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La fracture
La fracture
La fracture
Livre électronique457 pages6 heures

La fracture

Évaluation : 4 sur 5 étoiles

4/5

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À propos de ce livre électronique

Dans la semaine suivant le retour de Lela dans le Rhode Island, tous les médias locaux ne cessent de rapporter des témoignages inquiétants de personnes qui auraient aperçu des créatures courant à quatre pattes, ressemblant à des humains. Pour Lela, il n’y a qu’une seule explication possible: les Mazikins sont arrivés dans le monde des vivants.

Désireuse de faire croire qu’elle mène une vie normale, Lela retourne au Warwick High
School avec Malachi. La nuit venue, ils s’emploient à chercher le nid des Mazikins avec deux nouveaux gardes. L’un d’eux, Jim, une recrue délinquante, défie l’autorité de Lela à répétition. Celle-ci se démène pour que ses gardes n’aient pas de démêlés avec la justice, mais leurs erreurs ont de terribles conséquences.

Alors que s’enchaînent les douloureuses révélations et que les Mazikins se mettent à
cibler ses proches, Lela se retrouve plus vulnérable que jamais. Face à un ennemi déterminé à prendre possession de son âme, Lela devra décider à quel point elle est prête à se sacrifier pour protéger ceux qu’elle aime.
LangueFrançais
Date de sortie30 mars 2018
ISBN9782897678524
La fracture
Auteur

Sarah Fine

Sarah Fine is the author of several popular series, including The Impostor Queen and the Guards of the Shadowlands. And while she promises she is not psychoanalyzing those around her, she manages to use both her talent as a writer and her experience as a psychologist to great effect. Sarah's stories blur lines, challenge convention, and press boundaries. Her mash-up of seemingly disparate genres yields stories that not only are engaging but will keep readers guessing. Sarah has lived on the West Coast and in the Midwest, but she currently calls the East Coast home. She confesses to having the music tastes of an adolescent boy and an adventurous spirit when it comes to food (especially if it's fried). But if her many books are any indication, writing clearly trumps both her musical and culinary loves.

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  • Évaluation : 5 sur 5 étoiles
    5/5
    After falling head over heels in love with Malachi Sanctum by Sarah Fine, I expected Fractured to be no different. And I was not disappointed.This book, instead of being set in the terrifying and dark place of the Shadowlands, it’s set in the human world.At first I was a bit skeptical about how Sarah would manage to make things interesting (since the human world is such a boring place), but she did not fail in creating a captivating world.I loved seeing Lela in this book being more emotionally stable, and much more badass. There is no doubt in my mind that Lela can definitely take care of herself. She is strong, she is tough, and she can be undeniably ruthless. Loved her.Malachi is also different in this book: he’s in the human world, out of his element,; and it was fun seeing him trying to adjust to this. I loved seeing Malachi in the real world, because he was a bit like Lela was in the beginning of Sanctum.There were some new characters added to this book, and I think that they all added something interesting to the story. There wasn’t an unimportant character in the book.The way the story seemed to flow, you really had no idea where it was going, and I think that was the best part. You were constantly on your toes because Sarah could throw you a curveball at any moment! It was awesome.In this book, the romance takes a backseat to everything, and I was happy to see that. I wanted to know if I would have been able to enjoy this book without it, and I did enjoy it. I enjoyed it so much.Also, HOLY MOTHER OF CLIFFHANGERS! This book has the most devastating cliffhanger ever to exist. I don’t think I’ve ever been this emotionally damaged. This cliffhanger came completely out of nowhere, and just when you think you have more pages left. I was really surprised. I kind of admire what the author did with this book, because with that cliffhanger, you have no idea what’s going to happen with the next book. You don’t know how the characters are going to get through this situation, which means I am more than anxious for the next book in this series.
  • Évaluation : 4 sur 5 étoiles
    4/5
    THAT ENDING!!

    I cried. And, when I was done crying, I couldn't stop myself from saying wow out loud over and over again. For good or bad reasons, these books make me want to talk to myself.

    Lela and Malachi, like I said before, I ignored what was going on between them romantically. And it was hard considering no matter what Lela was talking or thinking about, it always came back to Malachi. I'm just not a romance person. However none of that mattered though, because I'm in love with this Trilogy so far.
  • Évaluation : 4 sur 5 étoiles
    4/5
    This was initially going to be 3.5 stars, but the ending made it 4 stars. As it often happens with sequels, it wasn't as good as the first book, I actually had quite a lot of issues with it, I found it slow most of the time and there were few scenes that made me feel anything at all. I also found that the first person narration bothered me a lot, an issue which I didn't have in the first book. On the bright side, there were parts that caught me by surprise, I loved Jim and Henry, and Lela is still a great protagonist. I will definitely be reading the third one.

Aperçu du livre

La fracture - Sarah Fine

C1 - Les gardes de la terre des ombres - 2 - La fracture.jpg

Copyright © 2013 Sarah Fine

Titre original anglais : Fractured

Copyright © 2017 Éditions AdA Inc. pour la traduction française

Cette publication est publiée avec l’accord de Skyscape

Tous droits réservés. Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite sous quelque forme que ce soit sans la permission écrite de l’éditeur, sauf dans le cas d’une critique littéraire.

Éditeur : François Doucet

Traduction : Catherine Vallières

Révision linguistique : Daniel Picard

Correction d’épreuves : Nancy Coulombe, Féminin pluriel

Conception de la couverture : © 2013 Tony Sahara

Montage de la couverture : Mathieu C. Dandurand

Photo de la couverture : © Shutterstock

Mise en pages : Kina Baril-Bergeron

ISBN papier 978-2-89767-850-0

ISBN PDF numérique 978-2-89767-851-7

ISBN ePub 978-2-89767-852-4

Première impression : 2017

Dépôt légal : 2017

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Bibliothèque et Archives Canada

Imprimé au Canada

Participation de la SODEC.

Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC)

pour nos activités d’édition.

Gouvernement du Québec — Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres — Gestion SODEC.

Conversion au format ePub par:

Lab Urbain

www.laburbain.com

C1 - Les gardes de la terre des ombres - 2 - La fracture.jpg

Pour Alma, ma guerrière à moi

1

Ma ravisseuse arpentait le hall d’entrée à pas lourds tandis que j’étais assise sur une chaise en bois appuyée contre le mur. Mon cœur battait à tout rompre, au même rythme que les pensées qui se bousculaient dans ma tête. Mon instinct me disait de fuir , de fuir au plus vite .

Mon côté rationnel cependant, qui de prime abord ne semblait pas faire le poids contre mes réflexes instinctifs, réussit quand même à me faire entendre raison. Ma vie n’est pas en danger. Je vais m’en sortir vivante. Du moins, je l’espère.

Je m’inclinai vers l’avant et ancrai mes pieds sur le plancher en estimant le nombre de secondes dont j’aurais besoin pour atteindre la sortie.

Le regard farouche de ma geôlière me fit comprendre qu’elle lisait dans mes pensées. Elle s’arrêta devant la porte et se croisa les bras sur sa poitrine.

— N’y songe même pas, ma belle ! Je suis chargée de ta surveillance. Et je n’entends pas à rire à ce sujet.

J’inclinai la tête vers l’arrière et la cognai doucement contre le mur.

— C’est bien parce que tu le veux !

Diane laissa entendre son habituel murmure de désapprobation.

— Tu viens de vivre un grave événement, et maintenant…

Un coup à la porte me permit d’échapper à son sermon ; mon cœur s’emporta de plus belle à la pensée de la personne que j’allais bientôt voir dans l’embrasure. Je me levai sur mes jambes tremblotantes pendant que Diane tournait la poignée et ouvrait grand la porte.

Je commençais à peine à m’habituer à le voir porter des vêtements normaux plutôt qu’une armure et une tenue de corvée. Il était arrivé une semaine plus tôt à mon école ; il avait l’air d’un élève ordinaire du niveau secondaire, non plus d’un garde meurtrier. De fait, « ordinaire » n’était probablement pas le bon mot. Il lui était impossible d’avoir l’air ordinaire, même en essayant. Et il essayait fort. Ce soir, il portait un jean et une veste grise à capuchon. Des cheveux de jais encadraient la peau olive de son visage anguleux et austère, ses yeux étaient si sombres qu’on aurait dit des cercles d’ébène, et il affichait une expression qui ne m’était pas inconnue.

Il faisait de son mieux pour avoir l’air inoffensif, mais il ne réussissait pas très bien. Il avait toujours l’air d’une personne capable de tuer quelqu’un d’autre sans effort.

Probablement parce que c’était là la vérité.

— Madame Jeffries ?

Même s’il s’exprimait parfaitement en anglais, il insistait sur chaque consonne, sur chaque voyelle, ce qui lui conférait son accent précis et sec qui correspondait parfaitement à son apparence. Il tendit la main.

— Malachi Sokol. Enchanté de faire votre connaissance.

Je fus à côté de Diane juste à temps pour voir ses sourcils toucher presque la naissance de ses cheveux. Au cours de sa carrière d’agente correctionnelle à la prison à sécurité moyenne de la région, elle avait développé un sixième sens face au danger. Et Malachi avait manifestement déclenché une alarme à l’intérieur d’elle. Elle lui serra la main et recula pour lui permettre d’entrer.

— Je suis moi aussi ravie de te connaître. Lela dit que tu viens tout juste d’arriver aux États-Unis ?

— Oui, je fais partie d’un programme d’échange d’étudiants de courte durée. C’est pour moi une belle occasion de connaître la culture américaine avant d’obtenir mon diplôme, répondit-il, tournant tout de suite son attention… vers moi.

Il me fit un sourire dévastateur, et ses yeux croisèrent les miens. De l’arrière de son dos, il fit apparaître un petit bouquet de fleurs jaunes et blanches accompagnées de plusieurs boutons vert pâle, le tout enveloppé dans un papier cellophane.

— Elles sont pour toi.

J’eus besoin de quelques secondes, mais je réussis à coordonner mes mains et mes doigts pour accepter le bouquet qu’il me tendait.

— Merci, dis-je, dans un murmure étouffé.

Malachi baissa les sourcils. Une pointe d’inquiétude apparut dans ses yeux avant qu’il ne se tourne vers Diane.

— J’aimerais vous présenter mon père d’accueil, dit-il en faisant un geste vers l’escalier derrière lui.

Raphaël, vêtu d’un pantalon kaki et d’un chandail, entra et tendit la main.

— Madame Jeffries, je m’appelle John Raphaël. Merci beaucoup de nous avoir invités à ce repas. J’ai été content d’apprendre que Malachi s’était déjà fait une amie.

Son sourire lui transforma le visage. Ce visage des plus communs devint soudain… comment dire… angélique. On ne pouvait plus l’oublier. Lorsque Raphaël souriait, je regrettais chaque fois de ne pas avoir mon appareil photo.

Diane laissa s’échapper la tension accumulée en elle lorsqu’elle serra la main de Raphaël. Son visage se détendit et afficha un sourire chaleureux.

— J’étais contente moi aussi pour Lela, dit-elle, me faisant presque pouffer de rire.

Nous nous étions plutôt vivement disputées en après-midi après que je lui eus demandé si je pouvais sortir ce soir-là avec Malachi. C’était la première fois que je lui demandais la permission de sortir avec un garçon, la première fois que je lui parlais même d’un garçon en fait, et à en juger par la manière dont elle avait porté la main à sa poitrine, elle avait vraiment été surprise. D’autant plus que tout avait été si triste depuis le suicide de Nadia. Diane ne pouvait pas comprendre comment j’avais pu guérir de mon deuil en moins d’une semaine.

Elle ne savait pas que j’avais suivi Nadia dans la mort. Que j’avais revu ma meilleure amie. Que j’étais maintenant absolument convaincue qu’elle vivait dans un monde meilleur. Que je m’en étais assurée.

J’avais sacrifié ma propre liberté à la sienne.

Pendant que Diane et Raphaël discutaient des joies de parents d’adolescents, je me rendis dans la cuisine avec les fleurs, fixant ces petits boutons aux veines minuscules, la gorge serrée. J’ouvris une armoire pour en sortir un vase en plastique, et lorsque je la refermai, Malachi se tenait à côté de moi.

— Tu ne les aimes pas ? demanda-t-il.

Je fis un signe de tête.

— Si ! Je les aime beaucoup. C’est juste que… c’est la première fois qu’on m’offre des fleurs.

Je me détournai et fis rouler les tiges délicates entre mes doigts. C’était l’un de ces bouquets bon marché acheté à l’épicerie. Tegan, qui avait repris le rôle de Nadia dans la pyramide sociale de l’école secondaire Warwick depuis la mort de mon amie, se serait moquée de ces fleurs déjà fanées, de ces petits pétales difformes. Mais pas moi…

Les doigts de Malachi me caressèrent l’épaule.

— Et moi, c’est la première fois que j’offre des fleurs à une fille, dit-il en riant doucement. En fait, je n’avais pas vu de fleurs de si près depuis longtemps.

Il avait passé les dernières décennies dans une cité emmurée, faite de béton, d’acier et de matières gluantes, où les seules choses qui poussaient ou prenaient forme étaient le fruit des vœux désespérés formulés par les morts qui s’y trouvaient tristement enfermés. Comme la cité était toujours plongée dans l’obscurité ou le crépuscule, comme il n’y faisait jamais jour, il ne pouvait rien y pousser de vert, de luxuriant ou de réel. Euh, ce n’était pas tout à fait vrai. Quelque chose avait fleuri entre lui et moi.

Je me retournai à nouveau vers lui et tendis ma main vers la sienne. Je ne m’étais toujours pas habituée à le toucher. Il avait la peau si chaude. Il existait réellement. Ici, près de moi.

— Incroyable, murmurai-je.

Il sourit et m’attira contre lui, mais Diane entra dans la cuisine exactement au même moment. Malachi me libéra de son étreinte en s’éclaircissant la gorge.

— J’espère que tu aimes les pâtes, lui dit-elle.

Elle avait le ton léger, mais elle lui décocha un regard éloquent.

— Je mangerais volontiers n’importe lequel de vos mets, répondit-il.

Je n’en doutais aucunement. Malachi n’avait pas mangé de repas décent depuis bien avant sa mort, au début des années 1940.

Malachi et moi dressâmes la table pendant que Raphaël nous versait chacun un verre de limonade. L’invitation à ce repas avait été l’idée de Diane. Elle avait insisté pour rencontrer à la fois Malachi et ses « hôtes » avant de me permettre de sortir avec lui. Elle ne cessait de plisser les yeux, comme si elle avait l’air de se demander s’il était armé. Je me demandais la même chose. J’avais certes déjà vu Malachi tuer des Mazikin avec une incroyable précision et une grâce toute puissante, mais je l’avais rarement vu accomplir des tâches aussi banales que de déposer des fourchettes sur une table. De la façon dont il observait ses propres mains et plaçait minutieusement chaque pièce de coutellerie, il devait probablement se dire la même chose. Je mourais d’envie de lui demander ce qui se passait dans sa tête afin de finalement mieux le connaître. Nous aurions peut-être le temps pour ça maintenant que nous étions ici, sur Terre, et non plus coincés en enfer.

La semaine qui venait de se terminer ne nous avait pas fourni beaucoup d’occasions, cependant. Nous avions passé le peu de temps à notre disposition à nous assurer que Malachi avait les compétences de base pour fonctionner dans le monde moderne, comme savoir se servir d’un four à micro-ondes et utiliser un téléphone cellulaire. J’avais passé le reste de mon temps libre après l’école à me présenter consciencieusement à des rendez-vous que Diane avait pris chez le médecin pour s’assurer que je n’avais pas besoin d’être hospitalisée dans un hôpital psychiatrique. Dès qu’elle s’était sentie rassurée à mon égard, je lui avais demandé si je pouvais sortir avec Malachi. Nous ne pouvions pas nous permettre d’attendre davantage.

— D’où viens-tu exactement ? demanda Diane lorsque nous nous assîmes à table.

— De Bratislava, répondit-il. En Slovaquie.

— Que font tes parents ?

Ma gorge se serra une fois de plus lorsque j’observai Malachi faire un petit sourire triste à Diane.

— Mon père est propriétaire d’un magasin de chaussures, dit-il doucement. Ma mère s’occupe de la maison. Elle est très bonne cuisinière, continua-t-il avant d’incliner la tête une seconde. Sa cuisine me manque.

L’expression et la voix de Diane perdirent immédiatement de leur dureté.

— Ta famille te manque, pauvre petit.

Malachi sentit sa gorge se nouer, et il prit une grande respiration.

— Beaucoup. Mais je suis content d’être ici. Et je suis heureux d’avoir rencontré Lela.

— Merci d’avoir accepté de laisser Lela conduire.

Raphaël avait dit ces mots en passant le pain à l’ail à Diane, pour qu’elle détourne son attention de Malachi, afin que celui-ci puisse se remettre de la discussion qui avait dévié sur ses parents, morts aux mains des nazis.

— En fait, je crois que c’est bien pour Lela qu’elle conduise, dit Diane.

Elle m’avait dit qu’elle voulait que je puisse faire descendre Malachi et revenir seule en voiture si jamais il s’avisait d’avoir la main baladeuse.

Raphaël était un convive charmant et il n’eut aucune difficulté à amener Diane à parler d’elle, de sa famille, de sa fierté que je sois acceptée à l’université. Pendant ce temps, j’observais Malachi qui mangeait. Chaque bouchée ressemblait à un acte d’adoration. Il avait mentionné au moins une dizaine de fois à Diane à quel point son repas était délicieux. Elle devait probablement le trouver passablement servile, mais je savais qu’il disait la pure vérité. La nourriture dans la cité sombre était tout simplement épouvantable.

— Nous devrons bientôt partir si nous voulons arriver à temps pour ce film, dis-je alors que nous terminions nos plats.

J’étais fin prête à me retrouver seule avec Malachi.

— À quel cinéma allez-vous ? demanda Diane. Pas à Providence Place, n’est-ce pas ?

Et voilà, c’était reparti.

— Non, mais ce n’est vraiment pas grave de toute façon…

Elle saisit sa fourchette comme une arme et me fixa.

— Ces fous ont été captés par une caméra de surveillance à environ 15 kilomètres d’ici. Tu ne vas nulle part près de cet endroit tant qu’ils n’auront pas été arrêtés.

Elle n’était pas la seule à paniquer. Nous vivions à Warwick, mais le Rhode Island étant un État minuscule, tous ses habitants avaient les nerfs à vif par suite de la diffusion de ces images.

Raphaël s’essuya la bouche de sa serviette.

— J’ai vu les nouvelles. Les images étaient si floues qu’il pourrait s’agir d’un chien enragé.

Diane regarda Raphaël comme s’il l’avait trahie.

— Un chien qui porte un jean et des chaussures de sport ?

Elle prit une bouchée de pâtes qu’elle mastiqua sans ménagement avant de l’avaler, puis elle poursuivit sur sa lancée :

— Je ne dis pas que c’est un loup-garou ou quelque chose du genre. Je ne suis pas folle. Mais un homme qui court à quatre pattes ? C’est probablement quelqu’un sous l’effet de la méthamphétamine. Croyez-moi  : ces gens-là sont imprévisibles. Quoi qu’il en soit, tenez-vous tous deux loin de cet endroit.

— N’ayez crainte, nous allons dans un cinéma ici à Warwick, madame Jeffries, avança Malachi, méritant un hochement de tête d’approbation de la part de Diane.

Nous avions tous deux prévu formuler cette réplique si elle abordait le sujet, et il sembla soulagé de l’avoir bien faite.

— Qu’allez-vous voir ? demanda-t-elle en se détendant finalement.

Night Huntress, récita-t-il. Ce film a reçu de bonnes critiques.

— J’ai entendu dire que c’est un véritable bain de sang, grommela-t-elle en commençant à débarrasser la table.

Je retins un rire à demi hystérique en l’aidant à mettre la vaisselle dans l’évier.

— Merci pour le repas. Et merci d’être aussi chouette.

Elle haussa les épaules et fit entendre un hum.

— Tu as gagné ma confiance, ma belle. Assure-toi de la garder, d’accord ?

— Sans problème, dis-je. Tu pourras te coucher sans m’attendre.

— Belle tentative ! Tu as de l’école demain. Tu es chanceuse que je te laisse même sortir. Sois de retour à 22 h.

Diane s’étira le cou hors de la cuisine pour décocher un regard suspicieux à Malachi.

— Tu ferais mieux de bien prendre soin de cette demoiselle, jeune homme.

Malachi se rapprocha de moi et me prit la main.

— Madame Jeffries, je vous le jure, je sacrifierais ma propre vie à la sienne pour la protéger.

Diane rit. Si seulement elle avait su que c’était exactement ce qu’il avait fait au moins une dizaine de fois.

Elle nous laissa partir sans plus d’histoires, même si elle ne voulut pas laisser s’esquiver Raphaël sans lui donner un câlin, qu’il sembla d’ailleurs apprécier. Peu importe ce qu’elle pensait de Malachi, il était manifeste qu’elle tenait Raphaël en haute estime, ce qui aidait beaucoup en l’occurrence. Dès que nous fûmes éloignés de Diane, Raphaël se tourna vers nous.

— Mission accomplie. Amusez-vous ce soir, vous deux. Quant à moi, on m’attend ailleurs. N’hésitez pas à m’appeler si vous avez besoin d’aide.

— Ce ne sera pas nécessaire, dit Malachi en me serrant la main. Merci quand même.

— En fait, dis-je, peux-tu faire quelque chose, pour Diane ? Je suis chanceuse qu’elle me laisse sortir, mais ce couvre-feu…

Raphaël hocha la tête.

— Comme elle ne fait pas le quart de nuit, ce qui convient à merveille à votre horaire de patrouille, Mme Jeffries dormira très profondément.

Je me mordis la lèvre. Je n’aimais pas l’idée de faire un tel coup à Diane, mais je n’avais pas le choix.

— Merci.

Dès que Raphaël eut dégagé sa berline grise du bord du trottoir, Malachi et moi montâmes dans ma vieille Corolla désarticulée. Je restai assise un moment, le cœur battant, n’arrivant pas à croire que j’étais dans une voiture avec Malachi. Tout semblait parfaitement banal, dans des circonstances qui étaient pourtant on ne peut plus bizarres. Tout cela me renversait. Je lui jetai un coup d’œil pour juger sa réaction, et je vis qu’il me fixait.

— Qu’y a-t-il ? fis-je.

Il leva le coin de la bouche.

— Je veux t’embrasser.

Ces simples mots firent grimper la température d’un millier de degrés dans l’auto.

— Ouais ? demandai-je, d’un air stupide, le souffle coupé.

Il s’inclina lentement.

— Puis-je ?

— Nous ne devrions pas… nous devrions partir… Diane pourrait nous…

Il m’effleura la mâchoire du bout de ses doigts, anéantissant toute résistance en moi.

— Juste une fois, murmurai-je.

Je n’eus pas le temps de dire un mot de plus que déjà ses lèvres étaient sur les miennes. Je me sentais enflammée ; on aurait dit que la terre me glissait sous les pieds. Ma main remonta jusqu’à son cou, jusqu’à cette cicatrice lisse et argentée, un souvenir de Juri, un Mazikin meurtrier, la première personne — non, la première chose — que j’aie jamais tuée. Nos langues se croisèrent, notre baiser devint plus intense, mes pensées s’éparpillèrent dans toutes les directions. Je me contentais maintenant de le goûter, je sentais le rythme saccadé de nos souffles, j’étais dévorée d’un appétit insatiable. Ses doigts s’emmêlaient dans mes boucles rebelles pendant qu’il se collait de plus en plus sur moi. Je posai ma main sur sa poitrine pour sentir le tonnerre de son cœur contre ma paume. Mais lorsque mes doigts descendirent vers son ventre, ce n’est pas le relief de ses muscles qui capta mon attention. Malachi sentit les secousses de rires qui s’emparèrent de moi, et sa bouche s’éloigna de la mienne.

— Il me fallait bien les mettre quelque part.

Je regardai le devant de la maison, m’attendant à voir Diane nous épier à travers les rideaux, mais il n’y avait aucune trace d’elle. De plus, comme le soleil était déjà bas à l’horizon, je supposai qu’il faisait assez noir pour agir sans qu’elle nous voie. Je relevai sa veste, révélant les six couteaux retenus contre son torse.

— Je savais que tu serais prêt, dis-je.

— Je t’en ai aussi apporté, dit-il en prenant un paquet sur le siège arrière. Michaël nous les a laissés cet après-midi, et Raphaël les a rangés ici lorsque nous sommes arrivés ce soir.

J’ouvris la fermeture éclair de plusieurs centimètres et je jetai un coup d’œil à l’intérieur  : deux couteaux, deux matraques et — bon Dieu.

— Il nous a donné des grenades ?

— Il t’appartiendra de t’en servir ou non. C’est toi le capitaine, après tout, dit-il.

Il recula le corps vers son siège tout en m’observant respirer de façon hésitante.

— Tout ira bien pour toi, Lela. Je suis ici pour t’aider.

J’enfonçai ma clé dans le contact.

— Ma première vraie patrouille à titre de garde, dis-je calmement, souhaitant que de le dire à haute voix contribue ainsi à m’empêcher de devenir folle.

Ce souhait m’insuffla du courage alors que je me sentais pétrifiée, de la fierté alors que j’étais furieuse contre la juge du sanctuaire, qui, j’en étais pratiquement sûre, m’avait froidement manipulée pour m’envoyer diriger son « équipe sur le terrain » ici sur Terre. Pis encore, elle avait rétrogradé Malachi et lui avait confié la mission de m’appuyer plutôt que de lui donner ce qu’il méritait après des décennies de loyaux services  : une éternité paisible à la campagne. Bien sûr, je n’étais pas totalement furieuse qu’il fasse partie de la mission — j’étais avec lui après tout —, mais je me sentais tout de même coupable. Il avait tant fait pour moi.

Malachi posa le paquet à ses pieds, puis il s’appuya le dos et me sourit. Comme s’il ne regrettait pas le moindrement les circonstances.

— Partons à la chasse.

2

Je quittai mon quartier en direction de l’autoroute. Malachi remua sur son siège lorsque j’accélérai sur la West Shore Road.

— Ça va ? demandai-je.

— Oui. C’est juste que… ça va vite.

Je lui jetai un coup d’œil. Il s’accrochait si fort à la poignée au-dessus de la portière qu’il en avait les jointures blanches.

— Tu ne t’es toujours pas habitué aux promenades en voiture ?

— Pas encore. J’en ai déjà fait quelques-unes à Bratislava, mais ce n’était rien de semblable, dit-il en parcourant des yeux la route, les trottoirs, les magasins, les stations-service et les immeubles de bureaux. Ce n’était vraiment rien à comparer avec ceci.

— Je suis désolée, dis-je en lui touchant la main, une fois arrêtée à un feu rouge. Il est facile d’oublier à quel point tout est nouveau et différent pour toi. Tu t’en es vraiment bien tiré jusqu’à maintenant.

Il me remercia d’un sourire sensuel.

— C’est parce que tu auras su si bien me guider. À ce sujet d’ailleurs, où allons-nous ?

Je resserrai les mains sur le volant.

— Dans le quartier est de Providence. La caméra qui a capté les Mazikin se trouvait au nord du campus de l’Université Brown, et les deux témoins étaient des étudiants. Si quelque chose devait arriver à un étudiant de Brown, cela ferait la une des bulletins de nouvelles nationaux, ce qui entraînerait par le fait même un grand déploiement policier. Notre travail n’en serait que plus compliqué.

Malachi hocha la tête.

— Ce secteur est-il densément peuplé ?

— Providence est plus urbaine que Warwick, mais pas aussi peuplée que la cité sombre. Comme tu l’auras constaté, le monde des vivants est différent. Les personnes remarquent toutes les choses — et elles se remarquent aussi les unes les autres. Elles n’errent pas sans but les yeux au sol, complètement absorbées dans leurs pensées.

Mon regard dévia vers le trottoir, où déambulaient plusieurs personnes, le visage éclairé par la lueur de leur téléphone cellulaire.

— Bon, d’accord, elles sont parfois elles aussi absorbées par quelque chose, mais pas tout le temps.

Le feu passa au vert. Je me remis en route, cette fois-ci un peu plus lentement, et empruntai la bretelle d’accès vers l’autoroute I-95 Nord.

— C’est étrange, dit Malachi en regardant défiler le paysage. Les Mazikin auront choisi de réapparaître exactement à l’endroit où tu vivais auparavant.

— Effectivement. C’est à croire que les portes de l’enfer s’ouvrent au Rhode Island.

J’hésitai, puis je décidai de dire à voix haute ce qui m’intriguait.

— Je crois que la juge savait à quel endroit ils réapparaîtraient lorsqu’ils ont traversé la muraille près du sanctuaire. Je crois qu’elle aura peut-être…

Je m’arrêtai, me sentant stupide et paranoïaque.

— Tu crois que la juge t’aura intentionnellement attirée par la ruse dans la cité sombre pour ensuite te forcer à servir.

Il ne semblait pas croire qu’il s’agissait là d’une idée ridicule.

— Ouais. Si c’est vrai, dis-je, elle a une drôle de conception des qualités requises pour faire un bon garde.

Malachi rigola.

— Tu te sous-estimes, Lela.

— Espérons-le, marmonnai-je, pendant que les lumières de Providence commençaient à se profiler à l’horizon.

Je sortis de l’autoroute et remontai Wickenden Street, passant devant le salon de tatouage où je m’étais fait dessiner en souvenir le visage de Nadia sur la peau. Je continuai d’avancer dans cette rue étroite et tournai à gauche sur une artère qui nous mènerait au cœur du quartier est. Malachi scrutait les zones sombres à travers le pare-brise et les vitres de l’auto. Je trouvai un endroit où me stationner sur la rue principale, sous les branches basses d’un arbre, à l’abri de la lueur des réverbères. Malachi ramassa immédiatement le paquet et le mit sur ses cuisses.

— Nous allons devoir parler de ces armes, dis-je.

Il me décocha un regard interloqué.

— On ne peut pas se promener dans la rue avec des grenades sanglées à la poitrine, continuai-je. D’ailleurs… je ne suis pas trop chaude à l’idée de les porter.

Malachi hocha la tête.

— C’est parce que tu n’es pas encore habituée. Tu le seras une fois que tu seras bien entraînée.

— Je le sais, mais…

Il ouvrit le paquet et en sortit une ceinture qui me semblait familière. Elle faisait partie de l’armure complète en cuir noir, pour le moins impressionnante, que Michaël m’avait fabriquée quand j’étais de l’autre côté des Portes du suicide.

— Mets cette ceinture et prends un couteau.

Il en tenait un dans la lumière. La lame était légèrement recourbée contrairement à celle, bien droite, des autres couteaux normaux.

— Ce couteau-ci n’est pas un couteau à lancer, m’expliqua-t-il. La lame s’incline légèrement, vers l’avant, ce qui permet de mieux trancher qu’une lame droite, mais cette légère inclinaison ne nous empêche pas de nous servir du couteau à la manière d’un poignard. C’est moi qui ai demandé à Michaël de te fabriquer cette arme.

— Euh, merci.

Je pris la ceinture, tout en jetant un coup d’œil au couteau qu’il avait dans la main. J’étais du genre à facilement m’infliger seule une blessure sans le vouloir.

— Mais il se pourrait fort bien que l’on ne trouve personne, poursuivis-je.

— Il n’y a aucune raison de ne pas être prudent.

Il accrocha le couteau, dans son fourreau, à la ceinture, puis il me releva le menton de ses doigts.

— Si les Mazikin devaient un jour t’attraper, reprit-il, tu constituerais tout un trophée pour eux. Car avant même que Sil et Juri n’aient découvert toute l’importance que tu avais à mes yeux, avant même ta promotion au poste de capitaine, ils te convoitaient déjà. Et je préfère ne pas penser à la manière dont ils pourraient célébrer s’ils t’attrapaient. S’il te plaît.

Sans argumenter davantage, je passai la ceinture autour de ma taille, tirai ma veste de laine par-dessus et sortis de la voiture pour rejoindre Malachi sur le trottoir.

— Bon…

Maintenant que le moment était venu, je n’avais aucune idée de la manière de patrouiller.

Malachi balança le sac à dos sur ses épaules. Tous les sens en alerte, il avait déjà commencé à surveiller les deux côtés de la rue.

— Ne t’en fais pas, Lela. Dans la cité sombre, nous devions souvent parcourir les rues à la recherche d’activités suspectes. Nous patrouillions parfois des jours sans rien voir. Si ça peut t’encourager !

— Devrions-nous nous séparer ?

Je savais qu’il avait souvent patrouillé seul et je ne voulais pas être un boulet.

Malachi soupira.

— Capitaine, c’est à toi de prendre cette décision. Nous couvririons plus de terrain séparément. Cependant, dit-il en s’approchant suffisamment de moi pour me toucher, pour faire battre rapidement mon cœur, je me sentirais beaucoup mieux si tu me permettais de rester avec toi.

Il m’embrassa le front ; la sensation de ses lèvres sur ma peau me fit ressentir une intense chaleur dans le bas de mon ventre.

— Et à titre de prétendant, continua-t-il, j’aimerais être capable de tenir la promesse que j’ai faite à ta mère d’accueil.

— À titre de… prétendant ?

Je ne pus m’empêcher de rire.

Malachi semblait vraiment confus et quelque peu gêné.

— Je suis désolé. Je sais que je suis ton lieutenant, mais je… je croyais que nous étions…

— Non ! Non. Ce n’est pas ce que je voulais signifier. Malachi, veux-tu dire que tu veux être mon petit ami ?

Je n’en avais jamais eu. Mais… cette idée me plaisait.

Petit ami ?

Il sembla davantage confus.

— Je ne voudrais jamais être impertinent… mais nous n’avons pas… je ne voudrais pas que les gens pensent que tu es une…

Il s’éclaircit la gorge et fixa le trottoir, et je me rendis compte que nous avions peut-être un petit problème de terminologie. Ou un problème d’incompréhension lié au fait que nous avions grandi dans des siècles différents.

— Que je suis une quoi ? Je ne sais pas à quoi tu penses, mais « petit ami » veut simplement dire que nous sommes…

Merde. Je ne savais plus comment lui expliquer.

— Cela signifie que nous sommes ensemble, continuai-je. Que nous, euh, sortons ensemble. L’un avec l’autre. Et… avec personne d’autre. Mais pas sérieusement, ajoutai-je rapidement, les joues brûlantes.

Malachi me fit un sourire incertain.

— Tu peux m’appeler comme tu veux, tant que ça ne m’empêche pas de pouvoir te toucher.

Il m’effleura la joue du revers de ses doigts.

— D’accord.

Je dus détacher mes yeux de sa bouche. Concentre-toi, Lela. Tu as un travail à faire, pour l’instant.

— Les Mazikin ont été aperçus à environ six pâtés de maisons d’ici, lâchai-je en pointant Hope Street.

Ma température corporelle avait commencé à redescendre.

— Que veulent-ils au juste ? demandai-je à Malachi pendant que nous nous mettions en route. Si nous le savions, nous pourrions peut-être prévoir leurs intentions ici, n’est-ce pas ?

— Je ne crois pas que leurs objectifs soient bien compliqués, répondit-il. Quand j’interrogeais les Mazikin que nous réussissions à capturer dans la cité sombre, ils me répondaient tous la même chose  : ils voulaient sortir de leur royaume. Tous et chacun. Ils s’y sentaient en prison.

— Tu crois qu’ils tentent de déménager leur population entière ?

Le frisson qui me parcourut n’était pas causé par le froid, mais je serrai tout de même les bras autour de moi.

— Combien crois-tu qu’ils sont au total ? demandai-je encore.

— J’ai déjà posé une fois la question à Raphaël. Il m’avait répondu qu’ils n’étaient que deux au départ. Ils se seront donc manifestement reproduits ; ils sont peut-être maintenant des centaines de milliers. Peut-être un million. Et c’était il y a de nombreuses années. Il n’avait pas voulu m’en dire beaucoup plus.

— Bizarre. Il n’a pas l’habitude de se faire prier pour parler.

— En effet, répondit Malachi en riant, avant de me décocher un regard de côté pendant que son sourire s’évanouissait. Lela, dans la cité sombre, nous étions emmurés. Mais ici…

— Ils ont le monde entier à leur portée, dis-je, sentant soudainement le terrible poids de ce constat. Ils pourraient se diviser et se rendre dans n’importe quel pays. Nous sommes… les seuls qui puissions les empêcher de voler les corps d’un million d’humains.

Malachi me prit la main pendant que nous passions devant un groupe de jeunes qui sortaient du complexe sportif de l’Université Brown. Pendant qu’il frottait son pouce sur mes doigts, je dus faire un effort pour me concentrer sur ses mots plutôt que sur ce contact sur ma peau.

— Nous avons peut-être encore un peu de temps, dit-il. Les Mazikin sont comme des animaux de meute. Ils aiment se tenir ensemble. Il m’est arrivé une seule fois durant mon séjour dans la cité sombre de constater la présence de deux nids au même moment, et c’était parce que leur population était devenue très grande. Ils ont coutume de se choisir un seul endroit, une base, d’où ils planifient et gèrent leurs opérations. C’est ce qu’ils feront probablement ici en attendant de trouver la manière la plus rapide de faire grossir leurs rangs. Comme moi, ils ont beaucoup à apprendre.

Je lui serrai la main et espérai qu’ils n’apprendraient pas aussi rapidement que lui.

— Quel est le moyen le plus efficace de faire grossir leurs rangs, selon toi ?

— Je ne le sais pas encore, mais comme Sil a déjà quitté la cité sombre en passant par la brèche pratiquée dans sa muraille, c’est lui qui sera chargé de prendre les décisions ici. Et il est, malheureusement, le Mazikin le plus intelligent que j’aie jamais rencontré. Ce n’est pas pour rien qu’il est leur chef. Ibram et Juri seront probablement amenés ici pour faire appliquer ses décisions. Comme groupe, ils devront trouver de la nourriture, un abri et un endroit sûr où prendre possession de leurs victimes. Ils tenteront tout de suite d’établir leur nid.

— S’ils sont si nombreux, comment procèdent-ils pour désigner parmi eux celle ou celui qui sera amené ici pour posséder les humains qu’ils auront capturés ? Es-tu parvenu à comprendre ?

— Je crois qu’ils ont vraiment érigé un genre de système, répondit-il en secouant sa tête d’incrédulité. Les Mazikin les plus puissants, et tout particulièrement leurs chefs, ont habité plusieurs corps humains et ils sont passés maîtres dans l’art d’agir ou de marcher comme eux. Certains d’entre eux développent même des préférences — tu te rappelleras que Juri préfère les hommes de l’Europe de l’Est, par exemple.

Il se renfrogna et serra plus fort ma main. Son conflit avec Juri dépassait l’ampleur d’un affrontement normal entre un garde et un Mazikin. Ils se détestaient personnellement, et après ce que Juri avait tenté de me faire dans la cité sombre, je soupçonnais que Malachi avait bien hâte de se battre de nouveau contre lui.

— Certains ont donc des préférences, dis-je, souhaitant ne plus parler de Juri. Qu’en est-il des autres ?

— Un Mazikin qui occupe un corps humain pour la première fois risque davantage d’agir encore comme un animal, et plus cet humain est faible ou âgé, plus il est probable que ce dernier se mette à se déplacer comme un véritable Mazikin.

— Ana disait croire que les Mazikin étaient plus animaux qu’humains.

Il hocha la tête.

— Il leur faut de

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