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Le sanctuaire
Le sanctuaire
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Livre électronique444 pages6 heures

Le sanctuaire

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À propos de ce livre électronique

Il y a maintenant une semaine, Lela Santos, 17 ans, apprend que sa meilleure amie Nadia s’est suicidée. Aujourd’hui, à cause d’un rite d’adieu ayant mal tourné, Lela se retrouve au paradis, qui se trouve proche d’une vaste cité emmurée… l’enfer. Personne
ne songerait à franchir les Portes du suicide de plein gré pour se rendre dans cette cité plongée dans l’obscurité et infestée de créatures dépravées. Personne sauf Lela. Elle qui est déterminée à sauver l’âme de sa meilleure amie, même si elle y doit sacrifier sa vie.

Au cours de ses efforts visant à trouver Nadia, Lela est capturée par des gardes, d’énormes créatures à demi-humaines qui patrouillent dans les rues de la cité sombre. Leur capitaine, Malachi, un véritable humain, ne leur ressemble en rien, sauf sur un point: son efficacité de combattant. Lorsqu’il rencontre Lela, Malachi établit à son tour son propre plan: la faire sortir de la cité, même si cela signifie qu’elle doit abandonner Nadia. Malachi sait quelque chose que Lela ignore: cette dernière pourrait se retrouver dans un endroit encore pire que la cité sombre. Il fera tout pour lui éviter ce destin.
LangueFrançais
Date de sortie30 mars 2018
ISBN9782897678494
Le sanctuaire
Auteur

Sarah Fine

Sarah Fine is the author of several popular series, including The Impostor Queen and the Guards of the Shadowlands. And while she promises she is not psychoanalyzing those around her, she manages to use both her talent as a writer and her experience as a psychologist to great effect. Sarah's stories blur lines, challenge convention, and press boundaries. Her mash-up of seemingly disparate genres yields stories that not only are engaging but will keep readers guessing. Sarah has lived on the West Coast and in the Midwest, but she currently calls the East Coast home. She confesses to having the music tastes of an adolescent boy and an adventurous spirit when it comes to food (especially if it's fried). But if her many books are any indication, writing clearly trumps both her musical and culinary loves.

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    Aperçu du livre

    Le sanctuaire - Sarah Fine

    PROLOGUE

    À ma première journée de la rentrée au Warwick High School, si vous m’aviez dit que j’allais entreprendre une véritable descente aux enfers pour venir en aide à l’un ou l’une des élèves de cette institution, de surcroît à la reine de beauté de l’école, j’aurais ri. Ou peut-être vous aurais-je enfoncé la pointe de mon stylo à bille dans la peau (la journée avait été plutôt difficile).

    J’étais à l’extérieur à l’heure du midi, derrière l’école, en train de m’allumer une cigarette dont j’avais bien besoin, lorsque j’aperçus cette jolie blonde qui portait des vêtements plus chers que la somme des chèques versés pendant une année à une famille d’accueil. Le regard de ses yeux bleu pâle défila sur la clôture jusqu’à se poser sur ce grand jeune homme mince aux jeans sales qui se tenait près de moi. Elle vint en sa direction et lui parla d’une voix tremblotante.

    — Angela m’a dit que tu as de l’OC¹. C’est vrai ?

    Jeans Sales se redressa.

    — Angela a peut-être raison ; tout dépend de ce que tu as pour moi.

    La fille plongea les doigts dans son sac à main et en sortit plusieurs billets qu’elle brandit en l’air. J’aurais eu envie de lui donner une claque derrière la tête. Personne ne lui avait jamais appris à ne pas montrer son argent en public ?

    Jeans Sales sourit en la contournant, puis la plaqua contre la clôture.

    — Je crois que tu as peut-être davantage que ça à m’offrir. C’est ta première fois ?

    Comment appelle-t-on ça, déjà ? Une fâcheuse expression à double-sens ! J’aurais dû sur-le-champ lui écraser ma cigarette dans l’œil. Je ne suis sûrement pas la seule fille à fantasmer sur ce genre de gestes.

    Le visage de la blonde se plissa.

    — Ma première… ah, ici en arrière… tu veux dire ?

    Ne voyait-elle pas que ce voyou voulait profiter d’elle ? Il allait manifestement lui prendre son argent, mais elle l’avait bien cherché. Et de la façon dont il la regardait, j’aurais parié qu’il essaierait de lui demander le double du prix pour sa dose. Et là, je trouvais qu’il exagérait.

    J’aurais dû m’en moquer. Après tout, depuis mon arrivée le matin même pour ma première journée de la rentrée, accompagnée au secrétariat par ma nouvelle mère d’accueil et mon agent de probation, j’avais entendu des filles comme elle passer des commentaires vaches sur mes cheveux rebelles et mes vêtements de piètre qualité achetés à rabais chez Kmart². J’avais vu ces filles reculer pendant que je marchais dans le couloir. Je les avais entendues murmurer que j’avais tué quelqu’un, ce qui n’était absolument pas vrai. J’avais seulement presque tué quelqu’un. Je m’étais attendue à toutes ces rumeurs, à tous ces airs pincés, et j’avais déjà décidé que j’allais me moquer de ce qu’on penserait de moi. Je n’avais de compte à rendre à personne dans cette école. Alors ­pourquoi ­m’intéresser à cette petite snob qui allait avoir un rapprochement non désiré avec un petit revendeur de drogue en devenir ?

    Mais… au moment où je vis le sang de la blonde quitter son visage déjà blême, je sus que je serais incapable de regarder passivement cette scène sous mes yeux.

    J’écrasai ma cigarette et je me rapprochai d’eux de quelques pas. Je ne suis pas imposante, mais je ne suis pas non plus qu’une vulgaire maigrelette. J’étais capable de faire des pompes autant que les hommes. J’avais eu suffisamment de temps libre à cet effet au RITS³ : la prison juvénile du Rhode Island. Je connaissais aussi l’importance d’être capable de me défendre par moi-même. C’était l’un des nombreux effets secondaires liés à mon placement en famille d’accueil chez Rick Jenson. Après quelques mois passés sous ses « soins », j’avais tenté de me suicider. Comme ça n’avait pas fonctionné, j’avais agi différemment. En le frappant de mon mieux, me faisant ainsi envoyer dans une prison juvénile. C’était là que j’avais appris à ne pas avoir peur des gars comme Jeans Sales.

    — Allons, lançai-je brutalement en faisant un autre pas. Laisse-la acheter ses pilules et retourner auprès de ses amies.

    — Tais-toi, répondit Jeans Sales en s’approchant de la fille qu’il dominait du haut de sa taille.

    Il ne me regarda même pas. Il ne me croyait pas menaçante. Génial.

    La cloche sonna la fin de la pause du midi. J’étais à une sottise près d’être renvoyée au RITS ; j’aurais donc dû me précipiter en classe, mais je n’arrivais pas à me convaincre de la laisser seule avec lui. Je savais ce que c’était de se sentir impuissante et coincée, malgré tous les efforts que je mettais pour oublier.

    — Prends l’argent, gémit-elle, et laisse-moi retourner en classe.

    — Ah, mais tu ne peux pas partir maintenant. Nous devons discuter du paiement.

    Jeans Sales avait susurré ces mots en me décochant un regard de biais. Je voyais presque ses neurones s’activer dans son petit cerveau ; le gars semblait vouloir profiter de nous deux, il semblait croire que j’embarquerais dans son jeu. Et comme je m’y attendais, il commença à passer son bras autour de mon cou pendant qu’il s’adressait encore à l’autre fille.

    — Je veux sentir ta jolie bouche sur mon…

    Je lui donnai un coup de poing dans l’estomac, ce qui fit plier le garçon vers l’avant. Je me tournai vers la fille, qui semblait sur le point de l’accabler d’injures.

    — Qu’attends-tu ? Va-t’en d’ic…

    Jeans Sales me saisit par les cheveux et me tira vers l’arrière. Je lui écrasai le pied d’un coup de talon et lui assénai un coup de coude à l’estomac. Il en eut le souffle coupé et me lâcha les cheveux. Je me précipitai derrière lui, sortant de ma poche la seule arme en ma possession : un stylo à bille.

    Je lui donnai un vif coup de pied à l’arrière du genou et lui saisis à mon tour une poignée de cheveux pendant qu’il titubait. Il tomba à genoux et, de ma main qui lui tenait encore les cheveux, je lui tirai la tête vers l’arrière, puis appuyai la pointe de mon stylo contre son cou.

    — Prêt à retourner en classe ?

    Je me permis le luxe d’enfoncer le stylo un peu plus, faisant ainsi une empreinte profonde entourée d’encre bleue.

    Il leva les mains de chaque côté en guise de défense, mais les baissa rapidement lorsque le stylo s’enfonça davantage dans sa peau.

    Il grimaça et parla d’une voix éraillée.

    — Ouais, d’accord, mais je vais te retrouver après les cours…

    Je fis balancer sa tête de l’arrière vers l’avant.

    — Ton petit jeu d’enfant de riche qui rêve de devenir gangster ne m’impressionne pas du tout. Je préfère te dire tout de suite que je n’hésiterai pas à te détruire si jamais tu t’avisais de faire le moindre petit geste en ma direction. J’ai même des amis à Providence qui ne demanderaient pas mieux que de m’aider. Aimerais-tu les rencontrer ?

    En fait, je n’en avais pas vraiment. Mais avec ma réputation, en disant aux morveux de son espèce que j’avais « des amis à Providence », il ne pensait qu’à une chose : aux latinos. Si je devais vivre avec ce stéréotype qui me caractérisait, alors pourquoi ne pas en profiter à l’occasion ?

    Jeans Sales secoua la tête. Il ne me regarda pas dans les yeux ; je savais ainsi qu’il n’abandonnerait pas la partie… et qu’il m’attaquerait par-derrière à la première occasion. Soudainement fatiguée, je lui lâchai les cheveux.

    — J’ai entendu parler de toi. Tu viens juste de sortir du RITS, n’est-ce pas ? Ça veut dire que tu es en probation.

    Des gouttelettes de salive s’échappèrent de sa bouche lorsqu’il se leva.

    — Alors devine quoi. Tu t’apprêtes à y retourner…, termina-t-il.

    — C’est là que tu te trompes, l’interrompit la fille dont j’avais presque oublié la présence. Si jamais tu racontes ce qui vient de se produire à qui que ce soit, je vais aller chez le directeur, et de ma jolie bouche je lui dirai en pleurant que tu m’as agressée sexuellement. On verra bien qui se ramassera alors au RITS.

    Je commençais à aimer cette fille.

    Jeans Sales se tut. Tout le monde le croirait sûrement s’il m’accusait, moi, de l’avoir attaqué, mais il n’aurait plus aucune crédibilité si cette fille se rangeait derrière moi.

    — Sois sur tes gardes, espèce de garce, finit-il par rétorquer.

    Il pivota sur ses talons et se dirigea vers l’école d’un pas rapide.

    La fille se tourna vers moi. Elle semblait si soulagée que je crus un instant qu’elle allait tomber.

    — Merci mille fois, dit-elle en me tendant une main tremblante. Je m’appelle Nadia Vetter.

    C’était un geste si formel que je faillis en rire, ce qui aurait tout gâché. Je lui serrai plutôt la main.

    — Lela Santos, répondis-je. Je t’en prie. Et merci à toi aussi.

    La cloche sonna une fois de plus, ce qui me fit pousser un grognement. Nadia inclina la tête.

    — Quel est ton prochain cours ?

    — Anglais. Avec…, commençai-je en sortant mon horaire froissé de ma poche, Hoffstedler ?

    Elle se pencha pour regarder le numéro de local.

    — J’ai un cours d’histoire dans la classe d’à côté. Viens. Je vais te reconduire.

    Elle se dirigea vers l’entrée de l’école, puis elle s’arrêta et regarda par-dessus son épaule.

    — Tu viens ? Il vaudrait mieux que je t’y conduise. Comme ça, nous pourrons dire que tu es en retard par ma faute, dit-elle dans un large sourire. On me pardonne toujours tout.

    J’ouvris et fermai la bouche quelques fois, essayant de me faire à l’idée que cette snobinarde était en fait ­gentille alors que je m’attendais à ce qu’elle me dise rapidement merci avant de se mettre à faire semblant que je n’existais pas. Finalement, je cessai de tenter de trouver les bons mots et je la suivis tout simplement dans l’école.

    À ma deuxième journée de la rentrée au Warwick High School, si vous m’aviez dit que j’allais accepter d’entreprendre une véritable descente aux enfers pour venir en aide à la chouchoute de l’école, je vous aurais peut-être cru.

    1. N.d.T. : OC signifie OxyContin ou Oxycodone. Certains consommateurs utilisent ce produit antidouleur comme substitut ou complément à des opiacés de la rue comme l’héroïne.

    2. N.d.T. : Grande chaîne de magasins à bas prix aux États-Unis.

    3. N.d.T. : Rhode Island Training School.

    1

    Un an plus tard…

    Mes muscles se contractaient, puissants et dociles, me repoussant et me rapprochant du sol. Encore et encore, jusqu’à ce que mes bras se mettent à trembler et que ma respiration ne soit plus que halètements bruyants dans ma gorge. Je persistai quelques instants, pour me prouver que j’en étais capable. Après ces pompes, je me mis aux redressements assis.

    Le coup à la porte me tira de mes répétitions machinales.

    — Ma belle ? Tu es affreusement silencieuse là-dedans.

    Je me laissai retomber sur le dos et inclinai la tête vers la porte en repoussant mes cheveux frisés, maintenant humides de sueur. Diane, ma mère d’accueil, entrouvrit la porte et jeta un coup d’œil à l’intérieur.

    Je me rassis et m’essuyai le visage de ma manche.

    — Je viens de finir. Tu peux entrer.

    Elle ouvrit complètement la porte.

    — Tu t’entraînes fort.

    Je pris le verre d’eau sur ma table de chevet.

    — C’est encore ce qu’il y a de mieux à faire, je crois bien.

    Elle fit un signe de tête en direction des livres et des feuilles éparpillées sur mon bureau.

    — Je ne sais pas où tu trouves toute cette énergie. Tu te couches si tard, dit-elle en fronçant les sourcils, provoquant un pli juste au-dessus sur sa peau foncée. Je sais, en revanche, que tu ne dors pas assez.

    En fait, je ne dormais plus d’un sommeil réparateur depuis déjà quelques années, mais je n’en parlais pas.

    — J’avais beaucoup de rattrapage à faire.

    Au cours de cette dernière année passée chez Diane, mes résultats scolaires s’étaient améliorés, mais j’avais tout juste réussi à faire remonter ma moyenne pondérée cumulative.

    — Tu t’en es bien sortie, va. As-tu vérifié si nous avons reçu du courrier aujourd’hui ?

    — Ouais. Rien.

    Elle haussa les épaules.

    — Ne t’en fais pas, ma belle. Je sens que nous allons bientôt avoir des nouvelles.

    J’avais parfois l’impression que ma seule et unique demande d’admission à une université était plus importante aux yeux de Diane qu’aux miens. Toutefois, même si je préférais ne pas l’admettre, j’avais commencé à rêver d’un avenir que je n’aurais jamais cru possible.

    — Avez-vous prévu quelque chose pour ce soir, Nadia et toi ? demanda Diane.

    — Je m’en vais chez elle. Sa mère est aux Seychelles avec son nouveau petit ami.

    — Ne faites rien de mal.

    Nous ne faisions jamais rien de mal. Et c’était la raison pour laquelle Diane aimait tant Nadia. Mis à part le fait que Nadia éprouvait de l’anxiété à trop vouloir bien faire, elle était, eh bien, parfaite. Je fronçai les sourcils. Ou ­peut-être que non, finalement. Elle semblait vraiment stressée dernièrement.

    Après avoir pris une douche rapide et mis mes choses dans mon sac à dos, je sortis. Nadia demeurait à courte distance de voiture, mais dès que je tournais dans sa rue, j’avais chaque fois l’impression de pénétrer dans un univers différent. Je me demandais toujours si ses voisins se sentaient obligés de fermer leur porte à clé et de tirer les rideaux lorsqu’ils me voyaient arriver. Ou peut-être payaient-ils quelqu’un pour le faire à leur place.

    La vieille Corolla délabrée que l’oncle de Diane m’avait prêtée semblait petite et miteuse lorsque je m’arrêtai devant les portes de garage au bout de l’allée chez Nadia. Je me stationnai près de la BMW de Tegan. Habituellement, les autres amies de Nadia s’effaçaient lorsqu’elles savaient que je serais dans les parages. Même si nous nous tenions ensemble, elle et moi, depuis presque un an, ses amies, surtout Tegan, n’en revenaient franchement toujours pas qu’elle puisse passer du temps avec quelqu’un comme moi. Environ une semaine plus tôt, cependant, Nadia en avait eu assez et elle avait déclaré à Tegan que j’étais là pour rester et que celle-ci devait accepter de m’adresser à tout le moins la parole.

    J’aurais préféré que Nadia me demande d’abord ce que j’en pensais.

    Nadia ouvrit la porte dès que je fus sortie de l’auto.

    — Je voulais vous laisser le temps de vous apprivoiser toutes les deux à la longue, mais apparemment la thérapeute de Tegan lui a dit que vous deviez sympathiser le plus vite possible.

    — Je ne suis pas vraiment heureuse… d’entendre ça.

    Elle se mordit la langue, mi-amusée, mi-gênée.

    — Ne te fâche pas.

    Je mis mon sac sur mon épaule et montai les marches avec précaution. J’avais depuis longtemps passé par-dessus mon envie de botter le cul à Tegan.

    — Ça va. À moins qu’elle ne se mette à me parler de cosmétiques et de transformations extrêmes, auquel cas là je ne répondrai plus de moi.

    Tegan jeta un coup d’œil par-dessus l’épaule de Nadia. Ses courts cheveux bruns tombaient élégamment en dégradé autour de son visage.

    — Salut, Lela. Je suis contente que ton agent de probation t’ait laissée venir nous voir, dit-elle en tendant une bouteille de boisson gazeuse à Nadia.

    Tegan était absolument nulle dans l’art de sympathiser.

    Nadia prit la bouteille et en donna doucement un coup sur la tête de Tegan.

    — Arrête ça. Ce soir, j’ai seulement le goût de relaxer.

    Tegan tira la langue à Nadia, puis elle se tourna vers moi.

    — Eh, j’ai lu quelque part qu’il y avait un festival dominicain ce week-end. Nous devrions peut-être y aller pour célébrer tes racines.

    Je fermai les yeux et secouai la tête, regrettant profondément l’existence de cette nouvelle Tegan qui m’adressait désormais la parole.

    — Lela ne vient pas de la République dominicaine, répondit Nadia à ma place.

    — Mais presque, non ?

    Tegan semblait sincèrement confuse, probablement parce que j’étais la première personne de couleur à qui elle s’adressait dans sa vie.

    — D’où viens-tu, alors ?

    — Hum, d’ici ?

    Elle leva les yeux au ciel.

    — Non, je veux dire, de quel pays es-tu originaire ?

    Ma main se serra autour de la bandoulière de mon sac à dos, au point de faire pâlir mes jointures.

    — Je suis d’ici.

    — Oh, allons, Lela, sois donc plus précise. Peut-être que tes proches ont eux aussi leur festival.

    Je soupirai.

    — Je crois que je suis portoricaine.

    — Tu crois ? Les gens ne sont-ils pas sûrs de ce genre de chose ?

    Nadia fit un pas vers l’avant et m’offrit la bouteille de boisson gazeuse.

    — Elle est à toi si tu ne t’en sers pas pour tuer Tegan, chantonna-t-elle.

    — Eh bien, Tegan, expliquai-je de ma voix qui laissait très bien voir qu’une mort douloureuse serait encore trop bien pour elle, je n’ai pas vu ma mère depuis mes quatre ans, et je n’ai pas songé à lui demander à l’époque.

    Tegan hocha la tête comme si je venais simplement de lui dire que j’aimais regarder The Bachelor ou quelque chose du genre.

    — Quel dommage. J’espérais que tu sois cubaine. J’aime vraiment les sandwichs cubains.

    Nadia ferma les yeux et secoua la tête.

    — Hum, et si tu allais commander la pizza ? suggéra-t-elle en tendant un menu à Tegan.

    Tegan leva un doigt bien manucuré et disparut dans la cuisine.

    En posant mon sac à dos sur la table du salon, je vis une grande enveloppe épaisse de l’Université du Rhode Island.

    — Oh mon Dieu, est-ce ce que je crois ?

    Nadia hocha la tête en guise d’affirmation.

    — Ça vient d’arriver aujourd’hui. En as-tu reçu une ?

    — Non. Je veux dire, pas encore, répondis-je en prenant l’enveloppe pour mieux la fixer. Félicitations, Nadia, dis-je en souriant. On dirait que nous avons une bonne raison de célébrer ce soir.

    Elle me fit un petit sourire qui ne se reflétait pas vraiment dans ses yeux.

    — Merci.

    Elle se tourna et se rendit dans la cuisine, s’attendant de toute évidence à ce que je la suive. Mais je restai là sans bouger, l’enveloppe dans mes mains, à me demander ce qui avait changé. Six mois plus tôt, Nadia m’avait pratiquement forcée à remplir une demande d’admission. Jusqu’alors, je n’avais jamais vraiment pensé à l’avenir. J’étais trop occupée à tenter de survivre à chaque instant. Mais ma rencontre avec Nadia avait tout changé. J’avais donc rempli une demande, que j’avais ensuite envoyée à l’université. Au début, Nadia était complètement folle de joie. Elle m’avait emmenée faire la visite du campus, elle disait sans arrêt à quel point ce serait génial que nous soyons toutes deux admises. Dernièrement, cependant, elle avait cessé d’en parler autant. Je posai l’enveloppe sur la table et me dirigeai vers la cuisine.

    Quelques heures plus tard, nous étions assises devant l’écran plat géant de la salle de divertissement. Tegan était pour ainsi dire totalement enivrée, vaincue par son troisième verre de Merlot.

    Nadia tenait sa propre coupe de vin contre sa poitrine comme si elle se croyait capable de l’échapper.

    — Tu es la première personne à me féliciter pour mon admission à l’URI. Tegan n’était pas impressionnée, car elle s’en va à Wellesley, et ma mère…

    Je posai ma boisson gazeuse sur un sous-verre et coupai le volume de la télévision.

    — J’en conclus qu’elle n’était pas contente ?

    Mme Vetter était rarement satisfaite de quoi que ce soit — et encore moins que je sois devenue l’amie de Nadia. Je ne l’avais connue qu’après la mort de son mari ; alors ­peut-être avait-elle meilleur caractère auparavant.

    Nadia me fit non de la tête et prit une gorgée de vin.

    — Elle veut que j’aille à Wellesley avec Teg, dit-elle dans un sourire triste. Je préférerais rester ici. L’URI, c’était tout à fait bien pour mon père…

    Je me levai et me rendis à la fenêtre, écartant les épais rideaux pour regarder la baie Narragansett. C’était Nadia qui m’avait parlé d’aller à cette université, et je m’étais imaginé que j’irais avec elle.

    Lorsque je me retournai, je vis dans son regard qu’elle savait ce à quoi je pensais.

    — Tu me manquerais, toi aussi, Lela. Mais ne t’inquiète pas. Nous irons à l’université ensemble. Ici. J’ai besoin de toi pour ne pas virer folle.

    Elle me l’avait dit plus d’une fois. Que je l’empêchais de sombrer.

    — Tu as beaucoup trop confiance en moi, marmonnai-je.

    — C’est toi qui n’as pas assez confiance en toi. Allons. J’ai besoin de toi. Tu pourras te servir de tes talents de botteuse de fesses pour me sortir du lit à temps chaque matin afin que j’aille en classe.

    Elle se croisa les mains sous le menton et battit des cils.

    — On pourrait être compagnes de chambre ?

    — Compagnes de chambre ? Mais as-tu seulement vu ma chambre ?

    Je ris, refusant de me faire de faux espoirs. Je n’avais pas encore reçu de lettre d’acceptation.

    Elle haussa les épaules.

    — Elle est un peu en désordre, c’est vrai, et tu as en plus développé cette étrange obsession pour la photographie. Mais je peux vivre avec ça.

    — Eh, c’est toi qui m’as donné l’appareil photo.

    Elle rit.

    — Je n’ai jamais rien autant regretté. J’ai créé un monstre.

    J’avais consacré la majeure partie de ma vie à essayer d’oublier mon passé. Toutefois, depuis que j’avais fait la rencontre de Nadia, j’avais vécu des moments que je voulais revivre, chérir. Lorsqu’elle m’avait donné cet appareil photo pour mes 17 ans, c’était comme si elle m’avait permis de capter tous ces moments, comme si elle confirmait que notre amitié était réelle.

    — Tu ne te plaignais pourtant pas à ton anniversaire.

    — Non. La photo que tu m’as donnée était magnifique.

    J’avais travaillé vraiment fort pour obtenir le cliché parfait de son endroit favori le long de la côte de Newport ; j’étais restée assise sur les rochers durant des heures à attendre que le soleil soit à la bonne hauteur.

    Nadia sourit, comme si elle savait à quoi je pensais.

    — Je viens d’avoir un nouveau cadre ; nous pourrons l’accrocher dans notre chambre sur le campus !

    Elle m’entoura de son bras, me faisant ainsi sursauter. C’était plus fort que moi. Même après un an d’amitié, je tressaillais chaque fois qu’elle me touchait — trop de personnes avaient posé leurs mains sur moi sans ma permission, et ce mouvement de recul était maintenant devenu un automatisme chez moi ; pourtant, j’aurais bien voulu m’en défaire. Elle retira son bras et me fit un sourire désolé, qui me fit me sentir encore plus mal. Elle n’avait pas vraiment mal agi. Ce n’était pas de sa faute si j’étais une fille brisée.

    ***

    Un léger cliquetis m’extirpa de mon sommeil, ce qui était un véritable soulagement, car j’étais une fois de plus en plein cauchemar. Après ce que m’avait fait vivre Rick, mon ex-père d’accueil, on aurait pu croire que ce serait lui qui allait hanter mes rêves par la suite. Et d’une certaine façon il était un peu responsable de ce cauchemar récurrent — il m’avait réanimée la nuit où j’avais tenté de me suicider. Dans les derniers moments précédant son intervention, je suis certaine que je me tenais aux portes de l’enfer, sur le point d’y être aspirée. Malheureusement, lorsque Rick m’avait réanimée, j’avais ramené un souvenir de cet enfer dans ma tête. C’était à ça que je rêvais. Chaque nuit. À une sombre ville emmurée. Où j’errais, perdue, incapable d’en sortir. Une voix me murmurait : « Tu es parfaite. Reviens. »

    « Reste. »

    Je frissonnai et m’assis, reprenant mes esprits, les oreilles aux aguets. J’entendis les faibles ronflements de Tegan qui provenaient du divan de l’autre côté de la pièce. Nadia n’était pas dans son lit.

    L’estomac embrouillé, je me levai et me rendis à pas feutrés vers la salle de bain, fixant la bande de lumière jaune visible sous la porte fermée. Un léger gémissement me fit grincer des dents. Je cognai.

    — Nadia ?

    — Je sors tout de suite.

    Ma main était déjà sur la poignée.

    — J’entre.

    Elle était assise sur le plancher. Me voyant entrer et fermer la porte derrière moi, elle essuya une larme de son visage du dos de ses doigts. Elle tenait toujours le flacon de pilules dans sa main.

    Je me laissai glisser par terre sur le carrelage devant elle.

    — Que se passe-t-il ?

    Elle ferma les yeux.

    — Je n’arrivais pas à dormir.

    Je lui retirai de ses doigts le flacon brun qu’elle tenait mollement. L’étiquette avait été décollée. J’appuyai sur le bouchon, le fis tourner, puis je regardai à l’intérieur. De petites pilules vertes, sur la surface ronde desquelles étaient inscrites les lettres OC. Nom de Dieu.

    — Tu m’as dit que tu en avais fini de ce truc.

    Elle me l’avait dit quelques fois, en fait. Et chaque fois, j’avais espéré que ce fut vrai.

    Elle avait un sourire fantomatique.

    — J’en ai fini. C’est vrai. Je ne veux plus en prendre. Mais tout était si stressant ces derniers temps.

    — Je comprends. Mais elles ne servent qu’à t’abrutir et à te rendre somnolente.

    Elle n’était jamais elle-même quand elle prenait ces pilules, et ça me frustrait. Quand elle n’en prenait pas, elle était ma meilleure amie, la fille qui avait réussi à déjouer mes mécanismes de défense, qui avait gagné ma confiance, qui m’avait fait croire que les choses s’amélioreraient. Lorsqu’elle était sous l’influence de l’OC, elle… n’existait plus.

    Elle renifla.

    — Ce n’est qu’un moyen de fuir, Lela. Ne ressens-tu donc jamais ce besoin de t’échapper ?

    Je poussai un rire sans joie.

    — Ouais, j’ai essayé ça une fois. C’est très surestimé.

    — Je suis parfois si fatiguée. Je veux simplement dormir, confia-t-elle en rapprochant ses genoux de sa poitrine tout en me regardant avec précaution. Et parfois je ne veux pas me réveiller.

    Mes paumes et ma nuque se couvrirent d’une sueur froide. J’inspirai, profondément, tout en m’obligeant à garder une voix douce et calme.

    — Tu ne sais pas de quoi tu parles. Non mais, sérieusement !

    Elle fronça les sourcils. Je fermai les yeux et m’efforçai de faire sortir les mots de ma bouche.

    — Savais-tu que j’ai déjà essayé de me suicider il y a des années ?

    — Quoi ?

    — Ouais. C’était… une période très difficile. Et je voulais fuir. Je me suis donc passé une ceinture autour du cou et je l’ai serrée fort.

    Je l’entendis remuer, et sa main se ferma sur mon poignet.

    — Mon Dieu, Lela. Que s’est-il passé ?

    J’ouvris les yeux et je fixai ses doigts pâles, chauds et moites, sur ma peau. Elle laissa retomber sa main.

    — Au début, j’ai vraiment cru avoir réussi. C’était une sensation géniale, comme si je m’envolais dans le ciel, dis-je en la regardant. C’était en fait mon cerveau qui manquait d’oxygène.

    Elle tressaillit.

    — Mais j’ai ensuite eu l’impression de tomber. Et je me suis affaissée par terre. Lourdement.

    Je pinçai les lèvres pendant que toutes sortes de sensations se bousculaient dans ma tête, me ramenant à cet événement, au moment même où je mourais. Mes doigts tâtaient les pavés, faisant s’accumuler de la saleté sous mes ongles. J’avais levé la tête et vu les portes. Elles s’étaient ouvertes toutes grandes, comme les pinces d’un insecte géant pointant vers un ciel noir et violet ; leurs gonds grinçaient et hurlaient.

    Derrière ces portes se trouvait une ville plongée dans le noir.

    Mon nouveau chez-moi.

    Cette ville m’attirait comme si j’avais un aimant à l’intérieur de moi. J’avançais sans pouvoir m’en empêcher, mes pieds nus faisant un bruit de claquement sur les pavés durs. Je me sentais bousculée. Quelqu’un avait trébuché sur moi en titubant, saisissant de son poing ma robe de chambre, mais j’avais réussi à m’arracher de lui. J’étais au milieu d’une foule sans fin de personnes aux traits non définis ; nous avancions tous et toutes vers les portes comme des zombies.

    Je clignai des paupières. Nadia m’observait, les yeux écarquillés.

    — Tu t’es affaissée… que veux-tu dire ? murmura-t-elle.

    — Je ne sais pas. C’était peut-être simplement la sensation de mourir. M’affaisser, toucher le fond.

    Je parlais lentement, choisissant soigneusement chaque mot. J’aurais tellement voulu lui dire. Si tu te suicides, tu vas te retrouver au pays des monstres. Mais j’avais déjà assez ­d’expérience dans la vie pour savoir que ceux et celles qui parlaient si franchement de telles choses aboutissaient généralement dans un hôpital psychiatrique. Je me demandais même parfois si ce n’était pas ma véritable place. Je frissonnai.

    Devant les portes se tenaient d’énormes créatures, qui ressemblaient à des hommes, sans en être. Elles portaient des armures, comme les chevaliers médiévaux. Des épées courbées pendaient à leur ceinture. Ces créatures poussaient les personnes entre les portes ouvertes, tout en riant et en les raillant, leurs yeux luisant comme des lanternes.

    — Bienvenue aux Portes du suicide ! hurlait encore et encore l’une de ces créatures jusqu’à ce que sa mélopée finisse par me heurter le cerveau aussi régulièrement qu’un battement de cœur.

    Je bondis sur mes pieds et pris un verre sur un côté du lavabo. Les mains tremblantes, je fis couler l’eau du robinet, toujours coincée dans mes souvenirs.

    Peu importe de quel côté je me tournais, les portes étaient devant moi, m’aspirant goulûment.

    La voix de Rick m’avait enveloppée comme un filet.

    — Réveille-toi, petite garce.

    Ma tête s’était tournée sous l’impact de sa gifle. Je sentais sous ma joue les taches sales de mon tapis de chambre jaune. Je n’avais plus de ceinture autour de mon cou. Elle pendait de la grosse main de mon père d’accueil, qui la balançait devant mon visage alors qu’il était accroupi par-dessus moi.

    — Veux-tu bien me dire ce que tu essayais de faire ? Bordel de merde ! Tu cherchais un peu d‘attention ? Je ne t’en donne pas assez ?

    Il m’avait pincé à la hanche et s’était penché sur moi, écrasant mon corps du sien, rapprochant son visage du mien en me soufflant son haleine de bière. J’étais trop étourdie et désorientée pour même essayer de me dégager de lui cette fois-ci.

    J’avais porté mes mains à ma gorge et grimacé lorsque mes doigts avaient touché les zébrures enflées et à vif laissées par la ceinture. Mes yeux s’étaient posés sur le visage de Rick. Son visage était déformé par la rage et la peur — mais j’y voyais aussi une lueur d’excitation qui m’avait mis l’estomac à l’envers, car je savais exactement ce qui viendrait ensuite.

    Les voix de ces gardes monstrueux résonnaient toujours entre mes deux oreilles lorsque Rick me jeta sur mon lit. Ses doigts épais s’étaient refermés à l’arrière de mon cou, tenant mes cheveux humides et emmêlés tout en m’enfonçant le visage dans les draps.

    — Je ne laisserai rien t’arriver, ma belle !

    Sa voix s’était adoucie, ce qui me remplissait d’effroi.

    Pendant que de sa voix rauque il me disait à quel point j’étais chanceuse qu’il m’ait trouvée à temps, qu’il ne me laisserait pas aboutir dans un hôpital psychiatrique ou dans la rue, qu’il se tairait si j’en faisais autant, que personne ne me croirait de toute manière, que la vie n’avait jamais été aussi facile…, je fixais le mur. Mais je ne voyais que les Portes du suicide s’ouvrir devant moi, m’invitant à y retourner. C’était encore plus douloureux à vivre que la présence de Rick. Car je savais maintenant que la mort ne permettait pas de fuir.

    Je clignai des yeux tandis que je revenais finalement dans le présent. Le robinet coulait toujours, mon verre débordait.

    — Crois-moi, dis-je à Nadia en fermant le robinet. Il n’existe pas d’autre monde meilleur, pas d’autre univers plus joyeux. La fuite ne règle rien. Faire de toi un zombie non plus. Occupe-toi de ta merde ici, Nadia. Et fais-le en restant sobre.

    — Facile à dire pour toi, qui ne bois jamais et qui ne prends jamais rien d’autre. Tu es forte. Moi, je n’arrive même pas à tenir tête à ma propre mère.

    Elle avait la voix râpeuse, comme si elle essayait de ne pas pleurer.

    Je baissai le regard vers elle. Je n’étais pas forte. La seule raison pour laquelle je ne me droguais pas, c’était que j’avais peur de perdre la maîtrise de moi-même, d’être incapable de me défendre. Et j’avais déjà suffisamment de soucis dans la tête. Inutile d’en rajouter. Si j’avais été forte, j’aurais été capable de surmonter toutes mes épreuves, de passer à autre chose. Deux ans s’étaient écoulés depuis ma tentative de suicide. Ma vie s’était tellement améliorée. Mais, chaque nuit, cette ville sombre m’aspirait, comme si elle ne m’avait pas vraiment laissée partir lorsque j’étais revenue dans le monde des vivants. Cet horrible endroit se manifestait également en moi en d’autres occasions, comme s’il attendait mon retour. Par l’entremise de cette voix grave et sombre qui murmurait à mes oreilles, qui m’exhortait de revenir. Parfaite, disait toujours le monstre invisible, dont le souffle chaud de son haleine nauséabonde se faisait sentir sur ma nuque. Tu es parfaite. Chaque fois, je me réveillais en cherchant mon souffle ou je me frottais les yeux jusqu’à ce que je reprenne contact avec le monde réel, me demandant pourquoi on ne me laissait pas tranquille. J’avais maintenant des raisons de vivre. Je ne voulais pas revenir en arrière.

    Je posai le verre et m’appuyai contre le lavabo.

    — Tu es plus forte que tu ne le crois. Si tu ne l’étais pas, tu n’aurais pas réussi à me tolérer comme amie.

    J’essayais de mettre un peu d’humour, n’importe quoi pour chasser les souvenirs qui me hantaient.

    Elle sourit et leva les yeux au ciel.

    — Tu ne me rends pas la tâche facile.

    Son ton joyeux fit baisser mon rythme cardiaque. Elle était presque redevenue elle-même.

    Cela me donna

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