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Le livre où un homme se soupçonne
Le livre où un homme se soupçonne
Le livre où un homme se soupçonne
Livre électronique225 pages3 heures

Le livre où un homme se soupçonne

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À propos de ce livre électronique

George Baratto espère de toutes ses forces ne pas être mauvais. Mais ni son cocktail favori ni sa mémoire trouée ne parviennent complètement à le rassurer. Sa seule enquête en cours, sur un Grand-père kidnappeur d’enfants, amène alors le détective privé à croire qu’il aurait traversé le temps pour s’empêcher de devenir ce criminel notoire.

LangueFrançais
Date de sortie29 mai 2013
ISBN9782981332158
Le livre où un homme se soupçonne
Auteur

Raphael Danjou

Né en France au début des années 70, Raphael Danjou a toujours voulu devenir espion et réussir un triple salto arrière. N’aimant cependant ni l’armée ni le sport, il a préféré partir au Japon étudier l’intelligence économique et décrire dans ses livres les vies parallèles qu’il imagine. Après une pause littéraire due à une carrière accaparante, il s’en est tiré grâce à un tour du monde bienvenu, au cours duquel il a découvert la plongée en Australie, ses requins-baleines et ses poissons colorés, qui l’ont décidé à s’attabler de nouveau pour se consacrer à ce qui compte vraiment : l’écriture.Sa bibliographie compte désormais 9 romans.Il vit aujourd’hui au Québec avec sa famille et son chat adoptif.Born in France in the early 70s, Raphael Danjou always wished to become a spy and to complete a triple back flip. However, disliking both army and sport, he rather chose to study Business Intelligence in Japan and to write down his dreams as second lives. After a literary break due to a monopolizing career, a tour around the world came to the rescue and led him to dive for the first time in Australia among whale sharks and colorful fish. He then resumed to what matters most: writing, and currently has nine novels to his credit.Today, he lives in Quebec with his family and adopted cat.

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    Aperçu du livre

    Le livre où un homme se soupçonne - Raphael Danjou

    Prologue — La mort

    « Les couteaux de la gamme MESSER & GEERAERTS sont les mieux affûtés du monde. Dotés d’une lame en porcelaine véritable, ils ne se déforment pas, ne se plient pas, ne s’émoussent pas. Compagnon idéal de votre cuisine, MESSER & GEERAERTS vous servira pour la vie ! »

    Il s’approcha encore un peu plus d’elle, son long couteau tendu vers l’avant, dans une posture bêtement phallique. La femme lui tournait le dos.

    S’immobilisant à deux mètres d’elle, il perçut les premiers effluves d’un parfum boisé et citronné — un parfum d’automne — et tenta de donner un corps à cette silhouette qui ne lui apparaissait qu’à contre-jour devant l’écran de télévision.

    La réclame qui venait d’y passer faisait justement la promotion du couteau qu’il tenait entre les mains. Cette coïncidence l’amusa : il possédait l’instrument idéal pour prendre la vie. Il en était d’autant plus persuadé que son premier souvenir d’enfance lui avait fait découvrir le tranchant de la porcelaine : il revenait de l’enterrement de ses parents et s’était assis pour déguster la petite collation. L’été s’était achevé, mais de grosses chaleurs persistaient et il se trouvait tout engoncé dans son petit costume de velours. Il avait alors cherché une boisson rafraîchissante et s’était saisi d’une tasse posée sur le service à thé de sa grand-mère. Il avait porté le bord doux et lisse à ses lèvres, bu, et s’était retrouvé avec du liquide bouillant plein la bouche, la langue instantanément brûlée. Il avait tout lâché. La tasse s’était précipitée vers le sol. Il avait tenté de plonger pour la rattraper, mais elle avait déjà rebondi sur le carrelage nu et s’était envolée en éclats. Il avait alors refermé sa main sur un morceau orphelin qui lui avait tranché la paume entièrement et prolongé sa courte ligne de vie de quelques centimètres.

    Oui, la porcelaine coupait. Fort.

    Faite d’un mélange de kaolin, de feldspath et de silex, la porcelaine véritable était encore une œuvre des Japonais qui s’étaient précédemment distingués dans la trempe de l’acier. Mais le métal devait être aiguisé jusqu’à le ramener à quelques microns avant d’obtenir un effet incisif. La porcelaine, elle, coupait naturellement.

    On pouvait arguer du fait que seul le métal possédait une masse suffisante pour couper des os. Soit. Mais lui n’était pas boucher, il était cuisinier. Il cuisinait l’humain. Donc couteau en porcelaine.

    Le noir se fit entre deux publicités et il avança à nouveau d’un pas.

    Les lumières kaléidoscopiques projetées par le tube cathodique réapparaissaient avec chaque spot, faisant ressortir le blanc laiteux de la lame dont la pointe effleurait à présent le creux entre les omoplates féminines.

    Il se félicita intérieurement pour sa progression si parfaite, si silencieuse. Car après avoir fait effraction dans la maison, il s’était déplacé d’une pièce à l’autre sans bruit ni encombre, et avait traversé toute l’habitation rapidement jusqu’à cet endroit empli de vie. Il s’était alors approché de sa victime de plus en plus précautionneusement, longeant l’évier chromé, la gazinière et sa hotte assorties, s’adossant un instant contre le réfrigérateur qui était plus haut que lui, puis il avait fait quelques pas de côté vers les rangements et le plan de travail monoxyle sur lequel la femme s’appuyait. Les meubles recelaient encore cette odeur de pin fraîchement coupé, et les plantes domestiques dégageaient leurs dernières senteurs avant de se replier pour l’hiver. La pièce oscillait entre froideur et chaleur.

    Seule source lumineuse dans cette cuisine, l’écran de télévision jetait des ombres traîtresses sur les murs. L’homme avait donc dû s’avancer en tirant parti de chaque demi-seconde de pénombre, et se figer telle une statue le reste du temps.

    Il triomphait de son habileté. Pourtant, il avait bien conscience du miracle que la femme n’ait pas senti une présence derrière elle. Une chance, car si elle se retournait à présent, tout pouvait encore s’achever en catastrophe. Or il ne lui fallait plus que quelques minutes pour profiter de l’instant magique et faire naître en lui le sentiment qu’il était venu chercher. Il promena un peu ses yeux autour de lui et laissa le bien-être l’envahir. Il était content de son choix, de cette maison, de cette femme au tronc bien droit, au parfum de feuilles mortes, aux cheveux noirs de cendres, lisses et soyeux, qui fondraient sous ses doigts en attendant de repousser et de fleurir entre ses paumes. Il allait bientôt être apaisé. Le noir se fit pendant une autre demi-seconde, mais il ne bougea plus : il voulait maintenant ressentir l’amour.

    Au début, il avait tué par haine de l’humain et de ses immondices, par dégoût d’avoir trouvé dans son assiette un poil qui ne lui appartenait pas ou vu un homme se racler la gorge et en cracher le résultat par terre. Puis il avait demandé davantage d’implication à ses victimes : il avait cherché à susciter chez elles le remords d’avoir mal vécu, avant de les tuer. Ses premiers visages déformés par la peur, il s’en souvenait, avaient provoqué chez lui une immense jouissance. Mais meurtre après meurtre, les paroles repentantes n’avaient plus suffi et il avait attendu qu’au moins un cri de terreur se soit échappé de ces larynx innocents pour frapper. Ensuite, ce n’était plus un cri, mais toute une série de hurlements hystériques qui lui étaient devenus nécessaires pour jouir. Et ça avait été l’escalade. De gémissements en braillements, il était passé par toute une palette d’expressions verbales et faciales avant de se rendre compte que son attente, finalement, envers ses frères humains était d’obtenir un véritable morceau de conversation, un bout de vie qui ferait ressortir non plus l’horreur, mais la beauté de l’être qu’il abattait. Il avait besoin de ce rapport avec l’autre pour ressentir l’émotion extrême qu’il recherchait. Il demandait ce cadeau, cette offrande très profonde qui irait au-delà de la vie de sa victime elle-même, afin de tuer non plus dans la haine, mais dans l’amour. C’est ainsi qu’il avait fait connaissance avec ce beau sentiment, mélange de passion et de douceur.

    Jusqu’à présent, pour diverses raisons qu’il ne s’expliquait pas complètement, personne n’était parvenu à lui procurer suffisamment d’amour saint, vierge et naturel, capable d’assouvir son désir et l’apaiser.

    Mais cela allait changer avec cette femme. Un début d’érection l’étreignit et il raffermit son emprise sur son outil de mort.

    Doucement, surtout ne pas brusquer cette montée du désir.

    Curieusement, une chose dont il s’était aperçu avec l’amour était l’importance d’exprimer son propre sentiment pour provoquer celui de son partenaire. Cela avait longtemps été une source de blocage dans l’échange. Mais il avait appris à lâcher prise, à être lui-même, à laisser couler naturellement ses émotions et à se montrer comme un arbre nu. Il savait désormais combien cette liberté qu’il s’offrait n’était pas un signe de faiblesse, mais induisait au contraire un profond respect chez ses victimes qui n’hésitaient plus alors à faire chanter leur amour.

    Ça, c’était la théorie.

    Parce qu’en pratique c’était toujours un amour hésitant, un amour bégayant, un amour flageolant, bref un amour fragile, minable, sur lequel aucune base solide ne pouvait s’établir. Et il devait tuer quand même.

    Aucun être humain n’était capable d’un véritable amour.

    Oh, mais il n’avait pas désespéré pour autant. Il avait encore lu le mois dernier sur la couverture d’un magazine que l’amour arrivait lorsqu’on l’attendait le moins. Bon. Du coup, il avait essayé sur la libraire, mais elle n’était manifestement pas en phase avec les produits qu’elle vendait.

    Alors quand il avait choisi cette maison — par pur hasard — une heure auparavant, qu’il s’y était introduit comme dans un moulin aux fenêtres ouvertes, qu’il avait trouvé cette femme absorbée par des images télévisuelles, et que ces images faisaient écho au fantastique couteau qu’il tenait, il avait compris que le destin venait de parler et que cette femme saurait l’aimer.

    Il renforça sa concentration sur la silhouette féminine et soudain, le féerique s’accomplit : il vit les épaules s’élever dans une inspiration plus profonde puis se relâcher dans un soupir de détente et de bien-être, et il put ressentir cette aura d’apaisement qui flottait au-dessus d’eux : ça y était, ils étaient parfaitement en phase ! L’amour émanait de tout et partout à la fois !

    Il exultait ! Il ne put retenir un rictus de satisfaction, bénit le ciel en silence pour lui avoir permis d’atteindre son but et rangea son couteau à lame de porcelaine dans son étui de ceinture. Enfin !

    « Maman, je peux avoir un autre marron glacé ? »

    Une petite tête rousse venait d’émerger d’un des profonds fauteuils de mousse placés entre la femme et la télévision. L’enfant regarda sa mère, puis l’homme derrière elle, et hurla.

    Celle qui n’était que silhouette se retourna comme le vent et offrit son visage à la contemplation. Ce n’était pas un visage de femme, mais bien de mère. L’homme le comprit immédiatement et sut que cet amour ne pourrait être saint et vierge puisque déjà corrompu jusque dans ses entrailles par quelqu’un d’autre.

    La mère se crispa. Son faciès commença à se déformer, les yeux s’agrandirent, les narines se dilatèrent, la bouche s’ouvrit en une vague de peur et de prescience face à la douleur qui allait venir.

    Posément, et sous les cris continus du gamin, le meurtrier retira le couteau de sa gaine, soupira, enjamba le plan de travail, leva le bras au-dessus de la mère, et frappa.

    Le sang se mit à couler instantanément. L’enfant hurlait et l’homme frappait de plus belle. À chaque fois, il enfonçait son arme jusqu’à la garde, tel un maniaque.

    Au trentième coup, la lame heurta une côte et se brisa net. Il arrêta son va-et-vient, posa un regard débile sur son outil castré puis sur la mère ensanglantée. Finalement, non, le destin n’avait pas parlé pour eux aujourd’hui. Il réfléchit un instant et se dit que la publicité lui avait menti, elle aussi : ce couteau ne servait pas pour la vie, mais pour une seule vie.

    Il lâcha la mère et se jeta tout de même sur le gosse avec son morceau de lame restante.

    C’est après que je me suis mis à trembler.

    Je me suis réveillé, je trempais dans ma sueur et j’avais l’esprit chaviré comme dans la tempête. J’ai essayé de me lever, mais je tremblais trop et me suis de nouveau échoué sur mon lit. Ce n’était pas la première fois que je faisais ce cauchemar, non, et pourtant j’avais l’impression d’être comme un naufragé malade qui essaie de se tirer et qui ré-atterrit immanquablement sur la même plage. À chaque fois, je me réveillais complètement déboussolé et pris de véritables convulsions, comme si mon esprit était le jouet de deux pensées contradictoires, transmettant au corps le combat qu’il se livrait contre lui-même.

    Je me suis enroulé dans la couette pour essayer de faire cesser ces tremblements et j’ai même enfoui la tête dessous pour me plonger dans ma salle obscure. Là, j’ai ouvert les yeux et, pour la millième fois au moins, je me suis repassé le film sur mon écran de matière grise. Je me suis concentré sur les détails, j’ai fait des arrêts sur image, quelques gros plans, mais le résultat était toujours aussi décevant. Rien n’en sortait. Je n’arrivais à identifier ni le visage de la mère, ni celui du gamin, et encore moins à apercevoir mon propre reflet dans l’écran de télévision.

    Un film barbare, c’est déjà horrible à regarder, mais alors à revivre… Il faisait chaud et humide sous la couette. Je haletais. J’avais l’impression d’être un vieil arbre dont on a enfoui les racines dans un sac et qui cesserait définitivement d’opérer la photosynthèse pour ne plus respirer que son propre dioxyde de carbone. J’étais perdu, brisé, et j’étouffais.

    J’ai risqué une main hors des draps, ça a fait un petit appel d’air, et j’ai tâtonné l’espace vide jusqu’à la table de bureau. De deux doigts hésitants, j’ai fait basculer l’ouverture du paquet qui s’y trouvait et j’ai pioché une cigarette. Puis je l’ai rapatriée à toute vitesse dans mon terrier, tel le serpent, et me la suis enfoncée dans la bouche comme un cachet d’aspirine. Sentant ma libération proche, j’ai agrandi un peu la largeur de mon trou pour y faire passer aussi le briquet, j’ai frotté la pierre sous ma cigarette et je me la suis enflammée. Bon sang ! Que la première bouffée était bonne ! Je me suis creusé les joues pour tirer dessus au maximum puis j’ai craché mes poumons avec la fumée — c’était aussi la pire ! S’il y avait eu quelqu’un dans la pièce, il aurait pu se faire un dessin de l’intérieur de mon corps rien qu’à m’entendre tousser : je raclais tout. Mais il n’y avait personne avec moi et j’ai commencé à me détendre. C’était bon quelques fois de se faire un peu mal, car après quelques taffes j’ai senti mes muscles se relâcher, mon ventre se dénouer, et les spasmes s’espacer.

    Alors seulement, je me suis redressé. J’ai calé un oreiller sous mes reins et je me suis mis à réfléchir autrement, ce qui n’était pas facile lorsqu’on avait, comme moi, beaucoup de muscle mais peu de cervelle ; j’avais d’ailleurs complètement perdu la mémoire. Alors, comment savoir si ce dont je rêvais était un simple cauchemar ou un véritable souvenir ? Cela m’était déjà suffisamment pénible de prendre conscience de l’énorme vide dans mon cerveau, et de devoir accepter l’amnésie qui frappait mes cinquante dernières années. Bon, pas tout à fait cinquante, disons seulement quarante-huit. Mais est-ce que j’étais encore à deux années près lorsque la seule chose dont je me souvenais véritablement sur toute ma vie était l’apéritif que j’avais pris la veille : un Gin Goyave ? Et je m’en souvenais pour une raison simple : c’était le même cocktail que je buvais tous les jours à la même heure. À part ça, le noir.

    J’ai senti une veine battre plus fort contre ma tempe et je l’ai massée un peu. Mes cheveux étaient tout poisseux à cet endroit. Je les ai lissés en me servant de mes doigts comme d’un peigne, puis j’ai observé ma main à la lumière matinale. C’était une main grasse et un peu tordue par l’âge, juste striée de quelques lignes, mais qui n’avait rien d’anormal. J’ai laissé ma cigarette entre mes dents pour libérer ma seconde main et l’approcher de la première. J’ai dû plisser un œil pour mieux voir à travers la fumée. Elles étaient identiques : deux mains absolument sans reproches, définitivement pas des mains d’assassin.

    Alors pourquoi je tremblais à la fin de chaque cauchemar ?

    Un barman — enfin, le seul barman que je connaisse, José — m’avait affirmé un jour qu’il n’existait que deux sortes de peurs : la peur de ce qu’on s’apprête à faire et la peur de ce qu’on vient de faire. Je n’étais pas tout à fait d’accord. Pour moi, la peur la plus terrible était liée à ce qu’on pouvait avoir fait dans son passé, loin, aux pensées ou aux actions pour lesquelles on ne pouvait plus se faire ni pardonner, ni rembourser. Je le lui avais dit. Il avait réfléchi une minute, les yeux en l’air, puis m’avait répondu que j’avais raison finalement, qu’il avait vu des gens revivre sans cesse leurs erreurs, pendant plusieurs vies parfois.

    Moi, je suis un type qui ressasse. Longtemps. Jusqu’à ce que je trouve ce que j’aurais dû faire. Comme lorsque je descends les escaliers après avoir claqué la porte faute d’avoir eu le dernier mot, et que l’évidence me frappe alors : Merde, c’est ça que j’aurais dû répliquer ! Et, en général, je remonte.

    Mais pour cette histoire de rêve, je tremblais parce que justement je n’étais pas capable d’en changer les évènements. Tout s’enchaînait toujours dans le même ordre comme si j’avais décidé d’incruster les éléments qui allaient transformer cette scène en cauchemar. Pourquoi ce gosse était-il devant la télévision, par exemple ? Ou pourquoi j’avais laissé les fenêtres ouvertes dans la maison ? J’étais maître de mes rêves, j’étais seul responsable de ce qui s’y tramait, mais je ne pouvais décemment pas l’assumer, et voilà comment le remords s’incrustait. Le remords… Chaque coup de couteau symbolisait une faute dans mon passé… Le remords martelait mon crâne tel un punching-ball et transmettait les coups au corps entier par spasmes. Ainsi, mes convulsions s’expliquaient : le remords me rongeait comme une souris qui se ferait un morceau de bois.

    Je me suis dit que je devais bien être le seul à éprouver encore du remords à cette époque pourrie d’individualisme — et pour des actes que je n’avais pas vraiment commis. Du moins pas que je me souvienne. Mais comme je ne me souvenais de rien, ça risquait de durer longtemps, cette histoire de tremblements, avant que je n’arrive à remettre la main sur mon passé, et à le corriger ! Peut-être toute une vie ?

    Une vie passée à enfouir mes peurs, mes douleurs, mes faiblesses. Ne laisser paraître au grand jour que ma carcasse de muscles et mon œil décidé. Garder pour moi les agitations de ma conscience, ne les laisser s’exprimer que dans l’interstice de mon sommeil et ainsi, nuit après nuit, participer moi aussi

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