutefois pas de voir les Astrydes prendre la porte de la mort pour s’échapper, le chêne s’empara de leurs âmes et les enferma au plus profond de lui-même, prêt à se sacrifier pour honorer ses frères.

    Apaisé, mais le cœur battant toujours la chamade, Sacomo de Tineuil quitta son perchoir. Il jeta un vif coup d’œil aux alentours pour se convaincre qu’il n’y avait plus aucun danger. Lorsqu’il fut satisfait, il revint à l’arbre qui faisait office de prison aux sorciers. Avec son accord, il grava à sa surface un avertissement qu’il servait à quiconque voudrait un jour s’en approcher. En effet, les Astrydes demeureraient prisonniers du chêne aussi longtemps que la Nature elle-même existerait, mais la proximité avec celui-ci resterait néanmoins dangereuse.

    — Ô, Maître de la forêt, j’ai une dernière requête à vous adresser.

    Il la lui présenta. Reconnaissant les bonnes intentions de son interlocuteur, le chêne lui donna son approbation. Ravi, le Druide cueillit de nombreuses feuilles avec douceur, puis s’assit en plein milieu de la clairière.

    Quelques formules furent marmonnées par Sacomo tandis qu’il les joignait ou les superposait. À nouveau, ses tatouages devinrent lumineux. Grâce à sa magie, les feuilles s’assemblèrent comme si elles n’avaient toujours fait qu’une et, de fil en aiguille, un grimoire verdâtre naquit. Les lèvres du Druide s’étirèrent en un sourire satisfait.

    Un tel livre, conçu magiquement et avec l’accord de la Nature, ne pouvait qu’être doté d’une puissance extrême et d’une résistance infaillible. Il passerait le temps, ne vieillissant jamais, et échapperait aux pires catastrophes, son contenu étant ainsi garanti de ne jamais disparaître. De plus, frappé de la magie druidique, il dévoilerait les mystères entourant son lecteur à qui aurait les capacités de les déchiffrer. De Tineuil espérait bien parvenir à s’en servir.

    Sa mission en cet endroit accomplie, le Druide de la Vallée était fin prêt à entreprendre le voyage de retour vers sa demeure, en plein cœur des montagnes de l’Ouest. Son chez-soi lui manquait cruellement.

    Sacomo n’eut que le temps de faire un pas en direction de la sortie de la forêt qu’un énorme bruit retentit, comme si une météorite était tombée sur la planète. La terre se mit soudainement à trembler. Ce qui avait au départ semblé être une détonation se transformait peu à peu en vibration sonore. De Tineuil sentit d’ailleurs une onde passer sous ses pieds.

    — Ce ne peut pas être qu’un vulgaire tremblement de terre…, balbutia-t-il, lui pourtant d’ordinaire sans peur.

    Inévitablement, son regard se posa sur la prison des sorciers, mais l’arbre était toujours intact. La perturbation ne provenait donc pas des Astrydes. Ceci le rassura en partie, mais ne lui retira pas cette impression que le monde venait de changer à tout jamais, pour le pire.

    Cherchant des réponses à ses questions, il ouvrit le grimoire magique à la première page. Quatre lignes s’y inscrivirent.

    Grande elle se tient

    Petite est sa force

    Bientôt subira

    Toujours oubliera

    Le Druide de la Vallée fit fonctionner ses neurones à toute vitesse. Enfin, lorsqu’il parvint à résoudre l’énigme, son regard s’écarquilla.

    — Dévoria approche…, souffla-t-il, plus terrifié que jamais.

    Chapitre un

    17 jours après la catastrophe

    Grande elle se tient

    Petite est sa force

    Bientôt subira

    Toujours oubliera

    Ses multiples replis rocailleux faiblement éclairés à l’aide de flambeaux, la caverne du Druide de la Vallée offrait un sentiment de sérénité. L’éclat des flammes émettait une lueur vacillante, mais suffisante pour que l’on ne se perde pas dans l’obscurité autrement oppressante. Les murs de l’antre, souvenirs d’une formation naturelle, étaient composés non seulement de roche, mais aussi, par endroits, de cristaux fins. Ces précieux matériaux répandaient une douce teinte bleutée, semblable à celle caractérisant la base d’un feu. De la magie avait été pratiquée en ces lieux sacrés, et ils s’en étaient inévitablement imprégnés, se dotant ainsi d’une certaine révérence. Il était impossible de pénétrer dans la caverne sans se sentir empreint de respect.

    — Melvéor d’Autan, apprenti du Druide Edgar de Mauteuil, consens-tu à consacrer ta vie à la Charge Druidique ?

    La voix du Druide Edgar avait résonné jusqu’aux confins de la caverne, comme s’il avait crié. Pourtant, il s’était exprimé d’une manière aussi flegmatique que tranquille : l’écho présent en ce lieu était trompeur. Au loin, une goutte d’eau suinta et se détacha du plafond. Sa collision avec le sol vint briser le silence absolu qui régnait là où seuls deux hommes se tenaient.

    La cérémonie de passation des pouvoirs de la Charge Druidique était un moment important dans la vie de ces hommes qui se dévouaient à la sauvegarde de la Vallée. En effet, une fois la solennité terminée, Melvéor deviendrait enfin membre de la longue lignée des Druides de la Vallée. Ces derniers existaient depuis fort longtemps et entendaient bien demeurer présents pour l’éternité.

    Les Druides n’étaient pas sélectionnés au hasard. D’ailleurs, jamais ne l’avaient-ils été. Quiconque ne pouvait se présenter à la montagne sacrée et prétendre à ce titre. Certaines qualités et caractéristiques devaient définir l’élu, et ce, dès son plus jeune âge. Il incombait au Druide en fonction de choisir ses critères et de se mettre à la recherche d’une personne qui, digne de prendre sa relève, les respecterait tous, puis de lui enseigner tout son savoir.

    C’est pourquoi, après trente ans de tutelle auprès de son mentor, Melvéor était enfin prêt à lui succéder en tant que Druide de la Vallée. Ce simple titre, attribué à quelques élus au cours du temps, était pourtant loin d’indiquer toute l’importance qu’il revêtait.

    La personne désignée avait pour responsabilités de s’assurer qu’aucune catastrophe climatique n’affecte leur territoire, qu’aucune invasion de l’océan ne survienne, que les récoltes demeurent profitables… et ainsi la liste de tâches n’en finissait-elle plus.

    — Oui, j’y consens, laissa tomber d’Autan d’une voix rauque.

    Aussitôt, son poignet gauche se noircit, s’ornant de la forme précise d’un bracelet. Nul objet n’était apparu ; il s’agissait plutôt d’un tatouage indélébile. Melvéor, surpris, écarquilla les yeux. La parure était identique à celle d’Edgar de Mauteuil. Ce dernier hocha la tête, satisfait, puis écarta une longue mèche de cheveux roux et blancs. Tout se déroulait comme prévu.

    Une cinquantaine d’années s’étaient écoulées depuis la cérémonie qui l’avait, lui, sacré Druide de la Vallée, le menant maintenant au vénérable âge de quatre-vingt-dix-sept ans. Or, le vieil homme détestait l’admettre, mais sa mémoire n’était pas au sommet de sa forme.

    En effet, la race druidique n’était pas immortelle, bien qu’elle pût bénéficier d’une trentaine d’années supplémentaires à l’espérance de vie moyenne. Sa magie ne faisait que retarder l’apparition de la vieillesse, qui se manifestait davantage dans les capacités physiologiques que dans l’apparence physique.

    Malheureusement, à l’âge qu’avait Edgar, cette déchéance s’accentuait de plus en plus, et ce, par le biais de multiples indices. Il ne parvenait plus à entendre aussi bien qu’autrefois, et sa vue avait également subi une telle dégradation. Sa flexibilité n’était plus comme avant. Il arrivait même, par moments, que sa lucidité l’abandonne.

    Edgar savait bien que ses jours étaient comptés, mais il ne voulait pas se l’avouer. Non pas qu’il craignait sa propre mort, quitter le monde des vivants étant un passage inéluctable. Toutefois, son orgueil l’empêchait d’assumer ce fait et d’admettre sa vulnérabilité épisodique.

    — Melvéor d’Autan, apprenti du Druide Edgar de Mauteuil, es-tu prêt à protéger la Vallée par tous les moyens possibles ?

    Melvéor ne put s’empêcher d’afficher un air grave. En d’autres circonstances, une telle question aurait pu être prise à la légère. De nombreux autres Druides étaient parvenus à protéger la Vallée. Mais, désormais, tout serait différent. En effet, dix-sept jours auparavant, une terrible catastrophe avait secoué le territoire. Plusieurs citoyens en étaient morts, et beaucoup avaient subi de graves blessures.

    D’aussi loin que tous se souvenaient, la Vallée avait toujours été entourée d’infranchissables frontières. « Transparentes » n’était pas le mot juste pour les décrire, et « opaques » l’était encore moins. Néanmoins, ce que l’on pouvait certifier, c’était qu’une barrière magnétique les empêchait de quitter la Vallée.

    Cette certitude s’était toutefois écroulée environ deux semaines plus tôt, à l’instar des éternelles frontières qui, sans préambule ni avertissement, s’étaient tout simplement effondrées, semant une onde de chaos sur leur monde perpétuellement paisible. De terribles secousses sismiques avaient été ressenties jusqu’aux confins du territoire, provoquant de nombreuses catastrophes. Maisons et autres bâtiments étaient tombés. La fureur de plusieurs volcans avait été déclenchée. Fleuves et rivières avaient quitté leur lit. Bourgs et villages avaient été inondés.

    Les paysans ne savaient que faire devant une telle situation, sinon se tourner vers le Druide de la Vallée. Chef spirituel du territoire, celui-ci en était aussi le protecteur. Il était tout naturel de se réfugier sous son aile. Toutefois, au grand désarroi des habitants, il n’y avait eu aucune apparition ni réaction de sa part. Plusieurs avaient évoqué la possibilité d’aller le chercher, mais peu osaient s’engager dans les montagnes par les temps qui couraient. Un seul petit tremblement de terre et… ce serait la fin.

    Cependant, contrairement à la croyance qui se propageait tranquillement, le Druide et son apprenti, du haut de leur demeure, n’ignoraient pas ce qui se passait. Toutefois, il leur était inutile de s’aventurer à l’extérieur de la caverne, car, tel un vautour effectuant une trajectoire circulaire au-dessus de ses prochaines victimes, la menace qui guettait les villageois planait également sur leur tête. Nul n’était à l’abri d’une chute mortelle.

    Bien que possédant quelques pouvoirs, les Druides n’étaient pas pour autant immortels. Ils avaient donc convenu de laisser la situation se calmer d’elle-même avant d’intervenir auprès de leurs citoyens. « Mieux vaut prévenir que guérir » était un dicton qu’ils ne pouvaient plus se permettre d’employer. Désormais, seule la guérison serait de leur ressort — et encore, tous ne pourraient en sortir vivants.

    Pour le moment, les mages profitaient de ce sursis pour terminer la formation de Melvéor : à l’issue de la cérémonie, sa connexion avec la Nature serait plus puissante que jamais.

    — J’y suis prêt, affirma-t-il d’une voix sûre.

    Un second bracelet noir apparut, sur son poignet droit, cette fois.

    Entouré par les menhirs qui formaient un cromlech à l’intérieur de la caverne, Melvéor faisait tout son possible pour ne pas dévier son regard de celui, brun foncé, de son mentor.

    Il s’agissait d’ailleurs de la seule montagne de la Vallée dotée d’une telle installation, les cavités de ce pic étant d’une taille surprenante. On pouvait très bien y circuler, et les plafonds atteignaient quelques hauteurs d’homme. Ainsi, les peulvens qui composaient le dolmen dépassaient Melvéor et Edgar de plus d’un mètre.

    — Melvéor d’Autan, apprenti du Druide Edgar de Mauteuil, tu es prié, par les lois qui gouvernent la Charge Druidique, d’invoquer le Feu.

    Le Druide en devenir hocha la tête. Il était prêt. Ses mains esquissèrent un cercle devant lui, au sein duquel l’air se réchauffa aussitôt. Melvéor marmonna quelques mots en langage druidique, ne cessant de fixer ses mains, lesquelles continuaient leurs rotations, chacune effectuant un demi-cercle. Enfin, il sembla s’emparer d’un anneau invisible, qu’il étira sur les côtés avant de redresser ses paumes.

    Des flammes y dansaient.

    Melvéor laissa le Feu s’amuser quelques secondes, puis referma sèchement les poings, l’étouffant. Il replaça ensuite ses bras le long de son corps, attendant la suite des instructions. Ses mains n’étaient pas brûlées. En revanche, des lignes courbes, aussi foncées que ses nouveaux bracelets, étaient apparues sur son bras gauche.

    — Melvéor d’Autan, apprenti du Druide Edgar de Mauteuil, tu es prié, par les lois qui gouvernent la Charge Druidique, d’invoquer l’Eau.

    La cérémonie est loin d’être terminée, pensa l’élève en se préparant mentalement à obéir. Il effectua quelques mouvements similaires à ceux nécessaires à la création du Feu, mais prononça des formules différentes. Finalement, il sembla donner un coup de ses paumes sur l’anneau invisible qu’il avait créé. Aussitôt, une vague en résulta, laquelle tomba au sol et s’assécha presque immédiatement. Des lignes semblables aux précédentes apparurent sur son bras droit.

    L’apprenti Druide sentait ses forces décliner. Beaucoup d’énergie était nécessaire pour encaisser plusieurs opérations magiques de suite. C’était pourquoi il préférait de loin préparer des mixtures, lesquelles ne demandaient que précision et concentration.

    Son mentor perçut aisément son affaiblissement. De mémoire de Druide, jamais un apprenti n’avait échoué aux épreuves. Edgar refusait catégoriquement que le sien devienne le premier.

    En dépit de ses craintes plus que plausibles, Melvéor parvint à accomplir les autres techniques d’invocation des éléments, soit avec la Terre et l’Air, forant un trou dans la montagne et créant une bourrasque puissante.

    Melvéor était désormais tatoué jusqu’aux jambes, lesquelles étaient à présent également parcourues de lignes noires. Impressionné, il releva les pans de sa toge pour mieux les observer, mais se fit rapidement ramener à l’ordre.

    — Melvéor d’Autan, apprenti du Druide Edgar de Mauteuil, tu es prié, par les lois qui gouvernent la Charge Druidique, de préparer une potion de guérison en l’espace d’une demi-heure.

    Ses yeux s’écarquillèrent. Cette concoction, particulièrement complexe, avait toujours constitué sa faiblesse. Certes, avec tous les exercices auxquels l’avait astreint Edgar, il était en mesure de préparer ce mélange druidique, mais peu de temps lui était alloué pour bien le réussir.

    Sans perdre un instant, Melvéor se précipita à l’extérieur du cercle de menhirs et alla fouiller parmi les ingrédients que son maître et lui possédaient pour trouver ceux nécessaires à la concoction d’une telle potion. Son regard parcourut tous les flacons et ses mains les effleurèrent pour les faire tinter. Où est la fichue totenplia ? s’énerva Melvéor. La totenplia était la poudre extraite d’une plante particulièrement rare. Il n’y en avait que sur les volcans, ce qui rendait dangereuse sa cueillette.

    Avec un puissant sentiment de soulagement, il parvint à repérer le flacon, dissimulé derrière le récipient massif de ritinis, des perles bleues enchantées. Il continua à s’emparer de tous les ingrédients, les fourra dans le premier chaudron qui lui tomba sous la main et rapporta le tout dans le cercle cérémoniel.

    Il vit alors ce qui lui avait échappé sous la pression : son mentor tenait au creux de sa main un sablier, lequel en était maintenant au sixième du temps écoulé. Son stress s’accentua aussitôt, le faisant se précipiter.

    Débuta alors la véritable préparation d’une potion de guérison. Melvéor, après en avoir retiré ce qu’il y avait mis, vida dans le chaudron le contenu de deux récipients, soit deux poudres différentes. Au contact de l’une avec l’autre, celles-ci produisirent aussitôt une quantité importante d’un liquide mauve clair.

    À quelques pas de lui, Edgar ressentait une angoisse quasi équivalente à celle qui pouvait animer son élève. Le vieux Druide avait placé beaucoup de temps et d’énergie en Melvéor, et il espérait bien ne pas l’avoir fait en vain. Tel était le danger de la lignée des Druides : un seul échec et elle s’éteindrait. Leur profession exigeait la perfection, puisque la sécurité et le bien-être de toute la population de la Vallée dépendaient d’eux.

    Melvéor continuait de transvider dans un ordre précis tous les ingrédients qu’il avait pris dans leur inventaire, remuant de temps à autre le mélange qui en résultait. Il marmonnait énormément, prononçant sorts et incantations et s’entretenant avec lui-même à voix basse.

    Peu à peu, à la grande fierté d’Edgar, le liquide contenu dans le chaudron se mit à adopter la teinte d’une potion de guérison efficace, soit rose cerise. Avec autant d’années d’expérience, le mentor pouvait aisément différencier le moindre ton de couleur. Cela était bien utile lorsqu’on voulait atteindre la perfection druidique.

    — Plus que deux minutes ! annonça-t-il alors.

    Des gouttes de sueur perlaient sur le visage de Melvéor, chez qui la pression montait de plus en plus. À quelques reprises, il écarta une mèche de ses cheveux poivre et sel et essuya du même coup son front.

    L’apprenti avait repris une certaine confiance en lui, mais ignorait toutefois si deux minutes allaient être suffisantes pour achever sa tâche. Il ne fallait pas trop se précipiter : une erreur de manipulation gâcherait tout son travail.

    Au moment même où il mettait la touche finale à sa potion avec un sourire de fierté sur les lèvres, son mentor Edgar indiqua que le temps était écoulé.

    — Voyons voir cela…, murmura le vieil homme en se penchant au-dessus du chaudron.

    La couleur est encourageante, songea-t-il. Le Druide sortit de la poche de sa toge une petite feuille d’arbre détériorée, qu’il laissa tomber sur la concoction de son protégé. Au simple toucher du liquide, elle sembla briller ; ses nervures étaient désormais resplendissantes de santé.

    Confiant, Edgar s’empara de la louche utilisée par Melvéor lors de la préparation, dans le but évident de prendre une gorgée de la potion. L’apprenti le regarda d’un œil perplexe et effrayé, craignant causer la mort de son maître par une erreur stupide. À son grand soulagement, il le vit plutôt reprendre des forces, une certaine vigueur semblant s’installer dans ses membres, ses yeux brillant de jeunesse.

    S’étant légèrement penché vers l’arrière pour avaler la gorgée, Edgar se redressa. Il fixa son apprenti droit dans les yeux. Ce dernier le regardait avec appréhension.

    — Quelques conseils, lâcha-t-il. Conserver certains ingrédients sur soi permet d’éviter les pertes de temps. Marmonner ne fait que renforcer une réflexion inutile. Agis instinctivement. Laisse la Nature prendre soin de toi et prends soin d’elle en retour.

    Enfin, il joignit ses mains et prononça les paroles qu’avait espérées son élève durant trente ans.

    — Melvéor d’Autan, apprenti du Druide Edgar de Mauteuil, en ce jour précis, je te sacre Druide de la Vallée. La responsabilité de ses habitants t’incombe, à présent.

    À la grande surprise de Melvéor, son mentor s’inclina devant lui, ce qu’il n’avait jamais fait. Reconnaissant, le nouveau Druide de la Vallée s’inclina également.

    Une vague aura entoura alors Melvéor durant un bref instant. Lorsqu’elle disparut, il y avait désormais de petites étoiles noires tatouées tout autour de son cou, formant un semblant de collier. Un collier qu’il porterait jusqu’à sa mort.

    Le nouveau Druide de la Vallée venait de naître.

    Les deux jours qui suivirent cette passation de pouvoirs furent plutôt tranquilles. En effet, Melvéor se terrait dans la caverne : pour la énième fois depuis que la catastrophe était survenue, il tentait désespérément de trouver une solution à la tragédie qui se déroulait sur leur continent.

    Continent.

    Ce seul mot leur était pratiquement étranger. D’aussi loin qu’il pouvait se rappeler, la Vallée avait toujours été entourée de hautes frontières magnétiques infranchissables. Les habitants ne se portaient pas plus mal d’être séparés du reste du monde, se débrouillant par eux-mêmes.

    En fait, les paysans n’avaient même jamais eu conscience de l’existence d’un territoire autre que le leur. Ils ne connaissaient que cela : les longues plaines, les rivières et les collines rocheuses. Selon ce que pouvait désormais apercevoir au loin Melvéor, depuis sa montagne, leur continent était également largement couvert de forêts et de déserts. Comme il aurait aimé aller visiter ces nouvelles contrées… Dès que j’aurai tout stabilisé ici, je voyagerai jusqu’au bout du monde, se promit-il.

    Melvéor se releva tranquillement, ses jambes se dénouant peu à peu. Il avait passé un long moment assis en tailleur à l’entrée de sa caverne, observant l’horizon et réfléchissant. Il lui fallait assurément aller porter assistance aux villageois. Si la destruction de leurs demeures était l’un de ses soucis, une quantité exponentielle

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