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La nuit des hurleurs
La nuit des hurleurs
La nuit des hurleurs
Livre électronique404 pages5 heuresNuits écarlates

La nuit des hurleurs

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À propos de ce livre électronique

Le Prêtre était de retour. Sa maison était en sécurité. Et Pandora était même parvenue
à se rallier une puissante alliée en la Reine des Zombies. Mais d’un seul coup, rien de
tout cela n’importait. Elle avait été enlevée par une organisation secrète seulement
connue sous le nom de la Triade qui mène des expériences, la traitant comme un rat de
laboratoire : l’ouvrant, la disséquant et la gardant otage. Et lentement, elle devient folle. Ses démons sont endormis et personne ne sait où elle se trouve. Elle est complètement isolée et la Triade veut la briser. Mais pour quelle raison ? Et dans quel but?

Désespérée de retourner à sa vie et vers les gens qu’elle aime, Pandora parvient à faire
une évasion miraculeuse… Mais est-ce vraiment le cas ? Tout ce dont elle est certaine, c’est de s’être réveillée, seule et terrifiée, ne possédant aucun souvenir de qui elle est vraiment.

Seule une pensée ne cesse de la marteler: la prophétie. Une légende qui affirme qu’elle est la clé pour déclencher l’Apocalypse. La vérité de ce qu’elle est, de ce que la Triade l’a fait devenir, a été scellée dans sa mémoire. Et si elle parvient à seulement s’en souvenir, elle sait qu’elle pourra arrêter ce que la Triade a de prévu.
LangueFrançais
ÉditeurÉditions AdA
Date de sortie30 mars 2018
ISBN9782897861070
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    Aperçu du livre

    La nuit des hurleurs - Marie Hall

    Copyright © 2014 Marie Hall

    Titre original anglais  : Howler's night

    Copyright © 2017 Éditions AdA Inc. pour la traduction française.

    Ce livre est publié avec l’accord de Bookends LLC.

    Tous droits réservés. Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite sous quelque forme que ce soit sans la

    permission écrite de l’éditeur, sauf dans le cas d’une critique littéraire.

    Éditeur  : François Doucet

    Traduction  : Sophie Deshaies

    Révision linguistique  : Féminin pluriel

    Correction d’épreuves  : Nancy Coulombe, Émilie Leroux et Féminin pluriel

    Conception de la couverture  : Mathieu C. Dandurand

    Photo de la couverture  : © Getty images

    Mise en pages  : Kina Baril-Bergeron

    ISBN papier 978-2-89786-105-6

    ISBN PDF numérique 978-2-89786-106-3

    ISBN ePub 978-2-89786-107-0

    Première impression  : 2017

    Dépôt légal  : 2017

    Bibliothèque et Archives nationales du Québec

    Bibliothèque et Archives nationales du Canada

    Éditions AdA Inc.

    1385, boul. Lionel-Boulet

    Varennes (Québec) J3X 1P7, Canada

    Téléphone  : 450 929-0296

    Télécopieur  : 450 929-0220

    www.ada-inc.com

    info@ada-inc.com

    Diffusion

    Canada  : Éditions AdA Inc.

    France  : D.G. Diffusion

    Z.I. des Bogues

    31750 Escalquens — France

    Téléphone  : 05.61.00.09.99

    Suisse  : Transat — 23.42.77.40

    Belgique  : D.G. Diffusion — 05.61.00.09.99

    Imprimé au Canada

    Participation de la SODEC.

    Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC)

    pour nos activités d’édition.

    Gouvernement du Québec — Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres — Gestion SODEC.

    Conversion au format ePub par:

    Lab Urbain

    www.laburbain.com

    C1.jpg

    Scrutant profondément ces ténèbres, je me tins longtemps plein d’étonnement, de crainte…

    — Edgar Allen Poe

    Chapitre 1  : La lune des hurleurs

    Du verre explosa et le son d’une explosion secoua le monde m’entourant. Je fus projetée dans les airs. Asher fut arraché de mes bras. La lumière éclata et le chaos, mon Dieu, régna.

    Il y eut des hurlements, tellement de hurlements. Quelque chose de coupant mordit ma chair et je sentis la chaleur du sang couler de ma joue. J’avais dû tomber du lit, sur la lampe ? Je clignai des yeux, car mon cerveau ressemblait littéralement à un œuf brouillé.

    Puis une ombre me couvrit. Mais elle n’appartenait pas à mon prêtre. Des griffes traversèrent mes omoplates.

    — Nous l’avons trouvé !

    Quelqu’un cria et je fus étonnée de constater que ce son à glacer le sang provenait de moi. Les griffes m’agrippèrent plus fermement et je me tordis parce que la douleur était incroyable. Mes démons restèrent silencieux, pleurnichant presque en moi.

    J’étais si foutrement désorientée, mes oreilles résonnaient et je clignai des yeux, examinant le monde et incapable de croire ce que je vis.

    D’une manière inexplicable, un trou géant se trouvait dans la caravane de Kemen et j’avais été propulsé au travers. Ma joue n’était pas pressée contre une lampe comme j’avais pensé, mais sur un bâton affuté. L’étagère que j’avais installée avec tant d’amour écrasait maintenant ma jambe gauche et quand je tentai de remuer mon pied je compris avec un hurlement qu’il était fracturé.

    — Pandora ! cria Asher et je vis son ombre se précipiter vers moi, mais il y avait quelque chose de tout à fait anormal en lui.

    Son bras pendait de manière inutile près de son corps et c’est à ce moment que je me rendis compte qu’il tenait à peine par un morceau de peau. Sa joue gauche était déchiquetée, laissant voir les muscles rouges en dessous. Je secouai la tête.

    Ce n’était pas réel. Rien de tout ceci ne se passait. Je m’étais trouvé au lit avec Asher et nous étions sur le point de faire l’amour, cela se produisait enfin. Puis ce n’était plus le cas et maintenant je ne savais pas ce qui se passait.

    Les griffes me jetèrent sur une solide épaule remarquablement épaisse entièrement couverte d’un manteau râpeux.

    Je gémis et des larmes glissèrent du coin de mes yeux tandis que le corps traversa le marécage en courant, moi drapé sur son dos. Chaque fois qu’il frappait le sol humide, je bondissais, pour retomber lourdement contre les muscles aussi durs que du béton. Je grognai et frappai le dos, essayant de tirer le manteau pour me rendre compte qu’il ne s’agissait pas d’un manteau, mais d’une fourrure couleur ambre.

    — Oh, Dieu, sanglotai-je, tendant les mains vers Asher qui se trouvait maintenant au sol, cloué par deux autres bêtes gigantesques de fourrures et de muscles.

    Et c’est la dernière dont je me souviens alors qu’un poing emboutit mon crâne, le fracassant aussitôt.

    H

    Les lumières vertes clignotantes furent les premières choses que je remarquai quand je plissai les yeux. La deuxième fut un horrible bourdonnement métallique, comme un fluorescent en train de rendre l’âme. Et la troisième…

    La troisième fut la pire. Un hurlement d’horreur resta coincé dans ma gorge. Pas parce que j’étais ligotée sur un brancard à roulettes ni même parce que j’avais un bâillon-boule attaché à ma bouche. Mais parce que j’étais nue et ouverte.

    De la poitrine au bas de mon ventre, j’avais été fendue en deux comme un melon d’eau.

    À l’aide ! Oh, mon Dieu ! À l’aide !

    Des larmes surgirent de mes yeux, car les mots n’avaient été prononcés que dans ma tête. Il n’y aurait personne qui viendrait pour moi. Pas de chevalier pour me secourir. J’étais seule et perdue, cachée, Dieu seul savait où.

    — Bien, elle est réveillée, les tests vont pouvoir commencer. Une voix désincarnée parla fortement dans des haut-parleurs installés dans la pièce. Je ne pus dire s’il s’agissait d’un homme ou d’une femme, mais peu importa.

    Rien n’importa, mis à part qu’ils ne me fassent pas ce qu’ils étaient sur le point de me faire.

    Non. Non. Je secouai la tête et tentai de lutter contre mes liens, battis mes pieds et remuai les bras. Mais dès l’instant où je bougeai, ce fut comme si quelqu’un avait inséré un aiguillon électrique directement dans mon cœur.

    Je me tordis, me tortillai de douleur. Mes yeux s’écarquillèrent quand je vis mon cœur. L’organe a proprement parlé. Il était aussi exposé que le reste et avait des fils attaché partout.

    Il y eut un bip puis des mains solides et douloureuses me glissèrent sur la table froide métallique et une lumière si vive que c’était comme fixer le soleil fut directement tournée vers mon visage.

    Je n’arrivai plus à voir. Je gémis. Râlai. Essaya de les supplier, les implorer d’arrêter. Mais ils ne purent saisir le sens de mes mots et qu’est-ce que cela aurait importé si cela avait été le cas ? Je savais que c’était le genre de gens qui n’arrêteraient jamais.

    La dernière chose dont je me souvenais était mon prêtre, il me tenait dans ses bras et nous étions sur le point de…

    Je hurlai quand ils m’enfoncèrent un couteau. Je hurlai jusqu’à ce que ma gorge soit à vif et continuai encore.

    J’aurai dû m’évanouir. Pourquoi ne m’évanouissais-je pas ?

    — Donne-moi les cisailles, dit une voix masculine.

    Le son était si méthodique, si normal, comme s’il ne faisait rien d’autre que se récurer les ongles. Ou manger son dîner.

    — Si tu t’inquiètes, démon, du fait que nous te voulons du mal, me chuchota la même voix masculine aussi nonchalamment que possible, alors tu aurais raison.

    À ce moment quelque chose d’aiguisé, de métallique et aussi chaud que les feux de l’enfer s’enfonça dans mon ventre. La douleur m’engloutit, fractura mon âme, mes démons n’étaient plus présents. J’étais vide. Si vide. Si froide.

    Je n’étais rien.

    Et enfin, enfin, l’obscurité bénite me happa…

    H

    Je revins à moi je ne sais combien de temps plus tard. Il n’y avait aucune fenêtre pour définir l’heure. Deux métamorphes me tiraient dans un long couloir gris. J’avais compté le nombre de pièces de ce froid et humide trou à rats la première nuit où je m’étais réveillée de ma stupeur provoquée par la drogue. Il y avait 30 cellules bloquées de 2,5 mètres sur 2,5 mètres, 15 de chaque côté. Certaines étaient vides, mais la plupart contenaient une personne nue, recroquevillée sur elle-même sur le plancher froid de ciment.

    Hommes, femmes, enfants, humains et détraquées. Nous étions tous présents.

    L’écho de leur pas était comme le rugissement strident d’un marteau-piqueur dans mon crâne sensible. Je sifflai à chaque pas, les points de mon corps se tendant et s’étirant, faisant suinter du sang.

    Je gémis douloureusement.

    Ils avaient dû m’entendre.

    Des yeux terrifiés vert émeraude me regardèrent par la porte d’une cellule. C’était une fille noire avec la tête rasée, elle semblait jeune, peut-être 17 ans. Elle empoignait les barreaux avec des doigts dont les ongles avaient été rongés jusqu’au sang. Son regard était creux et vide.

    Mais je n’eus pas la chance de l’étudier davantage. Un poing percuta ma tempe et je m’évanouis à nouveau.

    H

    Le temps devint flou, fluide. J’aurai pu être là depuis trois jours ou trois années, je ne savais pas. Ma cellule était toujours dans l’obscurité, le seul moment où je voyais de la lumière était quand je me trouvais sur la table. Quand ils me découpaient, m’étudiaient.

    Le médecin me parlait tout le temps, me posait des questions bizarres.

    Quelle était la couleur d’une goutte de pluie ?

    Bleue.

    Un geste apaisant sur mon front.

    Quel était le nombre de pi ?

    On s’en fiche.

    Un geste apaisant sur mon front.

    Est-ce que Cléopâtre avait vraiment eu autant d’amants ?

    Oui.

    Un geste apaisant sur mon front.

    Qui était l’Homme Gris ?

    Je ne savais pas.

    Le feu inonda dans mes veines. Je hurlai jusqu’à faire saigner ma gorge.

    Connais-tu un prêtre de la mort nommé Asher ?

    Non.

    Des décharges électriques déferlèrent directement dans mon cœur. Je tressautai et tremblai en proie à une crise d’épilepsie.

    Qu’est-ce que j’avais pensé en voyant Courroux ?

    Haine.

    Je fus déchirée de l’intérieur. Je perdis connaissance à cause de la douleur infinie.

    Je me réveillai dans ma cellule, nue, en sang et brisée.

    Ya-el, Ya-el, Ya-el. Mon nom m’était psalmodié tout au cours du jour et de la nuit, 24 heures par jour, filtrant par les haut-parleurs dissimulés dans ma chambre.

    De la nourriture était poussée à travers les barreaux. Quelque chose ressemblant à de la viande gélatineuse et du riz moisi. Je repoussai le tout.

    Je rampais vers le bord de mon lit, trop faible pour m’allonger dessus. Je me blottis sur moi-même et grattai le ciment de mon ongle ensanglanté. Il n’y avait rien d’autre que des lignes et des zigzags, j’étais seule. Il n’y avait aucune voix en moi, seulement la noirceur, seulement la douleur…

    Alors que les jours passèrent et que les questions furent répétées, mes réponses commencèrent à changer.

    Quelle était la couleur d’une goutte de pluie ?

    Bleue ?

    Aucun contact.

    Quel était le nombre de pi ?

    Infinie.

    Aucun contact.

    Est-ce que Cléopâtre avait vraiment eu autant d’amants ?

    Je ne savais pas.

    Aucun contact.

    Qui était l’Homme Gris ?

    Nooon.

    Le feu.

    Qui était Asher ?

    Personne.

    Décharges.

    Qu’est-ce que j’avais pensé en voyant Courroux ?

    Danger.

    Pas de douleur.

    Ya-el. Ya-el. Ya-el.

    Tout le monde était méchant. Ils étaient tous à mes trousses. J’étais un démon. J’étais mauvaise. Je devrais mourir. Mais je n’étais pas prête. Je l’aimais.

    Plus de temps passa. Je commençais à faiblir. J’oubliais des choses. J’étais couverte de cicatrices. Le monde était si noir.

    Quelle était la couleur d’une goutte de pluie ?

    Rouge.

    Une douce caresse.

    Qu’était pi ?

    3,14159…

    Il me fit arrêter et me sourit. J’aimai ce sourire. C’était le premier que je voyais depuis une éternité.

    Qui était l’Homme Gris ?

    Ma langue se bloqua. J’allais mourir de cette douleur. J’étais si faible. J’arrivai à peine à me souvenir qui était cet Homme Gris, mais je savais que je devais le protéger. Je ne dis rien.

    Quand tout fut terminé, du sang coulait de mon nez et ma bouche.

    Qui était Asher ?

    Je le regardai et il sut que je n’allais rien dire. Ses yeux devinrent noirs, contrariés et je sus ce qui allait venir. Je voulais que cela vienne. Je voulais que ce soit terminé. Alors que les métamorphes me tailladèrent de leurs griffes, je criai et me souvins de lui. Mon sombre amoureux. Le battement de mon cœur. Il comprendrait et accepterait mon sacrifice. Jamais je n’allais l’abandonner.

    Jamais

    J’arrivai à peine à respirer quand les coups cessèrent.

    Mes yeux étaient enflés, je n’arrivai plus à voir. Aucune partie de moi n’était pas douloureuse. J’étais un nerf exposé, une blessure palpitante.

    — Qu’est-ce que j’avais pensé en voyant Courroux ?

    — Beauté.

    J’étais brisée.

    Quand ils me ramenèrent à ma chambre, je priai pour la mort. La femme aux yeux verts me regarda. Ils l’avaient changé de cellule. Elle se trouvait juste en face de la mienne maintenant.

    La moitié de son visage avait été fondue. Dommage, elle avait un jour été si jolie.

    Je ris quand je me jetai un coup d’œil. J’étais la mariée de Frankenstein. Je n’étais que cicatrices et entailles. J’enroulai mes bras autour de mon corps et ris et pleurai, pleurai et ris.

    — Sous. Ton. Lit. Sa voix était éraillée, mais elle me sortit de ma folie.

    Je voulus lui demander de quoi elle parlait, mais elle recula en rampant et se cacha dans l’ombre.

    Je débattis avec moi-même pour savoir si j’avais assez de force pour bouger. Mais je suppose que oui, puisque je glissai vers l’avant. Le sang suintant de mes écorchures aida, mais quand j’arrivai au lit, mes bras tremblaient, mes mains aussi.

    Je m’allongeai, le visage pressé contre le plancher, fixai sous le lit et vit un petit livre en cuir. Il ne me fallut peut-être que cinq minutes ou bien cinq heures (je n’étais pas certaine), mais je finis par tirer le livre jusqu’à moi.

    Quand je l’ouvris, je vis qu’il était vide. Rien d’autre que des plages vierges.

    À l’exception de la dernière page.

    Personne ne s’échappe. Pas toi. Pas moi. Personne. J’ai envoûté le livre afin que lorsque ce sera le moment, il parvienne aux côtés de celui qui en a le plus besoin. C’est ton adieu.

    — Hannah

    Je suppose qu’il n’y avait rien à ajouter.

    Chapitre 2 | Asher

    Cela faisait 11 mois, 3 semaines, 6 jours et 20 heures depuis la dernière fois où j’avais vu Pandora. Sauf quand je fermai les yeux. Alors je la voyais chaque nuit et c’était toujours la même chose, elle tendait les mains vers moi avec un air terrorisé dans les yeux et j’étais paralysé. Incapable de bouger et de crier vers elle jusqu’à ce que ma gorge saigne à vif, mais le cauchemar se terminait toujours de la même façon.

    Les monstres me l’enlevaient. Je suis un prêtre de la mort, un être d’une telle magnifique puissance que d’un seul souffle je peux apporter la vie ou la mort. Ce qui se passait en ce moment m’était si étranger que je ne savais pas comment réagir.

    Tout ce dont je me souvenais était que mon bras pendait par seulement un tendon. Puis un chœur de rugissements m’était parvenu du carnaval alors que les Nephilims s’étaient précipités hors de leur caravane, les yeux écarquillés, et s’étaient jetés vers moi, parce que ce devait être ma faute. J’étais l’intrus, le prêtre de la mort dont l’unique mission dans la vie est de détruire les démons.

    J’avais été ciblé par Bubba puis par Cash. Chacun avec des yeux lumineux, se léchant les lèvres, le goût de leur désir de me tuer était si tangible dans l’air que même si je n’avais qu’un seul bras en bon état, je savais que je n’avais d’autre choix que de me battre à mort.

    Au diable la préservation de leurs pathétiques vies. La seule raison pour laquelle je les avais laissé vivre était pour Pandora, elle était l’unique chose qui signifiait quelque chose pour moi.

    Mais elle n’était plus là et la folie, la vieille haine était revenue en force et je les aurais tous tués. Je les aurais tous anéantis, mais Luc m’avait agrippé et il y avait eu ce regard dans ses yeux.

    Un regard que j’avais à peine pu décrire.

    Ce regard avait été empli de rage, de fureur, mais enfouie tout au fond, il y avait eu la douleur de ce que nous avions perdu.

    Je ne savais pas exactement comment étiqueter ce qu’il y avait eu entre lui et Pandora et tandis qu’une partie de moi détestait cela, pendant une seconde j’avais été reconnaissant d’en être témoin. De voir l’étincelle de son humanité, car elle m’avait rappelé celle de Pandora.

    Ce regard m’avait fait reprendre mes esprits. Ce regard avait aussi calmé son groupe.

    Luc avait fait le serment de se venger et je l’avais tout d’abord cru. C’était stupide, je sais. Mais je savais seulement que nous la retrouverions, la ramènerions et que quiconque impliqué dans son enlèvement allait payer.

    Mais avec chaque jour qui passait, la folie en moi devenait de plus en plus forte, jusqu’à maintenant où je faisais les cent pas dans notre caravane à la recherche d’indice.

    Quelque chose qui m’avait peut-être échappé près d’un an plus tôt. Je savais que les chances de découvrir quoi que ce soit maintenant n’étaient pas très fortes, mais j’étais désespéré.

    La pièce était sombre, la nuit longue, mais je n’avais pas besoin de lumière. J’étais un maître de l’obscurité, c’était ainsi que je créais mon homme gris, c’était une manipulation de la matière noire de l’univers.

    Il œuvrait à mes côtés, une silencieuse ombre semi-consciente qui ne désirait rien d’autre que de répondre à mes ordres.

    — Tu vas à gauche, moi à droite, lui ordonnai-je.

    Il ne s’inclina pas ni pencha la tête, mais il s’éloigna en flottant, planant au-dessus du plancher comme une vague noire ondulante.

    J’étais dans la pièce, en train de fixer le trou béant dans le mur. Des souvenirs labourèrent mon cerveau  : moi en train de l’étreindre, l’explosion puis le chaos absolu de bruits et de lumières. Puis je tirais mon corps brisé de sous les décombres pour me faire attaquer par les métamorphes. J’avais été si désorienté par l’explosion, ignorant que j’avais pris un coup direct jusqu’à ce que j’essaie de frapper et que mon bras refuse d’obéir.

    J’étais parvenu à m’éloigner d’eux juste suffisamment longtemps pour voir Pandora se faire agripper par eux, pour voir son regard paniqué et entendre ses cris angoissés. Mon petit démon n’avait jamais paru aussi effrayé et j’avais été trop inutile pour lui venir en aide.

    Une fois que le choc avait été passé, ils étaient tous partis, même ceux que j’avais mis par terre. Luc avait plié bagage et déménagé le groupe 40 kilomètres plus loin dans le marécage. Il s’était braqué quand je lui avais dit que j’allais déménager la caravane.

    Il m’avait dit qu’elle n’était rien d’autre qu’un tas de ferraille, bonne seulement pour faire un feu. Et même si je savais qu’il avait raison, je savais aussi le fait de perdre cette caravane l’anéantirais.

    Kemen avait été sa vie, cette caravane était un sanctuaire en son honneur. Sa manière de s’accrocher à un amour qu’elle avait si rarement connu dans la vie.

    Je fermai les yeux, inspirant l’air marécageux, palustre. Laissant le chant des cigales calmer mes nerfs éreintés.

    Si elle était morte, je le saurai. J’aimais Pandora depuis des siècles, l’avais assimilé, l’avait surveillé. J’en étais devenu à faire un avec son âme.

    Je frottai mon cœur.

    L’odeur de soufre emplit la pièce. C’était une odeur noire, de fumée que tous les démons possédaient intrinsèquement.

    Même si pour moi Pandora n’avait jamais senti la puanteur de l’enfer.

    — Tu sais que rien ne t’a échappé. La voix geignarde de Luc s’éleva derrière mon épaule.

    Je crispai la mâchoire, observant l’homme gris flotter méticuleusement sur chaque centimètre de la pièce.

    — Je devrais te tuer pour paraître aussi vaincu. Je me retournai lentement, de sorte que nos poitrines se touchèrent pratiquement.

    Je ne l’aimais toujours pas, mais j’avais appris à le tolérer.

    Ses narines se dilatèrent tandis que mes poings se serrèrent.

    Nous étions des bombes, nos mèches si courtes qu’il ne faudrait rien pour que l’un de nous explose.

    Peut-être était-ce la proximité du fantôme de Pandora, mais sa tension se dissipa et il fit un énorme pas vers l’arrière, puis un autre, jusqu’à ce qu’il soit hors de ma bulle et assit sur le coin du lit.

    Il allongea les jambes et fit tourner son poignet.

    — Merde, grogna-t-il. Merde.

    Plus il paraissait démoli, plus il me dégoûtait. En renâclant, je repoussai l’émotion.

    — Nous ne pouvons pas rester là à ne rien faire. Je vais la trouver avec ou sans toi.

    Son regard se posa sur moi.

    — Nous avons fouillé dans tous les conclaves de réseaux de métamorphes. Personne ne sait de quoi on parle.

    Je m’appuyai contre le mur et gloussai.

    — Ouais et on peut croire la parole de monstres. Particulièrement ceux ayant un solide lien avec la famille. Si tu n’es pas avec moi Luc, tu es contre moi. Alors lequel est-ce ?

    — J’ai une responsabilité envers ma famille, Prêtre. Il se passa la main sur la mâchoire puis frotta ses paumes contre son jean. Ce n’est pas comme si c’était la première que nous perdions et ce ne sera assurément pas la dernière.

    — Va te faire foutre ! J’agrippai le rebord de la commode abimée en bois parce que ce que j’avais réellement envie de faire était d’enfoncer mon bras dans sa gorge et de lui arracher le cœur. Tu ne peux pas me dire qu’une année est tout ce que Pandora mérite pour toi.

    — Bien sûr que non ! Il bondit sur ses pieds, léchant ses crocs à quelques reprises avant que son souffle lourd soit maîtrisé. Tu crois que j’aime ça ? Il frappa son poing dans l’autre. Tu crois que je n’ai pas envie de botter mes propres fesses pour dire cela, mais elle comprendrait. Elle me dirait même de le faire. Je la connais, écoute, nous ne sommes pas en sécurité ici. Nous devons nous cacher plus loin, rester aussi longtemps à un même endroit est une mauvaise idée et tu le sais foutrement bien. Peut-être que lorsque nous serons regroupés nous pourrons…

    Je ris.

    — Tu me fais vomir. Vous me faites tous vomir. Elle se battrait. Elle est en train de se battre. Ma femme n’est pas morte et le seul fait que tu te tires et la laisses continuer à endurer cette souffrance…

    La colère en moi était une chose vivante, qui respirait, emplit de feu, de soufre et d’une fureur justifiée. J’attirai les ombres à moi et serrai ma main qui maintenant frémissait de la sensuelle ondulation de la nuit. Je l’enroulai autour de son cou comme les anneaux d’un serpent.

    Le souffle coupé, ses crocs dévoilés, Luc me fusilla du regard. Mais il ne tenta pas de se débattre. Peut-être même qu’au fond de lui il le voulait. Voulait que je mette un terme à sa pathétique misérable existence.

    C’était un soulagement que je ne lui accorderais pas.

    Je détendis ma main et les ombres se dissipèrent.

    — Non, tu ne l’auras pas aussi facilement. Tu vas souffrir. Tu rêveras à elle. Des choses qu’ils lui font. Qu’elle est probablement enfermée dans une pièce en train de t’appeler en hurlant. S’accrochant à l’espoir que tu la retrouveras. Tu sais aussi bien que moi que si cela avait été toi, elle aurait fait tout en son pouvoir pour te retrouver et elle n’aurait jamais abandonné. Jamais.

    La mâchoire de Luc se contracta, mais il refusa de me regarder.

    — Je sais, dit-il d’une voix si basse que si j’avais été humain je ne l’aurais pas entendu, et c’est pour cette raison qu’elle ne va pas survivre. Sa mâchoire se serra si fortement que les veines dans son cou palpitèrent.

    Je le détestai pour dire cela, pour même le penser. L’amour n’était pas une faiblesse. C’était la force. Une force qu’aucun démon ne pourrait possiblement un jour comprendre, mis à part le mien. Elle savait que c’était la vérité, c’est pour cette raison que jamais je ne l’abandonnerais. Parce qu’elle ne m’aurait jamais abandonné.

    — Je reste.

    — Je savais que tu dirais cela. Luc se leva, mais cette fois il le fit comme un vieil homme, comme si le poids du monde pesait sur ses épaules et appuyait sur lui. Nous partons maintenant. Tu peux conserver cette caravane.

    Je secouai la tête, incapable de parler. Pas étonnant que Pandora était toujours si triste. Si même ceux qu’elle aimait le plus étaient si empressés à l’abandonner, pas surprenant qu’elle soit aussi disposée à croire que je fasse la même chose.

    Il se leva en me tournant le dos avant d’ajouter  :

    — Si tu la retrouves…

    J’aurais voulu lui dire que jamais je ne la ramènerais ici, jamais je ne la laisserais avec ceux qui l’avaient si rapidement laissé tomber, mais Pandora ne le permettrait jamais. Pour des raisons que je n’arrivais pas à comprendre, elle avait toujours aimé ceux qu’elle n’aurait pas dus.

    Il se téléporta sans terminer sa phrase.

    L’homme gris se leva et se tourna vers moi. Il n’avait rien trouvé.

    Luc avait raison. La piste était morte. Mais il avait tort d’abandonner, je n’allais cesser de chercher que lorsque j’allais pousser mon dernier souffle. Et je savais qu’elle pouvait prendre soin d’elle, elle était une combattante née. Mais mon instinct me disait qu’elle avait été prise par la triade et il y avait des choses qui pouvaient briser même les plus forts d’entre nous.

    — Pandora, je murmurai son nom avec toute la passion que j’avais en moi, je ne pars pas. Je n’abandonne pas. Mais tu dois m’aider. Aide-moi à te retrouver.

    L’épuisement s’empara de moi. Je rappelai l’homme gris en moi, ma force pulsa sous ma peau et je tentai quelque chose que je n’avais jamais tenté.

    Principalement parce que la quantité de force requise pour le faire n’allait pas seulement laisser échapper de l’énergie, mais allait provoquer une explosion qui me laisserait faible et vulnérable devant ceux m’entourant jusqu’à ce que je puisse reprendre des forces. Je n’avais jamais eu un moment paisible dans le confinement de ce groupe et ils ne m’avaient jamais laissé seul. Comme s’ils sentaient que j’étais en quelque sorte impliqué dans tout ceci et attendaient simplement que je commette une gaffe.

    Mais maintenant que les Nephilim partaient, je n’aurais plus à m’inquiéter que quiconque entre et s’en prenne à mon corps affaibli.

    Je m’allongeai sur notre lit, fermai les yeux et me glissai dans une transe. Je laissai mon corps métaphysique jusqu’à ce que je flotte hors de moi. Je n’étais rien d’autre qu’une âme et une conscience, volant au-dessus des nuages à la recherche de la pulsation de la vie de Pandora. Mais je devais monter plus haut que les nuages, je devais aller

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