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L'éveil des ténèbres: Trilogie Fantasy
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L'éveil des ténèbres: Trilogie Fantasy
Livre électronique546 pages6 heures

L'éveil des ténèbres: Trilogie Fantasy

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À propos de ce livre électronique

Découvrez le premier tome de la saga Fantasy L'Odyssée des deux mondes, qui retrace le destin de la Princesse Héra

L'Odyssée des Deux Mondes s'interroge sur la limite entre ces deux concepts et surtout, leur nature véritable. Partant d'une vision très naïve, la trilogie évoluera peu à peu pour remettre en question ces deux concepts plus complexes qu'ils ne sont d'abord présentés. C'est à travers le personnage d'Héra, une jeune Princesse à la destinée complexe, que nous suivrons le voyage d'un groupe de guerriers à travers les deux mondes qui constituent le continent au sein duquel ils vivent. Leur odyssée les mènera bien plus loin qu'ils l'avaient imaginé, et les conduira à s'interroger sur bien des certitudes, qu'elles concernent le monde extérieur ou eux-mêmes.

Un premier tome riche en rebondissements qui plante le décor pour une trilogie passionnante !

EXTRAIT

Le fin croissant de lune s’élevait dans le ciel piqué d’étoiles. La jeune prophétesse leva ses yeux d’argent sur le ciel nocturne. Son regard s’emplit de crainte. La paix instaurée depuis des siècles était-elle menacée ? Voyageant à travers les Mondes, l’être céleste commanda à son esprit de s’attarder sur la situation du monde terrestre. Ses lèvres se crispèrent brusquement. Une gigantesque bête ailée, blanche comme la glace, défila devant ses yeux, et la jeune femme ne put réprimer un mouvement de recul, même si l’image n’était que le reflet de la destinée. Une image bien trop terrifiante à son goût...
— Les ténèbres se sont manifestées... murmura la prophétesse, le cœur battant.
Ses yeux clignèrent, et une autre image se forma sous son regard angoissé. Elle y vit une petite fille aux cheveux longs et aux yeux d’acier. Son regard innocent la fit vaciller, tant cette jeune enfant dont elle ignorait l’identité dégageait de la pureté.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Alexane Guth est une jeune auteure née en 1996, titulaire d'un baccalauréat littéraire. Après trois années d'études à Montpellier dans l'infographie 3D, j'ai choisi de me réorienter vers une formation de Réalisateur/Monteur à l'ACFA Multimédia. Je suis passionnée d'écriture, de lecture, de montage vidéo, de musique et, plus généralement, de tout ce qui touche à l'audiovisuel. J'écris depuis l'âge de dix ans, avec l'envie innée de créer des histoires, des univers, des personnages. Le goût de lire m'est venu plus tard, mais je m'inspire énormément de mes lectures pour écrire. L'inspiration est universelle : elle peut aussi bien venir d'un livre, d'un film ou d'un jeu vidéo, que d'une musique ou d'un rêve.
LangueFrançais
Date de sortie27 mars 2017
ISBN9782374641812
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    Aperçu du livre

    L'éveil des ténèbres - Alexane Guth

    Prologue

    Les Créateurs observèrent de leurs yeux émerveillés la pluie d’étoiles argentées dessiner des contours humains devant eux. Deux silhouettes de la taille d’un poupon se formèrent, et celles-ci retombèrent magiquement. La Déesse et son compagnon s’empressèrent de recueillir chacun un bébé dans leur bras avant qu’ils n’atteignent le sol, et les enlacèrent tendrement.

    — Une fille et un garçon, déclara fièrement la femme lumineuse, ses yeux emplis de tendresse, rivés sur les deux rejetons. C’est merveilleux...

    Tandis que les étincelles étoilées se dissipaient autour du petit corps tenu par l’homme, celles entourant l’enfant bercé par la Déesse redoublèrent d’ardeur. Son compagnon leva sur elle un regard interrogateur. D’ordinaire, la pluie d’étoiles cessait au moment de la naissance. Cependant, les étincelles continuaient de briller, illuminant l’enfant d’une douce lueur argentée. Les Créateurs s’observèrent longuement, dubitatifs. L’homme semblait chercher une explication à ce qui se produisait, tandis que sa compagne berçait la petite fille toujours entourée de petits éclats étoilés, calmant ses pleurs. L’enfant s’apaisa lentement, cessant de se débattre dans les bras de sa mère. Son frère en revanche semblait parfaitement calme, sommeillant paisiblement tandis que son père le maintenait contre lui.

    La Déesse libéra l’une de ses mains et la tendit devant elle, paume vers l’extérieur. Une légère brume s’en échappa, puis forma peu à peu une sphère. Tandis que son compagnon était occupé à bercer le garçon à l’écart, elle concentra toute son énergie sur la magie à laquelle elle venait de faire appel et observa la sphère, guettant un signe des Étoiles. Des reflets sombres vinrent se mêler à la couleur gris clair de la brume, dansant tels de petits serpents prisonniers à l’intérieur. Les minuscules filaments s’associèrent pour se regrouper en deux branches, l’une claire et l’autre plus foncée, s’entrelaçant et formant un tourbillon lumineux. Quelques instants plus tard, une flamme argentée jaillit de la sphère, la recouvrant d’un feu magique. La Déesse observait le phénomène en silence, tandis qu’au soulagement se mêlait une étrange crainte. Leur premier enfant, également né d’une pluie d’étoiles, n’avait pas témoigné d’autant de potentiel. À leur grand étonnement, la puissance magique recelée par leur fille dépassait tout ce qu’elle avait connu. Elle était telle qu’elle ne sut s’il fallait s’en réjouir ou s’en inquiéter. Lorsque viendrait l’heure de lui révéler son ascendance et son pouvoir, serait-elle assez forte pour ne pas dévier de sa destinée ? La limite entre la lumière et l’ombre était parfois si mince... La femme lumineuse comprit le message adressé par les Étoiles et son expression s’assombrit en réalisant l’importance du rôle que cet enfant allait avoir sur l’univers... sans compter la difficulté de sa tâche.

    « C’est un bien lourd fardeau à porter pour un seul être... » songea la Déesse en observant le visage paisible de sa fille endormie, lovée dans ses bras. Elle s’approcha de son compagnon, lui fit face, et devant son expression perplexe lui annonça la nouvelle sans plus de détours.

    — L’élue est née...

    ***

    Le fin croissant de lune s’élevait dans le ciel piqué d’étoiles. La jeune prophétesse leva ses yeux d’argent sur le ciel nocturne. Son regard s’emplit de crainte. La paix instaurée depuis des siècles était-elle menacée ? Voyageant à travers les Mondes, l’être céleste commanda à son esprit de s’attarder sur la situation du monde terrestre. Ses lèvres se crispèrent brusquement. Une gigantesque bête ailée, blanche comme la glace, défila devant ses yeux, et la jeune femme ne put réprimer un mouvement de recul, même si l’image n’était que le reflet de la destinée. Une image bien trop terrifiante à son goût...

    — Les ténèbres se sont manifestées... murmura la prophétesse, le cœur battant.

    Ses yeux clignèrent, et une autre image se forma sous son regard angoissé. Elle y vit une petite fille aux cheveux longs et aux yeux d’acier. Son regard innocent la fit vaciller, tant cette jeune enfant dont elle ignorait l’identité dégageait de la pureté.

    Elle savait, depuis sa naissance, que ses dons lui permettaient de prédire l’avenir, mais souvent ses visions lui révélaient des personnes encore inconnues.

    La jeune femme ressentit un profond malaise en observant l’image de l’enfant, et elle comprit qu’elle était en grand danger. Voulant à tout prix la protéger, même si elle ignorait quelle menace planait sur elle, la prophétesse tendit la main dans sa direction, mais l’image s’évapora comme de la brume entre ses doigts.

    — Non !

    Elle avait crié le mot tellement fort que sa voix résonna dans l’espace étoilé.

    Ses yeux d’argent s’ouvrirent brusquement, et elle pivota lentement sur elle-même, troublée. Réalisant que la scène à laquelle elle venait d’assister n’était que le fruit de son rêve, elle calma les battements effrénés de son cœur et s’assit sur la fine couche d’herbe qui semblait s’étendre à l’infini, laissant ses doigts jouer avec les brins couverts de rosée.

    Ses lèvres remuèrent pour former un unique mot, sans qu’elle pût l’identifier.

    — Héra...

    1.

    Frères ennemis

    La paix instaurée depuis des siècles aurait pu perdurer. La bataille des Terres de Feu avait scellé l’antique maléfice, restaurant l’équilibre brisé... et réparant la plus grande erreur des Hommes. Les alliances commencèrent toutefois à s’effriter, et la victoire commune sombra peu à peu dans l’oubli. Elle resta néanmoins longtemps gravée et devint légende. Tous se souvenaient de la gloire des monarques et de leurs armées lorsque l’ennemi avait finalement été vaincu, mais nul ne se remémora la raison de cette victoire.

    Les Hommes oublièrent les valeurs d’entraide, d’amitié, de courage. Leur folie les conduisit à répéter les erreurs du passé. Désormais, la punition sera encore plus grande, et bien plus terrifiante. L’ombre s’éveille lentement, et l’élue grandit. Bientôt, son destin lui sera révélé et avec lui, le lourd fardeau qu’elle devra endosser. Tandis que les Anciens avaient cessé d’espérer, la légende de la Princesse du Monde Perdu devint réalité. La fille des étoiles se manifesta. Et ce fut à partir de cet instant que tout bascula.

    L’équilibre se brisa de nouveau.

    Jamais la limite entre paix et destruction n’a été aussi fragile.

    Il est si aisé de céder à la tentation...

    ~Royaume d’Helia~

    Isidore chevauchait sa jument Uria lorsqu’il entendit un bruissement près de lui. Immobilisant son cheval, il guetta le moindre signe de menace. Les sabots de sa monture frappaient nerveusement le sol. Sa queue noire fouettait violemment l’air. Un danger invisible les oppressait, son maître et elle.

    — Doucement, ma belle.

    Le jeune cavalier savait que son visiteur avait choisi la prudence. Ses sens aiguisés l’informèrent qu’un homme se tenait à quelques pas seulement de lui. Fermant les yeux, il projeta son esprit au plus profond de l’être qui l’épiait, et reconnut son énergie.

    — Montre-toi, Vestigem. Que me veux-tu ?

    Le jeune cavalier se découvrit peu à peu, d’allure très noble sur Emeres, son étalon bai. Sans prévention, le mâle bondit et piqua en direction de la jument noire. Isidore talonna sa monture.

    — Uria, maintenant ! souffla-t-il discrètement.

    L’animal s’élançant rapidement au galop, Isidore se retourna pour désarmer son adversaire de la lance qu’il tenait de la main droite et qui menaçait de lui trancher le bras. Son rival fit demi-tour, pris de court, surpris par la rapidité d’Isidore. Sa monture refusa d’abord de bouger, mais les paroles de son maître se firent insistantes.

    Avec un hennissement vexé, l’étalon pivota et revint sur ses pas.

    — Non, attends ! le rappela Isidore, reprenant son souffle.

    Le cavalier hésita un moment. Son demi-frère avait tenté de le soustraire aux manipulations et mauvais traitements qu’il subissait à plusieurs reprises, sans succès. Vestigem était un homme entêté. Isidore le rejoignit au petit trot.

    — Je t’en prie, Vestigem, arrête. Comment peux-tu vivre dans de telles conditions ? Te rends-tu seulement compte que tu n’es qu’un simple pantin à leurs yeux ?

    Il descendit prudemment de sa jument noire, sans gestes brusques qui auraient pu lui coûter la vie. Son demi-frère agissait le plus souvent par impulsion, de ce fait il était difficile de prévoir ses réactions.

    — Ne m’approche pas ! protesta-t-il.

    Isidore ignora les mises en garde de son demi-frère.

    — Tu ne peux rien faire pour moi, s’entêta Vestigem d’un ton qui n’attendait pas de réplique, ses yeux de glace appuyant ses paroles. Éloigne-toi, si tu tiens à ta vie.

    2.

    Une rencontre surprenante

    Non loin, Sacha et ses alliés surveillaient le continent, lorsqu’ils entendirent le bruit des sabots de deux chevaux. Tous se dirigèrent vers le martèlement qu’ils avaient capté.

    — Isidore ? murmura Héra, surprise.

    Elle talonna Kirya, sa jument pie, puis, reconnaissant la monture de son frère, s’apaisa. Sacha, Liassera, Amélyss et Ida dégainèrent leur épée.

    — Non ! s’opposa fermement Héra. Il s’agit de mon frère.

    — Que fait-il ici ? demanda Amélyss.

    — Je n’en sais vraiment rien. Mais... venez voir, un autre cavalier est avec lui, et je ne le connais pas.

    Sacha, en chef de groupe, prit les devants avec Tempesta, sa jument pommelée, afin de constater la scène de ses propres yeux. Ce fut Héra, la plus âgée du groupe, qui s’avança la première, s’interposant entre les deux rivaux.

    — Héra ? fit Isidore, surpris.

    — Qui est cet homme ? demanda-t-elle, ignorant la réaction de son frère.

    — Mon nom est Vestigem, tâche de t’en souvenir, lança-t-il froidement.

    — J’ignore qui tu es, mais retourne d’où tu viens, ordonna la jeune femme, nullement impressionnée par son regard glacé.

    « Téméraire », ne put s’empêcher de penser Vestigem.

    — Héra, laisse-moi règl...

    — Pas question, le coupa sa sœur. Ton imprudence te perdra, Isidore. Éloigne-toi.

    Voyant que le jeune homme n’avait pas tenu compte de l’ordre de Héra, sa sœur répéta ses paroles d’un ton plus ferme, dans lequel transparaissait une note d’agacement.

    — J’ai dit, éloigne-toi !

    C’est alors qu’il remarqua les armes pointées sur l’intrus. Sa sœur ignorait évidemment que l’homme qui leur tenait tête était son demi-frère.

    Sacha s’avança lentement en faisant danser son épée, lorsque la voix d’Isidore retentit :

    — Non ! Vous faites erreur ! Ce n’est pas un ennemi.

    Face à l’urgence de la situation, la première idée d’Isidore fut d’entourer l’épaule de son ami, suffisamment fort pour couper court à toute protestation. Ce dernier s’empourpra mais tint sa langue. S’il n’était guère enclin aux remerciements, il avait toutefois conscience que son demi-frère venait de lui sauver la vie. Avec beaucoup de volonté, il parvint à décrocher un timide sourire assez convaincant pour endormir la méfiance du groupe.

    — Fais attention à toi, recommanda Héra à son frère en lançant un regard désapprobateur vers l’intrus.

    Lorsque la troupe de Sacha repartit, Vestigem se dégagea violemment.

    — Je... Merci... bredouilla-t-il, gêné.

    — Je n’ai pas agi de cette façon dans le but de t’éviter la mort. Dans le fond, ça m’est bien égal. Nous réglerons cela d’homme à homme. De plus, cette jolie demoiselle est ta demi-sœur, révéla Isidore, sans tact.

    — Ma... répéta-t-il, suffoquant.

    — Ta demi-sœur. Je te prierais de ne rien lui dire, elle ne sait rien. Et votre première rencontre n’aura pas été très... amicale.

    Vestigem, d’habitude stoïque, promenait son regard vide sur son demi-frère, incapable de prononcer un mot de plus.

    — Eh bien quoi, t’ai-je surpris à ce point ?

    — Elle... elle est très belle, avoua le cavalier d’Emeres en détournant les yeux, incapable de soutenir le regard amusé du jeune homme.

    — Tout le monde dit que sa beauté égale celle des déesses, il est vrai. Depuis quand t’intéresses-tu aux filles ? fit son demi-frère, un sourire espiègle aux lèvres.

    — Y a-t-il une place dans son cœur pour un homme ? le questionna Vestigem sans détour.

    — Oui, mais je te préviens, elle ne le donne pas à n’importe qui, le taquina Isidore, qui captait bien son faible pour Héra.

    — Puis-je la revoir un jour ?

    — Serais-tu amoureux ?

    — Pas du tout, se défendit sèchement son demi-frère en détournant le regard.

    Conscient qu’il en avait trop dit, il s’empressa de sangler Emeres, évitant le regard trop curieux d’Isidore.

    — Si je fais en sorte que tu la revoies, reconsidèreras tu ma proposition ?

    — Peut-être, lâcha Vestigem en se détournant.

    Sans un mot, il reprit sa route, laissant Isidore dans la confusion la plus totale.

    Héra ne l’avait rencontré qu’une seule fois, et déjà son demi-frère s’était épris d’elle.

    Pas de doute, s’il voulait le soustraire à la secte, Isidore devait faire en sorte qu’il revoie sa soeur. Cependant, il savait également combien son demi-frère pouvait se montrer entêté. Il ne serait pas facile de le convaincre de se défaire de l’enrôlement dans lequel il s’était aventuré...

    « À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire, après tout... » songea Isidore, les yeux rivés sur l’endroit où Vestigem se tenait quelques instants plus tôt.

    3.

    Vestigem

    Plusieurs jours, bercés d’espoirs et de désillusions, s’étaient écoulés depuis la rencontre de Vestigem et sa demi-sœur. Le jeune homme était devenu de plus en plus distrait et se perdait souvent dans ses songes bercés par la douce image de la guerrière. Peu avaient été ceux capables de lui tenir tête comme elle l’avait fait, et nul n’avait réussi à troubler ses pensées et torturer son cœur comme elle le faisait. Pour cela, il l’admirait autant qu’il la méprisait. Un désir ardent avait peu à peu grandi en lui. Désir qui devait se contenter d’un souvenir à chérir, mais rien, pas même les plus fous rêves, ne parvenait à étouffer cette flamme née d’une simple rencontre. Des larmes coulèrent sur les pâles joues du jeune homme en songeant qu’il ne pourrait échapper à cet enfer. Au sein de la Lune Brisée, il avait acquis la puissance et le pouvoir qu’il convoitait tant, mais à quel prix ? Combien de rêves brisés, combien de désirs étouffés ? Combien de mensonges...

    S’il décidait de fuir l’organisation dans laquelle il était entré, sans doute allait-on le poursuivre jusqu’à sa mort. Ils le traqueraient sans relâche, jusqu’a ce qu’il y ait un vainqueur... et, inexorablement, un vaincu. Il se surprit à éprouver une certaine honte concernant ses origines : il n’était pas si noble qu’Isidore, ni si séduisant et délicat que Héra. Non, lui n’était que le bâtard, l’errant, et pour le pouvoir il avait payé le prix de la captivité. Sous son œil droit figurait une cicatrice en forme d’éclair, tracé à sang pour lui rappeler que la puissance ne s’acquérait pas sans sacrifices. Si jadis, cette marque l’avait rendu fier, aujourd’hui ce n’était guère plus qu’un vague souvenir, étouffé par le regret et la colère.

    « Isidore avait raison », réalisa-t-il tristement, sans pour autant se l’avouer complètement.

    Vestigem tomba à genoux au sol, tremblant. Bouillant de rage et de peine, il abattit durement son poing sur le sol en hurlant son désespoir.

    — Arrête ça. Il n’est jamais bon d’attirer l’attention, ici, l’avertit son seul ami en bloquant son poignet pour l’empêcher de frapper une nouvelle fois le sol. Vas-tu m’expliquer ce qui t’arrive ou comptes-tu hurler jusqu’à ce qu’ils décident qu’ils t’ont assez entendu et fassent en sorte de te réduire définitivement au silence ?

    — La ferme.

    Vestigem se détourna en observant la vie -ou plutôt, la mort, car ils se savaient tous condamnés- s’affairer à la tâche, comme chaque jour.

    — Peu de choses sont capables de briser ta jolie carapace, poursuivit Kesler, décidé à le faire parler. Voyons voir... Une femme, peut-être ?

    — Kesler... siffla Vestigem en levant sur lui un regard noir.

    — Une femme, très bien, répéta son ami, triomphant. Comment se nomme la grande gagnante de ce cœur si bien protégé ?

    Agacé et mu par une indomptable colère à la mention de la vérité, il agrippa le cou de l’insolent et le plaqua contre l’une des parois de pierre jusqu’à ce que toute trace d’amusement ou de moquerie se soit effacée au profit d’une crainte dont Vestigem se délectait intérieurement.

    — Ne parle plus jamais de ça, Kesler. Jamais. Mon amitié ne t’est pas due. Ma confiance, encore moins.

    Vestigem le libéra sans lui accorder un regard et s’éloigna à grands pas. Non, ce n’était pas juste une femme, elle était bien plus que cela. On aurait pu le croire fou, à tomber sous le charme d’une âme dont il ignorait tout. Pouvait-on réellement s’éprendre de quelqu’un que l’on a rencontré à une seule reprise ? Cela paraissait invraisemblable. Pourtant, d’étranges sentiments naissaient dans le cœur du jeune homme, plus violents encore lorsqu’il tentait de les réprimer.

    S’approchant de sa monture, il sella prestement Emeres, puis se dirigea à cheval chez son demi-frère, profitant de ce bref voyage pour calmer sa colère.

    — Isidore ? appela-t-il, tentant de garder un ton hostile.

    Le jeune homme entrouvrit la porte de sa sobre maison, surpris de la visite de son rival.

    — Laisse-moi deviner, tu viens pour Héra, suggéra Isidore, moqueur.

    — Ça te pose un problème ? répliqua Vestigem avec son air menaçant habituel.

    — Isidore, qui est-ce ? demanda une voix qu’il reconnut aussitôt.

    — Quelqu’un demande à te voir, répondit son frère avec aisance, s’écartant pour dévoiler son demi-frère aux yeux de la jeune femme.

    Héra marcha avec grâce vers le visiteur, vêtue d’une tunique bleue qui laissait entrevoir la naissance de ses seins.

    — Bonjour, la salua maladroitement son demi-frère, troublé par sa présence.

    — Toi ? fit-elle, méfiante.

    Elle sortit discrètement son poignard, mais l’intrus la devança. Il la plaqua doucement au mur, éloignant l’arme tranchante de son cou. Surprise, elle laissa tomber l’objet qui s’écrasa avec fracas au sol, fascinée par ses yeux couleur d’océan. Alors, Vestigem s’empara des lèvres de sa demi-soeur et l’embrassa avec passion : un geste dont il ne se serait jamais cru capable. Elle commença par se débattre furieusement, puis l’éloigna doucement, prit sa main et l’entraîna dans sa chambre. Il y avait trop de mystères en lui, et elle n’avait qu’une hâte : découvrir ce que renfermait le cœur de cet homme.

    Elle le somma de lui révéler son passé, et de s’expliquer sur la peine qu’elle lisait dans ses yeux bleus. Vestigem lui relata son adhésion à la secte de la « Lune Brisée », l’éclair indélébile, sa rage croissante... L’émotion évidente qu’il affichait lorsqu’il décrivit sa rencontre avec elle la sidéra.

    — Je ne peux pas mettre de mots sur... ça, ajouta-t-il en frôlant d’une main son cœur. J’ignore même si ce cœur a encore une once de bonté ou de bienveillance en lui. Rien n’est certain en ce monde. En moi, autour de moi... Rien... que ta présence.

    Sa conscience l’abandonnant au profit d’un désir naissant, il poussa l’audace jusqu’à lui dérober un autre baiser, plus entreprenant que le premier. Cette fois cependant, elle le repoussa. Son regard perdu le blessa plus qu’il ne pourrait jamais l’admettre.

    — Arrête... Tu ne sais rien, Vestigem. Je suis désolée. Je ne peux rien faire pour toi.

    Le jeune homme remarqua qu’elle retenait ses larmes depuis qu’il l’avait embrassée et ne put s’empêcher de s’interroger sur la raison d’une telle réaction. Elle semblait sincèrement troublée.

    — Pars.

    — Héra...

    Elle ferma les yeux, comme si cette demande exigeait d’elle une grande volonté. Lorsqu’elle les rouvrit, Vestigem fut confronté à un regard si dur et déterminé qu’il s’exécuta avant même qu’elle ait répété son commandement.

    — Pars... Maintenant.

    Il quitta les lieux sans un mot, le cœur battant battant si fort dans sa poitrine qu’il crut qu’il allait exploser, passa devant Isidore sans lui accorder un regard et regagna l’extérieur paisible. Il allait sangler Emeres lorsqu’une douleur atroce au torse lui fit lâcher la sangle. Il tomba à genoux, haletant. La brûlure était telle, qu’il peinait à respirer.

    — Isidore... appela-t-il faiblement.

    À bout de forces, il se laissa choir au sol et perdit connaissance, incapable de résister plus longtemps à cette violente agonie.

    Héra découvrit le corps de Vestigem quelques minutes plus tard, alors qu’elle s’apprêtait à méditer à l’extérieur. Bouleversée, elle s’empressa d’amener le jeune homme dans sa chambre. Elle s’empara d’un bol d’eau, d’une serviette propre et de quelques bandages. Elle commença par humidifier la serviette et l’appliquer sur son front brûlant. Elle défit son chemisier et découvrit avec stupéfaction une profonde entaille ainsi que de multiples hématomes sur son torse. Elle effleura la blessure, craignant pour la vie du jeune homme. Lorsqu’elle passa le tissu humide sur son torse, Vestigem se releva subitement, assailli par une cuisante douleur sur son entaille. Ses yeux affolés cherchaient désespérément un moyen de mettre fin à son supplice.

    — Doucement, lui souffla Héra, penchée sur son visage. Tu es en sécurité, ici.

    Elle déposa un baiser sur son front couvert de sueur, mue par une tendresse nouvelle, ce qui eut pour effet de replonger le jeune homme dans un profond sommeil. L’urgence dans ses yeux bleus lui avait effacé toute colère de son cœur. Après avoir bandé ses blessures, Héra se dévêtit lentement, repensant aux événements pour le moins bouleversants de la journée. Elle entra dans la baignoire, laissant l’eau chaude envelopper chaque parcelle de sa peau, tandis que ses pensées confuses continuaient de la tourmenter.

    4.

    Premier contact

    Héra n’entendit pas Vestigem se lever. Il était encore chancelant mais avait meilleure mine. Lorsqu’elle sortit de l’eau chaude, complètement nue, elle se trouva nez à nez avec lui. Il détourna le regard en sentant ses joues s’enflammer -une sensation qu’il n’avait presque jamais expérimentée et qui le mit encore davantage dans l’embarras. Jamais il n’avait eu affaire à ce genre de situation et il ne sut comment réagir. Son seul réflexe fut de bredouiller d’incompréhensibles excuses. Curieusement, la jeune femme ne broncha pas. Le blessé sentit naître en lui une émotion troublante qu’il n’avait jamais éprouvée jusque là. Réciproquement, Héra brûlait de désir pour cet être étrange et secret, mais se garda de trahir ses sentiments. Isidore, qui avait discrètement assisté à toute la scène afin de s’assurer que sa sœur ne courait aucun danger, s’éclipsa.

    Avec passion, la jeune femme entraîna son protégé sur le matelas, sans vraiment réfléchir à ses actes. N’écoutant que son cœur, Héra céda à un besoin d’affection trop longtemps réprimé. Vestigem sentit tout son être vibrer d’une étrange pulsation. Lorsqu’elle frôla doucement son épaule, le cavalier d’Emeres eut un vif mouvement de recul. Sa sauveuse le dévisagea sans comprendre. Même le plus simple des gestes d’affection semblait l’effrayer. N’avait-il donc jamais connu les joies de l’amour avant d’intégrer la Lune Brisée ?

    Peu à peu, Vestigem se laissa convaincre de sa sincérité. La méfiance qui se lisait perpétuellement dans son regard glacé fut remplacée par le trouble. D’abord maladroit dans ses gestes, il se laissa guider par la manière dont procédait la jeune femme. Puisqu’il n’avait auparavant jamais eu l’occasion de se trouver aussi près d’elle, il prit soin de la détailler. Elle était aussi resplendissante qu’à leur première rencontre, avec sa peau pâle et ses longs cheveux ondulés aux reflets bruns. Cependant, ce qui attira le plus son regard fut ses yeux. Il n’avait jamais vu de couleur aussi particulière. Ses prunelles grises étaient parsemées de teintes plus foncées. Elles lui évoquèrent des éclats de métal. Tout en elle semblait si parfait qu’il crut d’abord à un songe. Son contact lui confirma qu’il ne s’agissait pas d’un rêve.

    Craignant de la blesser, puisqu’on ne lui apprenait que la violence pour assouvir ses désirs, il hésita à s’abandonner à elle. Trop de pensées se bousculaient dans son esprit pour qu’il puisse raisonner. La chaleur du corps de Héra l’enivra, et il cessa de lutter contre les appels de son cœur. Le matelas accueillit avec délire leurs corps entrelacés. Bientôt, leur étreinte se mua en un ballet passionné et hypnotique. Vestigem, assailli par un flot d’émotions aussi incontrôlables et sauvages qu’un brasier, ne s’était jamais senti aussi perdu en plus de vingt années d’existence. Ses gestes tantôt hésitants, tantôt brusques, n’effrayèrent pas la cavalière de Kirya, pour son plus grand soulagement. Bien qu’il ne connaisse rien à l’amour, il sentait qu’il pouvait perdre sa confiance à tout moment. Il comprit la dimension précieuse et fragile de l’instant et réprima toute la colère qui résidait en lui. Amusée par ses expressions changeantes qui traduisaient ses pensées, la jeune femme le combla de caresses jusqu’à ce que son demi-frère demande grâce en riant. En riant... Depuis quand n’avait-il pas ri ? Il fouilla dans ses souvenirs pour trouver la réponse, en vain. Sa vie était devenue un enfer, et lui, un monstre sans nom. Sa faiblesse l’avait conduit à se trouver enrôlé dans une vie dont il ne voulait plus. La puissance et la fierté qu’il avait ressenties à ses débuts à la Lune Brisée n’étaient plus que de lointains souvenirs. Héra déposa un tendre baiser sur les lèvres du jeune homme, brisant le fil de ses pensées, puis le laissa se rhabiller seul. Ressentant son trouble, elle plongea ses yeux métalliques dans le regard bleu de Vestigem, et se rendit compte qu’il pleurait.

    – Pardon... bafouilla celui-ci, tentant de réprimer le tourbillon de nouvelles émotions qui habitaient son cœur.

    – Ne t’excuse jamais pour quelque chose dont tu n’es pas sincèrement désolé. Tu n’aurais jamais agi avec tant de passion si tes actes n’étaient pas guidés par ton cœur.

    – J’ignore ce qui m’as pris... Ce n’était pas mon intention... se défendit maladroitement le jeune homme.

    Héra esquissa un sourire énigmatique, à la fois amusée et intriguée par cet homme qui semblait venu d’un autre monde. Lorsqu’ils sortirent de la chambre, Isidore les attendait dans le salon, un sourire espiègle aux lèvres. Vestigem choisit de ne pas répondre à la provocation de son demi-frère.

    Troublé, il ressentit le besoin de se retrouver seul. Il s’excusa auprès de Héra et la remercia pour les soins qu’elle lui avait prodigué -des remerciements qui ressemblaient davantage à une suite de paroles confuses et indéchiffrables- puis partit précipitamment.

    – Eh bien, il est vraiment particulier... remarqua Isidore une fois qu’il eut quitté la pièce.

    – Il ne ressemble à aucun autre homme que j’aie connu jusqu’ici, apprécia sa sœur. Et puis, c’est le seul qui m’aie tenu tête lors de notre rencontre à la forêt.

    – Jamais je n’aurais imaginé qu’il finisse un jour entre tes bras.

    – Tu le connais ? s’étonna Héra.

    Une lueur étrange passa dans les yeux gris de son frère -sombre, et... teintée de regret- puis ils retrouvèrent l’étincelle espiègle qu’ils arboraient d’ordinaire.

    – Est-ce que tu as usé de ton formidable pouvoir de séduction pour le faire succomber ? la taquina-t-il, ignorant sa question.

    – Tais-toi ou je ferai en sorte que tes railleries ne sortent jamais plus de ta bouche ! le menaça gentiment sa sœur.

    5.

    La capture

    Vestigem s’était étalé sur l’herbe en chemin, Emeres broutant non loin de lui. Il fixait le ciel sans nuage, laissant défiler ses pensées. Des bribes d’images de leur instant d’intimité lui revenaient en mémoire, se mêlant aux souvenirs douloureux de son adhésion à la Lune Brisée. Les pensées troubles, le jeune homme s’endormit, se laissant bercer par le chant des oiseaux. Ce fut une curieuse sensation de frottement sur sa joue qui le réveilla. Lorsqu’il ouvrit les yeux, le magnifique visage de Héra le contemplait, souriant.

    — Bonjour, Vestigem.

    Elle déposa un baiser sur ses lèvres, achevant de le tirer de son sommeil.

    — Quelle est cette sensation de chaleur qui m’envahit ? questionna-t-il, inquiet.

    D’abord surprise par cette question anodine, la jeune femme se rappela alors qu’il semblait ne pas connaître les coutumes et sensations de la vie quotidienne. Qui était-il donc... ? Elle décida néanmoins de répondre à son interrogation, amusée par son manque de connaissance.

    — Tu rougis. C’est ce qui arrive lorsqu’on est gêné, timide ou amoureux. Dans ton cas... je dirais amoureux.

    — Je dois te paraître idiot, à ne rien connaître de toutes ces choses, s’embarrassa Vestigem.

    — C’est tout à fait normal, pour toi.

    — M’apprendras-tu les choses de la vie ?

    — Tout ce que tu voudras, promit la jeune femme.

    — Tu es la plus merveilleuse personne que j’aie jamais connue, Héra.

    Cette fois-ci, ce fut Vestigem qui l’embrassa spontanément.

    — Comment vont tes blessures ?

    — Eh bien, je ne sens presque plus rien, assura-t-il. Je t’en remercie.

    Elle lui sourit et se laissa tomber dans l’herbe chaude de l’été. Vestigem l’imita, empli d’une nouvelle joie de vivre. Ils entrelacèrent leurs doigts, savourant la douceur de l’air frais pendant de longues minutes. Son protégé lui proposa alors une balade à cheval, comme son demi-frère le lui avait conseillé. La jeune femme accepta avec enthousiasme, au grand bonheur de son compagnon. Il fallut quelques minutes pour convaincre Emeres d’accueillir Héra sur son dos, mais la jeune femme se montra fort convaincante. Une fois en selle, Vestigem commanda à sa monture de se diriger vers les grandes forêts des terres du sud.

    — Prête pour un galop ? demanda-t-il, les yeux emplis de défi.

    — Quand tu veux, déclara sa compagne.

    L’animal accéléra l’allure. Ils galopèrent ainsi pendant plus d’une heure. Tout à coup, l’étalon fit un brusque écart que Vestigem ne comprit pas tout de suite. Ce fut Héra qui remarqua un léger bruissement, puis une flèche pointée sur eux. Le jeune cavalier la vit à temps et hurla à sa protégée de se coucher à terre. La flèche rasa Emeres et vint se loger dans l’épaule de son cavalier. Puissante, précise, savamment calculée. Le compagnon de Héra sentit ses forces le quitter, même s’il savait que ce coup n’était pas mortel.

    — Non ! hurla Héra, furieuse.

    Bouillante de rage, elle se releva, saisit les rênes d’Emeres et grimpa en selle, maintenant le jeune homme contre elle pour l’empêcher de tomber.

    — Montrez-vous, lâches ! fulmina-t-elle.

    À moitié conscient, Vestigem vit Kesler sortir de l’ombre, le regard dur. Des larmes amères se mirent à couler sur les joues du demi-frère d’Isidore. Une seule question flottait dans son esprit. « Pourquoi ? » Pourquoi lui ? Soudain, en quelques secondes, tous les souvenirs de son ami resurgirent. Leur rencontre, les moments passés ensemble, sa voix l’empêchant de sombrer dans le désespoir. Désormais, tout cela était terminé. Il l’avait trahi...

    « Mais à quoi t’attendais-tu ? » se reprocha-t-il, empli d’amertume. Après tout, la trahison était la seule façon de se maintenir vivant, au sein de la Lune Brisée. Combien d’amitiés avaient été détruites au nom de la survie ? Combien d’âmes égoïstes avaient lâchement dénoncé leurs amis dans le but d’obtenir les faveurs -ou du moins, un semblant d’estime- du chef ? Il ne les comptait même plus. Mais savoir que Kesler faisait partie de ces gens-là... Sa trahison était plus douloureuse encore qu’un coup de poignard.

    Héra remarqua soudain l’éclair gravé sous l’œil gauche de l’inconnu, semblable à celui de son demi-frère. Ayant relâché sa vigilance, elle ne vit pas les partenaires de Kesler l’approcher par-derrière. Deux bras la saisirent violemment et la plaquèrent au sol. Elle se débattit furieusement, puis se calma graduellement afin d’analyser la situation. Paniquer ne lui serait d’aucune utilité, et elle devait garder la tête froide. Alors qu’elle réfléchissait à un moyen de contre-attaquer, elle vit avec horreur Kesler s’emparer du corps de son protégé. Étrangement, il n’emporta pas sa monture. Ce que Héra ignorait encore, c’est que son demi-frère avait pu, dans un dernier souffle, demander à Emeres de la ramener chez Isidore au plus vite. S’assurant qu’elle ne pouvait plus les rattraper, Kesler commanda aux deux hommes de revenir au camp.

    Emeres se baissa prestement, facilitant l’accès de la jeune femme sur son dos. Elle comprit alors ce que Vestigem avait tenté de faire et se mit en selle. L’étalon s’élança au galop.

    6.

    Prisonnier

    Lorsque Vestigem reprit connaissance, il se trouvait dans un espace qu’il connaissait bien : c’était la cellule dans laquelle on l’avait enfermé après l’avoir capturé pour en faire un membre de l’organisation. Sa nature sauvage l’avait poussé à se débattre jusqu’à l’épuisement. De douloureux souvenirs lui revinrent en mémoire, et il secoua faiblement la tête pour les chasser. Sa blessure le lançait et l’empêchait d’avoir les idées claires. Il n’eut pas le temps de penser davantage : Kesler entrait dans sa prison, un sourire moqueur aux lèvres, mais Vestigem était trop affaibli pour réagir.

    — Il semblerait que j’excelle aux devinettes, lança le traître. Une femme... Ravissante, si tu veux mon avis. Tout à fait à mon goût. Vestigem garda le silence, se contentant de le fixer durement. L’amertume lui noua la gorge, tandis qu’une irrépressible étincelle haineuse éclaira son regard. Jamais il ne pourrait lui pardonner pareille trahison, même s’il était inutile de se leurrer quant à la fragilité de leur amitié. Et cependant, il ne parvenait pas à chasser la tristesse en lui chaque fois qu’il posait les yeux sur lui. Tristesse. « Oui... Quelle tristesse que tu te sois abaissé à cela... »

    Mais il n’osa pas formuler ce regret tout haut. Après tout, il se tenait devant lui, libre et armé, tandis qu’il était prisonnier de ses caprices et désirs, sans moyen de se défendre. Et l’imprudence n’était pas la meilleure tactique, surtout au sein de la Lune Brisée. Il renonça donc à l’idée de lui faire connaître le fond de sa pensée et se contenta de garder le silence.

    — Tu n’as besoin de personne. L’amour est un signe de faiblesse, ne l’as-tu pas encore compris ? jeta son geôlier en le toisant avec mépris.

    Le prisonnier lui lança un regard noir, mais ne fit rien. De toute manière, ses liens ne lui permettaient aucun mouvement. Kesler s’approcha de lui et défit sa chemise dans l’intention de le châtier pour sa désobéissance.

    — Un présent de la jeune demoiselle, je présume ? comprit le traître en découvrant son torse.

    Il arracha les bandages soigneusement appliqués par Héra, d’un geste sec de la main. Le pauvre homme retint un hurlement de douleur. Le traître saisit son poignard et traça de sa lame affinée une longue entaille sur son torse endolori. Ses anciennes blessures se remirent à saigner. Le prisonnier serra les dents, impuissant.

    — Pourquoi... ? articula Vestigem.

    — Tu ne mérites même pas que je te réponde, répliqua durement le jeune homme.

    Kesler repartit sans un mot de plus, une lueur de cruauté flottant dans ses yeux bruns. Le prisonnier tenta de forcer ses liens dans un dernier élan d’espoir, sans succès. Assailli par l’atroce brûlure de ses plaies à vif, Vestigem perdit connaissance après avoir murmuré, d’une voix inaudible et dans un souffle désespéré, le nom de Héra.

    7.

    L’amour d’un frère

    Isidore se trouvait dans l’écurie et pansait Uria lorsqu’il vit sa sœur arriver au galop. Elle descendit prestement de l’étalon et le fit entrer dans la stalle... un peu trop précipitamment pour que son geste ne trahisse pas son affolement.

    — Emeres ? fit Isidore, visiblement surpris.

    – Vestigem a été enlevé, s’exclama Héra, haletante.

    – Par un des membres de l’organisation ?

    –J’en ai la conviction, oui. S’il ne m’avait pas poussée à terre, j’aurais été transpercée par une flèche.

    Parce qu’il savait que cette flèche t’était destinée. Ce n’était pas lui qu’ils cherchaient, c’était toi.

    Une lueur surprise flotta un instant dans le regard de la jeune femme. Pourquoi une secte dont elle ignorait tout en voudrait-elle à sa vie ? Cela n’avait aucun sens...

    – Peu importe, il faut se rendre à leur camp.

    – Tu n’y penses même pas, la prévint Isidore.

    – Je suis sérieuse.

    – Non ! s’opposa durement son frère, qui ne voulait pas la voir périr inutilement, connaissant la dangerosité de sa quête.

    Il saisit sa sœur par le bras et plongea ses yeux métalliques dans les siens.

    – Héra, dit-il en se radoucissant. Je refuse de te laisser partir et prendre le risque de ne plus de revoir.

    – Tu n’as qu’à venir avec moi, si c’est ta seule préoccupation.

    – Je ne peux pas. J’ai... des comptes à régler avec lui.

    – Je t’en prie, oublie un peu ta rancune envers lui !

    – Tu m’en demandes trop, refusa Isidore.

    – Tu n’es qu’un égoïste ! s’emporta sa sœur.

    – Tu ne sais pas ce qu’il...

    Isidore reçut une gifle au visage avant même d’avoir terminé sa phrase. Habituellement, ce genre de dispute l’aurait amusé, mais il s’agissait là d’une affaire importante.

    – Peut-être que lorsqu’il sera mort, tu changeras d’avis, hoqueta Héra, amère.

    – Il ne mourra pas. Il sait se battre pour se maintenir en vie. Crois-moi, je l’ai déjà vu à l’œuvre.

    Ses paroles redonnèrent un peu de courage à la jeune femme.

    – Très bien, décida-t-elle, j’irai avec Sacha et les autres.

    – Héra, je suis sérieux. Sois prudente.

    Il l’embrassa tendrement sur le front, sachant

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