Vanity Fair France

OBSESSIONS TEXTUELLES

À quoi ressemble un écrivain sulfureux en 2021 ? Ce soir de printemps, Arthur Dreyfus participe à l’un de ces dîners parisiens où se coudoient jeunes auteurs et journalistes – j’en fais partie. Quelques jours plus tôt, il a publié un sacré livre, son septième, Journal sexuel d’un garçon d’aujourd’hui (POL), monumental carnet de bord de son addiction aux hommes sur 2 304 pages. Des aventures par centaines, par milliers (personne ne s’est risqué à compter) qui racontent de manière clinique des pratiques souvent hard : prostitution volontaire, simulations de viols, partouzes sous l’effet de la drogue. Je brûle de l’interroger sur le sentiment de honte qui accompagne toujours ce genre de mise à nu. Comment sa famille a-t-elle réagi? Et ses proches ? Mes questions pourtant glissent sur lui. Il esquive, répond à côté, demande aux convives s’ils ont des idées de séries télé à lui suggérer. Parfois ses yeux, deux billes de malice, se plissent pour raconter une blague ou rapporter un trait d’esprit, mais on sent bien que le cœur n’y est pas. Il a envie d’oublier sa vie.

Peu de temps après, surprise : il accepte ma proposition de raconter l’histoire de ce livre et de ses déflagrations. Il me donne rendez-vous chez lui, un appartement du nord-est de Paris. Le mobilier évoque une garderie en désordre. Un chat se faufile entre un tapis de voiture vert et une lampe champignon pendant que son maître m’offre des oranges pressées et un pain au chocolat. Il vit en couple avec un gentil garçon aux cheveux broussaille et lunettes rondes (surnommé « Rajou Carré » dans son livre). On a du mal à imaginer qu’un déluge de poppers (un vasodilatateur utilisé pour faciliter les rapports sexuels) et de sexe a un temps submergé ce décor douillet. Vestige des années de stupre : le fameux pavé est posé par terre, totem autour duquel nous allons tourner pendant des heures. Au cours de notre discussion, Arthur Dreyfus l’avise parfois avec inquiétude : « J’identifie ce livre à un tel gouffre, à un tel puits sans fond... souffle-t-il, soudain mélancolique.

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