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Le club des morts
Le club des morts
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Livre électronique360 pages5 heures

Le club des morts

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À propos de ce livre électronique

C’est ce que Pandora essaie de découvrir. Depuis la mort par la propre main de son meilleur et probablement unique ami, elle ne sait plus à qui elle peut faire confiance. Le Prêtre est peut-être mort. L’Homme Gris est… elle n’est pas certaine quoi. Luc, eh bien, est Luc.

L’Ordre l’envoie au coeur du Mexique pour enquêter sur un possible soulèvement de zombies. Elle arrive au commencement du festival du Día de los Muertos, une célébration en l’honneur des morts, et immédiatement quelque chose la perturbe. Pour commencer, les corps (ceux du genre vivant) ne cessent de disparaître. Ils ne sont pas kidnappés. Si seulement les choses étaient aussi simples. Une seconde ils sont là, la suivante ils ont littéralement disparu. Pandora ne sait quoi en penser. Par-dessus cela, des chrysanthèmes flottent partout. Est-ce seulement un symbole associé au festival ou un indice concernant quelque chose de beaucoup plus sinistre?
LangueFrançais
Date de sortie2 mai 2017
ISBN9782897677770
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    Aperçu du livre

    Le club des morts - Marie Hall

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    Copyright © 2014 Marie Hall

    Titre original anglais  : All Hallows Night

    Copyright © 2017 Éditions AdA Inc. pour la traduction française

    Tous droits réservés. Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite sous quelque forme que ce soit sans la permission écrite de l’éditeur, sauf dans le cas d’une critique littéraire.

    Éditeur  : François Doucet

    Traduction  : Sophie Deshaies

    Révision linguistique  : Féminin pluriel

    Correction d’épreuves  : Nancy Coulombe, Émilie Leroux

    Conception de la couverture  : Mathieu C. Dandurand

    Photo de la couverture  : © Thinkstock

    Mise en pages  : Kina Baril-Bergeron

    ISBN papier 978-2-89767-775-6

    ISBN PDF numérique 978-2-89767-776-3

    ISBN ePub 978-2-89767-777-0

    Première impression  : 2017

    Dépôt légal  : 2017

    Bibliothèque et Archives nationales du Québec

    Bibliothèque et Archives Canada

    Éditions AdA Inc.

    1385, boul. Lionel-Boulet

    Varennes (Québec) J3X 1P7, Canada

    Téléphone  : 450 929-0296

    Télécopieur  : 450 929-0220

    www.ada-inc.com

    info@ada-inc.com

    Diffusion

    Canada  : Éditions AdA Inc.

    France  : D.G. Diffusion

    Z.I. des Bogues

    31750 Escalquens — France

    Téléphone  : 05.61.00.09.99

    Suisse  : Transat — 23.42.77.40

    Belgique  : D.G. Diffusion — 05.61.00.09.99

    Imprimé au Canada

    Participation de la SODEC.

    Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) pour nos activités d’édition.

    Gouvernement du Québec — Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres — Gestion SODEC.

    Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

    Hall, Marie

    [All hallows night. Français]

    Le club des morts

    (Nuits écarlates ; tome 2)

    Traduction de : All hallows night.

    ISBN 978-2-89767-775-6

    I. Deshaies, Sophie. II. Titre. III. Titre : All hallows night. Français.

    PS3608.A437A6214 2017 813'.6 C2017-940039-8

    Conversion au format ePub par:

    Lab Urbain

    www.laburbain.com

    Dire que je suis heureuse de la manière dont Pandora et sa joyeuse bande ont été reçus serait un sérieux euphémisme. Je suis reconnaissante envers chacun d’entre vous, lecteurs, qui avez aidé à faire de Nuit écarlate le succès qu’il a été.

    Alors, du fond du cœur, merci

    Chapitre 1

    T u as changé, murmura Luc.

    Il avait le dos tourné, assis sur le bord de mon lit, son corps nu se penchant, le lustre de sa transpiration faisant luire sa peau quand il bougea.

    Je m’assis et attirai le drap à ma poitrine. J’observai mes mains et ne vis pas de longs doigts ni d'ongles peints en rouge. Je vis les mains qui avaient mis un terme à la vie d’un ami. Probablement mon unique ami.

    Je frissonnai, serrai les poings et détournai la tête, car si je me laissais y penser trop longtemps, j’allais me noyer dans mon souvenir.

    Je doutai que Luc eût voulu que je l’entende. Il ne semblait même pas conscient d’avoir parlé ; il scrutait la fenêtre de ma chambre avec un regard hanté dans ses yeux bleus glacials.

    Des rayons de soleil caressaient ses longs cheveux blonds aux épaules. Il ressemblait à un Adonis doré assis ainsi, inondé d’une volute jaune fluide du soleil de mi-journée. Je voulais le toucher, faire courir mes doigts dans sa chevelure une fois de plus et oublier les souvenirs détestés dans la chaleur de son corps.

    Mais je ne pouvais pas.

    Je rejetai les couvertures du lit et me dirigeai vers l’amas de vêtements sur le sol et attrapai mon jean. Je l’enfilai d’un geste brusque sans même prendre la peine de l’attacher avant de passer mon pull par-dessus ma tête.

    Il jeta un coup d’œil à mes jambes quand j’attachai enfin mon pantalon.

    — Où vas-tu ? demanda-t-il sur un ton presque accusateur.

    — Si tu n’avais pas remarqué, nous sommes au Mexique. Je vais explorer.

    Il fit mine de se lever.

    — Laisse-moi venir avec…

    Je levai la main. Depuis la semaine de l’incident — mon cœur se serra —, Luc et moi avions expérimenté un genre d’inversion des rôles. Je n’essayais pas d’être méchante avec lui. Honnêtement. Mais je parvenais à peine à le regarder. Mis à part le sexe, je ne voulais rien savoir de lui.

    Rien de ce que j’avais fait n’était de sa faute, et au fond de mon âme, je le savais, mais cela n’apaisait pas ma douleur, ne rendait pas la colère et la haine moins vives ou lourdes, ni ne changeait le fait que, exact ou non, je le tenais pour responsable de ce qui était arrivé.

    Une partie du moins. Il ne m’avait pas dit toute la vérité quand je m’étais réveillée. Il avait dit que la plupart des enfants avaient survécu; au moins, avec ça, je pensais avoir fait une chose qui valait la peine, que j’étais arrivée à temps pour éviter le meurtre d’innocents. La douleur de perdre Kemen avait été allégée par le fait de savoir qu’il aurait été fier que sa mort n’eût pas été en vain.

    Mais cela avait été un mensonge. L’énorme massacre qui s’était déroulé cette nuit-là était maintenant légendaire dans les cercles des monstres.

    L’Ordre avait envoyé ses émissaires pour larguer ­l’histoire qu’il avait décidé de jeter aux humains. Jusqu’à maintenant, cela semblait fonctionner ; les autorités se fourraient le doigt dans l’œil et cherchaient une secte d’adolescents très ordinaires et très humains de cinq ou six garçons qui croyaient ou non être des vampires. Cela me paraissait tout à fait ridicule. Comment un petit groupe de garçons, mortels en plus, avaient-ils pu capturer et buter autant d’enfants sans se faire prendre à un moment donné ? La logique ne tenait pas la route. Mais s’il y avait une chose que je comprenais à la nature humaine, c’était qu’il devait toujours y avoir un bouc émissaire. Quelque chose ou quelqu’un vers qui diriger sa haine. Et ces enfants que l’Ordre avait inventés portaient maintenant la lettre écarlate.

    Les humains sont des créatures stupides s’ils sont prêts à croire ces foutaises, mais encore là, je m’étais aussi fait avoir par de jolis mensonges, alors qui étais-je pour lancer la pierre, non ?

    Parce que Luc ne m’avait pas seulement menti sur ce qui s’était réellement passé cette nuit-là ; il avait aussi aidé à éliminer la plupart de ces enfants. Je ne suis pas parvenue à lui demander pourquoi, en grande partie parce que je crains qu’il me donne une raison légitime pour que je le déteste moins. Et pour le moment, le détester est la seule chose qui me garde à moitié saine d’esprit.

    — Non, tu restes.

    Ses sourcils se froncèrent, et sa mâchoire se crispa.

    — Je vais étudier la ville, écouter ce que les gens du coin ont à dire sur les meurtres puis aller voir Grace. Seule, conclus-je.

    Avec chaque phrase que je disais, la pièce devenait de plus en plus tendue.

    Il plissa les yeux. Je sentais sa colère; c’était presque comme une décharge de courant électrique sillonnant ma peau, hérissant les poils fins de mes bras.

    — Crois-tu sérieusement que c’est sage de voir Grace seule ? As-tu oublié que tu l’as presque tuée la dernière fois que tu l’as vue ?

    Je roulai mes doigts en poings et détournai le visage, souhaitant en diable ne jamais lui avoir parlé de ce petit incident.

    — Bon sang, Pandora, grogna-t-il. Pourquoi m’écartes-tu ? Est-ce que tu me tiens pour responsable ? Crois-tu que c’est de ma faute ? dit-il en pointant sa poitrine du doigt. N’oublie pas qui nous — il insista sur le mot — a sacrément entubés. Je ne vais pas prendre le blâme et je ne vais pas — il se leva et colla son visage devant le mien — endurer tes conneries non plus. Si tu ne veux pas que je sois là, bien.

    Cela me démangeait de lui demander pourquoi il avait tué ces enfants. J’aurais aimé que Vyxyn ne me l’ait jamais dit, mais cette salope aimait m’emmerder. Elle s’en délectait ; pour une quelconque raison, elle ne pouvait pas me sentir. Je ne pouvais pas dire que le sentiment n’était pas intensément mutuel, mais bon… Les dégâts étaient faits. Elle me l’avait dit, et maintenant je ne pouvais pas l’oublier ou faire semblant.

    Il marcha d’un pas lourd jusqu’à la salle de bain, mit son caleçon, puis sortit de ma chambre, y laissant une faible odeur de soufre.

    Je ne pouvais pas être en colère contre lui pour son emportement. Démon ou non, Luc avait partiellement raison.

    Je fermai les yeux et serrai ma tête.

    Mais il avait tort aussi. Je ne rejetais pas seulement la responsabilité sur lui. Je la rejetais sur moi aussi. Si j’avais été assez intelligente, si j’avais vu les signes… tout aurait été différent.

    Une ondulation, comme le glissement sensuel d’un serpent, descendit le long de ma colonne. Je savais de quoi il s’agissait. L’intrus à l’intérieur de mon corps, ma troisième âme. Fléau, ce salaud de démon, se nourrissait de ma souffrance. Je n’étais pas habituée à lui. N’étais pas certaine de jamais l’être.

    C’était là un autre souvenir de cette nuit fatidique que je portais en moi. Comme si la culpabilité et la douleur n’étaient pas suffisantes, je devais maintenant me déplacer avec une présence tangible en moi qui me rappelait constamment ce que j’avais fait de mal.

    Vous voyez, je suis née avec deux âmes. L’une démoniaque, l’autre humaine. Je suis une néphilim, la création d’une union entre un ange déchu et la fille d’un homme.

    On ne pourra jamais dire que ma vie a été facile. Mais je me suis habituée à mon âme démoniaque, Luxure. Nous avons créé une sorte de relation symbiotique malsaine. Luxure m’est aussi vitale que de respirer. Mais cette nouvelle chose, cette nouvelle âme… c’est une perversion tordue qui hante mes rêves, mes heures éveillées, avec des visions de mort et de violence, de maladie et de souffrance. Je la déteste, mais ne sais pas comment m’en débarrasser.

    Avant, j’aurais apporté ce problème à mon intermédiaire humaine, Grace. Mais elle s’était avérée être une garce sans cœur qui n’avait rien à faire des liens d’amitié ou d’amour. Elle m’avait déçue, avait déçu ma famille. Depuis le début, nous lui avions fait confiance, avions cru qu’elle œuvrait avec nous, les néphilims, pour créer une meilleure humanité, quand en vérité elle était plus diabolique que je ne l’avais jamais été.

    J’ouvris les yeux et me dirigeai à grands pas vers la porte. J’avais besoin de sortir. Je voulais partir, disparaître et ne jamais revenir. Une boule dure était coincée dans ma gorge. Je pris mon vieux chapeau noir de cowboy sur le crochet du mur et l’enfonçai sur ma tête.

    Jamais je ne pourrais partir. Et je ne pouvais pas faire comme si cette nuit n’avait jamais eu lieu.

    Luc avait raison, j’avais changé.

    Chapitre 2

    J ’avais eu l’intention de m’informer dans la ville, de voir si les gens du coin savaient quelque chose ou avaient entendu parler de morts récentes ou étranges, mais j’étais une étrangère pour eux. Une gringa (une Blanche), alors ils n’avaient pas suffisamment confiance en moi pour me répondre.

    Une partie du pouvoir de Luxure était que je pouvais me transformer pour incarner le plus profond désir de quiconque, mais pour y parvenir, je devais aussi avoir eu du sexe auparavant. Un arrangement du type un prêté pour un rendu.

    Mais depuis cette nuit et depuis l’acquisition de ma troisième âme, Luxure ne fonctionnait plus très bien pour moi. Mon désir pour le sexe était presque nul. Luc était la première personne avec qui je couchais depuis que j’étais sortie de mon semi-coma, et cela m’avait laissée vide et froide.

    Je savais que j’aurais dû être beaucoup plus inquiète que je l’étais — je ne sais pas, peut-être que Luxure était encore sous le choc après notre séjour en enfer. Rencontrer Courroux avait fait quelque chose à Luxure, avait joué avec sa tête. Elle était comme un chien pleurnichard et terrifié, la queue baissée et se cachant dans un coin, et il n’y avait pas grand-chose que je pouvais faire pour la faire sortir.

    Alors, je devais faire cette enquête de la bonne vieille manière. Être aussi âgé que moi vous apprend à sentir les gens. La coquille extérieure est peut-être différente, mais l’intérieur a toujours été le même. Si je voulais trouver ce que je cherchais, je devais me rendre dans un endroit conçu pour délier les langues et faire parler les hommes. Saoulez un homme, et il vous dira tout ce que vous voulez savoir.

    J’ouvris la porte du premier tripot que j’avais trouvé en ville, entrai et me tins dans l’embrasure pendant que mes yeux s’ajustèrent lentement à la lumière tamisée.

    J’ôtai mon Stetson, essuyai mon front et me dirigeai vers le bar, où je m’appuyai contre le bois ébréché et troué. Je levai un doigt et commandai une bière. Une seconde plus tard, le barman bedonnant au visage couvert de grains de beauté fit glisser une bouteille dans ma direction. Je pris mollement une gorgée de ma Corona en observant les quelques clients qui se trouvaient là à cette heure.

    L’endroit était le tripot typique de la ville. Les planchers étaient poisseux de nourriture et de boisson, une table de billard usée se tenait dans un coin. Il faisait sombre, mis à part les quelques lumières de Noël piment rouge ­suspendues dans les coins du plafond. Les murs étaient couverts de femmes à moitié nues accrochées au cou de luchadores souriants.

    Il n’y avait aucune fenêtre dans cet édifice. Tout était conçu de manière à faire s’enliser un homme dans son verre sans qu’il se rende compte du nombre d’heures qui était passé. Mais je savais que c’était presque le crépuscule.

    J’avais une heure avant ma rencontre avec Grace. Je pris une autre longue gorgée de ma bouteille, avalant la boisson amère avec une grimace. Si seulement j’avais le pouvoir de ralentir le temps, ma rencontre avec Grace serait reportée aussi longtemps que je le pourrais.

    De verdad, lo ve con mis ojos, Juan.

    Le murmure excité de l’homme dégingandé assis dos à moi à la table près de la porte attira mon attention. Il s’avança plus près de son ami à la peau rougeaude et hocha la tête de haut en bas, faisant ainsi s’agiter furieusement ses cheveux noirs hirsutes autour de son visage.

    Tú si eres loco, Antonio. Él no está muerto. Hable con Eduardo ayer. Celui nommé Juan renifla comme s’il venait d’entendre une histoire drôle et descendit sa bière.

    J’attrapai mon chapeau et me glissai nonchalamment plus près. Je fis semblant d’étudier mes ongles en m’assoyant à l’une des tables vides. Le dur plastique déchiré de la chaise coupa l’arrière de mes cuisses, mais je l’ignorai tout en continuant d’écouter.

    Mon espagnol est exceptionnel. Il y avait eu une période de ma vie, il y a environ trois cents ans grosso modo, où j’avais sérieusement considéré de m’arrêter et m’installer. J’avais acheté des centaines d’hectares de terre à l’intérieur du Mexique. Je pouvais parler avec à peine une trace d’accent et pouvais comprendre encore mieux.

    Maigrichon était apparemment tombé sur le corps mort d’une connaissance. Rondouillard ne le croyait pas.

    Antonio frappa la table de la main.

    No soy mentiroso, gronda-t-il entre ses dents serrées alors qu’il niait avec véhémence qu’il mentait.

    Como puedes estar cierto ? Tú me acabas decir que la cara estaba desfigurada. Juan renifla de nouveau et gloussa.

    Rondouillard le mettait en doute, particulièrement parce que Maigrichon avait apparemment mentionné que le visage était défiguré, alors la reconnaissance faciale était peu possible. Je me retournai sur mon siège et pris une autre gorgée de ma bière, la goûtant à peine.

    Un corps mutilé était l’une des caractéristiques principales d’un meurtre commis par un zombie. Mais je n’avais jamais négligé la possibilité que ce soit aussi un meurtrier humain. Parfois, on ne peut pas attribuer la faute à un monstre pour ce qui cloche dans le monde.

    Même si ma famille et moi gérions un carnaval, ce qui était prétendument la raison première pour laquelle nous étions au Mexique, la vérité est que les néphilims traquent les autres. Les créatures de l’ombre. Vampires, métamorphes, zombies et autres dont vous n’avez probablement jamais entendu parler. Avant de quitter notre dernière mission, Grace m’avait parlé d’un possible réveil de zombies (jeu de mots intentionnel).

    Mais elle m’avait menti auparavant. Ma dernière mission n’avait été rien d’autre qu’un leurre pour me distraire de la vérité. Ce qu’était réellement la vérité, je n’en suis pas encore certaine. Mais je vais le découvrir. Même si cette découverte signifie que je vais devoir faire comme si je ne suis pas au courant de sa duperie.

    Antonio sourit d’un air suffisant, affichant l’air satisfait de celui qui sait que sa prochaine affirmation fera changer d’avis son ami sceptique. « Una cicatriz, aquí — il toucha le bout de son index et traça une ligne irrégulière jusqu’au creux de son coude — hasta aquí. » Il arqua un sourcil, attendant dans un silence confiant.

    Mis à part la manière caractéristique dont les doigts de Juan s’enroulèrent autour du goulot de sa bouteille de bière, c’était presque comme s’il n’avait pas entendu Antonio.

    Mais je pus voir que la mention de la cicatrice d’enfance de l’homme mort l’avait troublé. La teinte foncée de sa peau cuivrée devint presque blanche autour de sa bouche, et le muscle dans sa joue droite se mit à tressauter.

    Dios mío ! haleta Juan en faisant tomber sur le sol la chaise sur laquelle il était assis quand il bondit sur ses pieds et sortit en courant.

    Les lèvres d’Antonio se tordirent en une ébauche de sourire, puis il posa de l’argent sur la table, inclina son chapeau vers le barman et suivit son ami.

    Je m’humectai les lèvres et attendis un moment que la pièce redevienne calme. Le départ soudain des hommes avait transformé le minuscule bar en un bourdonnement de conversations incohérentes.

    Les autres clients se posaient des questions au sujet des hommes et ce dont ils parlaient, mais aucun d’eux ne semblait être au courant au sujet du corps. Il y avait peu de chances que j’apprenne autre chose.

    Je me levai, fis rouler mes épaules jusqu’à ce que les os craquent et émis un soupir satisfait comme si je n’avais aucun souci. Je fis un clin d’œil au barman, un vieil homme bourru avec des joues grêlées, et souris.

    Pendant une seconde, j’aurais pu jurer avoir senti le tourbillonnement de Luxure poindre.

    Je pouvais voir qu’il me désirait, pouvais voir la transpiration sur sa peau et le pouls qui battait à son cou.

    J’attendis que Luxure devienne exigeante et autoritaire comme elle le fait habituellement quand elle se retrouve devant une proie. Qu’elle emplisse ma tête de visions de moi m’avançant vers l’homme, agrippant sa chemise tachée de sueur et le tirant derrière le bar pour un petit coup rapide.

    Mes sourcils s’abaissèrent.

    Il est vrai que je venais de baiser avec Luc, mais le sexe était le sexe, et pour Luxure, c’était tout. Rien d’autre n’existait pour elle en dehors de son désir.

    Mais à part son tressaillement initial, elle demeura silencieuse.

    Perturbée, je laissai tomber de l’argent sur la table et sortis au petit trop, m’appuyant contre une colonne de bois. Elle sentait les eaux usées, la crotte et la pisse. Je m’en fichai. J’aspirai de grandes bouffées avides d’air et m’efforçai de calmer le tremblement soudain de mes mains.

    Qu’est-ce qui clochait avec moi ?

    Pourquoi devais-je m’en faire que Luxure ne semblait plus contrôler chacun de mes mots et chacune de mes pensées ? J’avais plus de contrôle, et malgré tout — je fermai les yeux, consciente de la présence étrangère en moi —, j’étais loin d’aller bien.

    Estás bien, gringa ?

    — Hum ? bredouillai-je en ouvrant mes yeux pour voir un petit enfant, pas plus vieux que huit ou neuf ans, ses grands yeux écarquillés levés vers moi.

    Il repoussa une touffe de cheveux graisseux de son visage. Il était beaucoup trop maigre. Le pantalon qu’il portait était une taille trop petite; des genoux protubérants ­sortaient de trous dans son pantalon déchiré.

    Je me demandai où se trouvaient ses parents, puis me dis qu’il était probablement l’un des nombreux orphelins qui vivaient dans les rues.

    Il semblait sincèrement inquiet, et soudainement je me souvins d’un autre petit visage. Brianna. Au moins, il y avait eu une enfant de sauvée cette nuit-là. Peut-être que c’étaient mes souvenirs d’elle, et non pas la présence du petit garçon, mais un sourire réticent étira les coins de mes lèvres. Je fouillai dans ma poche, pris un billet de cent pesos, à peu près huit dollars américains, et le lui donnai.

    — Je vais bien, lui dis-je en espagnol, mais il ne me regarda pas.

    Il observait plutôt le billet comme s’il craignait qu’il disparaisse. Il déglutit difficilement puis se mit à reculer lentement.

    — Va, grommelai-je en faisant un geste de la main.

    Il n’eut pas besoin d’autre encouragement et disparut rapidement dans le dédale de cabanes et de ruelles.

    Je pris une dernière respiration revigorante. Le temps était venu d’aller voir Grace.

    Le soleil était couché depuis longtemps, et la nuit résonnait des bruits de sauterelles et d’oiseaux retournant à leur nid. Je marchai lentement, les mains enfoncées profondément dans mes poches, et restai dans l’ombre.

    Je parcourus des ruelles pendant plusieurs pâtés de maisons sans rien d’autre que des rats et des chiens errants comme compagnie. Je vis quelques paires d’yeux m’étudier. Certains avec curiosité, d’autres avec des intentions malveillantes. J’étais une belle femme seule. Manifestement pas une femme du coin. Une proie facile.

    Ou c’est ce qu’ils pensaient.

    Mais je marchais avec assurance, et éventuellement les yeux durs disparurent.

    Souvent je n’ai aucune idée de l’endroit où Grace prévoit de nous rencontrer, mais elle et moi nous rencontrons depuis plusieurs décennies au Mexique maintenant. Je portai à peine attention à ce qui m’entourait, laissant mon instinct me guider.

    Une lumière cuivrée jaune capta mon attention. Je grondai alors que ma colère s’enflamma violemment. À une centaine de mètres devant moi se trouvait une cabane au toit de boue. À l’intérieur, Grace m’attendait.

    Maintenant que j’étais là, je n’étais plus certaine de pouvoir faire cela. Faire semblant qu’elle ne m’avait pas trahie. Ne nous avait pas trahis.

    Je cessai de marcher, fixant la lumière comme un papillon de nuit piégé dans la lueur mortelle d’une flamme.

    J’étais un véritable dépôt d’armes. J’avais un rasoir entre les seins, un couteau à cran d’arrêt dans chacune de mes bottes en peau de serpent. J’avais aussi deux neuf millimètres attachés dans mon dos, et l’épingle à cheveux qui retenait mes cheveux remontés n’était pas du tout une épingle, mais plutôt un pic à glace.

    Est-ce que je me préparais à détruire Grace ? Cela en avait tout l’air. Et peut-être qu’inconsciemment, c’était la raison pour laquelle j’étais venue ici aussi chargée, mais la vengeance n’était pas un luxe que je pouvais me permettre pour le moment. Les minutes passaient, et une silhouette sombre bougea derrière les rideaux fermés. Grace était en train de faire les cent pas, se demandant probablement où diable j’étais passée. Mais je n’arrivais pas à bouger.

    Figée par l’indécision, je serais peut-être demeurée là pour toujours si la lourde pression d’yeux n’avait pas creusé un trou dans ma conscience, me sortant de mon état de transe.

    Je plissai les yeux, me tournai dans la direction du regard brûlant et aperçus un mouvement furtif noir qui n’était pas une ombre.

    Le soleil était si bas qu’il n’y avait plus vraiment de lumière naturelle dans la ville, mais mon cœur tambourinait comme celui d’un lapin sur le crack, car au fond de moi, dans le coin le plus sombre de mon esprit, j’aurais juré que cette carrure et cette silhouette ne pouvaient appartenir qu’à une seule personne.

    Avec un grognement, je fonçai dans sa direction. Je me précipitai vers les ruelles étroites d’un bidonville, les cabanes empilées les unes sur les autres, m’écorchant à vif les jointures et le visage en tournant contre un clou rouillé ou un rugueux morceau de bois rongé par les termites. Mais la silhouette informe restait toujours hors d’atteinte, me menant dans un long et étourdissant chemin qui me fit complètement perdre mes repères, car j’étais trop concentrée à la rattraper.

    — Hé ! finis-je par lui lancer en pantelant après ce qui me parut comme plusieurs heures. Arrête de courir.

    Des têtes sortirent des maisons, me fixant avec des yeux en accents circonflexes et des lueurs inquiètes dans leurs regards noir d’encre. Je les ignorai.

    La tache n’écouta pas, et une flamme comme je n’avais jamais senti auparavant fila sur ma colonne, brouillant ma vision.

    — J’ai dit arrête ! rugis-je.

    Cela eut l’air stupide et dingue, mais j’étais stupide et dingue.

    Je ne pensais pas normalement, au moins cela était évident. Mais ce que je n’avais pas remarqué, et j’aurais probablement dû, est que dès l’instant où j’avais crié, un givre avait brûlé ma peau.

    Quelque chose de puissant me fonça dessus, chassant tout l’air de mes poumons et me jetant sur le sol. Une force éthérée courut comme une décharge électrique sur ma peau avant qu’une main se plaque sur ma bouche.

    La panique s’agrippa à ma gorge, voila ma vision floue et fit s’allonger mes crocs et se dérouler mes griffes.

    — Boucle-la, nom de Dieu, siffla la voix dans mon oreille. Maîtrise ta foutue panique, ou je te jure que je te tranche la tête.

    La voix me donna littéralement l’impression que mon cerveau était sur le point de se court-circuiter, et je clignai des yeux, respirant difficilement, me sentant plus idiote que jamais dans ma vie, car il était absolument impossible que ce que j’entendais, qui j’entendais, soit réellement…

    — Billy ? parvins-je à bredouiller entre deux sanglots de surprise.

    Je ne pouvais pas voir son visage — il était obscurci par les plis volumineux du capuchon de son pull —, mais cette voix. Cette voix allait me hanter pour toujours.

    Et cette fois, Luxure ne fit pas que se tortiller, elle rugit.

    Mon corps passa de chaud à bouillant. Ma peau devint si sensible que j’étais incroyablement consciente de sa forme sur mon corps. Partout où nous nous touchions. Son pelvis écrasé contre le mien, son genou entre mes cuisses, sa respiration effleurant mon encolure.

    — Bien, gronda-t-il, et bon sang que j’aurais aimé lui tirer ce pull noir immédiatement. J’ai suspendu le temps, mais ça ne durera pas. Quand tu as crié, ton démon est sorti.

    — Luxure ?

    Je n’arrivais pas à croire le chuchotement de

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