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La chute de l’Ombre
La chute de l’Ombre
La chute de l’Ombre
Livre électronique446 pages6 heures

La chute de l’Ombre

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À propos de ce livre électronique

Sacrifice
Custo Santovari a accepté la douleur, le sang, et même la mort, pour sauver son meilleur ami. Mais un homme avec tous ses péchés n’est tout simplement pas fait pour être un ange.

Mystère
Un moment, il s’échappe du Ciel; le suivant, il se réveille complètement nu dans Manhattan. Au beau milieu d’une guerre. Entraîné là par une femme qui a désespérément peur de l’obscurité.

Ombre
Elle se ramasse autour d’Annabella pendant qu’elle offre sa performance, remplie d’images fantastiques d’un autre monde, et donne vie à un héros doré et un amant de cauchemars.

Loup
Il la poursuit sans relâche, lui inspirant des désirs tordus, même lorsqu’elle se donne à l’homme qu’elle aime. Il y a en chacun de nous un côté sauvage, et Annabella est sur le point de libérer la bête.
LangueFrançais
Date de sortie17 juil. 2015
ISBN9782897525903
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    Aperçu du livre

    La chute de l’Ombre - Erin Kellison

    Mot de l’éditrice

    Cher lecteur, chère lectrice,

    Une jolie ballerine. Un grand méchant loup. Et un ange destiné au péché. Cela ressemble à un conte de fées ? Ce l’est, mais rien qui se compare à ce que votre mère a pu vous lire le soir avant d’aller dormir.

    À la lecture du premier livre de la série, Les liens de l’Ombre, j’ai su que j’étais tombée sur une perle rare. La chute de l’Ombre prouve qu’Erin n’est rien de moins qu’exceptionnelle.

    Elle tisse un délicieux mélange de suspense, de fantastique et d’amour. Avec des touches de mythologie provenant de différentes cultures, elle crée sa propre histoire envoûtante, qui semble si naturelle que vous aurez le sentiment de l’avoir déjà entendue quelque part, mais pourtant si originale que vous ne pourrez deviner la suite.

    Alors, tournez la page pour rencontrer des sirènes, des spectres et des métamorphes, et plongez dans une des histoires les plus divertissantes à n’avoir jamais été publiées.

    L’Homme de l’Ombre vous attend…

    Tous mes vœux,

    Leah Hultenschmidt

    Éditrice

    L’ange déchu

    C’était probablement la musique qui l’avait changée. Il était allé trop loin, il avait trop révélé. Mais c’était la façon de la musique : elle exigeait tout, pas de retenue. Nier ce qu’il avait joué maintenant serait comme essayer d’arrêter quelque chose qui était déjà arrivé. C’était futile, un effort inutile et un mensonge.

    Il ne pouvait pas lui mentir encore. Il ne le ferait pas.

    Très bien, alors, elle savait. Il l’aimait. Il l’avait aimée depuis qu’il avait vu sa danse dans la Terre de l’Ombre.

    Il fallait qu’elle comprenne.

    — Je. Ruine. Tout, dit-il.

    Le sourire d’Annabella faiblit, une lueur sombre de tristesse au plus profond de ses yeux.

    Elle comprenait donc vraiment. Peu importe comment il se sentait, il n’était pas bon pour elle. Il pouvait bien jouer de la guitare et se battre mieux encore, mais c’était à peu près tout. Il était un voleur, un opportuniste meurtrier. Il n’y avait pas si longtemps, il avait pris tout ce qu’il pouvait obtenir d’elle. Il le ferait de nouveau ce soir.

    Il baissa les yeux, afin de se débarrasser des boutons de manchette d’Adam. Tout était emprunté, rien à lui, jamais à lui. Il les lança sur un bout de table, leva les poignets et se força à la regarder à nouveau.

    Son regard attendait.

    — Tu devras me dire ce à quoi tu penses, dit-il.

    Elle était intelligente. Elle devait savoir maintenant qu’il avait cessé de s’introduire dans sa tête.

    Elle lui attribua des intentions dangereuses.

    — Très bien, alors. Tu ruines tout ? Alors, ruine-moi.

    Copyright © 2010 Clarissa Ellison

    Titre original anglais : Shadow Fall

    Copyright © 2015 Éditions AdA Inc. pour la traduction française

    Cette publication est publiée en accord avec Dorchester Publishing Co., Inc., New York, NY.

    Tous droits réservés. Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite sous quelque forme que ce soit sans la permission écrite de l’éditeur, sauf dans le cas d’une critique littéraire.

    Éditeur : François Doucet

    Traduction : Renée Thivierge

    Révision linguistique : Féminin pluriel

    Correction d’épreuves : Katherine Lacombe, Catherine Vallée-Dumas

    Conception de la couverture : Matthieu Fortin

    Photo de la couverture : © Matthew Ellison, © BigStock.com

    Mise en pages : Sébastien Michaud

    ISBN papier 978-2-89752-588-0

    ISBN PDF numérique 978-2-89752-589-7

    ISBN ePub 978-2-89752-590-3

    Première impression : 2015

    Dépôt légal : 2015

    Bibliothèque et Archives nationales du Québec

    Bibliothèque Nationale du Canada

    Éditions AdA Inc.

    1385, boul. Lionel-Boulet

    Varennes, Québec, Canada, J3X 1P7

    Téléphone : 450-929-0296

    Télécopieur : 450-929-0220

    www.ada-inc.com

    info@ada-inc.com

    Diffusion

    Canada : Éditions AdA Inc.

    France : D.G. Diffusion

    Z.I. des Bogues

    31750 Escalquens — France

    Téléphone : 05.61.00.09.99

    Suisse : Transat — 23.42.77.40

    Belgique : D.G. Diffusion — 05.61.00.09.99

    Imprimé au Canada

    Participation de la SODEC.

    Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) pour nos activités d’édition.

    Gouvernement du Québec — Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres — Gestion SODEC.

    Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

    Kellison, Erin

    [Shadow Fall. Français]

    La chute de l’Ombre

    (Série de l’Ombre ; t. 2)

    Traduction de : Shadow Fall.

    ISBN 978-2-89752-588-0

    I. Thivierge, Renée, 1942- . II. Titre. III. Titre : Shadow Fall. Français.

    PS3611.E44S52214 2015 813’.6 C2015-940563-7

    Conversion au format ePub par:

    www.laburbain.com

    À ma mère et à mon père, avec amour.

    Chez les fées, les concepts de temps, de souffle de vie ou de présent de la mort n’existent pas. Elles sont surnaturelles, ni bonnes ni mauvaises et, par conséquent, capables des deux extrêmes. Elles habitent la Terre de l’Ombre du Crépuscule : un espace entre-deux, qui sert de tampon entre la mortalité et l’Au-delà, et où la dense magie influence les rêves et les cauchemars des humains.

    Le plus grand parmi les fées, l’Homme de l’Ombre, aussi connu sous le nom de la Mort, est gardien du voile et il transporte les âmes à travers les mondes depuis plusieurs millénaires.

    Un jour, l’Homme de l’Ombre est tombé amoureux et a abandonné son poste. Comme conséquence directe de ses gestes, la frontière entre la mortalité et la Terre de l’Ombre s’est amincie et est maintenant… perméable aux êtres des deux côtés.

    — tiré du Traité de la Terre de l’Ombre,

    par Talia Kathleen Thorne

    Institut Segue

    Prologue

    Un coup de poing à sa mâchoire fit claquer la tête de Custo sur le côté. Son oreille bourdonna tandis qu’une immense tempête de chaleur se répandait sur sa joue et derrière son œil gauche. La vague de douleur qui suivit le fit frissonner, et chacun de ses battements de cœur lançait une brûlure foudroyante à travers son crâne en même temps que des nuages sombres s’amassaient dans son esprit.

    Concentre-toi.

    Il contracta ses mains contre les liens qui lui coupaient les poignets. Ce n’était pas pour s’échapper, c’était impossible, mais pour maîtriser la peur pernicieuse qui s’insinuait en lui et qui risquait de le faire parler dans un moment de faiblesse.

    Il allait mourir. L’idée, maintenant, c’était de bien mourir. Il était interdit de pleurnicher.

    Le visage de Spencer se dressa devant la vision floue de Custo. Ses cheveux bruns étaient coupés court, presque rasés. Un écouteur noir le reliait au reste de son équipe : l’agence gouvernementale secrète qui enquêtait sur les activités paranormales. Ils étaient censés être les bons gars, mais quelque chose avait très mal tourné. Spencer avait toujours été un salaud, mais pactiser avec les spectres faisait de lui un traître.

    — Dis-moi simplement où est Adam, et je te laisserai partir. Tout ceci n’est pas vraiment nécessaire. Nous allons le dénicher, de toute façon. Il n’a pas besoin de savoir que ça vient de toi, dit Spencer.

    Un filet chaud et humide trouva un passage sous le nez de Custo. L’odeur de cuivre lui remplit la tête.

    Adam le saurait et, pire encore, Adam lui pardonnerait.

    Il sentit un frottement rugueux — du métal sur le sol. Un objet de la taille d’une pièce de monnaie pressait légèrement son pied

    Custo entrouvrit les yeux. Quoi, maintenant ?

    Spencer avait placé une des élégantes chaises d’Adam directement en face de la sienne et il s’assit sur le siège, assez près pour lui cogner les genoux. Avec le poids de Spencer dans le fauteuil, la pression sur le pied de Custo augmenta. Un os devint douloureux, brûla, se brisa, et des étincelles incandescentes brûlèrent dans son mollet. Pendant une fraction de seconde, la réalité s’embrouilla.

    Spencer s’appuya contre le dossier de la chaise, un sourire amical sur son visage.

    — Vraiment, je te laisse sortir d’ici en marchant. Dis-moi où est Adam.

    Spencer aimait les jeux. Il aimait gagner. La seule façon de le contrarier, c’était de le mater ou de ne pas jouer. Aujourd’hui, Custo n’avait aucun moyen de gagner. Il était préférable de penser à autre chose.

    Custo se concentra au-delà de Spencer, et balaya la pièce, afin de se distraire. Le loft de New York était typique d’Adam Thorne : des lignes nettes de richesse moderne épurée dans des tons de gris industriel et de noir, accentués de couleurs vives. Dans le cas de la chambre, un rouge vif audacieux colorait la table de chevet et le lit bas asiatique, centrés contre le mur opposé. Dans la peinture abstraite au-dessus, le rouge s’intensifiait dans une éclaboussure sangre.

    Sangre. Sang. Custo baissa les yeux sur le plancher de bois aux larges planches.

    — Tu dois savoir où il est.

    Spencer saisit la main de Custo, sa priorité prenant le pas sur sa légèreté d’avant.

    Je pensais qu’il était ici. Nous étions censés nous rencontrer ici. Adam avait emmené Talia au loft, afin qu’elle soit plus en sécurité. Custo allait se joindre à eux. Ensemble, ils devaient élaborer des stratégies de coup d’attaque contre le lieu de pouvoir des spectres. Adam avait même vérifié plusieurs fois auprès de Custo au cours de la soirée afin de surveiller ses progrès.

    Il avait dû se passer quelque chose, et Adam et Talia s’étaient sauvés.

    — Il te dit tout.

    Spencer trouva l’index de Custo. Il le souleva du bras de la chaise.

    Fais durer le truc, et peut-être qu’ils pourront s’échapper.

    Le souffle de Custo se prit dans sa poitrine alors que son doigt faisait un angle droit avec le dos de sa main en lui causant une brûlure intense. Il serra les dents. Une molaire s’était relâchée, et il attendit pour le…

    Pop. Custo frissonna, envahi par une sueur froide, puis il poussa contre les liens qui le retenaient à la chaise. C’était trop sacrément serré.

    Il lui fallait seulement tenir le coup un peu plus longtemps, suffisamment pour qu’Adam et Talia se mettent en sécurité.

    — Vraiment désolé, dit Spencer en tirant sur le doigt pour le réaligner.

    Il le tordit dans tous les sens. Les petits os hurlèrent.

    — Je crois qu’il est cassé.

    Très drôle, il en restait encore neuf.

    — Et qu’en est-il de ce monstre de Talia ?

    Spencer leva le doigt du milieu. Custo tenta de retirer sa main, mais les maudites cordes le tenaient fermement à la chaise.

    Talia, ouais, elle était un peu bizarre. Il n’y avait pas de doute à ce sujet. Un hurlement et son sombre papa Homme de l’Ombre venait à sa rescousse. C’était pratique d’avoir la Mort pour père.

    La Mort… Custo jeta un coup d’œil alors qu’un spectre féminin se glissait dans un coin de la pièce et s’installait sur le lit d’Adam afin de se prélasser contre les oreillers. Son regard affamé était fixé sur lui. C’était une brunette pâle et mince. Elle paraissait humaine. À un moment donné, elle l’avait été, mais quelque chose avait changé et transformé la femme en un monstre, une gobeuse d’âmes. L’Institut Segue, un organisme privé qui avait fait équipe avec le groupe gouvernemental de Spencer, s’était consacré à la découverte de la source de la transformation d’hommes en spectres dans le but de les guérir, si possible. L’attention s’était déplacée vers une guerre totale lorsque Talia avait déduit que les spectres avaient choisi de devenir des monstres, des gens qui avaient renoncé à l’humanité en échange de l’immortalité.

    Pop. La main de Custo tressauta dans un spasme d’atroce douleur aiguë, deux fois plus forte que celle de la première cassure. Il respira profondément, ses poumons en pleine lutte.

    Spencer en prit un autre.

    Le cœur vacillant dans sa poitrine, Custo grinça des dents pendant qu’un incendie liquide faisait pression dans son pouce, mais de toute façon, il se mit à pisser.

    Spencer trébucha vers l’arrière dans un éclat de rire.

    — Oh, ça alors, mon ami ! On a peur de mourir ?

    — Pas autant que toi.

    La voix de Custo était graveleuse, un grondement de sa poitrine.

    — Ce n’est pas moi qui ai fait pipi dans mon pantalon.

    L’odeur aigre-douce s’éleva dans la chambre et l’emporta sur la senteur cuivrée du sang.

    — Toi.

    Custo posa la langue contre sa dent lâche.

    — Tu t’es dégonflé quand tu t’es joint aux spectres.

    — Au contraire, ça prend des nerfs pour être dans la même pièce qu’un spectre affamé, dit la femme spectre en clignant des yeux.

    Spencer l’ignora. Il poussa un énorme soupir et leva les yeux au ciel.

    — Tu ne comprends tout simplement pas, Custo. Tu n’as jamais compris. On ne se bat pas contre l’immortalité. Adam et moi en avons discuté des millions de fois. Peut-être que ce que font les spectres n’est pas très joli, de se nourrir de l’essence de vie de leurs ancêtres, mais c’est une étape de l’évolution naturelle vers la conquête de la Mort. Je me suis seulement rendu à l’évidence.

    — Tu as eu peur. J’ai toujours su que tu étais un trouillard.

    — Je suis intelligent.

    Le ton de Spencer s’éleva avec colère.

    — De toute façon, qui es-tu pour parler comme ça ? Je suis au courant de ce que tu as fait.

    Ce que j’ai fait ?

    — Heinrich Graf, pour commencer.

    Oh, c’était le bâtard allemand qui avait mis un contrat sur la vie d’Adam. Un tir de longue portée s’était chargé de lui.

    — Une pourriture.

    — Tu as séduit sa fille pour découvrir ses allées et venues. Pourriture toi-même.

    — Je n’ai pas aspiré son âme.

    Le regard de Custo s’élança vers le spectre.

    — C’est couper les cheveux en quatre. Tu t’es servi d’elle pour tuer son père.

    C’était une erreur, et pas le pire de ses torts. Il fallait tout simplement s’occuper de certaines choses, et Adam ne pouvait le faire. Il n’y avait pas suffisamment d’obscurité en lui. Mais oui, s’il y avait un Dieu, il n’y aurait aucune pitié quand ce serait terminé, seulement l’enfer. Une fois là, au moins, il pourrait hurler, mais pas ici, pas pour un tas de merde comme Spencer.

    Mauvaise vie, bonne mort, il s’en contenterait.

    — Où est Adam ? répéta Spencer. Tu vas me le dire avant que nous en finissions.

    Custo lui offrit son plus beau sourire sanglant. Si Spencer et ses spectres n’avaient pas trouvé la sortie de secours, il était sacrément certain qu’il ne le lui dirait pas, pas même pour sauver sa vie.

    Custo recueillit la salive et le sang qui enduisaient sa bouche et cracha au visage de Spencer. Il atteignit le menton et le cou de l’enculé.

    Spencer tira son arme. Il plaça la pointe dure du pistolet sur le front de Custo alors qu’il se nettoyait en s’essuyant avec son autre manche, un rictus de dégoût étirant son visage.

    La femme spectre s’assit sur le lit et gémit.

    — Si vous en avez terminé avec vos questions, permettez-moi de le finir. J’ai faim.

    Spencer tiqua.

    — Non. Il est à moi.

    Il fit un mouvement vers l’arrière avec son bras. Il frappa. Le coup aveugla Custo.

    La douleur s’enfonça dans sa pommette et ouvrit son crâne. Custo cligna très fort des yeux contre un film épais qui obscurcissait sa vision. Pourtant, étrangement, il pouvait voir parfaitement. La pièce se transforma, s’éclaira. Au plafond, de longues lampes fluorescentes brillaient d’un éclat éblouissant dans une chambre qui avait été illuminée par des boîtes encastrées. Une sensation de serrement lia sa poitrine d’une façon différente, inconfortable, suffocante. Des odeurs terrestres denses de sang, de liquide et de sueur remplirent son nez.

    Un homme masqué vêtu de bleu-vert pâle le fixait et ordonnait :

    — Une autre poussée !

    Oh, mon Dieu ! C’était sa naissance.

    Puis, il entendit un cri, le cri d’un nouveau-né, offert de sa gorge.

    Un coup sous son menton ramena Custo à la chambre du loft.

    Spencer se pencha, et Custo put sentir son souffle sur son visage.

    — Tu peux mourir rapidement et facilement, ou lentement et misérablement.

    Le cœur de Custo luttait pendant qu’il refusait de respirer. Il n’était pas question d’inhaler l’air usé de Spencer, non merci.

    — C’est ton choix, dit Spencer.

    Il se gratta la joue avec le canon de l’arme.

    — Len…

    La mâchoire de Custo ne répondait plus. Il essaya de nouveau pour « lentement et misérablement », pour donner du temps à Adam.

    — Laissez-moi l’avoir, se plaignit le spectre. De toute façon, Adam et la fille ont probablement disparu depuis longtemps.

    — Non. Et ne te mêle pas de mes affaires, répondit Spencer.

    Le spectre se leva, la main sur la poignée de porte.

    — Quel gaspillage…

    Spencer fit descendre sa main, lourde du poids du revolver.

    Un éclat de noirceur frappa Custo et ébranla une seconde fois sa mémoire d’une clarté soudaine : une bibliothèque privée, des étagères de bois brillant, un homme jeune dans un costume sombre assis derrière un grand bureau tandis que Custo était perché sur un dur sofa à rayures, avec les pieds qui se balançaient dans les airs au-dessus du sol, et essayait de ne pas — quel était le mot que sa mère avait utilisé ? — gigoter. Un de ses lacets était encore défait.

    — J’ai dit que je paierais ses frais de scolarité, mais c’est tout.

    La voix de l’homme était froide.

    — C’est ton fils, répondit sa maman.

    Aujourd’hui, elle portait le chemisier qui montrait son soutien-gorge. Custo détestait ce haut. Pourquoi n’avait-elle pas attaché ce bouton du haut ?

    — C’est mon bâtard. C’est un peu différent, et je ne veux rien savoir de lui.

    La réalité dégringola de nouveau dans la conscience de Custo alors que Spencer lui giflait la joue. Custo tenta de lever la tête, mais il ne réussit qu’à faire rebondir son menton sur sa poitrine. Ses oreilles étaient pleines du rugissement de l’océan et du vent, ce qui n’avait pas de sens au milieu de la ville.

    — Adam ne ferait pas la même chose pour toi, dit Spencer. Il doit savoir que tu es ici et ce que je peux te faire. C’est ta dernière chance.

    Même pas si c’était sa première…

    — Non.

    — Tu sais que tu ne peux pas le sauver. Non. Même s’il s’échappe aujourd’hui.

    Spencer se pencha à l’oreille de Custo.

    — Un petit secret, juste entre toi et moi… Il y a quelqu’un d’autre à Segue qui collabore avec les spectres. Quel­qu’un en qui vous avez tous les deux confiance. Dès qu’Adam tourne le dos…

    Spencer recula, afin de prendre son élan, asséna un autre coup, et le monde disparut à nouveau. Custo était dans une cour d’école entourée de larges bâtiments blancs et d’une forte odeur de chèvrefeuille. C’était le premier jour à l’école Shelby Boys.

    Un poseur de bonne famille lui planta son poing au visage.

    Custo se remit de la surprise du coup et chercha l’agresseur. Le gamin était grand et maigre, le visage rouge, des yeux bleus illuminés de peur alors qu’un groupe de garçons le poussait à se battre.

    — Bagarre ! Bagarre ! Bagarre ! chantaient le reste des jeunes.

    Ça devrait être facile. Custo se pencha sur le côté lorsque le peureux lui lança un coup de poing sauvage, puis il le frappa à son tour sur la mâchoire.

    Le garçon tomba en s’affalant sur le sol.

    Custo s’avança, se prépara à envoyer un coup de pied au ventre du garçon, un rappel à tous de ce qui se passerait s’ils osaient poser leurs mains sur le pauvre stupide petit nouveau, mais il fut hissé vers l’arrière par son collet. Le tissu lui brûla la gorge.

    — Il m’a frappé le premier ! cria Custo à l’enseignant, peu importe qui il était, arrivé sur le terrain à temps afin d’arrêter le combat.

    Ils ne pouvaient pas l’expulser le premier jour, n’est-ce pas ?

    — Et tu t’es vengé. Ça suffit.

    Ce n’était pas un enseignant, mais un jeune plus âgé. Eh bien, Custo pouvait le prendre aussi. Il se laissa pendre de tout son poids afin de filer. Des boutons sautèrent, mais l’autre s’accrocha.

    — Je suis Adam Thorne, dit-il, apparemment imperturbable, et nous allons être amis.

    Custo lutta contre l’emprise d’Adam. Il donna un coup de pied sur les mocassins guindés du garçon, un truc de bébé, mais il était trop déséquilibré par Adam pour pouvoir en faire plus.

    — De grands amis, corrigea Adam d’une voix basse et triste. Les autres, déguerpissez. Pas le temps ni la place, les gars.

    Le gamin maigre se dépêcha de se lever et disparut avec le reste du groupe. Custo leva le menton vers eux alors qu’ils regardaient en arrière. Mettez-moi au défi, pour voir.

    Adam lui avait sauvé la vie, ce jour-là. Une autre expulsion l’aurait renvoyé dans les rues, en permanence.

    L’écouteur de Spencer bourdonna à travers l’obscurité trouble de la mémoire de Custo.

    — Répète, dit Spencer. Adam est ici ?

    Le cœur de Custo se serra. Putain de stupide héros.

    — J’imagine que nous n’avons plus besoin de toi, siffla Spencer au visage de Custo. C’était vraiment trop facile.

    Non ! Attendez ! Il devait avertir…

    Un coup de tonnerre blanc de douleur, et la conscience de Custo se propagea comme de l’eau qui se déverse d’un contenant d’argile tombé, et sa vie s’éparpilla en autant de morceaux autour de lui. L’étendue du loft s’ouvrait à sa perception, un sixième sens qui s’était renforcé de façon exponentielle en l’absence de tous les autres.

    Dans la grande pièce au-delà, Adam et Talia tenaient le coup près de l’ascenseur, la pénombre s’échappant en vagues soyeuses de Talia. Elle se tenait au bord de l’Ombre, un pied dans la mortalité, l’autre au-delà, contraignant l’Autre à enténébrer la salle, afin de les dissimuler pour éviter la capture.

    L’esprit de Custo fut aussi assombri par l’Ombre. L’obscurité vacilla sous les souvenirs foudroyants. La première fois qu’il avait eu des relations sexuelles, Janet Summerton, avec ses seins couleur pêche et ses cheveux roux ; l’université, toujours avec le fric de son père, en résidence avec un crack en informatique qui étudiait grâce à des bourses ; l’appel affolé d’Adam pour de l’aide lorsque son frère Jacob était devenu fou, transformé en spectre, et avait tué leurs parents. Les éclairs de souvenirs s’avançaient à chaque battement cardiaque tremblant vers la décision d’entrer dans le bâtiment du loft pour rencontrer Adam et Talia, alors que l’endroit avait de toute évidence été compromis.

    Et Custo le referait. Ma vie pour la sienne.

    Spencer traversa la pièce et se tint dos à la porte de la chambre, l’arme prête contre sa poitrine, totalement inconscient de la forêt obscure d’arbres sombres qui poussait à la place des murs en dissolution. Des troncs noirs et des membres squelettiques se tendaient vers un ciel violet à travers lequel de brillantes étoiles étincelaient, chacune possédant une queue de comète qui se glissait et diffusait le passage du temps.

    Un vent gris se déchaîna dans la pièce alors qu’Adam donnait un coup de pied sur la porte et enfonçait deux balles dans la tête de la femme spectre. Elle s’affaissa avec un bruit sourd, les yeux écarquillés, mais elle ne mourrait pas, car elle ne pouvait pas mourir. C’était le marché qu’elle avait conclu : une vie monstrueuse à se nourrir des âmes en retour de l’immortalité.

    Adam et Spencer parlaient avec des gestes de colère, mais les mots sombraient sous le sifflement et le soulèvement des Ombres qui s’intensifiaient. Spencer s’éclipsait dans la pièce quand Adam aperçut le corps abîmé sur la chaise.

    Adam, il y a un autre traître à Segue, dit Custo.

    Mais Adam ne montrait pas qu’il avait entendu l’avertissement. Il tomba à genoux devant la chaise de Custo.

    Adam ! Écoute-moi !

    Les arbres grandirent et atteignirent leur maturité, et leurs branches formèrent un tunnel sombre menant Dieu sait où.

    Adam !

    Custo regarda en arrière, une dernière fois, dans la mortalité. Son corps avait été libéré de ses liens, et Adam avait du mal à le transporter vers le lit, son visage contracté par la rage et le chagrin.

    Ce n’était pas nécessaire, pas la peine, jamais la peine. Mais bien sûr, Adam ne pouvait pas l’entendre.

    La noirceur frissonna, Ombre après Ombre. Quelque chose se préparait.

    Des profondeurs, une lueur de métal argenté s’arqua dans un croissant de lune funeste. C’était une faux. Les Ombres tourmentées se séparèrent, et une silhouette émergea, enveloppée dans une cape d’obscurité. La tête de l’Homme de l’Ombre était en partie recouverte d’un capuchon, mais son visage captait la lumière des étoiles. Ses traits brillaient d’une beauté fantastique, mais ses yeux étaient des puits de solitude. Ce n’était pas étonnant : son existence était remplie d’un travail sinistre et solitaire. Custo ne pouvait pas blâmer l’âme torturée d’avoir volé un moment humain à l’amour, même si ce moment avait permis à un démon de lever une armée de spectres dans le monde. Si quelqu’un pouvait trouver un moyen de tuer le démon, c’était Adam et la fille de l’Homme de l’Ombre, la banshie Talia.

    Il faut que je l’avertisse. S’il vous plaît.

    L’Homme de l’Ombre était impassible. Son expression était aussi impitoyable que la pierre. Avec sa main, il saisit la faux et balança lentement son bras, comme s’il ouvrait une porte vers l’oubli.

    La mort, puis l’enfer… Custo rassembla ce qui lui restait de courage, luttant contre le tremblement de peur pur et profond. Il était interdit de pleurnicher.

    Il s’éloigna de la douleur et se dirigea vers l’incertitude alors que le tunnel de branches pointues tendait vers un point brillant de lumière. C’était probablement un feu incandescent qui brûlerait pour l’éternité le sang qui entachait son âme.

    De chaque côté de la voie sombre, il y avait des chuchotements, des yeux miroitants, une assemblée magique pour chasser les créatures errantes du chemin. Le passage conduisait à une côte vierge, où une barque étroite attendait pour les transporter à travers un canal gris vers une très haute porte. La lumière de l’enceinte se déplaçait de part en part de l’étendue aux teintes variées de l’arc-en-ciel, d’abord bleu et jaune, puis azur et vert intense.

    Il devait y avoir une erreur ; même Spencer connaissait la vérité. L’Homme de l’Ombre le livra au portail brillant, qui s’ouvrit en signe de bienvenue. La lumière était aveuglante. Un chant de joie vive s’éleva, afin d’applaudir à l’addition d’un être de plus pour l’Hôte ultime.

    Custo se tourna vers l’Homme de l’Ombre, mais la Mort avait disparu.

    Ce n’était donc pas l’enfer. C’était pire encore : une blague cosmique, une âme ensanglantée parmi les anges.

    Il était un menteur, un assassin, un voleur, mais jamais un hypocrite. Il n’avait pas sa place ici.

    La porte brillante se referma derrière lui, tintant comme une cloche d’église le dimanche.

    Custo posa les mains sur la surface spectaculaire. Il devait y avoir un moyen de sortir, une façon d’ouvrir la porte et d’aller prévenir Adam.

    Custo donna un coup de poing contre l’entrée.

    Sinon, de bonnes gens mouraient chaque jour. La Mort finirait par revenir, et au diable si Custo n’était pas prêt.

    Chapitre 1

    Les pieds en pointe, Annabella sauta et exécuta une souple arabesque, les bras légèrement croisés sur sa poitrine, la tête baissée dans un souffle fantomatique de soumission. Par son mouvement cambré, la jupe de son long tutu de pratique créa une cloche de mariage blanche silencieuse dans les miroirs à l’avant du studio. Le moment s’étira alors q ue les acc ents éthérés de Giselle remplissaient la pièce. Le premier gémissement étrange des cordes… le deuxième…

    Elle respira légèrement et inclina son poids vers l’avant en même temps que son partenaire la propulsait dans un vol sans heurt.

    — Arrêtez. Arrêtez. Arrêtez.

    Thomas Venroy frappa sa canne contre le sol, afin qu’on interrompe la musique. Le directeur artistique communiquait presque tout avec de petits coups vifs de sa canne. En dépit de la chaleur humide et oppressante du studio, il portait un pantalon habillé et une chemise boutonnée. Sa tête presque chauve était couverte d’une mince mèche de ses cheveux gris ramenés sur le dessus.

    Annabella se détendit, abandonnant la pose, la poitrine haletante, les mains calées sur les hanches. L’air conser­vait de vieilles odeurs de transpiration, mais personne n’aurait imaginé ouvrir une fenêtre pour laisser entrer l’air froid et risquer de se donner des crampes musculaires.

    Elle regarda par-dessus son épaule vers son partenaire, Jasper Morgan. Il avait profité de la pause pour prendre une serviette de son sac et s’essuyer. Les autres danseurs qui composaient le corps de ballet se prélassaient sur la barre ou étaient assis sur le sol le long du mur au fond du studio. Ils avaient pratiqué pendant plus de cinq heures, mais la répétition générale de demain viserait plus la mise en scène et les costumes que le peaufinage des mouvements. C’était maintenant qu’ils devaient tout régler. Elle resterait toute la nuit, s’il le fallait. C’était son premier rôle principal. Sa Giselle devait être parfaite, même si la compagnie ne jouait que le deuxième acte pour la soirée de gala.

    Jasper jeta la serviette sur son épaule et s’accroupit sur le sol, probablement pour s’étirer le dos. Celui d’Annabella la faisait souffrir aussi. En rentrant chez elle, elle avalerait une bouteille d’ibuprofène, prendrait un bain chaud et braillerait comme un bébé, mais pas maintenant, pas avec les gens qui regardaient.

    — Annabella, dit Venroy de son tabouret devant les miroirs frontaux, vos épaules sont complètement tendues. Vous êtes censée être une wili. Un fantôme. Un nuage de fumée.

    Il y avait une tension. En effet, elle était tellement stressée qu’elle croyait en perdre la tête.

    Elle se redressa.

    — Je ferai mieux, dit-elle. J’ai perdu ma concentration, c’est tout.

    — Anna.

    D’un geste, Venroy rejeta ses paroles.

    — Vous êtes fatiguée. Jasper est fatigué. Rentrez à la maison et…

    — Non, l’interrompit Annabella.

    Elle grimaça devant le ton aigu de sa voix, prit une profonde respiration et supplia.

    — Je dois arriver à bien le faire. Je l’ai presque. Je le sens. Une autre fois.

    Venroy fronça les sourcils. Une des filles à l’arrière murmura « diva », mais Anna ne tourna pas la tête. Ce qu’ils pensaient d’elle n’avait pas d’importance, pas vraiment. Elle avait donné sa vie pour le ballet ; elle ne s’attendait pas à ce qu’on commence maintenant à l’inviter à des soirées pyjama.

    Elle baissa les yeux vers Jasper.

    — S’il te plaît ?

    Jasper gémit en se levant, mais il serra sa serviette en boule et la lança sur le côté de la salle. Il jouait des rôles principaux depuis deux ans déjà et il était tout aussi investi dans cette performance. À un mètre quatre-vingt, il avait la taille idéale pour sa partenaire. Ses beaux cheveux blonds et ses yeux bleus paraissaient toujours bien sur scène, sans mentionner qu’il remplissait bien une paire de collants. Il était dommage qu’il soit homosexuel.

    Le soutien réticent de Jasper l’encouragea. Elle regarda à nouveau Venroy d’un air interrogateur.

    — Oh, d’accord. Une dernière fois.

    Le regard de Venroy se déplaça vers les danseurs près du mur arrière.

    — Préparez-vous.

    Annabella revint à sa position de départ et attendit que la musique commence. C’était une dernière chance pour la « perfection » avant le grand soir.

    Elle prit une profonde respiration, les épaules détendues… elle était prête.

    Le lecteur de CD fit à nouveau entendre la musique douce, et elle se laissa guider par les rubans sonores. Elle glissa à travers les pas intermédiaires qui suivaient le pas de deux, le contact de ses pointes presque silencieux sur le sol.

    Elle lia les mouvements discrets, de sorte que son pas de danse avec arabesque devenait le passage hanté d’une sylphide de la forêt. Elle se défit d’Annabella et se laissa envoûter par la magie du ballet. Elle laissa la danse la transformer en fantôme, la wili de Giselle.

    L’arabesque, une respiration, et les mains solides de Jasper la prirent par la taille, afin de faire voler son corps à travers le ciel.

    Il la posa doucement sur le sol de la forêt, près de sa tombe, puis s’avança pour l’embrasser, pour capturer l’esprit de son amour. Trop tard, trop tard, l’infidélité du prince Albrecht avait brisé son faible cœur, et elle mourut. Maintenant, il vient à minuit pour la pleurer.

    — Légèrement ! N’oubliez pas vos bras ! cria Venroy.

    Annabella corrigea l’angle de son port de bras, afin de prendre une apparence hésitante, l’inclinaison de sa tête la faisant paraître affligée. Elle flotta à nouveau, sur la pointe des pieds, agitée par une brise qui errait à travers les arbres sombres.

    — Oui ! Ne laissez pas Jasper vous attraper !

    Jasper s’embrouilla dans sa vision tandis qu’elle se mettait à courir doucement vers l’arrière-scène. Si elle le regardait, le regardait vraiment, elle perdrait l’élan de l’échappé, le voyage magique entre ici et l’Au-delà. Son sang pétillait à travers son corps qui vibrait, et elle sentait picoter le bout de ses doigts dans le balayage et le tournoiement de chaque extension. L’obscurité

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