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La démone nocturne
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Livre électronique369 pages5 heures

La démone nocturne

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À propos de ce livre électronique

Résolue à percer les mystères des anciens Mayas, Gretchen. Finch tombe sur de nouveaux glyphes qui révèlent une horrible créature – la démons nocturne. Bien que par sa formation scientifique elle sache que ce n’est pas possible, elle commence à croire ce que révèlent les glyphes. … et le sang humain l’attire. Lukas Smith a passé toute son existence d’immortel en quête de réponses à sa réalité de marcheur nocturne. En travaillant avec Gretchen, il croit être sur le point de comprendre ce qu’il est devenu. Toutefois, l’accumulation de faits le porte à croire que son existence est entremêlée à celle de la démone nocturne, ainsi qu’à celle de la belle et intelligente Gretchen. La chasse est ouverte. Le travail de Gretchen serait plus simple si elle n’était pas seule dans la jungle avec cet énigmatique et brillant reclus dont les regards l’enflamment. Ensemble, ils doivent retrouver les autres marcheurs nocturnes et enrayer l’inexplicable violence qui explose à travers le monde avant d’être forcés de faire un choix… un choix qui pourrait entraîner la fin des marcheurs nocturnes.
LangueFrançais
Date de sortie15 sept. 2014
ISBN9782897520410
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    Aperçu du livre

    La démone nocturne - Lisa Kessler

    Itzá.

    Prologue

    L e sang coulait du coin de ses yeux anciens et le long de sa joue de pierre. Au creux de la chambre centrale de la pyramide de pierre, le veilleur prit une lente inspira-tion. La pierre taillée de son corps se transforma progressivement en chair, craquelant et se libérant de sa nouvelle peau immortelle. Son regard gris sans vie avait fixé le vide pendant des siècles, mais le moment était venu pour lui de voir de nouveau.

    Sur des yeux aveugles, une nouvelle paupière cligna, jusqu’à ce que le don de vie lui rende finalement la vue. Sa poitrine se souleva, et le rythme irrégulier des battements de son cœur ralentit progressivement pour épouser le pouls de Camalotz, la démone nocturne, qui se réveillait après des millénaires de sommeil.

    Au-dessus, les oiseaux poussaient des cris aigus dans le ciel de la nuit, avertissant le monde endormi que le cœur de la jungle s’était de nouveau mis à battre. Camalotz remua dans les profondeurs terrestres, ensevelie sous une couverture de pierres et de vignes. Le faible grognement de sa faim fit trembler de peur le sol de la jungle tout entière.

    La dormeuse était finalement réveillée — en quête de liberté de sa prison souterraine.

    Le veilleur se demanda combien de temps ils avaient dormi. En tant que compagnon et gardien de la démone, il était le protecteur et le gardien du monde des mortels, le protégeant de la colère de la démone. Toutefois, la maîtriser s’était avéré une tâche impossible. Une tâche qu’il avait espéré ne jamais devoir accomplir de nouveau.

    Le veilleur ouvrit la catacombe et sortit de l’ancienne pyramide de pierre pour entrer dans la jungle, traquant les bêtes qui se tapissaient dans l’ombre. Trop d’années s’étaient écoulées sans que le sang touche ses lèvres. Sa gorge desséchée le faisait souffrir.

    En quelques nuits, il aurait la force nécessaire pour entamer sa quête. Il devait trouver qui avait réveillé la démone nocturne. Il avait participé à son emprisonnement auparavant, et maintenant, après tant d’années, il devait de nouveau la restreindre.

    Le monde des mortels en dépendait.

    Chapitre 1

    L ukas posa sa tête dans ses mains avec une frustration profonde. Le soleil se lèverait sous peu, et il n’avait toujours pas déchiffré le glyphe maya.

    Quelque chose avait changé au cœur du Yucatan au cours de la dernière semaine. Il se sentait observé, traqué par une force occulte. La chaleur humide de la jungle était imprégnée de malveillance, et les animaux le sentaient également, partageant sa méfiance.

    Ce qui hantait les créatures de la jungle semblait être en lien avec les gravures anciennes des prêtres mayas. Il ignorait si son expédition, sa propre exhumation de secrets lugubres, avait provoqué le changement, mais il devait trouver le pourquoi. Il avait cherché pendant trop longtemps pour abandonner sans résoudre le mystère, sans découvrir ce qui l’avait métamorphosé en marcheur nocturne. En fait, il espérait ne jamais devoir quitter la jungle.

    Avec chaque secousse qui faisait trembler la jungle, la présence sinistre s’imposait. Il avait constaté que les créatures de la forêt tropicale tremblaient de peur, leur instinct les prévenant du danger, du mal qui se tapissait dans l’ombre autour d’elles.

    Lukas laissa échapper un gros soupir avant de reporter son attention sur ses recherches. Il devait se concentrer sur le casse-tête qu’il avait devant lui. Les secrets qu’il cherchait étaient à portée de main. Combien de fois avait-il espéré cet instant, cette occasion de comprendre enfin ce qu’il était devenu et comment le combattre ?

    Depuis qu’il avait fui la côte de la Californie près de trois cents ans auparavant, il était troublé par son immortalité, incapable d’accepter sa nouvelle existence. Il était un marcheur nocturne, mais ce n’était pas par choix. Son corps avait été empoisonné, et il était devenu un meurtrier. Seule la métamorphose en son esprit animal lui apportait une certaine consolation qui lui permettait de s’évader de la réalité de son immortalité.

    Sa soif de sang l’avait tourmenté durant les premières années. Il avait tué souvent, trop souvent. Rapidement, la folie avait pris le dessus. Lukas avait perdu le compte de ses tentatives de guérison et de suicide. Il avait essayé toutes les formules magiques, tous les remèdes possibles, mais il vivait toujours dans l’ombre. Même le soleil matinal n’arrivait pas à détruire son corps immortel. Il avait été brûlé, mais l’instinct de survie prenait le dessus, et le lendemain soir, il se retrouvait de nouveau enterré sous terre.

    Au fil des ans, il avait rencontré et observé des vampires, qui se sustentaient de sang, et d’autres espèces rares capables de se métamorphoser. Même s’il partageait de nombreuses caractéristiques avec ces créatures immortelles, il n’était pas des leurs. Aucun des vampires rencontrés ne pouvait se métamorphoser en hibou comme lui, et les quelques métamorphes qu’il avait croisés ne se sustentaient pas de sang. Il s’était même planté un pieu dans le cœur, question de vérifier.

    Cela lui avait fait très mal, mais il n’en était pas mort. Les marcheurs nocturnes semblaient être une anomalie tombée dans l’oubli.

    Outre celui qui l’avait métamorphosé, il n’avait jamais rencontré ni entendu parler d’autres marcheurs nocturnes.

    Par frustration, Lukas avait canalisé sa rancœur et sa culpabilité à trouver une raison de se lever chaque nuit. Sa quête lui donnait un but, et il avait consacré des années de nuits sans fin à chercher les origines de l’espèce dont il faisait à contrecœur partie.

    À présent, il se trouvait dangereusement près d’une nouvelle percée importante.

    — Alors, ça avance ce glyphe, Lukas ?

    Il se retourna en entendant la voix de Gretchen.

    — Pas vraiment.

    — As-tu faim ? lui demanda son assistante en lui tendant un sac de plastique. J’ai de la viande séchée.

    — Non, répliqua-t-il un peu trop sèchement.

    La nourriture humaine ne le satisferait plus jamais.

    — Non, ça va, merci.

    Il s’efforça de sourire, mais il était loin de bien se porter. Le riche sang mortel de Gretchen le tentait. La soif le consommait de l’intérieur. Il chatouilla le bout de sa langue avec ses crocs, exécrant cette soif.

    Elle haussa les épaules et grignota un morceau de viande séchée tout en rédigeant quelques notes dans son journal. Sans électricité, son portable devenait un presse-papier dispendieux. Il tenta d’ignorer sa façon de se mordiller la lèvre inférieure tout en triturant son stylo entre ses doigts en réfléchissant à ce qu’elle allait écrire ensuite.

    Il remarquait beaucoup trop de détails à son sujet depuis quelque temps.

    — Je vais sortir prendre l’air, dit Lukas en se levant, avant de repousser ses cheveux de son front, puis de se diriger vers la porte. Je reviendrai bientôt.

    Elle leva vers lui son regard vert.

    — Attends une minute, dit-elle en se penchant pour sortir une enveloppe de son sac, les sourcils froncés. Il semble que j’aie obtenu une augmentation non sollicitée.

    — Tu es une des linguistes mayas les plus convoitées des États-Unis. Je ne pouvais te demander de prolonger ton contrat sans m’assurer que tu sois bien rémunérée pour ton travail.

    Techniquement, ce n’était pas un mensonge, mais c’est lui qui payait pour ce contrat, et non pas l’université qui l’employait. Il n’avait pas besoin d’argent, de toute façon. Il avait une vie entière très longue pour le regagner le cas échéant.

    Elle posa l’enveloppe sur la table.

    — Je ne sais pas comment tu t’y prends. Le financement est limité à l’université actuellement. Je suis étonnée qu’ils m’aient autorisé à poursuivre ce projet, et encore plus qu’ils le financent.

    — Je leur ai promis des résultats, dit Lukas en s’éclaircissant la voix et en se retournant vers la porte. Repose-toi.

    — Peu importe ce que tu leur as promis, merci, dit-elle en se levant. N’oublie pas ta lanterne.

    Elle lui tendit la lampe, mais tout ce qu’il remarqua fut son pouls, qui l’interpellait par son rythme tentant sous sa peau délicieuse. Ses yeux lui brûlèrent, menaçant de devenir cramoisis en raison de la soif qui le tenaillait, et à l’intérieur de sa bouche, sa langue glissa de nouveau sur ses crocs, les incitant à se rétracter.

    — Lukas ? dit Gretchen en portant la main au visage de l’homme. Es-tu certain que ça va ? Tu es très pâle.

    Il lui prit le poignet avant que les doigts chauds de Gretchen ne caressent sa peau froide. Il s’efforça de garder son expression froide et distante.

    — J’ai dit que ça allait. Je reviendrai.

    Lukas s’empara de la lanterne, bien qu’il n’en ait nullement besoin. L’immortalité l’avait doté d’une vision nocturne qu’il détestait et appréciait à la fois. Il disparut dans l’obscurité de la jungle.

    * * *

    Gretchen le regarda s’éloigner en soupirant intérieurement. Elle avait côtoyé bon nombre de collègues, scientifiques et chercheurs brillants, mais elle n’avait jamais rencontré un homme comme Lukas Smith.

    Elle doutait toutefois qu’il s’agisse de son véritable nom de famille. Après avoir passé du temps avec lui au cours des derniers mois, elle avait remarqué une trace d’accent dans sa voix lorsque la frustration était évidente et, une fois, elle aurait juré l’avoir entendu grommeler en russe à voix basse.

    Smith n’avait rien d’un nom de famille russe.

    Pas que cela ait la moindre importance. Elle avait fait ses devoirs avant d’accepter de travailler sur ce projet. Lukas avait la réputation d’être un solitaire, mais aussi un génie. Ses découvertes au fil des ans avaient révolutionné la façon dont la communauté archéologique considérait le peuple maya et, après avoir travaillé avec lui, elle pouvait attester sa soif de savoir. Il travaillait sans répit toute la nuit durant, chaque nuit, à déchiffrer les glyphes mayas anciens avec une ténacité qui tendait vers le fanatisme.

    Depuis que le calendrier maya avait été déchiffré, de plus en plus de glyphes étaient interprétés chaque année. Ce n’était pas une science exacte, mais Gretchen aimait se colleter aux images et aux symboles, les juxtaposant aux caractères déjà déchiffrés jusqu’à ce qu’elle obtienne une nouvelle interprétation.

    Ils travaillaient sur ce site du Yucatan depuis près de dix mois. Tandis qu’elle était rentrée aux États-Unis deux fois pendant cette période, Lukas n’était jamais sorti de la jungle.

    Elle s’installa sur la chaise de Lukas et regarda fixement les inscriptions sur les blocs anciens. Jetant un regard sur leurs notes pêle-mêle, elle regarda de nouveau le glyphe d’un regard plus critique.

    Qu’est-ce que Lukas espérait découvrir ? Et pourquoi travaillait-il seulement de nuit ?

    Lorsqu’elle était arrivée, elle avait attribué son horaire de travail à son excentricité ; il explorait la jungle de jour et décodait des glyphes la nuit. Toutefois, en apprenant à le connaître, elle découvrit qu’il était réservé, motivé et investi, ce qui n’avait rien à voir avec de l’excentricité. Cependant, questionner ouvertement son patron au sujet de ses heures de travail ne lui parut pas être très bon pour sa carrière. Ainsi, elle s’était concentrée sur ses recherches et avait par la suite cessé de remarquer le peu de sommeil dont il avait besoin.

    Même s’ils travaillaient en collaboration depuis plusieurs mois déjà, Lukas demeurait une énigme pour elle. Peut-être que cela expliquait en partie l’attirance qu’elle ressentait à son égard. Elle adorait résoudre des casse-tête. C’est ce qui l’avait conduite à suivre une formation en archéologie dès le départ, et de toute évidence, c’est ce qui la gardait aux côtés de Lukas. Le fait que son aspect soit tout aussi plaisant que son esprit brillant ne nuisait pas non plus à la chose.

    Son contrat de six mois avec l’équipe de recherche de Lukas était échu depuis quatre mois, mais elle l’avait renouvelé sans hésiter. Et Lukas avait apparemment négocié pour elle une augmentation de salaire. Elle n’y avait même pas pensé. Elle n’avait aucune intention de le quitter ou de quitter le site.

    Ils avaient trouvé ici quelque chose qu’aucun autre archéologue n’avait vu. À un peu plus de quinze kilomètres des ruines de Chichén Itzá, au cœur de la forêt tropicale du Yucatan, ils avaient trouvé un autel. Contrairement aux monuments sacrificiels mayas minutieusement gravés et peints, celui-ci semblait simple et dépouillé. Elle le considérait comme un autel parce qu’il n’y avait pas, pour l’instant, d’autres termes pour le qualifier.

    Lorsqu’ils étaient accidentellement tombés dessus, elle l’avait confondu avec une sorte de puits ou d’aqueduc. Les cénotes mayas étaient courants dans la région, et servaient à exposer les rivières souterraines qui coulaient sous la forêt tropicale, mais lorsque Lukas et elle commencèrent à déchiffrer les écritures mayas, il devint évident que le trou profond et apparemment sans fin près de l’autel avait une raison d’être beaucoup plus obscure.

    Il n’avait pas été construit pour transporter de l’eau.

    Les prêtres mayas avaient sacrifié une femme sur cet autel, comme l’expliquaient les glyphes, mais son identité et la raison de son sacrifice n’étaient pas évidentes. Selon ce qu’ils avaient déchiffré pour l’instant, les Mayas semblaient la considérer comme une déesse, mais ils ignoraient encore de quoi elle pouvait bien être la déesse.

    Les inscriptions expliquaient également que le trou pratiqué dans le sol était un passage vers le centre de la Terre. Le cœur de la femme avait été arraché de sa poitrine tandis qu’elle était toujours en vie — le rituel typique des cérémonies mayas —, mais cette cérémonie était différente des autres. Selon les glyphes, après lui avoir arraché le cœur, pour une raison ou pour une autre, les prêtres l’avaient brûlé et avaient jeté le reste de son corps dans le trou menant au centre de la Terre.

    Brûler le cœur et le séparer du reste du corps s’éloignaient de la tradition. Les Mayas croyaient à la réincarnation. En fait, il y avait un dieu juste pour cela. Leur culture considérait que c’était un honneur d’être sacrifié, et le peuple croyait qu’il renaîtrait et aurait ainsi une autre occasion de vivre. Ils vidaient le cœur de son sang et s’en débarrassaient avec le corps.

    Elle ne comprenait pas pourquoi ils auraient voulu détruire le cœur de cette femme. Pourquoi s’éloigner de la tradition ? Voulaient-ils empêcher sa réincarnation ?

    Gretchen fronça de nouveau les sourcils en regardant les blocs glyphiques. Ce casse-tête comportait un autre morceau étrange. Les glyphes montraient les prêtres mayas sous l’appellation de marcheurs nocturnes. Aucune autre ruine n’avait donné aux prêtres un tel titre, et pourtant, ce petit autel dépouillé indiquait très clairement que les prêtres étaient différents du reste de la population maya.

    Selon ses interprétations, le peuple maya croyait que les marcheurs nocturnes étaient des suceurs de sang immortels qui ne vivaient qu’après le coucher du soleil.

    Déchiffrer les croyances et les religions des civilisations anciennes faisaient en sorte que le travail à la dure en valait la peine. Voir à travers leurs yeux donnait à Gretchen un aperçu de leur univers où la magie et les superstitions dominaient la science. Elle n’avait jamais trouvé de références aux marcheurs nocturnes auparavant dans ses recherches, mais les Mayas étaient célèbres pour leur communion de la magie et de la science, et cela semblait être le genre de sujet qui intéressait Lukas.

    Gretchen voulait publier les résultats de leurs recherches, mais Lukas avait refusé. Il ne voulait pas partager quoi que ce soit avec le reste du monde jusqu’à ce qu’il ait une meilleure idée de ce qu’ils avaient découvert. Il voulait d’abord avoir plus de réponses.

    L’université avait également envoyé à Gretchen de nombreuses requêtes sur le statut de leur projet de recherche. Elle aurait pu glisser un mot de leurs résultats à l’univer-sité, qui finançait en partie l’expédition, mais elle ne l’avait pas fait. L’idée lui avait traversé l’esprit, mais en fin de compte, elle ne pouvait se résigner à trahir la confiance de Lukas.

    Dix mois auparavant, elle l’aurait fait. Dix mois auparavant, sa carrière était sa préoccupation première. Toutefois, maintenant qu’elle connaissait l’homme derrière les recherches, elle l’admirait. Bon, c’était peut-être plus que de l’admiration. Elle pouvait reconnaître son attirance, la tentation qu’il représentait, mais elle réussissait à maintenir une relation professionnelle.

    Au cours des mois qu’ils avaient passés ensemble dans la forêt tropicale, Lukas avait eu de nombreuses occasions de lui faire des avances, mais il n’avait même jamais posé la main sur elle. Il avait fait un commentaire sur sa chevelure rousse sous la lumière de la lune, et là s’arrêtait leur relation professionnelle.

    C’était bien ainsi, évidemment. La dernière chose dont elle avait besoin, c’était qu’un lien émotionnel vienne entraver leurs recherches.

    Toutefois, étant au cœur de la jungle avec un homme attrayant et intelligent, il lui était impossible d’ignorer ce torse athlétique lorsqu’il changeait de chemise ou cette façon qu’il avait d’enrouler ses doigts dans sa crinière indisciplinée lorsqu’il était en profonde réflexion. Après tout, elle était humaine. Elle avait eu plus d’un rêve à propos des doigts de Lukas enroulés dans sa chevelure à elle, sa passion dirigée vers elle plutôt que sur ses notes.

    Gretchen chassa cette pensée de son esprit, se concentrant sur son travail. Le travail était quelque chose qu’elle pouvait gérer.

    Lukas, de toute évidence, ne l’était pas.

    Elle sirota son thé, faisant pivoter délicatement les inscriptions du glyphe sur la table. La pierre arborait l’image d’un loup. C’était étrange, véritablement. De toutes ses recherches sur la culture maya, elle n’avait jamais vu la représentation d’un loup.

    Des aigles, des jaguars, des serpents, certes, mais jamais de loup.

    Gretchen fronça les sourcils et plissa les yeux, comme si l’image pouvait se transformer en un dessin plus courant. Cependant, c’était toujours un loup solitaire, la tête relevée en un hurlement éternel à la lune, qui était gravé au-dessus, sur le bloc glyphique.

    Perdue dans ses pensées, elle tapota son carnet spiralé du bout de son stylo. Le rythme léger contrastait brutalement avec le bruit des animaux de la jungle à l’extérieur. Leurs cris l’entouraient comme une symphonie nocturne. Bon nombre de bêtes nocturnes erraient dans l’obscurité à l’extérieur de la tente ; il lui était difficile de discerner le cri d’un animal de celui d’un autre.

    Au début, les bruits l’avaient dérangée, l’avaient réveillée dans ses périodes de sommeil agité. Ses calmants avaient été salvateurs, mais même ceux-ci ne lui avaient pas octroyé une pleine nuit de sommeil. Particulièrement récemment, alors que les animaux semblaient agités. Elle avait été épuisée pendant son premier mois au Yucatan. Lukas l’avait transportée jusqu’au campement parce qu’elle était trop épuisée pour marcher de l’autel au camp sous la chaleur. Mais ce jour-là, les bruits de la nuit la rassuraient, l’étreignaient dans les bras de la forêt tropicale, l’entraînant vers une autre partie de sa vie. Elle bâilla, s’étira les bras au-dessus de la tête. Elle éprouvait des difficultés avec cette interprétation des glyphes depuis trop longtemps.

    Le loup pouvait bien attendre encore une nuit.

    Laissant la lanterne allumée pour Lukas à son retour, elle se dirigea vers sa couchette et retira l’attache de ses cheveux, les laissant tomber en cascades dans son dos. Elle avait commencé à déboutonner sa chemise lorsque le sol trembla violemment sous ses pieds.

    Gretchen se retourna et attrapa la lanterne avant qu’elle ne tombe de la table. Le tremblement de terre gronda de nouveau, plus fort. La grande tente de toile s’ébranla, et les poteaux de soutien crissèrent de protestation. Plongeant sous la table, elle se couvrit la tête et attendit que le sol cesse de vibrer. Elle ignorait si le grondement sourd et les craquements étaient faits par les arbres qui grinçaient au-dessus ou par le tonnerre, mais la réponse vint assez rapidement. Le ciel s’ouvrit, l’assourdissant du bruit de la pluie tambourinant sur le toit de la tente.

    Et Lukas était dehors quelque part.

    Lorsque les tremblements prirent fin et que la terre se calma, Gretchen sortit de sous la table, et amena la lanterne avec elle. Elle pouvait entendre l’eau de pluie ruisseler à l’extérieur. Des tempêtes fortes et soudaines étaient monnaie courante dans la jungle. Sans avertissement, la forêt pouvait passer de chaude et humide à torrentiellement pluvieuse, inondant le sol. Attrapant un pistolet lance-fusées et un poncho à capuchon, elle ouvrit la porte de la tente et jeta un regard dans l’obscurité.

    — Lukas ! dit-elle, puis elle retint son souffle, en attente d’une réponse. Lukas ! Tu m’entends ?

    Elle écouta, mais la pluie régulière et le silence furent ses seules réponses. En fait, le silence extérieur était trop lourd. Elle en frissonna. C’était assurément trop silencieux.

    « Qu’est-il arrivé aux animaux ? »

    Visant le pistolet lance-fusées dans l’obscurité, elle s’efforça de stabiliser ses mains tremblantes. Une branche cassa, et Gretchen fit volte-face.

    — Lukas ? dit-elle en mordillant sa lèvre inférieure, priant pour une réponse. Qui est là ?

    Le grognement guttural sourd d’un jaguar lui répondit. Gretchen tint la lampe devant elle, tentant de voir à travers le voile épais de la pluie. De tous les mois qu’elle avait passés là, elle n’avait jamais vu un jaguar, mais elle savait reconnaître son cri dans la nuit. Et ce jour-là, un prédateur noir comme la nuit rôdait dans les parages. La panique s’em-para d’elle alors qu’elle visait le pistolet lance-fusées d’une main tremblante pour tirer dans la tempête qui grondait au-dessus.

    Elle plissa les yeux, aveuglée momentanément par l’intensité de la lumière et assourdie par le boum tonitruant du pistolet. Clignant des yeux, elle s’efforça de faire le point sur le regard cramoisi omniscient, mais plutôt que de voir apparaître un jaguar, elle vit fondre vers elle un immense grand duc d’Amérique. Immense n’était pas une description tout à fait exacte. L’envergure des ailes d’un hibou peut-elle être de trois mètres ?

    Gretchen poussa une exclamation de surprise et battit en retraite dans la sécurité de la tente bien éclairée.

    Moins d’une seconde plus tard, elle entendit un grand bruit juste à l’extérieur de l’entrée, suivi par un autre tremblement. Un silence inquiétant s’ensuivit.

    Tranquillement, elle s’aventura à jeter un œil à l’extérieur de la tente. Un gros tronc d’arbre noueux couvrait le sol où elle se tenait moins d’une minute auparavant. Son cœur battit la chamade et elle frissonna en refermant la porte. C’était peu probable, mais elle pensa que l’immense grand duc d’Amérique venait de lui sauver la vie.

    Chapitre 2

    L es bras tendus, paumes et visage tournés vers les cieux, le veilleur se tint debout au sommet de la pyramide de Chichén Itzá et ferma les yeux. Une pluie chaude lui fouettait la peau. Des éclairs zébraient le ciel, jetant des ombres sur les marches en pierre abruptes. Cependant, son attention était ailleurs, loin de la jungle du Yucatan, de l’autre côté de l’océan et du globe.

    Son appel mental fut lancé aux quatre frères immortels, ses créateurs, les seuls capables de rendormir Camalotz, la démone nocturne. Les dieux marcheurs nocturnes du Nord, du Sud, de l’Est et de l’Ouest entendraient son invitation et sauraient que le sommeil de Camalotz avait été troublé et que la démone tentait de se libérer de sa prison souterraine. Le veilleur avait besoin que les frères l’aident à trouver le sacrifice nécessaire pour réduire la démone au silence avant qu’elle ne retrouve sa liberté de se sustenter dans le monde des hommes, avant qu’elle n’ait le temps de détruire l’équilibre mortel sur Terre.

    Le nom de la démone signifiait « saigneuse brutale ». Des vies entières avant celle-ci, Camalotz avait explosé dans le monde des hommes lorsque la déesse de la Lune avait convoqué la démone. Même si les dieux marcheurs nocturnes avaient offert son sang en sacrifice, la faim de la démone était devenue insatiable et impossible à réfréner. Chaque lever de lune, la démone festoyait et son pouvoir se décuplait, jusqu’à ce que la déesse qui l’avait convoquée perde sa domination sur la démone. Camalotz se sustentait non seulement de sang, mais de vie mortelle, s’abreuvant de l’esprit qui circulait dans le sang.

    Finalement, la démone n’avait plus eu besoin de se tacher les lèvres de sang pour se sustenter. Camalotz pouvait corrompre l’esprit des mortels, qui mettaient ainsi fin à leur vie, versant leur propre sang sur commande. Elle pouvait se sustenter de leurs esprits à des distances de plus en plus grandes, chaque nuit, sans jamais toutefois étancher sa soif.

    C’est alors que le veilleur avait été créé. Les artisans mayas taillèrent son corps dans le calcaire. Le sang de la démone lui donna vie et chair, tandis que la magie des marcheurs nocturnes, les quatre frères immortels, lui donna un sens. Camalotz était sous son entière responsabilité. Les frères le condamnèrent à ralentir l’appétit de Camalotz, à veiller sur la démone afin d’éviter des massacres. Il ne pouvait l’empêcher complètement d’agir, mais il pouvait ralentir son besoin de sustentation et de destruction. Et si la démone était libérée, il pourrait de nouveau être son compagnon, son amant et son gardien jusqu’à ce que les autres puissent de nouveau contraindre Camalotz.

    À ce moment seulement, il pourrait retrouver le sommeil paisible et éternel qu’il connaissait depuis mille ans.

    Pendant des heures, jusqu’à ce que les étoiles s’éteignent et que le ciel s’éclaircisse, il se tint immobile, comme une sentinelle protégeant le monde des mortels du mal affamé et assoiffé qui rugissait sous terre. Les frères immortels répondraient à son appel.

    Ils y répondraient, sinon le monde des mortels serait condamné.

    * * *

    Le grand duc d’Amérique atterrit en silence derrière la tente, ses serres acérées plantées dans le sol trempé. Il secoua l’excédent d’eau de ses plumes, et progressivement, l’air autour de lui étincela d’énergie alors qu’il abandonnait la forme de son esprit animal. L’oiseau étira ses ailes, son corps se métamorphosant de grand duc d’Amérique en homme vêtu de pied en cap.

    Lukas glissa des doigts incertains dans ses cheveux détrempés, son cœur battant la chamade dans sa poitrine. Et si Gretchen n’était pas rentrée subitement dans la tente ? Il ne voulait pas y penser. Il s’était beaucoup trop attaché à elle.

    Secouant la tête, il avança péniblement dans la boue devant l’entrée de la tente. Son corps vibrait de pouvoir. Ce soir, plutôt que de se sustenter d’animaux sauvages, il avait mis la main sur un braconnier.

    Il ne s’était pas permis de tuer l’homme, préoccupé que la mort libère la voracité insatiable qui brûlait en lui, à fleur de peau, et qui l’attirait. Il avait plutôt abandonné sa proie sans connaissance afin que les animaux sauvages nocturnes de la forêt tropicale décident de son sort.

    L’effusion du sang riche d’un homme augmentait davantage ses sens surhumains que le fait de se sustenter d’animaux. C’était là la raison principale pour laquelle il restait dans la jungle du Yucatan à étudier les ruines mayas : le sang. Il voulait comprendre pourquoi son corps en avait besoin, pourquoi, d’une certaine façon, sa soif n’était jamais étanchée. Encore combien de siècles pourrait-il endurer cette faim dégoûtante, se nourrir comme un cannibale de ceux dont il avait déjà fait partie ?

    Sa métamorphose immortelle avait été accidentelle, mais cela ne diminuait pas l’horreur de son destin. Il

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